jeudi 31 janvier 2013

The Attractive one


Patron d’un restaurant, Hugo (Lau Ching-wan) – que les autres personnages nomment Hugo Boss, évidemment – a un gros souci qui embête beaucoup sa maman : il est célibataire alors qu’il a déjà dépassé la trentaine. Quand on est riche comme lui et finalement séduisant, c’est qu’il y a un vrai problème. En vérité, son seul problème est qu’il n’a jamais trouvé personne et qu’il semble avoir mauvais caractère. Mais après un long voyage, il tombe sur une petite bonne femme prénommée Yammie (Joey Yung), qui s’est incrustée sur la terrasse du restaurant où des commerçants peuvent vendre leur camelote. Le lieu, kitsch à souhait, à base de dessins enfantins témoignant de l’esprit sympathique du propriétaire, sera l’unique décor de The Attractive one.

Yammie est nettoyeuse de chien et ça tombe bien, Hugo a un chien. Sous le regard de Butt (Chapman To), le complice de Hugo et un peu son homme à tout faire dans ses affaires, on comprend que ces deux là vont bientôt tomber amoureux. Butt va tout faire pour qu’ils se rapprochent mais Yammie comme Hugo sont des gros timides incapables de comprendre ce qui leur arrive. Pour corser le tout, Yammie a encore le béguin pour Tim (Gu Zong-chao), jeune homme bien propre sur lui. Hugo, le cœur sur la main, va aider Yammie à reconquérir ce garçon insipide au grand dam de Butt. Bien entendu, Tim se révélera un goujat. Il faut ajouter ici que quand Yammie est contrariée, une fine moustache se met à pousser sous son nez. Ça n’est même pas drôle.

Le scénario cousu de fil blanc se déroule en trois actes : la découverte de l’un et de l’autre, la complicité qui s’établit entre eux, le déchirement amoureux qui voit leur rupture consommé. Et évidemment un finale enrobé à la sauce guimauve. Yammie était amoureuse de Tim parce qu’il l’avait sauvé d’une noyade. Hugo reproduira cette action et Yammie s’intéressera à lui. Ils iront manger au restaurant. Là, c’est autour d’une serviette qu’ils prendront conscience qu’ils peuvent s’aimer. Cette serviette est la même que celle que Tim avait utilisé pour s’essuyer mais Hugo la prendra pour consoler Yammie. Et puis la scène de karaoké qui révèle leurs sentiments. Il faudra cependant que la mère ultra possessive de Hugo (Lee Fung) viennent raisonner son fiston pour qu’il retrouve Yammie.

Le vrai problème de The Attractive one est que rien ne fonctionne. L’actrice principale Joey Yung a beau minauder, elle n’a aucun charisme. Le personnage de Lau Ching-wan a bien raison de résister si longtemps mais on ne comprend pas pourquoi il tombe amoureux d’elle. D’ailleurs, l’acteur a l’air de s’ennuyer fermement. Il fait le minimum syndical dans son jeu habituel de bougon et séduit beaucoup moins que dans son personnage de Itchy heart du même Matt Chow. Parce que le film se traine en longueur, les scénaristes ont cru bon d’ajouter une romance entre Butt et YY Mak (Yumiko Cheng), la vigile pas commode du restau. Chapman To, comme son compère, essaie de rendre distrayante cette histoire, de provoquer quelques gags avec ses mimiques. En vain. Seule la courte apparition de Charlene Choi (qui aurait été parfaite dans le rôle principal) en chauffeur de taxi détend l’atmosphère. Un film navrant qui semble ne jamais se terminer.

The Attractive one (身驕肉貴, Hong Kong, 2004) Un film de Matt Chow avec Lau Ching-wan, Joey Yung, Chapman To, Yumiko Cheng, Gu Zong-chao, Sophie Wong, Wang Yi-yi, Lee Fung, Hayama Hiro, Hyper BB, Charlene Choi, Luk Ho-ming, Courtney Wu.

lundi 28 janvier 2013

Le Dernier rempart


Avant le Stoker de Park Chan-wook, avant Le Transperceneige de Bong Joon-host prévus en 2013, Kim Jee-woon est le premier des cinéastes coréens les plus connus à avoir tourné un film à Hollywood. L’argument massue du Dernier rempart est d’offrir aux spectateurs le film du retour d’Arnold Schwarzenegger dans un premier rôle. L’arrivée de ces trois cinéastes aux Etats-Unis pour réaliser des films avec des stars (Nicole Kidman pour Park Chan-wook et Chris Evans pour Bong Joon-ho) rappelle bien évidemment la triste carrière qu’ont pu avoir les hongkongais John Woo, Tsui Hark, Ringo Lam, Kirk Wong qui avaient été cantonnés dans les films d’action avec Jean-Claude Van Damme comme examen d’entrée. La différence est celle de l’âge de l’acteur, 65 ans au compteur.

Schwarzy incarne Ray Owens le shérif du comté de Sommerton, bled paumé de l’Arizona. Le week-end où se joue l’action du Dernier rempart, la ville se vide de ses habitants tous allés soutenir leur équipe de sport locale lors d’un match en extérieur. Cette idée scénaristique permet de faire du décor un no man’s land où rien ne doit se passer. Le shérif a d’ailleurs pris un congé et laissé les clés de la prison à ses adjoints : Jerry (Zach Gilford) qui ne rêve que d’action, Figuerola (Luis Guzmán) qui ne rêve que de tranquillité et Sarah (Jaimie Alexander) qui surveille son ex petit ami Frank (Rodrigo Santoro), ancien Marine qui a mal tourné et qui se retrouve en taule. Les seuls habitants de Sommerton qui sont encore là sont quelques vieux et les serveuses du restaurant. Et également Lewis Dinkum (Johnny Knoxville) un fou d’armes à feu et un peu taré sur les bords, qui apprend à Jerry et Figuerola le maniement d’un gros flingue.

Le calme va être de courte durée. A Las Vegas, le FBI procède au transfert de Gabriel Cortez (Eduardo Noriega), un caïd de la drogue. Ses hommes de main parviennent à le faire s’échapper grâce à un énorme aimant qu’ils placent sur la voiture. Cortez s’enfuit à bord d’un puissante voiture et part à toute vitesse vers Sommerton où d’autres de ses hommes construisent un pont mobile pour qu’il puisse traverser un canyon et franchir la frontière mexicaine. Le chef du FBI, l’agent Bannister (Forest Whitaker) va mettre des barrages sur les routes mais chaque fois les malfrats les détruisent avec des gros camions et tuent tous les flics. Le film donnera son lot de tôles froissées (des dizaines de voitures sont cassées) et de chargeurs de révolvers vidés (des dizaines de flics meurent sous les balles). Les scènes d’action sont très empesées, mal ficelées, visuellement laides, souvent filmées en plongée, avec parfois de longs travellings.

L’ambition de Kim Jee-woon n’est pas de renouveler le film d’action mais au contraire d’en produire un comme « au bon vieux temps » avec d’un côté les gentils, c’est-à-dire les flics qui s’entraident, qui font preuve de compassion les uns pour les autres et de l’autre côté, les impitoyables trafiquants de drogue aux rires sardoniques. Ces derniers sont certains de gagner. Le spectateur sait qu’ils vont tous crever. L’une des idées du film est de faire se dérouler le récit sur une seule journée, les heures s’affichant sur l’écran. Le décor vide servira à l’affrontement final où des barricades seront construites. Comme il se doit, Ray Owens aura l’honneur de finir le combat : poursuite en voitures dans un champ où les deux adversaires (lui et Cortez) doivent deviner où l’autre se trouve puis baston à mains nues sur le pont mobile. Dans les deux cas, la mollesse l’emporte alors que l’ambition du film est de jouer sur la vitesse.

Derrière le film d’action voulu en mode classique, deux thèmes se dégagent. L’un est la méfiance envers l’étranger. Cortez et ses hommes envahissent la sympathique bourgade. Ray Owens doit protéger les habitants comme un bon père de famille qui ne supporte pas être dérangé par ces « étrangers » au village, que ce soit les malfrats comme le FBI. Le village est montrée comme un microcosme solidaire y compris pour ses habitants les moins engageants, comme le fermier interprété par Harry Dean Stanton. L’autre montre l’incompétence des forces de l’ordre, thème récurrent du cinéma coréen. Les adjoints de Ray Owens font preuve d’immaturité (le coup de flingue dans le nez de Jerry), d’imprudence (Sarah et Jerry foncent dans le tas sans préparation) ou d’insolence (le FBI pense que Ray Owens n’est qu’un plouc). Comme d'habitude dans le cinéma très surestimé de Kim Jee-woon, tout cela est montré avec une telle lourdeur (et Le Dernier rempart n’est pas autre chose qu’un film lourdingue au possible) qu’on se demande comment Schwarzy et ses potes ont pu vaincre d’aussi affreux vilains.

