mercredi 31 octobre 2012

Headshot


« Comment fait-on pour passer de policier à malfaiteur » est la question au centre de Headshot, le nouveau film de Pen-ek Ratanaraung dont on n’avait guère eu de nouvelles depuis Ploy en 2007, ses plus récents films n’ayant pas été visibles par chez nous. Cet homme, c’est Tul (Nopachai Chaiyanam) que l’on découvre d’abord de dos portant des cheveux longs et qui se dirige vers une boite postale d’où il sort une enveloppe qui contient le nom de sa prochaine cible : un homme politique. Tul se rase la tête, revêt la bure orange de moine et abat l’homme. Mais les gardes du corps de ce dernier répliquent et Tul s’effondre, blessé à la tête. Le commanditaire, le Dr. Sruang (Krerkkiat Punpiputt) le soigne. Tul reste trois mois dans le coma.

A son réveil, il voit tout à l’envers et Pen-ek Ratanaruang retourne sa caméra en point de vue subjectif, en troublant l’image, pour nous montrer la sensation. La vie de Tul est bien sans dessus-dessous. Sa voix off va narrer comment il en est arrivé là. Policier honnête, notre homme enquête sur un trafic de drogues qui implique le frère d’un ministre. Incorruptible, il est la victime d’un chantage de la part de l’avocat véreux de l'inculpé. Tul se retrouve accusé d’un crime qu’il n’a pas commis et passe par la case prison. A grands coups de flashbacks, on découvre le coup monté de toutes pièces. Tul passera trois ans en prison. Jamais le film ne montrera, comme c’est le cas souvent dans les films où la corruption des édiles est un sujet, la hiérarchie de Tul réagir ou un journaliste enquêter. C’est tout simplement que cela n’intéresse pas le cinéaste.

C’est la longue dérive du héros (ou antihéros) qui intéresse le cinéaste, sa plongée irrémédiable en enfer qu’il accepte comme un destin tout tracé. Le film se veut un polar noir et Ratanaruang ne ménage pas ses efforts pour plonger dans le glauque le plus ultime. L’image d’abord souvent très sombre, peu éclairée. Tul à cause de son trouble visuel parvient à mieux tirer sur ses victimes dans le noir total. Quand il tue dans un hangar ou dans un appartement, il éteint brutalement la lumière. Quand il se trouve en extérieur, une pluie diluvienne obstrue la visibilité. Puis, ce sont des dizaines de morts qui ponctuent le récit. Tul est constamment poursuivi par des assaillants, le fils du politicien cherche à venger son père. Enfin, la musique sinistre est constante pour encore plus appuyer la noirceur.

Deux personnages féminins vont croiser le chemin de Tul. Il rencontre Tiwa (Chanokporn Sayoungkul) par hasard. Elle se fait appeler Joy, ils couchent ensemble et meurt sauvagement assassinée dans sa baignoire. C’est Tiwa qui est au centre du coup monté de l’avocat. Car en fait, elle n’est pas morte. Elle a été payée pour lui faire croire. Là aussi, le cinéaste fait passer en force ce gros mensonge et on se demande pourquoi elle ne va pas dire aux policiers qu’elle est encore vivante. Tiwa, bien que prostituée et droguée, est une fille bien qui va chercher Tul à sa sortie de prison et lui offre un logis. Sa fin sera pourtant tragique.

La deuxième femme est Rin (Chris Horwang). Tul monte dans sa voiture en la prenant en otage. Elle se trouvait là par hasard, il la menace de son révolver. Elle l’emmène loin de Bangkok. Alors qu’il pleut abondement, un pneu crève. Il faut le réparer. Alors, qu’elle pourrait fuir, elle se prend de sympathie pour lui. Elle a bien compris que c’était un homme avec un bon fond, que ses actions sont dues aux circonstances néfastes et qu’il ne va pas lui faire. Rin l’amène vers une nouvelle vie, celle de moine. Et encore une fois, Ratanaruang nous refile une facilité scénaristique (comprendre un retournement de situation) tellement lourdingue que la lassitude m’a envahie. Somme toute, Headshot donne l’effet d’un film poussif, comme l’étaient selon moi Last life in the universe comme Ploy, qui fait regretter la fausse naïveté de Monrak transistor. Comment fait-on pour passer de cinéaste enthousiasmant à réalisateur prétentieux ?

Headshot (ฝนตกขึ้นฟ้า, Thaïlande – France, 2011) Un film de Pen-ek Ratanaruang avec Nopachai Chaiyanam, Chris Horwang, Chanokporn Sayoungkul, Joey Boy, Apisit Opasaimlikit, Krerkkiat Punpiputt, Theeradanai Suwannahom, Nadim Xavier Salhani, Daisuke Kashiki, Yasu Peron.

dimanche 28 octobre 2012

Love in space


Les trois filles de madame Huang (Xu Fan) sont éparpillées un peu partout. Rose (Rene Liu) est taïkonaute, nom des astronautes chinois, Lily (Gwei Lun-mei) vit à Sidney comme sa maman et Peony (Angelababy) est actrice à Pékin. Les trois filles ont donc des prénoms de fleurs : rose, lys et pivoine. Les quatre femmes sont célibataires et le but du jeu dans Love in space, second film du duo Wing Shya et Tony Chan après Hot summer days, est de leur trouver un mari. Comme il se doit, ce sera un long chemin semé d’embuches pour arriver à leur fin pour les hommes qu’elles vont rencontrer. On s’en doute aussi, tout se terminera bien dans cette romance qui prend la forme d’un film choral.

La rencontre d’abord. Pour Rose, c’est simple. Coincée dans sa navette spatiale, elle fait sa mission avec Michael (Aaron Kwok) qui se trouve être son ex. Ils se connaissent donc très bien. Lily rencontre par hasard Johnny Chen (Eason Chan) dans un restaurant où ils sont obligés de partager une table par manque de place. Ils commandent les mêmes plats, la même boisson et répondent à la serveuse en même temps. Peony est une actrice très célèbre bien que raillée pour la médiocrité de son jeu. Non sans ironie de la part d’Angelababy souvent considérée comme un gentil mannequin, on la découvre recevoir une récompense – genre Razzie Award – de la pire actrice de l’année. Elle décide alors de s’infiltrer secrètement dans un café pour apprendre comment jouer son prochain rôle, celui d’une serveuse et va rencontrer Wen feng (Jing Boran)

Chacune a un gros problème dans sa vie. Rose est très impulsive alors que Michael est très calme, très réfléchi. Elle s’énerve à la moindre remarque, lance sa fourchette pour l’agresser mais l’apesanteur la ralentit, son agressivité ne peut pas aboutir. Lui, encore amoureux d’elle, murmure pendant qu’elle dort qu’elle doit revenir vers lui, une manière de l’hypnotiser. Elle l’avait quitté, sur Terre, sur un coup de tête parce qu’elle l’avait vu avec une jeune femme. Elle lui en veut encore. Leur mission dans l’espace est d’élever des roses (des fleurs encore) mais il faut avouer que cela n’entre guère en compte dans le récit. Les cinéastes se contentent, sur la musique du Danube bleu de faire voltiger ses deux acteurs dans l’immense navette spatiale. C’est assez joli mais un peu inutile.

