Golden chicken, c’est d’abord une affiche reconnaissable entre toutes et qui déclare la vulgarité du film de Samson Chiu. On y voit une poupée gonflable aux cheveux orange sur un fond doré. La poupée a une bouche très largement ouverte, les yeux écarquillés. On reconnaît le visage si particulier de Sandra Ng, qui sera cette poupée, cette prostituée en or que le film nous annonce.
Ce film marque l’heure de gloire de l’actrice. Elle n’était jamais allé aussi loin dans l’art de la dérision et exprime toute l’envergure comique que peut donner Sandra Ng. Golden Chicken a été produit par son mari Peter Chan Ho-sun. Pour mettre en valeur au maximum sa femme et actrice, tout le gratin artistique de l’industrie technique a été réuni pour faire de Golden chicken un joyau du cinéma cantonais : Peter Kam à la musique, Dora Ng aux costumes, Cheung Ka-fai au montage. L’idée première du film est de déployer le génie de Sandra Ng dans une saga sur les 25 dernières années avec comme point de vue celui d’une prostituée.
Le récit est formé de saynètes qu’a vécu Kum et qu’elle raconte à un homme qu’elle ne connaît (Eric Tsang, un de ses vieux amis). Ils sont tous les deux coincés dans le local exigu d’une banque. Un orage a coupé l’électricité et les empêche de sortir. L’homme, qui voulait lui voler son argent, est déprimé. Elle va lui raconter sa vie qui selon elle est drôle. Eric Tsang a un peu de mal à croire que Sandra puisse être une pute. Son visage ingrat, loin des canons de beauté, ne peut pas facilement lui donner des clients.
Ainsi commence le récit de la vie de Kum qui commençait à quinze ans à se faire peloter par les hommes. Mais dans le noir, car son acné et ses grosses lunettes ne la mettaient pas en valeur. Très vite, elle se fait engager dans un club aux dorures kitschissimes. Là, elle ne pet que jouer les attractions face aux autres filles toutes de beauté classique. Qu’à cela ne tienne, elle fera rire les clients en imitant Jackie Chan et son kung-fu. Cela fera sa réputation. La vie continue, elle rencontre un homme qui la met enceinte. Elle décidera d’abandonner son bébé et les aléas de la vie ne seront pas toujours favorables à notre héroïne. Loin s’en faut.
Golden chicken raconte l’histoire de Hong Kong à travers ses événements les plus marquants : le crack boursier, l’angoisse devant le répression de Tien An Men (depuis Samson Chiu a retourné sa veste avec Mister Cinema), la peur de la rétrocession et son cortège de départs vers l’Australie, le SRAS et d’autres choses encore. On voit aussi parfois sur la télé les stars de l’époque : Jackie Chan, Chow Yun-fat, Maggie Cheung, Tony Leung Chiu-wai.
Mais c’est Sandra Ng qui fait le spectacle. Tout le film est porté par une énergie démesurée qui est plus que communicative. La première heure est du pur ressort comique où elle utilise a mieux son rire rauque et son sourire enfantin. Elle change de fringues à chaque scène, et chaque vêtement est plus kitsch que le précédent. On atteint un loufoque de situations parmi les plus intéressants car ni elle, ni Samson Chiu et Peter Can Ho-sun n’ont peur du ridicule. Et c’est cela qui fait la force de Golden chicken, c’est cette liberté d’aller tout plus fort que qu’on attend. Quand l’an dernier, Chiu a fait son Mister Cinema sur une idée analogue (le cinéma de Anthony Wong remplaçant la prostitution de Sandra Ng), il n’ira pas aussi loin. De plus, Sandra Ng est entourée d’excellents acteurs : Chapman To dans le rôle du proxénète au mauvais goût vestimentaire certain, Andy Lau dans le rôle d’Andy Lau, Tony Leung Ka-fai en professeur libidineux et Hu Jun dans un personnage énigmatique qui fera basculer dans le film dans un univers moins amusant.
Car si Kum la prostituée peut donner des conseils de sexualité aux spectateurs, elle s’avère elle-même totalement incapable d’atteindre un épanouissement sexuel ou même amoureux. Elle tombe ainsi amoureuse de ce personnage aux multiples cicatrices, qui n’a pas de nom, pas d’identité et la fait sombrer dans une étrange mélancolie non dénuée de joie. Mine de rien, le film bascule dans un sentiment d’immense tristesse. Un très beau film encore inédit en France. Le film se termine par une reprise déjantée de Mon beau sapin, en cantonais, par Sandra Ng, Eric Tsang et Chapman To. Un délice.
Golden chicken (金鸡, Hong Kong, 2002) Un film de Samson Chiu avec Sandra Ng, Eric Tsang, Hu Jun, Tony Leung Ka-fai, Chapman To, Alfred Cheung. Krystal Tin, Tiffany Lee, Irene Tsui, Wong Yap-wa, Eason Chan, Andy Lau.
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