Le Dernier rempart (The Last stand, Etats-Unis, 2012) Un film de Kim Jee-woon avec Arnold Schwarzenegger, Johnny Knoxville, Forest Whitaker, Eduardo Noriega, Peter Stormare, Jaimie Alexander, Rodrigo Santoro, Luis Guzmán, Zach Gilford, Génesis Rodríguez, Daniel Henney, Tait Fletcher, John Patrick Amedori, Harry Dean Stanton, Titos Menchaca.

vendredi 25 janvier 2013

Driving Miss Wealthy


Ancien flic, Jack Chen (Lau Ching-wan) fait maintenant des petits boulots y compris “figurant” suspect derrière une vitre sans teint où les témoins le désignent comme le criminel. Puis, son ancien patron (Hui Siu-hung) l’encourage à se présenter auprès de Monsieur Feng (Chow Chung) homme d’affaires multimillionnaire pour un poste de garde de corps. L’entretien d’embauche s’avère être un test où les nerfs des candidats sont mis à l’épreuve du stress : alors qu’ils enfilent des perles, une secrétaire sexy fait tomber ses papiers puis un agent de nettoyage s’évanouit. C’est bien entendu Jack qui convainc ses futurs employeurs. Mais alors qu’il croyait devenir le garde du corps du vieux M. Feng, c’est sa fille qu’il devra surveiller.

Jennifer Feng (Gigi Leung) bien qu’adulte est une enfant pourrie gâtée. Totalement immature, elle dépense sans compter l’argent que son gentil papa met à sa disposition. Chaque jour, elle va chez le coiffeur parce qu’elle en est amoureuse mais ce dernier n’est pas intéressé. Ainsi dans la première partie de Driving Miss Wealthy, Jennifer change à chaque scène de coiffure. Toutes sont ridicules mais on retiendra surtout la coupe afro dont elle s’affuble et des dreadlocks que portera Jack Chen. Les amies de Jennifer profite de ses largesses : elles sont font offrir des fringues, elles encaissent les mises en trichant au mahjong. Bref, la jeune femme est une bonne poire et son père a décidé de remédier à tout cela car il se fait vieux et souhaite que son héritière soit plus responsable.

Pour la guider sans éveiller les soupçons, Jack Chen se fait passer pour un domestique Philippin et se fait appeler Mario. Ce qui implique pour Lau Ching-wan de parler avec un accent et de s’exprimer dans un langage rudimentaire, comme s’il ne connaissait pas bien le cantonais. L’acteur parvient à faire rire grâce à cette élocution enfantine bien qu’un peu raciste. De cette manière, il peut mieux coller au caractère puéril de Jennifer. Homme à tout faire, il subira les caprices de la jeune femme, il se rendra compte de son irresponsabilité et de son ignorance des règles les plus élémentaires de la vie de tous les jours. Ainsi, elle ne distingue pas la droite de la gauche, elle ne sait pas faire à manger et s’étonne de voir des gens pauvres.

Par un subterfuge, Pamela (Gao Yuan), l’assistante de M. Feng, fait croire qu’elle a pris le pouvoir dans l’entreprise après un faux arrête cardiaque du patron. Jennifer doit désormais loger dans le premier appartement de son père situé dans un quartier très populaire. La rééducation commence dans cette partie. Elle est désormais confrontée à un problème simple : trouver de l’argent pour vivre. Mais elle va aussi faire face au voisinage dont les membres sont tous interprétés par Jim Chim : le petit mafieux aux tics nerveux (remuer sa jambe), le coiffeur qui crache, une vieille dame qui collecte des cartons, un flic peu avenant, un vendeur de contrefaçons. Jim Chim en fait bien entendu des tonnes, exagère ses courtes apparitions et joue sur les clichés caractéristiques. Au final, lui aussi parvient à faire rire.

La troisième et dernière partie de Driving Miss Wealthy se concentre sur la résolution du récit. Jennifer réussit dans les affaires par elle-même en vendant des produits de beauté aux bonnes philippines. Elle parvient à surmonter les embuches de la vie. Une romance se dessine évidemment entre elle et Mario/Jack Chen. Seulement voilà, ce dernier a menti sur toute la ligne à la jeune femme. Si le scénario réserve encore quelques scènes amusantes comme cette réception où les deux personnages se déguisent, le finale se fait un peu plus mièvre. Tout le monde rentrera dans le droit chemin, la vérité sera rétablie, Jennifer sera une vraie femme responsable et Jack deviendra son mari. Ce qu’on retiendra surtout est le jeu énergique de Lau Ching-wan et Gigi Leung moteur de cette sympathique comédie.

Driving Miss Wealthy (絕世好賓, Hong Kong, 2003) Un film de James Yuen avec Lau Ching-wan, Gigi Leung, Hui Siu-hung, Tats Lau, May Law, Sophie Wong, Jim Chim, Chow Chung, Jamie Luk, William Duen, Gao Yuan, Henry Fong, Poon An-ying, Johnny Lu, Albert Mak.

mercredi 23 janvier 2013

Beautiful 2012


Beautiful 2012 est une compilation de quatre courts-métrages d’une durée de 17 à 25 minutes produits par le Festival de Hong Kong et disponibles en visionnement libre sur divers sites dont youku.com (et aussi vimeo et youtube). Débutant avec le film de la hongkongaise Ann Hui, se poursuivant avec celui du chinois Gu Changwei, enchaînant avec la participation du taïwanais Tsai Ming-liang et se terminant avec le coréen Kim Tae-yong, chaque film, on l’imagine illustre une beauté physique, du cœur ou de son âme. Ce qui est certain est que les quatre films sont tous très différents dans leur qualité formelle et dans leur ambition narrative.

Les deux films les moins intéressants sont Long Tou et You are more than beautiful. Ce dernier est le récit tendre et joyeux d’un jeune homme qui engage une prostituée pour l’accompagner au chevet de son père malade. Tourné dans la campagne coréenne et en parlant la langue, la première partie voit les deux personnages discuter dans l’automobile. Le garçon est taciturne, elle au contraire parle beaucoup. Ils font une halte dans le hara de son père où elle cherche à le divertir. Elle doit passer pour sa fiancée auprès du père mais le jeune homme fait peu d’efforts. Ils prennent des photos (la preuve de leur union) et partent à l’hôpital où le père est en train de mourir. Leur subterfuge n’a pas lieu de se poursuivre mais elle décide de rester, de lui chanter un air d’opéra coréen. Le film est à la fois correct et banal. Il se regarde comme un gentil petit film pourtant un peu trop long. La beauté est ici donc celle du cœur, celle de cette prostituée qui va donner un peu de sa beauté à ce jeune homme qui règle ses comptes avec son père.

Long Tou commence sur l’autoroute où un homme traine derrière lui un long fil où sont accrochés des bidons de plastic. A ses risques et périls, il traverse les voies sans se soucier des automobiles. Puis, on passe dans un café littéraire où trois écrivains dans leurs propres rôles discutent. Un quatrième homme arrive, l’air triste, il s’assoit. La télévision allumée sur les infos diffuse soudain des images en noir et blanc de cet homme. Le film est confus et, pour tout dire, relativement prétentieux. J’imagine qu’il parle de la solitude des êtres mais je n’en suis même pas certain.

My way étonne dès son ouverture quand on découvre Francis Ng en femme. L’acteur incarne un homme marié et père d’un adolescent qui décide un beau jour d’assumer sa transexualité. On le découvre parcourant les rues, aller au travail où ses collègues ne semblent pas remarquer son changement puis rentrer chez lui où il s’engueule avec son épouse tandis que le fils écoute. Il va rencontrer trois transexuels qui lui donnent des conseils pour l’opération qu’il va faire pour changer de sexe. Le film d’Ann Hui explore avec douceur, comme à son habitude, un univers inédit dans le cinéma hongkongais, tout du moins sur un mode non comique. La cinéaste envisage tous les enjeux de la problématique, sociaux, familiaux et culturels. Aucun voyeurisme mais au contraire une tendresse pour son personnage.

Tsai Ming-liang poursuit dans Walker son obsession du plan séquence qu’il pousse jusqu’à ses derniers retranchements. Lee Kang-sheng incarne un moine, tête baissée tenant un hamburger et un sac dans ses mains. Vêtue d’une toge rouge vif et pieds nus, il parcourt les rues de Hong Kong dans un rythme extrêmement lent. Parfois en gros plan devant une immense publicité pour les sous-vêtements avec Aaron Kwok, parfois en plan très large, le moine est souvent regardé par les passants étonnés. Sans parole, ni musique sauf une chanson de Sam Hui dans le dernier plan et le générique final, le film se promène avec lenteur dans les lieux les plus connus du cinéma hongkongais que l’on connait tous mais que l’on voit d’habitude très rapidement au gré des course-poursuites des films cantonais. Tsai Ming-liang clame son admiration à ce cinéma si éloigné du sien mais pour lequel il éprouve une fascination.