Opposition totale aussi dans le couple que va former Lily et Johnny Chen. Elle souffre d’une peur des bactéries. Conséquence directe de cette angoisse : elle passe son temps à nettoyer chez elle, à désinfecter chaque objet qu’elle va saisir et elle est incapable de toucher les gens. Son psy (Chapman To dans une courte apparition) tente de la soigner et l’encourage à briser ses règles. Or Johnny Chen est éboueur et travaille avec son père (Gordon Liu, lui aussi dans un caméo). L’ultra propreté contre les poubelles, Lily prend peur alors qu’elle aime profondément Johnny. Sa première visite chez elle manque de tourner à la catastrophe quand il fait déborder les toilettes. Il accepte les manies de Lily mais elle a du mal à accepter la profession de Johnny qui est fier d’être éboueur. Cette opposition radicale est trop caricaturale pour vraiment convaincre.

C’est le récit de Peony qui séduit le plus. Son immersion dans la vraie vie qu’elle n’a jamais connu d’après ses dires car elle est actrice depuis ses treize ans, est source de comique. D’abord parce qu’elle se rend au café dans sa voiture avec chauffeur habillée comme un mannequin (talons hyper hauts, jupe très courte, manteau de fourrure) et le visage ornant les lunettes rondes de son chauffeur, appelé Oncle Hua (Liu Jin-shan). Wen Jeng, écrivain en herbe sans éditeur et vendeur de pastèques, aide Peony qui est tout à fait incompétente. Elle se fait appeler Xiao Huang, pour passer incognito Au début, elle lui demande ce qu’il pense de Peony Huang et il la trouve nulle et bien moins belle qu’elle. Alors qu’elle n’en pas le droit (son contrat stipule qu’elle doit rester célibataire pendant cinq ans), Peony et Wen Jeng prennent de petites habitudes comme la ramener sur sa carriole de pastèques et ces habitudes se transforment en romance.

Enfin, il faut signaler que la maman des trois filles se fait séduire par l’oncle Hua qui en attendant Peony va lui rendre visite en mettant de belles chemises à fleurs. Il va surtout lui redonner le goût de cuisiner, goût qu’elle avait perdu depuis la mort de son mari. Le film est construit de manière ultra classique : rencontre, rupture puis réconciliation avec des images hyper bien léchées. Rien de neuf de ce côté-là. Love in space ne vaut que pour l’intérêt que l’on porte aux interprètes et c’est Angelababy qui s’en tire le mieux sans doute parce que son personnage est le plus difficile à défendre. Elle a la lourde tâche de transformer une personne arrogante et superficielle en une femme respectable. Mais dès le début, on avait compris que tout se terminerait bien.

Love in space (全球熱戀, Hong Kong – Chine – Australie, 2011) Un film de Wing Shya et Tony Chan avec Aaron Kwok, Rene Liu, Eason Chan, Gwei Lun-mei, Xu Fan, Liu Jin-shan, Jing Boran, Angelababy, Chapman To, Gordon Liu

jeudi 25 octobre 2012

Sorties à Hong Kong (octobre 2012)


Natural born lovers (天生愛情狂, Hong Kong, 2012)
Un film de Patrick Kong avec Cheung Chi-lam, Annie Liu, Mabel Ye, Lam Si-man, Kathy Yuen, Jinny Ng, Ava Yu, Leung Lit-wai, Mandy Wong, Ngai San-hei, Christine Kuo, Linah Matsuoka. 105 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 25 octobre 2012.

Sorties à Hong Kong (octobre 2012)

Taichi hero (太極2:英雄崛起, Hong Kong – Chine, 2012)
Un film de Stephen Fung avec Tony Leung Ka-fai, AngelaBaby, Yuan Xiao-chao, Eddie Peng, Fung Shiu-fung, Shu Qi, Stanley Fung, Ying Da, Bruce Leung, Fung Hak-on, Chen Sicheng, Xiong Naijin, Hung Yan-yan, Yuan Wen-kang, Nikki Hsieh, Yuen Biao, Andrew Lau, Daniel Wu, Patrick Tse, Jimmy Wang Yu. 102 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 25 octobre 2012.

lundi 22 octobre 2012

Daddy, father and papa


Les rapports du jeune Benny (Siu Ban-ban), dix ans, avec ses parents (Teresa Mo est la mère et Li Wai-hung le père) sont loin d’être tranquilles. C’est une famille aisée mais le gamin est solitaire et n’a aucun camarade à l’école où les autres se moquent de lui et lui jouent des mauvais tours. Son père ne pense qu’au travail et engueule son fils qui regarde Mon voisin Tororo au lieu de faire ses devoirs. Les parents se disputent au sujet du fils qui décide de changer d’air dans une salle d’arcade où avec seulement un dollar, Benny passe la journée à jouer aux jeux vidéo, ce qui énerve le propriétaire de la salle qui le vire. Dernier espoir : aller chez son ami inventeur Pierre (Gabriel Wong). Là, il se fait encore virer pour avoir trop joué avec les robots. Il part faire un tour de vélo quand il tombe sur deux malfrats qui menacent un homme. Ils veulent récupérer des photos compromettantes. Et c’est bien entendu Benny qui attrape la pellicule et qui s’enfuit.

La partie action de Daddy, father and papa commence avec une course poursuite entre Benny sur son vélo et les deux hommes (Tommy Wong et Paul Wong) en voiture. Le gamin est kidnappé par la bande de méchants. Les parents inquiets de ne pas le voir rappliquer vont à la police pour signaler sa disparition. Puis, ils commencent eux-mêmes une enquête en interrogeant le patron de l’arcade (Teddy Yip) qui laisse échapper son exaspération au sujet de Benny. Sans en parler à son époux, la mère rencontre séparément Hung (Sammo Hung) puis Wong (Raymond Wong Pak-ming), deux de ses anciens amants. On découvre leur passé dans un court flashback en mode sépia. Elle les convainc de partir à la recherche de Benny en sortant un gros mensonge : il serait leur fils.

Le film joue alors sur deux ressorts comiques éculés. Les quiproquos entre les deux papas putatifs qui ne se connaissent pas, qui suivent les mêmes pistes (encore une fois le patron d’arcade) puis à l’école où les vilains garnements que sont les camarades de Benny leur lancent, avec des pistolets factices, des balles de plastic sur les fesses des deux hommes. C’est à cette occasion qu’ils se rencontrent, chacun étant persuadé d’être le vrai père de Benny. L’autre matière comique est l’homosexualité latente qui se développe quand ils récupèrent enfin le petit et qu’ils logent tous les trois et s’occupent de lui. La petite amie hystérique de Wong (Kingdom Yuen, dans un rôle bien ingrat) découvre Hung enveloppé d’une simple serviette de bain et comprend, en comparant leur poitrine, que Wong est devenu gay à cause des seins de Sammo Hung. Il faut ajouter à cet humour crypto-gay que le personnage de Gabriel Wong, le créateur de jouets, est présenté comme une folle.

La cible est clairement le public enfantin et le film s’inspire de Maman j’ai raté l’avion quand Benny mène ses ravisseurs sur de fausses pistes et leur mène la vie dure. Les kidnappeurs se retrouvent à déterrer un mort, il prétend avoir caché la pellicule dans une sépulture, ou électrifie Tommy Wong. Les gags, plutôt tous gentils, sont donc adaptés aux enfants et ne volent pas très haut. Comme il se doit, le gamin est plus malin que tous les adultes réunis (surtout le vrai père complètement dépassé) et tout se finira bien. L’un des malfrats s’avérera au final un gentil garçon qui va se repentir (la morale est sauve) et Benny aura trois papas pour le prix d’un, Benny faisant croire à Hung puis à Wong qu’il est son père mais qu’il doit garder le secret. Tout est bien qui finit bien.