Beautiful 2012 (美好2012, Hong Kong, 2012) Quatre courts-métrages produits par la Hong Kong International Film Festival Society. My way (我的路) Un film d’Ann Hui avec Francis Ng, Jade Leung, Chan Lai-wan, Leung Wing-yan, Wong Yan-kam, Lee Kin-wing, Li Ka-wan. Long Tou (龍頭) Un film de Gu Changwei avec Yan Lianke, Yang Weiwei, Fang Fang. Walker (行者)  Un film de Tsai Ming-liang avec Lee Kang-sheng. You are more than beautiful (你何止美) Un film de Kim Tae-yong avec Kong Hyo-jin, Park Hee-soon.

dimanche 20 janvier 2013

L'Ivresse de l'argent


Pour ne pas faire mentir son titre, L’Ivresse de l’argent s’ouvre sur un plan d’un énorme tas d’argent dans un coffre-fort où un jeune homme au visage innocent et habillé avec un beau costume trois pièces parfaitement ajusté met, dans une grosse valise, un grand nombre de liasse de billets de banques. On ignore s’il s’agit d’un casse, à qui appartient tout ce pognon et à qui il est destiné. Puis, une voix, celle de Monsieur Yoon (Baek Yoon-sik) lui suggère de se mettre quelques billets dans la poche car personne ne s’en apercevra. Joo Yeong-jak (Kim Kang-woo), le jeune homme en question, hésite, prend une liasse, puis la repose, referme la valise bourrée à craquer et quitte le coffre fort avec son patron. L’argent qui corrompt et rend fou ses personnages est la thématique principale du film. C’est aussi un sujet rebattu sur lequel Im Sang-soo n’apporte rien de bien neuf.

Le vrai sujet de L’Ivresse de l’argent ce sont les rapports entre les patrons et les employés, sujet déjà abordé dans The Housemaid, son film précédent avec comme source principale d’inspiration La Servante de Kim Ki-young (on voit des extraits des deux films lors de séances de home cinéma que la riche famille organise chez elle). La très belle idée du film est de prendre le point de vue de Joo Yeong-jak, objet de toutes les passions, fantasmes et jalousies des autres personnages. Le jeune homme à tout faire est filmé de la tête aux pieds, c’est à la fois un corps neutre, lisse et réduit au silence qui observe cette famille décadente dans la même posture que le spectateur replaçant les pièces du puzzle scénaristique puis, au fur et à mesure de sa compréhension et de son implication, un corps agissant et sexuel.

Porte valise de Monsieur Yoon, il va devenir petit à petit son homme de confiance au grand dam du reste de la famille avec laquelle Yoon est en guerre. Il aimerait en faire l’héritier de l’empire. Yoon s’est marié avec Madame Baek (Yoon Yeo-jeong), héritière d’une empire industriel (on ne saura jamais de quelle branche il s’agit, mais ça n’a aucune importance), femme autoritaire, sèche et irascible. Quand l’épouse qui surveille son mari avec des caméras apprend qu’il couche avec Eva (Maui Taylor), la bonne philippine, elle décide d’abuser physiquement de Joo Yeong-jak dans une scène de sexe qui s’apparente quasiment à un viol. Elle lui enlève la chemise dans le salon, lui proteste et résiste, puis ils finissent dans la chambre. Se sentant pousser des ailes et surtout désiré, Yeong-jak entreprend alors une liaison avec Na-mi (Kim Hyo-jin), la fille de ses patrons ce qui n’est pas du goût de Cheol (On Joo-wan), le frère de la famille censé devenir le futur patron.

Ce frère est le canard boiteux de la famille. Allié avec Robert (Darcy Paquet, par ailleurs spécialiste du cinéma coréen) un homme d’affaires américain douteux, il finit régulièrement en prison pour affaires louches. Les deux hommes entretiennent des rapports étranges de fraternité crypto-gay : ils couchent avec des prostituées tout en se quittant pas des yeux pendant le coït. Robert est l’éminence grise de Cheol. Ce dernier fera tout pour éliminer Yeong-jak en révélant ses amours clandestines avec sa mère et sa sœur à Monsieur Yoon. Dans une scène magnifique de grotesque et d’humour, les deux hommes se battront à mains nues. Yeong-jak se croit le plus fort mais Cheol assène, dans une position digne d’un combattant adepte du kung-fu de la grue, quelques coups bien sentis au si beau visage de son adversaire. C’est le début de la déchéance.

Un autre personnage haut en couleur, moins présent à l’écran mais donc chaque apparition apporte son lot d’énigme, est le patriarche de la famille, le président No (Kwon Byeong-gil). C’est lui le fondateur de l’empire mais désormais il se déplace en fauteuil roulant, constamment habillé en peignoir et portant des lunettes noires. Il est toujours suivi de sa fidèle assistante (Hwang Jeong-min-I), femme impressionnante en costumes masculin qui observe avec un regard ironique toute cette agitation. Elle est le témoin distant et amusé de tous les jeux d’alliance entre les personnages, de toute cette libido déployée secrètement puis au grand jour et de la ruine de chacun d’eux.

Le film regorge d’ironie et parfois d’éclat d’humour sec. Im Sang-soo porte un regard distancié et glacial sur ses personnages. Il faut dire que le décor principal de L’Ivresse de l’argent autorise cette distanciation. Plus encore que dans The Housemaid, l’immense demeure au milieu d’un immense terrain (un terrain de golf y est construit) reflète la classe sociale de ses propriétaires. La maison constitue une sorte de labyrinthe dont on semble découvrir à chaque séquence une nouvelle pièce. Chacune d’elle est décorée avec la grandiloquence digne de cette famille qui veut montrer tout son bon goût : tableaux d’art contemporain sur les murs, meubles design couleur métal, une cheminée dans chaque pièce. Petit à petit, ce décor se transforme en prison pour les personnages, domestiques comme patrons, ils étouffent, veulent s’en échapper mais n’y arrivent pas. L’Ivresse de l’argent est tout à la fois une sublime réussite de son auteur et désespérément déprimant.

L’Ivresse de l’argent (The Taste of money, 돈의 , Corée, 2012) Un film d’Im Sang-soo avec Kim Kang-woo, Baek Yoon-sik, Yoon Yeo-jeong, Kim Hyo-jin, Maui Taylor, On Joo-wan, Kwon Byeong-gil, Hwang Jeong-min-I.

samedi 19 janvier 2013

Mighty baby


Bienvenue dans l’univers trop mignon des bébés. Film jumeau de La Brassiere, Mighty baby poursuit le récit drolatique de Wayne (Louis Koo) et Johnny (Lau Ching-wan) dans leurs déboires amoureux et professionnels. Cette fois Samantha (Carina Lau qui vient juste faire un coucou) a pour mission de créer la poussette idéale (ou un objet s’en approchant) pour les bébés. Sa patronne japonaise est enceinte et cherche à donner le plus grand confort possible à son futur enfant. Sous la férule de Lena (Gigi Leung), toute l’équipe se met au travail. Entre les deux films Johnny, qui vient de se séparer de Samantha sans qu’on en connaisse les raisons, a pris du galon. Il est maintenant chef de projet. Immédiatement, il appelle à la rescousse son pote Wayne qui souffre d’un syndrome rare : il est terrifié par les enfants.

Qui plus est Lena, toujours en couple avec lui, veut faire un examen prénuptial afin de savoir si elle peut tomber enceinte. Cela l’angoisse encore plus. Arrivé au bureau, Wayne tente de porter un bébé puis de la changer et le bambin lui fait pipi dessus (on imagine les rires dans la salle pour ce gag ultra convenu). De plus, il n’a pas très envie d’avoir comme patronne sa petite amie. Mais Johnny parvient à le convaincre de venir travailler avec lui. Encore une fois les inventions des deux hommes sont ridicules et s’avèrent des échecs cuisants. Par exemple, ils créent un porte bébé où les nourrissons peuvent faire de la gym. Entre autres facéties. Ils brillent par leur incompétence mais cette fois c’est beaucoup moins amusant. Sans doute parce que les bébés c’est trop mignon et qu’il est plus difficile de faire des blagues graveleuses qu’avec les sous-vêtements.

Deux nouveaux personnages féminins se joignent à l’équipe, tous deux porteurs de tentation de romance. Johnny engage Sabrina (Rosamund Kwan) comme secrétaire. Totalement dépassée par sa tâche, elle fait tomber tous ses dossiers et subit les blagues de son chef qui s’amuse à crier « ling ling » dans son bureau. Sabrina se met alors à décrocher le téléphone. Personnage d’abord ingrat en tant que gourde de service, elle déclarera son amour à Johnny lors d’une présentation d’un produit aux patrons japonais. Son personnage prend de l’ampleur comique lors d’une crise de jalousie, d’autant que Rosamund Kwan est douée pour ça, mais sera ensuite relégué au second plan, ce qui est bien dommage.

Le rayon de soleil du film est le personnage de Boey (Cecilia Cheung) présentée comme une experte ès bébés. Qui pourrait résister à son sourire ? Sûrement pas les bambins qui se précipitent dans ses bras tendus pour montrer qu’elle les comprend mieux que quiconque. Boey et Wayne se rapprochent dans le travail ce qui intrigue Johnny qui va les suivre. Il se persuade qu’ils flirtent et en profite pour saquer son pote, lui piquer ses idées et menacer le couple que Wayne forme avec Lena. Autant les deux amis se disputent rapidement, autant ils se réconcilient vite. Là aussi la piste narrative est bâclée laissant de côté une belle idée que le couple le plus solide des deux films est formé par les deux hommes.