Daddy, father and papa (老豆唔怕多, Hong Kong, 1991) Un film de Clifton Ko avec Siu Ban-ban, Teresa Mo, Liu Wai-hung, Raymond Wong Pak-ming, Sammo Hung, Tommy Wong, Paul Wong, Gabriel Wong, Tam Sin-hung, Simon Yip, Teddy Yip, James Tin, Kingdom Yuen, Yiu Shui-taai, Catherine Lau, Lau Leung-fat, Chiu Sek-man.

vendredi 19 octobre 2012

In another country


In another country est le troisième film d’Hong Sang-soo en un an qui sort sur les écrans en France (après donc Oki’s movie et The Day he arrives – Matins calmes à Séoul) avec une forme (trois petites histoires) et une thématique (le cinéma et les gens qui y travaillent) et une méthode (improvisation et budget minuscule) communs. Finalement, le cinéaste coréen fait donc une trilogie de trilogie avec cette fois un attrait supplémentaire pour les spectateurs français puisqu’Isabelle Huppert y tient le rôle pivot. Elle y incarne, forcément, une française en séjour en Corée, en l’occurrence elle réside dans une chambre d’hôte à Mohang, une petite ville au bord de mer. Chaque récit est lancé par une jeune femme, présentée comme apprentie scénariste, et qui écrit ses histoires à la main sur un petit carnet. En voix off, elle présente le personnage que va jouer Anne et raconte l’épilogue. La jeune femme (Jeong Yu-mi) jouera chaque fois la gardienne de la résidence.

Anne est d’abord une réalisatrice invitée par Jong-soo (Kwon Hae-hyo), un de ses collègues coréen. L’épouse de ce dernier est enceinte jusqu’aux dents et très jalouse de la complicité qu’Anne entretient avec lui. Il se rappelle un baiser échangé à Berlin mais elle ne s’en souvient pas. Il aimerait recommencer. Dans la deuxième histoire, Anne est venue accompagner son époux, patron en voyage d’affaires, et s’est éclipsée en secret à Mohang pour retrouver son amant Moon-soo (Moon Seong-geun), un cinéaste qui prend ses distances avec elle de peur d’être reconnu et compromis dans cet adultère. Dans le dernier récit, Anne est une trompée par son mari avec une Coréenne. Elle est accompagnée de Park Sook (Yoon Yeo-jeong), une de ses amies. Avec des discussions badines, le film ausculte légèrement l’adultère avec trois situations qui se répondent les unes aux autres. Anne est respectivement indifférente, amoureuse et déprimée. Les repas largement arrosés au soju, l’alcool coréen, permettent de libérer la parole et l’épouse de Jong-soo ne se prive pas pour dire ce qu’elle pense de la proximité de son mari avec Anne. L’alcool offre la possibilité de se lâcher avec le danger que les rapports entre les personnages explosent en mille morceaux. Ce qui change, ce sont les tons. D’abord ouvertement comique, puis dramatique pour finir sur la dépression.

Le film propose des variations sur des mêmes scènes. Anne qui porte dans chaque partie une robe de couleur différente (mauve, rouge puis verte) part faire une promenade pour découvrir le coin. La gardienne lui propose un parapluie puis partent ensemble. Une route qui bifurque. Quelle direction mène au phare qu’elle a envie de voir et qu’elle ne trouvera jamais. Et puis, il y a ce maître nageur (Yoo Joon-sang), bel athlète qui nage en short noir dans la mer. Il sort de l’eau, met son t-shirt orange. Elle lui demande si l’eau est pas trop froide (effectivement, Mohang est envahi par le brouillard et la pluie), il répond que l’eau est chaude. Elle tente de lui demander où se trouve le phare. La scène se répète trois fois avec des angles de prise de vue. Ce jeune maître nageur est l’expression du désir pour Anne. Elle a envie de lui plutôt que des cinéastes avec qui elle sort. L’intello a besoin de ce corps primitif et musclé, tout à fait incongru dans sa vie.

L’incompréhension entre eux deux ne cesse jamais. Elle lui parle en anglais mais ne comprend pas beaucoup. Il baragouine et cela crée un comique de situation. Il loge dans une tente à côté des sanitaires au bord de la plage. Là aussi son logement est incongru d’autant qu’il veut lui offrir. « I can give it to you », lui dira-t-il, elle écarquille les yeux, étonnée. Il est un personnage étrange qui vient poser de drôles de questions lors d’un repas. Son antithèse est le moine que Park Sook lui fait rencontrer dans la dernière partie. Anne lui posera des questions qui la laisseront encore plus dans l’expectative et la plongera dans la dépression finale et alcoolisée. Mais tout cela n’était qu’un scénario d’apprentie cinéaste, un essai charmant sur le marivaudage où Isabelle Huppert semble s’amuser de ne pas tout comprendre de ce pays bien étrange.

In another country (다른 나라에서, Corée – France, 2012) Un film de Hong Sang-soo avec Isabelle Huppert, Yoo Joon-sang, Jeong Yu-mi, Yoon Yeo-jeong, Moon Seong-geun, Kwon Hae-hyo, Moon So-ri, Kim Yong-ok.

mardi 16 octobre 2012

Baby Cart : Le paradis blanc de l'enfer


Le dernier chapitre de la saga du loup solitaire à l’enfant a une réputation de film vaguement dégénéré, un peu fou et décalé par rapport aux cinq autres épisodes réalisés dans une courte période de 15 mois, soit un film chaque trimestre entre janvier 1972 et avril 1973. Baby Cart : Le paradis blanc de l’enfer a été tourné plus d’un an après le cinquième film, donnant l’impression fallacieuse d’un ajout artificiel, strictement commercial. Kenji Misumi et Buichi Sato n’ont pas rempilé, c’est Yoshiyuki Kuroda, auteur d’un gentil Yokai monsters along with ghosts qui s’y colle.

L’histoire s’achève et logiquement Itto Ogami veut en finir avec Retsudo Yagyu et vice-versa. Ce dernier, devenu bourreau du shogun à la place du premier, veut conserver son rang. Le seigneur estime qu’il ne s’est pas assez battu pour éliminer Ogami, paradoxe certain quand on sait que dans les cinq films précédents, plusieurs de ses enfants ont tenté de battre le loup solitaire et qu’ils en sont morts. Le dernier espoir repose sur sa dernière fille vivante, Kaori (Junko Itomi), sabreuse émérite. On la découvre à l’entrainement, enfonçant avec flegme sa lame dans les crânes de trois hommes du clan Yagyu. Sa beauté n’a d’égale que sa barbarie.

Elle sera sa première adversaire. Elle a des espions qui la guident vers lui, laissant des messages sur les petites statues de Bouddha qui longent les chemins. Elle approche d’abord Daigoro qui joue avec des enfants de paysans. Elle l’appelle, il vient, elle joue avec lui aux osselets jusqu’à l’arrivée de son père qui comprend le stratagème de la guerrière. Cette partie est l’une des plus belles du film avec des effets de lumières (arc en ciel) sur le visage impassible de Kairo et des reflets sur les lames sur un ciel blanc. Immédiatement, l’évocation d’une des plus célèbres séquences de Baby Cart : L’enfant massacre revient en mémoire avec une variation ultime puisque Kaori connait la ruse d’Ogami qui va produire une attaque modifiée. La belle combattante du clan Yagyu ne fera pas le poids face à l’expérience de son adversaire. Retsudo en est averti et lance son dernier atout.

Cet atout est son fils bâtard, Hyoé (Isao Kimura) abandonné par son père depuis ses cinq ans. Retsudo part dans une forêt profonde et inhospitalière. C’est là que son fils vit au milieu du clan Tsujigumo qui pratique la magie noire. Le film bascule alors dans le fantastique. Hyoé est passé du côté obscur et, avec un grand rire sardonique comme tous les affreux méchants, fait revivre trois hommes enterrés depuis 42 ans dans une jarre. Ces trois zombies ont la capacité de se déplacer sous terre, logique puisqu’ils ont vécu enterrés si longtemps. Le sol remue doucement derrière Ogami et Daigoro, laissant quelques craquèlements, soudain une main sort comme d’un tombeau. L’une des idées du film est de faire de Hyoé un homme impitoyable, un homme qui préfère les morts aux vivants et dont la voix hantera Ogami. Chaque personne que croisera Itto Ogami sera assassinée : une passante qui complimente Daigoro, un marchand ambulant de bonbons puis tous les occupants de l’auberge où ils se sont installés. Avec un humour glacial, le père et son fils ne pourront jamais achever chaque repas qu’ils attendaient patiemment.

Le fil conducteur est la couleur blanche. Le film s’ouvre sur le landau qui glisse, telle une luge sur la neige. Le finale où Ogami affrontera une centaine d’hommes aura lieu également sur les pentes enneigées. La chevelure et la barbe de Retsudo Yagyu, la tunique de Hyoé, le soleil, les galets, tout est blanc et le blanc est le danger. Ogami tire avec sa mitraillette sur un mur blanc : derrière éraient cachés des mercenaires. Or, le sang qui coule se voit encore mieux sur le blanc. Le loup solitaire avec sa tenue noire est souvent filmé isolé au milieu d’une grande étendue blanche (un désert de galets, le flanc de montagne). Le titre du film, en oxymore, exprime bien tout le paradoxe du parcourt de cet homme qui selon ses mots « vit entre loyauté et trahison ». A lui la loyauté, au clan Yagyu la trahison. Une histoire de désespoir sans fin.

Baby Cart : Le paradis blanc de l'enfer (子連れ狼 地獄へ行くぞ!大五郎, Japon, 1974) Un film de Yoshiyuki Kuroda avec Tomisaburo Wakayama, Akihiro Tomikawa, Junko Hitomi, Isao Kimura, Minoru Oki, Goro Mutsumi.

lundi 15 octobre 2012

Baby Cart : Le territoire des démons


La cinquième et avant-dernière aventure du loup solitaire à l’enfant voit le retour à la mise en scène de Kenji Misumi pour un récit entièrement tourné autour d’un complot lâchement ourdi par l’ignoble Retusdo Yagyu, désormais borgne depuis qu’Itto Ogami lui a crevé l’œil droit dans leur précédent affrontement. Baby Cart : Le territoire des démons déploie une histoire un peu complexe (parfois un peu trop) où chaque personnage rencontré et combattu apportera un nouvel indice sur la mission de l’ancien bourreau du shogun.

Le film s’ouvre sur une séquence en montage alterné. D’un côté le calme d’avant la bataille de Ogami poussant Daigoro dans son landau. De l’autre, des cavaliers sur leur monture au galop. Chacun de ces cavaliers et un membre du clan Kuroda. Ils portent un masque sur lequel est dessiné un bœuf. C’est ainsi qu’Ogami les reconnait. Ce dernier devra les affronter et chaque adversaire donnera un indice sur la mission juste avant de trépasser. Par cette mise en scène, Baby Cart : Le territoire des démons trouve un moyen astucieux de prolonger le suspense du but de la mission. Chaque indice est amené sous la forme d’un court flashback aux couleurs sépia. Une fois le cinquième cavalier mort, Itto Ogami, comme le spectateur, connait le fin mot de l’histoire. Un seigneur local a décidé de faire de sa fille illégitime, née de sa maîtresse, son héritière au trône, déchant son fils naturel. Un décret est signé qu’un prêtre félon et allié du clan Yagyu doit délivrer au shogun. L’objectif d’Ogami est simple : supprimer le prêtre pour que le parchemin n’arrive jamais à bon port et que la supercherie ne s’accomplisse pas.

Sans pourtant pousser trop loin le côté gore, Baby Cart : Le territoire des démons est l’un des épisodes les plus violents où la couleur rouge est le fil conducteur. Des baies que cueille Daigoro en ouverture du film jusqu’à l’eau du lac qui se remplit du sang sous les coups du sabre d’Ogami en passant par la robe rouge du prêtre et les colliers rubigineux des cavaliers. Moins de sang gicle que dans les autres épisodes, mais les gros plans sur les plaies sont fréquents. Kenji Misumi va jusqu’au grotesque en montrant un corps d’homme tranché à la taille. Ce qui compte, ce sont moins les combats courts et abrupts que leur mise en place et le cérémonial qui s’y attache. Cette couleur rouge vif tranche d’autant plus qu’il est complémentaire de la teinte glauque (glauque étant une couleur tirant entre le bleu et le verdâtre) sur laquelle il se place.

Comme dans Baby Cart : L’âme d’un père, le cœur d’un fils, Daigoro a ses propres péripéties. Tandis que son père combat un cavalier, l’enfant part regarder des bateleurs au village. Là sévit une voleuse de portefeuille qui, poursuivie par un officier, met dans les mains du petit son butin. Elle lui demande de ne rien dire. Arrêté, le gamin sera torturé nu en place publique sous les yeux de son père silencieux mais admiratif que son fils respecte la parole donnée. Cette scène où un enfant est battu est à mettre en parallèle avec le sort que va réserver Ogami à la jeune héritière illégitime du seigneur local. Parce que le code d’honneur n’a pas été respecté, il sera sans pitié. Cette intransigeance du samouraï n’est pas la moindre des violences de Baby Cart : Le territoire des démons.

Baby Cart : Le territoire des démons (子連れ狼 冥府魔道, Japon, 1973) Un film de Kenji Misumi avec Tomisaburo Wakayama, Akihiro Tomikawa, Akira Yamauchi, Hideji Otaki, Taketoshi Naitô, Fujio Suga, Rokko Toura, Shingo Yamashiroas, Tomomi Sato, Michiyo Ookusu, Koji Fujiyama, Sumida Kazuyo, Bin Amatsu, Taizen Shishido, Eiji Okada, Minoru Ohki.

dimanche 14 octobre 2012

Baby Cart : L’âme d’un père, le cœur d’un fils


Le changement de réalisateur entre Baby Cart : Dans la terre de l’ombre et Baby Cart : L’âme d’un père, le cœur d’un fils ne modifie guère les hautes ambitions artistiques de la série. Buichi Sato, comme Kenji Misumi, est au service du personnage du loup solitaire à l’enfant. Comme dans les trois premiers épisodes, le récit se divise en deux pistes : une mission pour laquelle il touchera, comme à son habitude, 500 ryos ni plus ni moins, et sa sempiternelle lutte contre le clan Yagyu, absent de Baby Cart : Dans la terre de l’ombre et qui marque le retour du chef de clan, Retsudo.