Ce qui plait le plus dans Mighty baby demeure ses caméos. Pas ceux de Jim Chim qui en fait des tonnes ou de Vincent Kok dans les rôles de deux médecins farfelus. Mais celui de Chapman To dans un personnage de flic grotesque qui se comporte comme dans un polar cantonais. Il vise avec son flingue un pickpocket dans une galerie marchande en disant « j’ai vu un flic faire comme ça dans Running out of time, ça peut pas rater ». Puis, lors d’un piquenique, il fait une imitation franchement hilarante d’Andy Lau. Cela constitue la seule scène vraiment drôle de tout le film, comédie souvent ennuyeuse au scénario flemmard et bancal. Le finale, encore plus que dans La Brassiere est un monument de mièvrerie et de conformisme.

Mighty baby (絕世好B, Hong Kong, 2002) Un film de Patrick Leung et Chan Hing-kai avec Louis Koo, Lau Ching-wan, Gigi Leung, Rosamund Kwan, Cecilia Cheung, Carina Lau, Aoyama Chikako, Rosemary Vandenbroucke, Vincci Cheuk, Chapman To, Jim Chim, Tats Lau, Alex Lam, Cherrie Ying, Vincent Kok, Wilson Yip, Rachel Ngan, Kate Yeung, Ng Choi-yuk.

vendredi 18 janvier 2013

La Brassiere


Bienvenue dans le monde affriolant des sous-vêtements féminins. Johnny et Wayne (oui, ça ne s’invente pas), respectivement interprété par Lau Ching-wan et Louis Koo sont engagés par Samantha (Carina Lau). Cette dernière, directrice de la succursale hongkongaise d’une boite de lingerie doit créer une nouvelle collection à la demande de sa patronne japonaise qui exige qu’elle embauche deux hommes. Samantha est réticente mais on lui rétorque qu’elle sera virée si elle ne masculinise pas son équipe de création jusqu’ici uniquement composée de femmes. Femmes incarnées par de jeunes et jolies actrices, il va sans dire, laissant deviner sans peine que La Brassiere (en français dans le texte mais sans accent) s’adresse aussi aux spectateurs mâles.

L’entretien d’embauche est sur un mode rigolo : les prétendants sont soit pervers soit obsédé sexuel. Malgré leur absence de compétence, Johnny et Wayne sont engagés au grand dam de Lena (Gigi Leung) qui trouve l’idée grotesque. Elle exprimera chacune de ses réprobations par un soupir sonore. Quand les deux hommes arrivent dans les bureaux immenses de la boite, toutes les employées (célibataires sans aucun doute) se pomponnent pour paraitre encore plus jolies. Wayne subjugue avec son regard les demoiselles : elles se pâment, manquent de s’évanouir et sont sous le charme du beau gosse. Pour lui et Johnny, qui font connaissance le jour de leur premier travail, l’entreprise de lingerie s’apparente à un grand safari où ils pourront facilement draguer. Mais Lena est là pour veiller à ce qu’ils bossent et va vite les faire marcher à la baguette.

Eux préfèrent réfléchir avec leur braguette et s’avèrent franchement nuls pour comprendre que le soutien-gorge n’est pas qu’un vêtement à ôter. La première partie du film montre leur embarras pour créer un soutien-gorge. Ils sont envoyés acheter de la lingerie en ville (comme s’il n’y en avait pas assez sur place). Les vendeuses et les clientes se moquent d’eux. Leur première création est une brassière avec braguette qui, une fois testée, est très inconfortable. Lena les oblige alors à porter eux-mêmes de la lingerie. La scène où ils mettent leur soutien-gorge avec des prothèses mammaires est la plus drôle du film. Les deux hommes comme Lena prennent un fou rire qui semble bien involontaire mais très communicatif. Ils devront marcher comme des femmes, faire de la gym et expérimenter quelques heures la vie dans un corps de femme.

Pourtant, rien n’y fait ils ne comprennent pas vraiment la fonction du soutien-gorge. Ils passent des nuits à étudier des schémas. Ils demandent l’aide d’amies (dont Karen Mok dans une courte apparition). Et un matin, comme par magie, ils ont tout pigé. Les deux en même temps. Ils reconnaissent la taille, la forme, le balconnet, la texture y compris sous les vêtements. Pour bien appuyer la chose, toutes les filles apparaissent en sous-vêtement, tel un fantasme. Les deux gars vont enfin se lancer dans la conception de la brassière ultime à la grande joie de Lena et Samantha. Johnny et Wayne se mettent de plus en plus à travailler avec elles. Les deux femmes vont oublier leur réticence initiale.

La deuxième partie de La Brassiere se centre sur la romance entre les quatre protagonistes. Johnny tombe amoureux de Samantha quand elle lui explique les trois fonctions essentielles du soutien-gorge en ouvrant sa chemise. Johnny a une fiancée mais sa vie amoureuse est routinière. Un soir de travail, Samantha couche avec lui mais lui affirme le matin, alors que Johnny a avoué son adultère à sa fiancée, que c’était une coucherie sans lendemain. Wayne en tant que grand séducteur collectionne les aventures et ses ex lui reprochent son attitude de dragueur. Il va tomber amoureux de Lena mais n’ose pas, à cause des commentaires des ex, la séduire. On s’en doute, tout se finira bien. Malgré les disputes, toutes inconsistantes, les couples se formeront dans un happy end tout en mièvrerie. Et bien entendu, Johhny et Wayne créeront la brassière ultime car, enfin, ils ont tout compris des femmes. Oui, grâce à ces machos immatures, la féminité est sauvée.

La Brassiere (絕世好Bra, Hong Kong, 2001) Un film de Patrick Leung et Chan Hing-kai avec Louis Koo, Lau Ching-wan, Carina Lau, Gigi Leung, Lee San-san, Aoyama Chikako, Vincci Cheuk, Rosemary Vandenbroucke, Crystal Tin, Higuchi Asuka, Maria Chan, John Chan, Michael Wai, Matt Chow, Wing Shya, Dante Lam, Chan Wan-wan, Lau Siu-mui.



mardi 15 janvier 2013

L'Empire des sens


Le décès de Nagisa Oshima me rappelle que L’Empire des sens est le premier film japonais que j’ai vu, c’était en 1993 dans une salle de cinéma de Grenoble quand j’étais étudiant. J’avais convié plusieurs de mes amis à cette séance. Ils n’avaient pas aimé le film, l’avaient trouvé très lent, ennuyeux et pornographique. Je garde de cette soirée un souvenir vivace : j’en étais sorti enchanté, ravi de savoir qu’au Japon un cinéaste pouvait se permettre de réaliser une œuvre aussi poétique. L’Empire des sens n’a failli jamais voir le jour. Oshima a du se battre à l’époque contre la censure très stricte de son pays qui interdisait la nudité intégrale non floutée. C’est le producteur français Anatole Dauman qui avait suggéré à Nagisa Oshima de tourner un film érotique. Chaque semaine, les bobines de film étaient envoyées en France pour être développées et dérushées. C’était le seul moyen légal pour ne pas finir au bûcher. Sélectionné au Festival de Cannes malgré un procès retentissant au Japon, L’Empire des sens est toujours censuré et passe dans une version tronquée au pays du soleil levant. Et cela n’est pas seulement à cause de ses éléments sexuels non simulés.

L’hiver 1936 dans une maison de maître. La servante Abe Sada (Eiko Matsuda), pour résister au froid va se coucher sous la couverture d’une de ses collègues qui tente, en vain, de la peloter. Sada, ancienne prostituée, est regardée de haut par les autres employées. Elle a renoncé à ce métier quand un vieillard lui demande de coucher avec elle. Elle refuse mais le papi reste là, sous la neige à attendre ses faveurs. Elle acceptera de ne lui montrer que ses poils pubiens, filmés en gros plan, tandis qu’elle soulève sa tunique. Sada est une jeune femme qui ne se laisse pas faire et un jour, dans la cuisine où toutes les filles travaillent, elle se dispute avec l’une d’elle qui estime qu’elle prend les autres de haut. Armée d’un couteau, elle est prête à blesser les autres employées quand son patron, Monsieur Kichi (Tatsuya Fuji), arrive pour s’interposer. Il ne l’avait jamais vu, lui demande son nom et lui affirme qu’elle est bien trop jolie pour tenir si violemment un tel instrument. Ce couteau, on le retrouvera à la toute fin du film, il sera le symbole (phallique) ultime de sa recherche des sens.

Kichi avait déjà été observé avec envie par Abe Sada dans une scène précédente où son épouse lui avait enfilé sa tenue de nuit. Il avait ensuite pris sa femme sous les yeux écarquillés de Sada. La servante fait sa besogne (nettoyer à quatre pattes le parquet) quand son patron débarque, lui soulève sa robe et lui met un doigt dans le cul. Il va désormais tout faire pour se retrouver seul avec elle. Il se fait passer pour un client et elle vient lui apporter du saké. Sada est d’abord gênée des avances. Il lui demande de ne pas bouder son plaisir, de ne pas se torturer l’esprit avec l’éventuelle arrivée dans la pièce d’une autre personne et ils commencent à faire l’amour. Nagisa Oshima choisit de tout montrer : fellation, cunnilingus, coït, masturbation à plusieurs, entre autres. L’idée géniale du cinéaste est de filmer ces scènes comme les autres. Elles arrivent naturellement, sans qu’elles ne soient trop appuyées et créent une progression dramatique. Les scènes de baise ne sont donc pas pornographiques car elles ne sont pas présentes que pour elles-mêmes et donner un plaisir voyeuriste au spectateur.

Les rapports sexuels se transforment vite en rapports amoureux. Les deux amants ne peuvent plus se séparer. Ils font des promenades romantiques sous la pluie, vont manger à l’extérieur et parlent beaucoup de leur relation. Bientôt, ils seront les seuls personnages présents à l’écran. Il lui clame qu’il ne la quittera jamais. Elle lui demande de ne plus coucher avec son épouse. Cette dernière, qui a compris qu’elle perd son mari, tente de le reconquérir. Tandis qu’il se lave, elle vient le masturber puis s’empaler sur son sexe. Il la rejettera avec violence. C’est alors que s’amorce la partie où Sada et Kichi testent sur eux-mêmes l’étranglement pour atteindre une plus grande jouissance. La folie menace Sada de plus en plus jalouse qui armée d’un couteau attache son amant. Parallèlement, le réel historique reprend le dessus. Tandis que Kichi marche dans la rue, les défilés de l’armée japonaise qui s’apprête à envahir la Chine se font plus présents, rappelant que la société policée du Japon de 1936 ne permet pas à ce couple de s’épanouir. La folie de Sada n’est que la conséquence de la folie du Japon lui-même, irrémédiablement tragique et politique. Dans le dernier plan filmé en plongée, les deux corps sont côte à côte, Sada arbore un sourire de bonheur, comme un aboutissement de sa recherche du plaisir par les sens. Fascinant.

L’Empire des sens (France – Japon, 1976) Un film de Nagisa Oshima avec Eiko Matsuda, Tatsuya Fuji, Aio Nakajima, Meika Seri, Mariko Abe, Tomi Misubishi, Taiji Tonoyama, Yasuko Matsui, Akiko Koyama, Kokonoe Kyoji.

lundi 14 janvier 2013

The H.K. triad


Quand Wong Jing réalise ou produit un film ayant pour cadre les triades, il est toujours difficile de savoir s’il glorifie volontairement ou par maladresse ces organisations mafieuses. Ainsi, The H.K. triad commence dans une salle de conférence de la police de Hong Kong où des officiers en costumes cravate attendent non sans impatience l’allocution que va leur faire Ho (Lau Ching-wan) au sujet de ce milieu dont il a longtemps fait partie. Avec des yeux pétillants de curiosité, ils écoutent le vieillard parler de cette période que le film de Clarence Ford va reconstituer avec beaucoup de luxe et pas mal d’académisme. De 1999, Ho se remémore ses débuts en 1959. C’est parti pour un long flash-back narrant sa vie, ses méfaits et ses amours.

Ho présente son ami Lok (Francis Ng). Ils se connaissent depuis l’enfance, ils se considèrent comme des frères, illustrant ainsi cette notion de loyauté chère aux membres des triades. Oisifs, ils passent leur temps à glander dans les quartiers mal famés peuplés de prostituées et de joueurs impénitents sur fond de musique de jazz. C’est justement dans un club clandestin de paris qu’ils rencontrent Ying (Diana Pang) dont l’esprit revêche séduit particulièrement Ho. Il en tombera immédiatement amoureux, viendra la voir souvent et pariera aux dés pas mal d’argent. Elle fait mine de ne pas s’intéresser à lui. Maitre Bo (Lee Siu-kei), le tenancier du tripot ne voit pas forcément d’un œil ces deux gars plus occupés à frimer devant les filles qu’à jouer leur argent.

Les deux amis sont protégés par l’oncle Mon (Spencer Lam), vieux briscard du quartier qui les a pris en sympathie. Ho et Lok s’amusent comme des gamins, se chamaillent et rient devant l’agitation ambiante. Inconscients du danger, ils ébauchent leur première arnaque en truquant les résultats du tiercé. Tandis que Lok parie de l’argent auprès d’un mafieux, Ho trafique le transistor qui retransmet les résultats. Mal leu en pris car Lok se fait sérieusement tabasser par le chef de gang spolié. Ho va vite voir Ying pour qu’elle appelle Maitre Bo en renfort. Une grosse baston s’ensuit mise en scène très mollement qui se termine par le tranchage de la tête du mafieux à la hache. On rigole pas dans les triades. Le spectateur rigole un peu devant ce spectacle franchement grotesque. Et c’est pas fini.

C’est ainsi qu’ils seront intégrés dans les triades. Ils prêtent serment à Bo. Puis, Lok décide de s’engager dans la police et quitte le milieu. Ce qu’ils ignorent (alors que nous, spectateurs, on a compris) c’est que Bo est un fou furieux. Amateurs de jeunes femmes vierges, il décide de mettre le grappin sur Fei-fei (Athena Chu) qu’il veut dépuceler. Lok en est tombé amoureux. Comme Ying, elle feint l’indifférence. A cela, il faut ajouter que Ho n’est pas insensible à son charme et parvient à coucher avec elle. Cela rend maitre Bo furibard qui décide de torturer Lok, accusé de l’avoir violée. Avec une lame chauffée dans un brasier, élément indispensable de chaque parrain, il émascule le pauvre homme. Ho, venu le défendre, est obligé de mordre une braise. Les deux amis sont bien mal en point mais ruminent leur vengeance.

Les années passent ainsi. Ho dans les triades et Lok dans la police. Chacun gravit peu à peu les échelons. Ils se marient respectivement avec Ying et Fei-fei, cette dernière est éprouvant par l’impuissance sexuelle de son mari et décide de prendre pour amant Piggy (Michael Tse), l’assistant de Lok qui est devenu chef de la police. Ho assassine Bo et devient parrain à la place du parrain. Puis, le reste de The H. K. triad se complait dans la description de comportements violents qui lui vaut son classement Catégorie III. Tous les personnages se disputent pour des histoires de coucheries sans intérêt. Le récit de Ho était censé montrer aux policiers le fonctionnement des triades afin de mieux pouvoir lutter contre elles. A la place, ils ont dû, comme nous, écouter des secrets d’alcôve ridicules.

The H.K. triad (O記三合會檔案, Hong Kong, 1999) Un film de Clarence Fok avec Lau Ching-wan, Francis Ng, Athena Chu, Diana Pang, Michael Tse, Patrick Tam, Lee Siu-kei, Frankie Ng, Spencer Lam, Benny Wong, Lee Wai-chu.

jeudi 10 janvier 2013

Sorties à Hong Kong (janvier 2013) The Grandmaster



The Grandmaster (一代宗師, Hong Kong – Chine, 2012)
Un film de Wong Kar-wai avec Tony Leung Chiu-wai, Zhang Ziyi, Song Hye-kyo, Chang Chen, Wong Hing-cheung, Zhao Ben-shan, Bruce Leung, Julian Cheung. 130 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 10 janvier 2013.

Sorties à Hong Kong (janvier 2013) Young and dangerous reloaded



Young and dangerous reloaded (古惑仔:江湖新秩序, Hong Kong, 2012)
Un film de Daniel Chan avec Law Him, Oscar Leung, Alex Lam, Sammy Sum, Paul Wong, Dominic Ho, Philip Ng, Woo Yin, Jacqueline Chong, Kimmy Tong, Denise Ho, Winnie Leung, Alex Man, Lam Shing-pun, Kwan Ho-yeung, Jim Chim, Timmy Hung.  Version 1 : 106 minutes. Classé Catégorie III. Version 2 : 103 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 10 janvier 2013.

Sorties à Hong Kong (janvier 2013) One tree three lives



One tree three lives (三生三世 聶華苓, Hong Kong, 2012) 
Un film d’Angie Chen. Documentaire avec les témoignages de Hualing Nieh Engle, Mo Yan, Pai Hsien-yung. 98 minutes. Classé Catégorie I. Sortie à Hong Kong : 10 janvier 2013.

mardi 8 janvier 2013

Big bullet


Forte tête de la police de Hong Kong, l’inspecteur Bill Chu (Lau Ching-wan) se fait interroger par des officiers sur l’échec d’une mission où il s’est disputé avec son supérieur, le commissaire Guan (Ng Ting-yip). Les deux hommes ne s’entendent pas du tout et l’issue d’une prise d’otage a couté cher à Guan qui se retrouve à l’hôpital. Solitaire invétéré, caractéristique de tous les héros des films policiers, Bill se fait saquer par sa hiérarchie et se retrouve dans une nouvelle équipe, moins prestigieuse, mais en demeure le chef compte tenu de ses brillants états de service malgré son sale caractère.