La première image du film est l’une des plus frappantes de toute la série : un sein nu de femme sur lequel est dessiné un enfant. Comme souvent, le premier plan donne le ton du Baby Cart. Ce sein est celui de la belle Oyuki (Michie Azuma), une bretteuse qui surprend ses ennemis en dévêtant sa poitrine. Itto Ogami (Tomisaburo Wakayama) doit tuer cette fière combattante insensible, comme lui, à la douleur. La séance de tatouage (elle a également une sorcière dans le dos) est décrite en flashback par le tatoueur qui explique que l’opération est une torture. Itto va comprendre que sa mission sera difficile car l’adversaire est à sa hauteur.

C’est la filiation qui est au centre de Baby Cart : L’âme d’un père, le cœur d’un fils, comme le titre l’indique très clairement. Que ce soit la filiation familiale ou celle entre un maitre et son disciple. Celle d’Oyuki, la femme tatouée, est complexe. Son père, chef d’un village de saltimbanques, va raconter à Itto la raison pour laquelle elle chasse les membres du clan Owari et leur coupe les nattes, symbole suprême de virilité. C’est qu’elle veut tuer Enki qui l’a formée. Pour Itto Ogami ses raisons remplissent les contraintes du code d’honneur, ce qui est moins le cas de Gunbei Yagyu (Yoichi Hayachi).

Gunbei, le fils de Retsudo, est une vieille connaissance d’Ogami. Ils se sont entrainés ensemble quand ce dernier était encore le bourreau du shogun. Gunbei, passé pour mort, réapparaît à la grande surprise de l’assassin à l’enfant. Il menace de tuer Daigoro ce qui inquiète peu son père. L’enfant dans une scène précédente s’était déjà égaré après avoir écouté des bateleurs. Pour la première fois dans la série, Daigoro existe seul et a ses propres péripéties, en l’occurrence être cerné par un feu. Il survit à l’incendie et cela ne fait que renforcer l’admiration que lui porte son père.

La lâcheté du clan Yagyu est double. Gunbei s’en prend à un enfant (presque) sans défense et son père Retsudo l’a fait passer pour mort. Un homme affublé d’un habile masque s’est donné harakiri à la place du fils. Le film est placé sous le signe du simulacre, du double, du déguisement. Le masque de Gunbei, les tatouages de Oyuki sont des signes destinés à tromper l’ennemi. Tout comme les mercenaires déguisés en statues dans le temple bouddhiste ou encore les moines musiciens qui portent un long chapeau qui les cache. Ces musiciens menés par Retsudo cherchent en définitive à supprimer Ogami. Il en sortira fortement blessé. Mais ce dernier, en crevant un œil à Retsudo, donnera l’ultime leçon au chef Yagyu : le code d’honneur samouraï est incompatible avec le double jeu.

Baby Cart : L’âme d’un père, le cœur d’un fils (子連れ狼 親の心子の心, Japon, 1972) Un film de Buichi Sato avec Tomisaburo Wakayama, Yoichi Hayachi, Michie Azuma, Akihiro Tomikawa, Asao Koike, Tatsuo Endo, Shin Kishida.

vendredi 12 octobre 2012

Like someone in love


Après l’Italie avec le bavard et vain Copie conforme, Abbas Kiarostami poursuit son exil au Japon où le cinéaste iranien place son habituel dispositif à Tokyo pour Like someone in love. Un bar, de nombreux clients, des filles jeunes qui discutent au téléphone, passent de table en table, rient, fument. Et une voix off qui parle au dessus de toute cette cohue. Une engueulade a lieu et même si on n’entend que la voix féminine, on comprend qu’elle cache à son petit ami où elle est pour ne pas le voir débarquer. Elle prétend être dans un café alors qu’elle est dans un autre. Pour prouver qu’elle est bien là et pas ailleurs, il lui demande d’aller compter les carreaux dans les toilettes. Ce garçon est un entêté. Elle décide d’interrompre cette conversation et de couper son téléphone.

Que faire maintenant ? Où Abbas Kiarostami va-t-il emmener son personnage féminin prénommé Akiko (Rin Takanshi) ? Une chose est sûre, elle va prendre le taxi qu’a appelé pour elle Hiroshi (Denden), l’homme qui l’accompagne sans que l’on sache vraiment pourquoi. Like someone in love joue sur l’ambigüité des rapports entre eux deux. Est-il son vieil amant ? Trompe-t-elle son petit ami avec lui ? Kiarostami poursuit son léger suspense avec la destination. Hirsohi veut qu’elle se rende à tel endroit (décidément, une habitude chez les hommes qu’Akiko fréquente) alors que sa grand-mère attend à la gare. Pendant le trajet, elle écoutera tous ses messages in extenso (le spectateur les entend bien qu’elle porte un casque). Ils sont presque tous de sa grand-mère qu’elle regardera de loin, assise dans le taxi tandis que la vieille dame espère voir sa petite fille et discuter avec elle.

Quelques discrètes larmes sur la joue. Puis, la jeune femme s’endort. Le chauffeur de taxi cherche la destination. Takashi Watanabe (Tadashi Okuno), un vieux monsieur l’accueille. Devant la nouvelle attitude d’Akiko, il n’y a plus de doutes, elle est une call girl et Takashi un vieux pervers qui aime les jeune filles. Fatiguée, elle se déshabillera  sans prendre le temps de boire du champagne. Puis le lendemain matin, le vieux monsieur amène la jeune femme à la fac où elle doit passer un examen. Là, le petit ami, Noriaki (Ryo Kase) entre en scène en rejouant la scène du scandale. Puis vient causer avec Watanabe qu’il prend, logiquement, pour le grand-père de sa petite amie. Le fiancé annonce qu’il veut se marier avec Akiko. Cette dernière n’a jamais dit qu’elle est une call girl. Le grand père de convention est de fiction essaie de le convaincre qu’il ne sert à rien de se marier.

A part Noriaki, un gentil garagiste qui va remplacer une courroie à la Volvo qui sert de cadre au trio de personnages dans la seconde moitié, tout le monde s’invente une vie, se met en scène aux yeux des autres. Akiko et Takashi jouent aux rapports familiaux, faisant semblant à la fois devant le jeune homme mais aussi devant la voisine qui elle imagine qu’elle aurait pu se marier avec Monsieur Watanabe. Hors champ, on entend ses reproches par rapport à la voiture garée à tel endroit et qui la gâcherait la vue. Le vieil homme est lui-même un écrivain connu, un inventeur d’histoires. Le titre du film est celui d’une chanson qu’interprète Ella Fitzgerald et appuie sur l’idée d’apparence. Tout comme le ton, à la Woody Allen, de Like someone in love évoque par moment, notamment dans les moments de comédie essentiellement dus aux quiproquos et aux dialogues de sourds face à ces inventions de personnages, donnent au film une légèreté qui avait disparu du cinéma d’Abbas Kiarostami depuis Au travers des oliviers. Mais la légèreté disparaitra dans la scène finale où la réalité reprend le dessus sur le jeu de la relation entre Watanabe et Akiko. Et avec une grande ironie, Kiarostami donne à son film une fin ouverte, les règlements de compte seront hors champ, comme si le spectateur allait devoir inventer la conclusion.

Like someone in love (ライク・サムワン・イン・ラ, Japon – France, 2012) Un film d’Abbas Kiarostami avec Rin Takanashi, Tadashi Okuno, Ryo Kase, Denden, Kouichi Ohori, Mihoko Suzuki, Hiroyuki Kishi.

jeudi 11 octobre 2012

Sorties à Hong Kong (octobre 2012)


Love is ... pyjamas (馮凱帥, Hong Kong – Chine, 2012)
Un film de Vincent Kok avec Yan Ni, Lynn Hung, Raymond Wong Pak-ming, Raymond Lam, Karena Ng, Ronald Cheng, Teresa Mo, Hai Qing, Feng Dan-ying, Vincent Kok. 99 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 11 octobre 2012.