C’est son ami Yang (Francis Ng) qui lui annonce qu’il n’est pas viré mais transféré, ce qui ne satisfait pas du tout Bill qui y voit une punition humiliante. Il va faire la connaissance de ses nouveaux collègues en se rendant incognito dans les vestiaires et écouter, comme une petite souris ce qu’on dit sur lui. Chacun a eu écho de son tempérament, les histoires vont bon train et c’est Dan (Spencer Lam) qui défend son futur chef, sans savoir qu’il est à côté en narrant une enquête où Bill a arrêté trois voleurs. Puis il révèle enfin son identité et fait la connaissance de ses futurs partenaires. Bill se rend vite compte, à l’instar du vieux Dan, proche de la retraite, qu’on lui a filé que des tocards.

D’abord Dan qui sera le chauffeur attitré du bus de police et dont l’épouse, très mère-poule, vient apporter de la soupe pendant les planques. Ensuite, Matt (Cheung Tat-ming), gringalet qui se rêve en super flic mais qui est un grand froussard. Puis, Apple (Theresa Lee), jeune émigrée canadienne qui vient dans sa patrie servir la police et qui s’exprime mal en cantonais. Et finalement, Jeff (Jordan Chan), jeune policier qui souhaite appliquer à la lettre le règlement et va ainsi contre Bill qui n’aime rien tant qu’en faire à sa guise. Une bonne partie de Big bullet sera consacrée à cette équipe désaccordée qui n’arrive pas, en début de film, à travailler ensemble. Chaque défaut des personnages se révélera un atout pour l’enquête.

C’est un grand classique du film policier comique que de mettre des personnages divergents et de voir ce que ça donne. Evidemment, ils vont parfois se disputer mais ils vont finir pas comprendre la méthode de Bill, l’accepter et même le soutenir quand Guan, revenu de convalescence, veut à nouveau saquer son ennemi intime. De tous les personnages qui secondent Bill, c’est sans doute celui de Jeff qui est le plus intéressant puisque c’est celui qui devra être convaincu par Bill que ses méthodes sont bonnes. Jeff est un personnage de révolté parce que son jeune frère Yong (Woody Chan) est passé du côté obscur de la force et est devenu membre des triades. Cela encourage Jeff à être extrêmement vigilant sur la loi quitte à freiner une enquête. Mais lorsque Guan décide de le mettre chef à la place de Bill, il décide que se sont les méthodes de Bill qui seront appliquées désormais car elles sont plus éfficaces.

C’est donc une équipe unie qui va pouvoir combattre le vrai ennemi venu de l’extérieur, c'est-à-dire un grand criminel répondant au surnom de Professeur (Yu Rong-guang) assisté d’un sbire aux cheveux longs incarné par Anthony Wong. Ces deux hommes et leur bande de sales bandits sont l’incarnation du mal dans Big bullet. Et comme c’était toujours le cas dans ces films du milieu des années 1990, Anthony Wong ne fait pas dans la dentelle pour incarner ce salaud qui tire avec son flingue sur ses victimes en arborant un sourire diabolique. Benny Chan et ses scénaristes ne font pas dans la légèreté concernant l’action relativement violente et excessive dans le nombre de morts. Les scènes d’action finales sont épuisantes, c’était la belle époque de la Golden Harvest et Benny Chan met toute son énergie dans les gunfights pétaradants, jouissifs et distrayants.

Big bullet (衝鋒隊怒火街頭, Hong Kong, 1996) Un film de Benny Chan avec Lau Ching-wan, Ng Ting-yip, Spencer Lam, Theresa Lee, Jordan Chan, Cheung Tat-ming, Francis Ng, Yu Rong-guang, Anthony Wong, Vincent Kok, Wong Wa-wo, Chan Siu-kwan, Leung Chung, Tony Renny, So Wai-naam, Leung Yat-ho, Lam Tak-shing, Wong Chi-keung, Lau Sui-sang, Winston Yeh, Ying-Wen, Woody Chan.

lundi 7 janvier 2013

Only fools fall in love


Tyran domestique dans son domaine, le jeune seigneur Fu (Lau Ching-wan) est encore célibataire au grand dam de sa chère maman qui aimerait enfin lui trouver une épouse et être certaine d’avoir un héritier. Cela ne poserait pas vraiment de problème pour qu’une jeune femme accepte d’épouser un homme riche (encore faudrait-elle qu’on lui demande son avis dans cette Chine du début du 20ème siècle) sauf que Fu est un garçon irascible, capricieux et brutal. Il exige qu’on lui obéisse au doigt et à l’œil et quand une chose ne lui plait pas, il frappe celui qui est en face de lui, y compris quand le pauvre bougre n’y est pour rien. Sa cible favorite est ainsi son pauvre domestique Fung (Jerry Lamb).

Une personne déteste F plus que quiconque : son frère cadet Jack (Dayo Wong) qui décide de fomenter un plan pour le supprimer. Il convainc d’abord sa mère d’organiser une sorte de concours pour trouver une épouse. Puis il engage une jeune femme avec le consentement de son père. Ce dernier (Yuen Wah) aura tôt fait de persuader Dai (Ng Sin-lin, la partenaire de Lau Ching-wan également dans Beyong hypothermia) d’épouser Fu d’autant qu’il ya beaucoup d’argent à se faire. Ce qu’elle ignore, c’est qu’elle doit le tuer le soir de la nuit de noces. Mais le plan ne se déroule pas exactement comme prévu, Fu reçoit un coup sur la tête et perd une partie de ses capacités mentales. Son frère la chasse du domaine et prend le pouvoir à sa place.

Après quelques mois d’errances, Fu réapparait avec un air hébété et des cheveux hirsutes. Et il faut bien reconnaitre que Lau Ching-wan a toujours été champion pour jouer les ahuris et qu’il est l’attrait majeur de Only fools fall in love. Tout le monde le considère comme un fou, sauf Dai qui, partie loin avec son père du lieu de ce mariage arrangé, décide « d’adopter » Fu à qui elle dit qu’il n’est pas fou (réplique culte du film « je ne suis pas fou, je suis Fu », ça marche aussi en anglais). Et évidemment, comme on a bien lu le titre du film et comme on sait qu’ils s’étaient même rencontrés avant le mariage de manière romantique sur un pont où ils disputaient un confiserie, on sait bien que Fu et Dai vont tomber amoureux et qu’elle va améliorer Fu.

Il va d’abord falloir à cette dernière apprivoiser la bête qu’est devenu Fu : il se comporte comme un enfant, incapable d’agir autrement que comme un animal domestique. L’un des motifs comiques repose sur cette domestication, Fu tire comme un bœuf la charrette de Dai (elle et son père sont devenus tisseurs), il rapporte comme un chien les objets et répète tout ce qu’on lui dit comme un gamin de trois ans, l’âge mental qu’il semble avoir maintenant. L’essentiel de l’humour de Only fools fall in love est de caractère régressif, dans les comportements des personnages qui ne semblent jamais avoir atteint l’âge adulte. Tous agissent de manière infantile et se disputent comme des chiffonniers.

L’humour, tout comme la romance, est donc bon enfant. Un peu trop sans doute d’autant que la mise en scène de Vincent Kok est d’un grand calme et, dans la première partie du film, d’un rythme terriblement ennuyeux. Puis grâce à quelques anachronismes (les fiancées de Fu sont notées comme dans un radio crochet, Fu fait un défilé de mode avec les vêtements dessinés, Roy Chiao dans le rôle du grand oncle venu régler l’héritage organise un concours genre Questions pour un champion qui doit départager Fu et Jack), on a à nouveau un peu le sourire. On sent clairement que Vincent Kok cherche à produire une comédie pour concurrencer Stephen Chow, seule star comique drôle et rentable à cette époque, mais qu’il n’y parvient pas tout à fait. Sans le génie de Lau Ching-wan, ce film ne serait même pas regardable.

Only fools fall in love (呆佬拜壽, Hong Kong, 1995) Un film de Vincent Kok avec Lau Ching-wan, Ng Sin-lin, Yuen Wah, Dayo Wong, Billy Lau, Jerry Lamb, Bak Ka-sin, Roy Chiao, Vincent Kok, Wong Yat-fei.

dimanche 6 janvier 2013

Chow Yun-fat boy meets brownie girl


Etrange film que ce Chow Yun-fat boy meets brownie girl, parait-il inspiré d’une vieille légende coréenne que tout le monde connait là-bas. Ce qui étonne tout d’abord dans ce long-métrage édité en dvd en France début 2012, ce sont ces couleurs vives, tranchées, beaucoup de teintes chaudes – jaune et rouge – face à du vert et du bleu. On repère également les tâches caractéristiques et le collage de changement de bobines de films, donnant un aspect artisanal et finalement rétro. A cela il faut ajouter une petite musique, sorte de ritournelle qui plonge le récit dans l’imagerie du conte délaissant dès le départ tout réalisme et toute vraisemblance. Il faudra au spectateur abandonner ses habitudes d’un film coréen à l’histoire linéaire.