Sorties à Hong Kong (octobre 2012)


Dear enemy (親密敵人, Hong Kong – Chine, 2011)
Un film de Xu Jinglei avec Xu Jinglei, Stanley Huang, Gigi Leung, Aarif Lee, Christy Chung, Michael Wong, Zhao Baogang, Ying Da, Su Xiaoming, Liu Yiwei, Alice Wang, Li Ai, Sean Li, Terence Yin. 97 minutes. Classé Catégorie I. Sortie à Hong Kong : 11 octobre 2012.

mardi 9 octobre 2012

Baby Cart : Dans la terre de l'ombre

La troisième aventure de Itto Ogami (encore et toujours Tomisaburo Wakayama, ébouriffé et l'air renfrogné) s'ouvre sur les eaux calmes et limpides d'une rivière à traverser avec son bambin Daigoro (Akihiro Tomikawa) bien installé à son landau accroché à la barque qui se dirige sur l'autre rive. Toujours en alerte, le samouraï repère dans l'eau des joncs d'hommes qui les suivent. Ce sont probablement des hommes de main du clan Yagyu que notre héros tue dans une forêt de bambous avec son calme et sa sérénité dignes de son talent de tueur professionnel. A vrai dire, ce seront les seules apparitions des Yagyu dans le film, aucun héritier de Retsudo ne vient chercher querelle à Ogami dans Baby Cart : Dans la terre de l'ombre. Ce sont d'autres adversaires qui vont s'en charger.

Le premier est un mercenaire répondant au nom de Kanbei (Go Kato), un homme taciturne au regard sombre qui mange dans son coin tandis que ses trois compagnons parlent fort, montrent leur bide et protestent de la laideur des femmes qui croisent leur chemin. Le caractère de Kanbei semble bien opposé à ceux de ces trois hommes et plutôt proche de celui d'Ogami. En revanche, il fait preuve d'un cruauté sans pareil quand les mercenaires violent une mère et sa fille qui passaient par là avec leur serviteur. Il les tuera tous les trois et décidera, pour étouffer l'affaire, de faire porter le chapeau à celui qui tirera la plus courte paille. Ce qu'aimerait Kanbei est affronter en duel Ogami, pouvoir se mesurer à la réputation qui précède l'homme qui défie le shôgunat. Le samouraï déchu ne lui donnera pas ce plaisir.

L'autre ennemie est une femme. Torizo (Ukio Yamada) tient un bordel et s'avère mécontente que Ogami protège une jeune femme qu'il a rencontré sur la barque. Cette dernière a été achetée pour être revendue à Torizo, chef du clan des « 8 oublis ». En effet, ce clan de yakuzas a décidé d'oblitérer toutes les vertus et de ne vivre que hors la loi et sans code d'honneur. Là encore, Torizo est un personnage à l'opposé des valeurs de Ogami qui décide d'assumer la punition de la jeune femme. En l'occurrence de subir la terrible punition du baquet d'eau et de la bastonnade. Fidèle à son stoïcisme, Ogami encaisse les coups sans prononcer le moindre son, ce qui lui vaut la plus grande admiration de ses tortionnaires. Petit à petit le personnage de Torizo va prendre de l’ambiguïté, se développer et engager Ogami pour éliminer l'assassin de son père. C'est un personnage fort et attachant, au regard profond qui manie le pistolet. Elle semble tomber amoureuse de lui, abandonnant progressivement sa morgue à son égard.

Comme dans les deux premiers épisodes de la série, Kenji Misumi est ses scénaristes scindent le récit en deux. On retrouve Ogami parti se battre contre un seigneur local (le contrat de Torizo) et abattre avec une mitraillette cachée une bonne centaine d'ennemis. Un affrontement viscéral et violent avec Kanbei au sommet d'une montagne nue et balayée aux quatre vents. Il s'agira pour le deux hommes, dont les yeux sont filmés en gros plan occupant tout le cadre, de sauver leur honneur. Les combats sont très courts, constitués de seulement quelques plans de sabre. C'est surtout l'attente que filme Kenji Misumi, il filme le temps qu'il faut aux adversaires pour enfin commencer à se battre. Baby Cart : Dans la terre de l'ombre acquiert alors un rythme lent totalement décalé par rapport à Baby Cart : L'enfant massacre. Le film fait régulièrement des pauses poétiques (les animaux sous la pluie devant les yeux de Daigoro, le repas familial autour d'un bol de riz) pour mieux ansuite rebondir sur des scènes d'action. Après cette première trilogie tournée en un an par Kenji Misumi, Itto Ogami poussant son landau reprend la route sur le son d'une chanson pop à sa gloire.

Baby Cart : Dans la terre de l'ombre (子連れ狼 死に風に向う乳母車, Japon, 1972) Un film de Kenji Misumi avec Tomisaburo Wakayama, Akihiro Tomikawa, Go Kato, Yuko Hamada, Isao Yamagata, Michitaro Mizushima.

lundi 8 octobre 2012

Baby Cart : L'enfant massacre


Une fois les fondements de la série lancés, le spectateur de Baby Cart est en pays connu et Kenji Misumi peut se lancer dans les plus grandes inventions visuelles pour le deuxième épisode tourné la même année que le premier. Les lancements des films de Misumi sont toujours brillants. Ils donnent le ton que vont avoir les films. Dans Baby Cart : L'enfant massacre, c'est encore une fois Itto Ogami qui affronte un membre du clan des Yagyu. En un coup de sabre, il lui fracture le crâne. Un second membre du clan Yagyu se dresse alors sur les épaules du premier. Immédiatement, Ogami brise cette verticalité qui détonne dans un film au cadre si composé, au format scope et où l'horizontalité va prendre tous se droits. Cette manche martiale qu'adoptent les Yagyu est forcément vouée à l'échec. Ogami démontrera sa supériorité tactique en bon nombre de moments. Horizontalité des cadres : les yeux prennent toute la place de l'écran, à la Sergio Leone. Ils deviennent littéralement paysage. Le sabre délimite le champ d'action : un très beau travelling sur la gauche suit le mouvement d'attaque de la main qui porte le sabre, à la lame pour arriver sur l'ennemi à occire.


Tout comme dans Baby Cart : Le sabre de la vengeance, le récit est double. D'abord la poursuite de la veangeance et l'accomplissement d'une mission de justice. D'une certaine manière, le scénario du film ne compte pratiquement plus que pour pièce complémentaire. Il devient, à la façon de procéder d'Hitchcock, simple gimmick. Ogami est toujours et encore poursuivi par les Yagyu. Cette fois, c'est une armée d'amazones emmenée par une femme impitoyable et bien dérangée qui lui livre bataille. La superbe séquence où elles montrent leur force en découpant un guerrier est d'une précision redoutable. Par la grâce d'un montage rapide, elles tranchent une oreille, puis des doigts, le nez et finalement les pieds et bras du combattant. Puis dans l'affrontement avec Ogami dans une forêt et au bord d'un ruisseau, les Amazones guerrières vont tenter de le tuer. Le sang giclera sous le sabre du samouraï. Il est aussi engagé par des tisserands qui ne veulent pas que la formule de teinture d'indigo qu'ils possèdent passe à la concurrence. Ogami combat sur deux fronts. Il devra affronter trois maîtres de guerre. Chacun possède au bout du bras une arme invincible (ou qu'ils croient telle). Ben a une main griffée, Tan une massue et Rai un gantelet de fer. Ces massacres sont aussi désignés comme une jouissance orgasmique : la lame s'enfonce dans le corps et une érection de sang en sort.