Le récit se centre autour d’une bague qu’une vieille dame veut récupérer. Problème, c’est Young-baek qui l’a récupéré il y a de cela trente ans. Young-baek est un petit mafieux doté d’étranges oreilles en pointe et vivant dans une sorte de hangar où un immense canapé et d’une peinture au visage grimaçant et aux couleurs criardes servent d’uniques mobilier. Il l’a donnée à sa sœur et va tenter de la récupérer. Mais aucune des deux femmes ne semblent vouloir transiger sur qui doit posséder la bague. La sœur avale l’anneau pour que les sbires ne la récupèrent pas. Quant à la vieille dame, elle ne se laisse pas impressionner par ce malfrat de pacotille et menace de l’écraser avec une jarre.

A propose de jarre, le jeune héros du film, par ailleurs ami de la vieille dame, en trouve une un jour dans la rue après avoir aidé un vieillard à se déplacer en le portant sur son dos. Etonné de voir les décors autour de lui se modifier, Gontae prend cette immense jarre chez lui et s’en sert pour y élever des escargots. Gontae, immense fan de Chow Yun-fat dont les photos ornent la cave où il habite, se rend un jour compte que son logement est bien rangé, bien propre et comprend qu’une belle jeune femme s’occupe de son ménage. Elle a élu domicile dans cette jarre et ce sont sans doute les escargots qui se sont transformés, tout comme les décors pouvaient changer d’apparence et devenir soudain un immense champ de tournesols en fleurs.

Le récit de Chow Yun-fat boy meets brownie girl passe ainsi d’un décor à un autre, de la cave de Gontae au loft de Young-baek, les personnages se déplacent également et révèlent dans des longues scènes de dialogue en plan séquence leur passé et leur angoisses actuelles. Ce n’est rien de dire que le film n’en est pas à une bizarrerie près l’apparentant à une sorte de rêverie constante (comme lorsque Gontae se réveille soudain et voit dans sa cave des monstres orange et bleus en train de ricaner). Puis, parfois le film s’emballe soudain un peu, une musique se fait entendre (petites percussions rigolotes), les plans se font plus courts et le montage plus rythmé. Bref, Chow Yun-fat girl meets Brownie girl tire sa singularité de tous ses éléments hétérogènes qui en font un film très bancal et souvent inabouti mais suffisamment dégénéré pour rester indulgent.

Chow Yun-fat boy meets brownie girl (우렁각시Corée, 2002) Un film de Nam Ki-woong avec Gogooma, Gi Ju-bong, Choi Seon-ja, Cho Jae-hyun, Lee Bong-gyu, Gong Ho-suk, Kim Yong-sun.

vendredi 4 janvier 2013

Beyond hypothermia


Pas de passé, pas de photos, pas d’identité, pas d’amis. La vie de la tueuse à gages qu’interprète Ng Sin-lin est vide, triste et sans but. Elle ne sourit jamais, s’habille en noir et passe son temps à accomplir des missions : assassiner les personnes dont sa commanditaire, Miss May (Shirley Wong) lui donne le nom. Elle peut passer des heures dans une chambre froide avec comme seuls compagnons des blocs de glace pour attendre sa proie, comme lors de cette mission en Malaisie où elle tue un grand patron lors d’une réception au restaurant. Puis, elle s’en va, sans rien dire (les dix premières minutes sont sans dialogue), détruit son passeport et attend son prochain job.

Une fois rentrée dans son modeste appartement, elle se retrouve seule et observe aux jumelles son voisin, un jeune restaurateur. Long (Lau Ching-wan) est tout l’inverse de la tueuse. Charmant, jovial, serviable, il vend des nouilles avec le sourire et parfois les offre au clochard qui traine près de son restaurant. Alors qu’il s’apprête à fermer, elle arrive et demande un bol de nouilles. Il l’accueille volontiers, lui dit quelques mots, elle ne répond pas et part, comme à son habitude sans bruit, en laissant de quoi payer la note. Lui est un ancien membre de triades qui a un jour décidé de tout abandonner et de changer de vie. Quelques uns de ses vieux comparses viennent l’embêter prétendant le protéger. Il refuse de les payer et les fait partir.

Il décide de lui apprendre la vie. Il veut savoir son nom, elle ne lui donne pas. Elle ne le connait pas. Elle sait seulement qu’elle vient du Cambodge et qu’elle a été adoptée par Miss May. Chaque soir, Long attend la demoiselle, lui prépare des petits plats et lui propose ensuite une attraction pour lui redonner le sourire. Il installe sur la terrasse une balançoire, dans son garage une machine à barbe à papa, un soir de pluie torrentielle, il sort un bateau gonflable pour naviguer sur les flots. Une romance commence à s’installer, en tout cas la confiance gagne la fille. De manière un peu schématique, Beyond hypothermia montre leur opposition, elle est froide, glaciale (la première séquence de planque), lui est chaud (il allume son feu pour cuire ses nouilles quand elle arrive). Ils vont devoir s’apprivoiser et c’est sous la pluie, la plupart du temps, qu’ils vont s’approcher, se toucher et se réchauffer l’un l’autre.

Quand Long ne voit pas arriver sa cliente préférée, c’est qu’elle est en mission. Là, la partie polar de cette production typique de Johnnie To reprend la main. Miss May l’envoie en Corée pour assassiner un homme. Elle réussit sa mission mais le fils du défunt, Jing (Han Jae-suk) décide de se venger. Il comprend assez vite que la tueuse est de Hong Kong et s’y rend pour la tuer. Par un concours de circonstance, il engage Miss May pour retrouver la tueuse. Elle refuse car elle affirme ne jamais travailler dans son propre pays. En effet, on a bien vu que les missions ont toujours eu lieu à l’étranger. Jing la convainc avec violence (il lui tranche un doigt) et beaucoup d’argent à la clé. Miss May comprend que sa tueuse a rencontré un homme et la gronde vertement. Contre la révélation de son nom, la tueuse fera cette mission qui sera sa dernière.

L’affrontement entre Jing et la tueuse, qui a désormais un nom Cheng, est le morceau de bravoure de Beyond hypothermia. Il se déroule en deux temps. D’abord dans un restaurant où les deux ennemis se rendent, l’un face à l’autre mais dans deux coins opposés. La salle se vide peu à peu de ses clients. La tension est créée par l’attente du premier coup de feu, lequel va tirer en premier, les regards cherchent à se croiser dans un flottement de l’action particulièrement efficace qui sera la marque de fabrique de la Milkyway. Puis, le gunfight se déroule de nuit en extérieur avec tous les protagonistes du film qui tombent les uns après les autres comme des mouches. Déjà à l’époque c’était un film très sombre porté par Lau Ching-wan impérial, il reste malgré les quelques clichés amoureux encore puissamment prenant.

Beyond hypothermia (攝氏32, Hong Kong, 1996) Un film de Patrick Leung avec Lau Ching-wan, Ng Sin-lin, Han Jae-suk, Shirley Wong, Cheung Chung-kei, Cheung Kam-bon, Hau Ang.

jeudi 3 janvier 2013

Sorties à Hong Kong (janvier 2013) The Last supper


The Last supper (王的盛宴, Hong Kong – Chine, 2012) 
Un film de Lu Chuan avec Liu Ye, Qin Lan, Daniel Wu, Chang Chen, Yan Ni, Qi Dao, Tao Zeru, Nie Yuan, Hao Bojie, Yu Ziqi, He Dujuan, Huo Siyan, Sha Yi, Zhao Xiang. 120 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 3 janvier 2013.

Sorties à Hong Kong (janvier 2013) The Last tycoon


The Last tycoon (大上海, Hong Kong – Chine, 2012) 
Un film de Wong Jing avec Chow Yun-fat, Sammo Hung, Huang Xiao-ming, Yuan Quan, Yuan Li, Francis Ng, Mo Xiao-qi, Kimmy Tong, Zheng Yi-tong, Gao Hu, Xin Bai-qing, Jiang Lu-xia, Feng Wenjuan. 119 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 3 janvier 2013.


mercredi 2 janvier 2013

L’Homme aux poings de fer


Présenté par Quentin Tarantino, produit et scénarisé par Eli Roth, interprété, scénarisé et réalisé par RZA, L’Homme aux poings de fer débute sur un générique en anglais et chinois et se lance avec la douce et chaude voix de RZA qui narre, en voix off, la situation au Jungle Village où se déroule l’action du film situé dans une Chine plus ou moins intemporelle, comme dans un classique de la Shaw Brothers. Sur ordre de l’empereur (Terence Yin), Silver Lion (Byron Mann) décide avec son petit frère Bronze Lion (Cung Le) de prendre le pouvoir au sein de son clan et tue son père Golden Lion (Chen Kuan-tai). Cet assassinat ce produit grâce au sabre conçu par Thaddeus Smith (RZA), le forgeron du village qui regrette que les armes qu’il fabrique servent à de si noirs desseins. Le village va devenir le centre d’une bataille de pouvoir où les morts sanglantes et violentes vont s’accumuler.