Itto Ogami continue sa route avec son fils dans son landau. Ils traversent les paysages tous les deux, sont souvent mal accueillis dans les auberges. On remarquera que dans Baby Cart : L'enfant massacre, c'est Daigoro qui mène l'action. Le film s'ouvre sur son visage et s'achève encore avec son regard de poupon. C'est pour lui que Ogami va se reposer dans une auberge. Puis, après une éprouvante bataille, c'est Daigoro qui sauve son père en allant lui chercher de l'eau et de la nourriture, ce qui le sauve d'une mort certaine. L'enfant n'hésite pas non plus à aider son père à vaincre les ennemis en actionnant lui-même des sabres dissimulés dans son landau. Daigoro est au centre du scénario lorsqu'il se fait enlever par le clan Yagyu. Enfin, il montre aux trois maîtres où ils vont se faire massacrer dans quelques secondes par son père.


Daigoro est tout compte fait la métaphore du spectateur pour qui chaque action est un morceau de bravoure et qui regarde en silence se dérouler les péripéties de son père. Ses réactions sont enregistrées et son plaisir visible. Et c'est sans doute dans cet "épisode" de la série des Baby Cart, épisode le plus connu et le plus beau, le plus montré en public et le plus cité, que l'on ressent ce point de vue du spectateur voyeur. Le récit va à une vitesse folle et ne s'encombre jamais de dialogues inutiles. On se croirait presque dans un film muet, laissant la musique souvent intradiégétique pallier l'absence de paroles et accentuer la tension. Après avoir vaincu tout le monde, de la manière dont il l'entend, son père et lui partent à nouveau affronter les démons humains peuplant son sillage. Et pour le spectateur un nouveau film.


Baby Cart : L’enfant massacre (子連れ狼 三途の川の乳母車, Japon, 1972) Un film de Kenji Misumi avec Tomisaburo Wakayama, Kayo Matsuo, Akiji Kobayashi, Minoru Ohki, Shin Kishida, Shogen Nitta, Kanji Ehata, Katsuhei Matsumoto, Akihiro Tomikawa, Izumi Ayukawan, Kôji Kobayashi, Maki Mizuhara, Ima Masaki, Reiko Kasahara, Yuriko Nishima.

dimanche 7 octobre 2012

Baby Cart : Le Sabre de la vengeance


Le premier des six films de la série Baby Cart produite par la Toho et adaptée du manga de Kazuo Koike et Goseki Kojima se concentre, logiquement, sur la genèse du destin d’Itto Ogami (Tomisaburo Wakayama), le bourreau officiel du shogun. Dans la séquence pré-générique, on le découvre alors qu’il doit décapiter un enfant, seigneur de son état. Il accomplit sa tâche sans faiblir, peu importe que le condamné soit un gamin. Ogami exerce un métier cruel mais il est le seul habilité à le faire. D’une certaine manière, il a droit de vie et de mort, tout comme le shogun, sur les seigneurs japonais. Une voix off explique la situation politique du Japon : une dictature féodale où l’obéissance est de mise.

Le superbe générique d’ouverture de Baby Cart : Le sabre de la vengeance, sur la musique tonitruante de Hideaki Sakurai, montre le samouraï déclassé errant avec son fils Daigoro (Akihiro Tomikawa) dans les bras, filant droit sur un chemin en forme de sabre séparant à gauche de l’image un feu et à droite de l’eau. Ces deux éléments opposés décrivent le personnage. Un orage s’abat soudain sur Ogami qui pousse son landau. Le premier souvenir en forme de flash back se lance sur Azami (Raiko Kasahara), l’épouse d’Ogami qui donne le sein à leur fils. Elle va se faire assassiner sous les yeux de son mari. Sa main ensanglantée couvrira de rouge la joue du nourrisson. Un complot ourdi par le clan Yagyu se referme sur Ogami.

Le vieux Retsudo (Tokio Oki), chef du clan ennemi lance ses hommes contre Ogami. Là encore l’eau est un élément majeur dans le combat au sabre que se livrent la quinzaine d’hommes contre le samouraï. Ce dernier a appris à sa battre selon les préceptes de l’école de Suio. L’affrontement a lieu dans une rivière. Superbe scène où le sang gicle quand les membres sont coupés. L’absence du moindre son dans cette séquence appuie l’effet de stupeur du combat tout en provoquant un supplément de poésie, ce qui n’est pas le moindre paradoxe. Le film continuera de filer son thème de l’eau avec un rivière, une flaque, des torrents et bains d’eau chaude où Ogami et son fils iront prendre un peu de repos lors de leur périple.

Un deuxième flashback se développe à la vue d’un ballon. Ogami se souvient du jour où il choisit de se rebeller contre Retsudo. Ce jour-là, habillé de blanc comme pour une cérémonie d’hara-kiri, il fait choisir à Daigoro entre un ballon et un sabre. Si l’enfant choisit le ballon, c’est qu’il ne peut pas suivre son père dans sa vengeance et qu’il devra rejoindre sa mère outre-tombe. Un deuxième combat avec Retsudo et ses sbires s’ensuit. Là, Kenji Misumi utilise le format cinémascope pour magnifier l’affrontement des deux hommes. Il film les visages en gros plan et les fait alterner en plan d’ensemble avec Ogami qui se bat encerclé par ses adversaires.

Le feu entre en scène avec un reflet du soleil qui permet d’éliminer le plus vaillant sabreur du clan Yagyu. Décidé à poursuivre sa route, Ogami traverse un pont pour se retrouver dans un village de thermes. La fumée qui se dégage de l’eau chaude évoque l’enfer et c’est d’ailleurs ce que vivent les habitants qui sont pris en otage par des bandits qui veulent attaquer un convoi. Une seule femme est présente dans ce village, le seul vrai personnage féminin puisque Azami n’apparait que quelques instants. Cette femme est une prostituée que les bandits veulent violer. Ogami prend sa défense. Son code d’honneur entre en jeu. Il accomplit son devoir de justicier auprès de cette prostituée malgré sa basse condition de la même manière qu’il exerçait son métier de bourreau : avec la plus grande conscience du travail accompli. Il se débarrassera de tous les bandits, y compris celui qui tire un coup de feu avec un pistolet, pour sortir de cet enfer et retourner assouvir sa vengeance contre le clan Yagyu dans les épisodes suivants de Baby Cart.

Baby Cart : Le Sabre de la vengeance (子連れ狼 子を貸し腕貸しつかまつる, Japon, 1972) Un film de Kenji Misumi avec Tomisaburo Wakayama, Fumio Watanabe, Tomoko Mayama, Shigeru Tsuyuguchi, Tomoo Uchida, Taketoshi Naitô, Reiko Kasahara, Akihiro Tomikawa, Tokio Oki.

jeudi 4 octobre 2012

Le Guerrier de feu


Le jeune Siang (Dan Chupong) est un Robin des Campagnes depuis qu’il cherche à se venger d’un voleur de buffles qui a tué ses parents vingt ans auparavant. Situé au début du 20ème siècle, alors que le Royaume de Siam subissait l’influence de la Grande Bretagne, Le Guerrier de feu est une comédie d’action qui voit s’affronter un justicier et toutes une bande d’affreux jojos aux tronches encore plus patibulaires que dans un film de Stephen Chow, la référence du film. Le pays n’est pas passé au mode d’agriculture occidentale, le buffle est l’élément moteur des paysans. Ça n’arrange pas le prince « Bec de lièvre » qui a décidé de vendre des tracteurs et qui engage des mercenaires pour voler les buffles et tuer leurs propriétaires.