Arrive tout d’abord Zen Yi (Rick Yune), le fils naturel de Golden Lion qui se voit ainsi spolié de son héritage par son frère adoptif. Zen Yi vivait avec sa fiancée Chi Chi (Zhu Zhu) sur des monts éloignés. Spécialiste des dagues et autres lames dissimulées dans son armure, il part immédiatement venger son père. Puis, débarque Jack Knife (Russell Crowe), baroudeur vêtu comme un cow-boy qui se dirige immédiatement après son arrivée au bordel de la ville, le bien nommé Pink Blossom où la tenancière, Madame Blossom (Lucy Liu) l’accueille avec bonheur. Jack Knife est lui aussi un expert en lame. La sienne cache un pistolet et il n’hésite pas à éventrer un gros chinois déclanchant un gros jet de sang devant les prostituées. Enfin le personnage principal, Thaddeus Smith est amoureux de Lady Silk (Jamie Chung), l’une des filles du bordel qu’il espère racheter à sa patronne. Voici pour les trois gentils du film même si ces « gentils » le sont à peine, d’ailleurs vu son comportement, on hésite longtemps à classer Jack Knife dans les gentils.

Et les trois méchants sont donc Silver Lion, cheveux hirsutes et vêtements en peaux de bêtes, comme tous les hommes de son clan. Il veut le pouvoir et rien ne l’empêchera de l’avoir. Il tue, avec un sourire narquois et un rire sardonique, tous ceux qui se mettent sur son passage. La première partie du film est ainsi ponctuée de scènes de combats chorégraphiées par Corey Yuen où les personnages exercent un kung-fu aérien et non réaliste gorgé d’effets spéciaux. Beaucoup de personnages adversaires donc mais aussi beaucoup de confusion dans le scénario. A vrai dire, il est un peu difficile de comprendre pourquoi tant de protagonistes (tels les combattants Gemini, Andrew Lin et Grace Huang) viennent juste faire un coucou avant de mourir dans d’atroces souffrances. Autre méchant, le costaud Brass Body (Dave Baustita) qui a le pouvoir de transformer sa peau en bronze et donc résiste à toutes les lames. Enfin, Poison Dagger (Daniel Wu), adjoint du gouverneur portant des cheveux blonds comme l’eunuque inspiré des films de Dragon Gate.

On sent bien que RZA aime ce cinéma d’arts martiaux et kung-fu et qu’il veut leur rendre hommage. On en retrouve de nombreuses figures imposées et tout d’abord ce décor unique et central de l’action, la maison close très rose où les enjeux se produisent. On y retrouve, dans la deuxième partie, le mythe du sabreur manchot quand Thaddeus Smith se voit priver de l’usage de ses bras par Silver Lion. Alors que Jack Knife le soigne de cette grave et irréversible blessure, un long flashback explique comment ce noir américain a débarqué dans ce village paumé de Chine. On y aperçoit quelques secondes Pam Grier (méconnaissable) et Gordon Liu dans son éternel rôle d’abbé de Shaolin qui va enseigner la sagesse et les arts martiaux à Thaddeus. Puis, la troisième partie se lance dans les règlements de compte : les gentils contre les méchants avec au milieu Madame Blossom et ses filles de joie.

Pourtant L’Homme aux poings de fer ne convainc qu’à moitié, ne trouvant jamais sa vraie voie entre pastiche assumé et véritable film de sabre au premier degré. D’un côté, on y entend du rap et de la musique habituellement dévolue au western. Mais cela était parfois le cas dans les films de kung-fu hongkongais des années 1970. On sent d’un autre côté, la volonté de RZA et Eli Roth d’offrir au spectateur un film d’action comme on en faisant alors où le spectateur en aura pour son argent, où les somptueux décors seront détruits par les combattants, où le sang giclera jusqu’à obturer la caméra. Et c’est vrai qu’on s’amuse souvent, bien que l’humour soit absent ou navrant et que tout soit très sérieux. Mais on ne peut pas s’empêcher de penser qu’à l’époque et même parfois encore maintenant quand Tsui Hark est en forme, ce qui plait c’est de voir de l’artisanat plutôt que des effets spéciaux grandiloquents, des artistes martiaux qui se battent en plein cadre plutôt que des plans de trois secondes avec des travellings partout et des personnages moins nombreux mais plus sympathiques.

L’Homme aux poings de fer (The Man with the iron fists, Etats-Unis – Hong Kong, 2012) Un film de RZA avec RZA, Russell Crowe, Lucy Liu, Byron Mann, Jamie Chung, Rick Yune, Dave Bautista, Cung Le, MC Jin, Gordon Liu, Chen Kuan-tai, Leung Kar-yan, Andrew Lin, Grace Huang, Telly Liu, Xue Jingyao, Pam Grier, Zhu Zhu, Daniel Wu, Andrew Ng, Terence Yin.

mardi 1 janvier 2013

The Blue jean monster


Le monstre en blue-jean dont il est question dans ce film d’Ivan Lai, cinéaste qui a beaucoup œuvré dans le Catégorie III lors de sa grande époque (et notamment en réalisant Daughter of darkness) est Tsu (Shing Fui-on), policier de son état, futur papa et époux de Chu (Pauline Wong). Il est un monstre non pas à cause de son physique particulier et Shing Fui-on est une gueule du cinéma de Hong Kong, un des ses acteurs qui depuis plus de vingt ans hantent les polars avec son faciès de brute épaisse qui sait, d’un sourire, devenir le mari le plus gentil de la terre. S’il est devenu un monstre, c’est parce qu’il a trop écouté son pote Big (Tse Wai-kit), exemple parfait de la plaie qui s’incruste toujours et dont on ne sait pas comment on se débarrasse. Personnage certes comique tendance grotesque de pure tête à claques qui permet au héros d’acquérir les faveurs du public.

Big est un vieil ami de Tsu, ils sont comme frères avec les avantages (il est indic et connait toujours les mauvais coups des triades) et les inconvénients (il est très collant, sans gêne et énerve Chu). En début de film, alors que Tsu et Chu doivent aller à la clinique pour passer un examen pour le futur bébé, Big donne à Tsu un tuyau : des cambrioleurs vont s’attaquer à une banque. Il part sur le champ, laissant sa femme furieuse rentrer seule et file arrêter les méchants. Et quand j’écris méchants, ça veut dire qu’ils flinguent aux armes lourdes tout le monde dans la banque en ricanant très fort, en n’hésitant pas à tirer dans le tas avant de s’enfuir avec le pognon. Conséquence : course poursuite dans les rues de Hong Kong, puis gunfight dans un terrain vague, enfin – surprise – Tsu ne vainc pas les malfrats. Bien au contraire, il meurt, un tuyau lui transperçant le ventre.

C’est finalement rare qu’un héros meurt au bout de vingt minutes de film, enterré sous un monceau de ferraille. Un orage éclate et un éclair va le ressusciter. The Blue jean monster commence alors sa partie comédie de fantôme car Tsu doit d’abord lui-même comprendre qu’il est devenu un zombie, mais avec la plupart de ses facultés intellectuelles et physiques. C’est la meilleure partie. Shing Fui-on est à la fois balourd et convaincant dans ce rôle de flic zombie. Une série de quiproquos se développe. D’abord avec son ami Big, encore incrusté chez lui, et qui mangera les nouilles sorties du trou de son abdomen, trou causé par le tuyau et que Tsu tentera de boucher avec de la pate à cookie, qui cuira et que Big mangera. Jusqu’à ce qu’il comprenne  où ces aliments ont trainé. Tsu expliquera à son pote sa situation.

En fait, Tsu est obligé pour continuer de survivre (quel terme employer finalement ?) de s’injecter des doses d’électricité. Avant que Big ne soit au courant, Tsu s’applique un fer à repasser, l’autre croit qu’il s’électrocute et va le sauver. Là aussi quiproquo, sexuel cette fois : Chu s’est persuadée que son époux et Big sont devenus gays et amants. Elle les a trouvé l’un sur l’autre dans des mouvements langoureux. Or, parce qu’il est mort, il ne pouvait plus avoir une érection et il l’a délaissée la nuit suivante. Non seulement cela donne droit à des répliques affligeantes (une amie de Chu lui dit qu’il faut se méfier des homos parce qu’ils donnent le sida) et des situations stupides (Chu et cette amie, décidément d’une bêtise crasse, décident d’engager une prostituée (Amy Yip) pour le remettre dans le droit chemin).

On ne peut pas dire que les femmes ont le beau rôle dans The Blue jean monster. Cela ne va pas s’arranger avec le personnage de Gucci (Gloria Yip), qui entre dans l’aventure en se trouvant sur le lieu du cambriolage. Prise en otage, elle va parvenir à s’échapper non sans avoir piqué un sac plein de billets aux malfrats qui, bien entendu, vont vouloir le récupérer. Une fois les navrants et pas drôles quiproquos sexuels finis, la baston contre les méchants peut reprendre. Mais maintenant il faut supporter le jeu passablement mauvais de Gloria Yip, qui en fait des tonnes. On espère vraiment que les bandits vont la flinguer. Mais même pas. Mal scénarisé, le film, dans sa dernière partie, lorgne du côté de John Woo (Shing Fui-on avait joué dans The Killer) sans arriver à l’égaler.

The Blue jean monster (著牛仔褲的鍾馗, Hong Kong, 1990) Un film de Ivan Lai avec Shing Fui-on, Pauline Wong, Tse Wai-kit, Gloria Yip, Amy Yip, Kunimura Jun, Amy Wu.