C’est d’abord à toute une galerie de personnages que l’on a droit, et souvent bien plus amusants que le pâle Siang, bien trop gentil pour intéresser. Le prince tout d’abord et son bec de lièvre qu’il cache avec son index quand il parle (on pense au Dr. Evil des Austin Powers). Le prince qui a un gros problème d’élocution, il mange tous les mots. Ce problème sera résolu en fin de film (je ne dis pas pourquoi). Il s’habille très chic avec des vêtements clinquants et brillants. Il est coiffé avec des cheveux en énorme mèche. Le prince est prétentieux, mais aussi très capricieux (il veut que les gens achètent son tracteur même s’ils n’en ont pas besoin), colérique (il s’énerve pour un rien) et libidineux (il voudra sortir avec l’amoureuse de Sing). Un personnage de parfait crétin qui est le premier élément de comédie.

Le prince bec de lièvre engage un guerrier chauve complètement cinglé qui adore attaquer ses ennemis à midi au beau milieu du repas parce qu’il tue mieux le ventre vide et qu’il avale ensuite leur repas. Et si le repas n’est pas prêt, peu importe, il bouffe le bras d’un homme à terre. Ce grand gars se bat avec une arme courbe, variation de gourdin, avec laquelle il frappe en courant ceux qui sont devant lui. Les combats sont gentiment gore pour à la fois faire rire les amateurs du film d’action et pour ne pas faire trop peur aux enfants auxquels le film est aussi destiné. Les coups sont portés en plan séquence (sans champ contrechamp), filmés en double caméra montrant d’abord un angle puis l’autre. On en aura pour notre argent. La chorégraphie des combats est dynamique, le metteur en scène préférant laisser suivre ses acteurs dans le plan d’ensemble pour que le spectateur puisse mieux profiter du spectacle.

Dans sa deuxième moitié, Le Guerrier de feu se tourne à la fois vers le fantastique et vers la romance. Le prince fait appel à un homme nommé Démon Noir pour battre Sing un négociant en buffles. Il se trouve que les deux hommes se connaissent depuis vingt ans déjà et que l’un d’eux a croisé le chemin de Siang. Ils ont des pouvoirs magiques qui permettent de développer leur force pour affronter leurs adversaires. Sing, le négociant, d’un coup de poing transforme ses deux meilleurs hommes en tigre et singe de combat grâce à un sort. C’est là qu’on sent l’influence de Stephen Chow, dans ce mélange de burlesque au milieu de l’aventure, de personnages souvent ridicules mais capables de se battre comme des bêtes.

Je n’oublierai pas la romance de circonstance avec la fille de Démon Noir, le jeune et belle Sia qui va tomber amoureuse de Sing, et réciproquement. On a même droit à une chanson pop ultra romantique et franchement nulle. La jeune fille, vierge bien entendu, sera la convoitise d’à peu près tout le monde : du prince au Démon Noir. Son sang sera une arme contre les méchants que Siang, artificier émérite (d’où le titre du film) badigeonne sur ses fusées qu’il fait exploser à la tête des ennemis. Il faut bien entendu y voir un symbole sexuel évident. Malgré de nombreuses lourdeurs, le film s’avère finalement divertissant, amusant et plutôt réussi. Or, comme le cinéma thaïlandais devient très rare, il n’est pas interdit d’aller jeter un coup d’œil vers ce Guerrier de feu qui vient de sortir en DVD et BluRay.

Le Guerrier de feu (ฅนไฟบิน, Thaïlande, 2006) Un film de Chalerm Wongpim avec Dan Chupong, Leo Putt, Panna Rittikrai, Samart Payakarun, Kanyapak Suworakood, Somdet Kaew-ler, Ampon Rattanawong, Wichai Prommajan, Jaran Ngamdee, Amporn Pankratok.

Sorties à Hong Kong (octobre 2012)


Taichi 0 (太極1:從零開始, Hong Kong – Chine, 2012)
Un film de Stephen Fung avec Tony Leung Ka-fai, AngelaBaby, Yuan Xiao-chao, Eddie Peng, Fung Shiu-fung, Shu Qi, Stanley Fung, Ying Da, Bruce Leung, Fung Hak-on, Chen Sicheng, Xiong Naijin, Hung Yan-yan, Yuan Wen-kang, Nikki Hsieh, Yuen Biao, Andrew Lau, Daniel Wu, Patrick Tse, Jimmy Wang Yu. 98 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 4 octobre 2012.

Sorties à Hong Kong (octobre 2012)


Cross (第六誡, Hong Kong, 2011)
Un film de Daniel Chan avec Simon Yam, Kenny Wong, Gung Tse-yan, Nick Cheung, Liu Kai-chi, Evelyn Choi, Chen Rui, Mok Chi-yee, Au Hin-wai. 85 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 4 octobre 2012.

lundi 1 octobre 2012

Chicken and duck talk


Le restaurant que tient Hui (Michael Hui) est très loin d’être luxueux. C’est plutôt un immonde boui-boui aux sièges couvertes de crasse, au personnel impoli qui vient ranger les baguettes sur la table des consommateurs, qui jette les détritus sous la table où viennent manger les chiens et, enfin dernier point mais pas le moindre, aux plats douteux où viennent se baigner les cafards. Seul attrait : le canard laqué que prépare Hui et dont il garde la recette secrète et qui enseigne la manière de la déguster : avec les doigts qu’on pourlèche ensuite. C’est donc dans un lieu catastrophique que s’ouvre Chicken and duck talk, comédie culinaire où l’accumulation des fautes du restaurateur provoque à la fois un certain dégoût et un rire, comme si le film procédait à un catalogue de tout ce qu’il ne faut pas faire dans un restau.

Ce va devoir affronter Hui se placera sur différentes fronts. Tout d’abord sa famille. Hui est marié Tammy (Sylvia Chang) avec qui il a un fils désormais lycéen. Avec sa femme tout va bien encore que Hui est radin et manque d’oublier l’anniversaire de sa femme. C’est avec la belle-mère (Pak Yan) que ça coince. Tirée à quatre épingles, elle regrette encore que sa fille ait épousé un homme qui n’arrive pas à lui donner le confort quotidien. Ainsi, comme on a décrit le restaurant et tous ses défauts, la belle-mère fait des remarques et des critiques sur l’appartement de Hui et Tammy : table bancale, vieux frigo, pas de clim. Chaque meuble manque de se casser et Michael Hui, avec cette mine contrite – sorte de moue d’enfant pris la main dans le sac – tente de faire bonne figure. La modernité semble n’être jamais entrée chez Hui.

Cette modernité constitue la bataille majeure du film. Le film prend d’abord le temps de bien faire découvrir tous les travers de Hui, y compris dans ses relations avec ses employés parmi lesquels Lowell Lo (qui fait la plonge tout en espionnant son patron pour lui piquer sa recette), Teddy Yip (le cuisinier fumeur peu ragoutant), Stephen Hoh (le jeune amateur de danse ; il remue son popotin pendant tout le film), Hui Ting-ying (la grosse serveuse) et Ricky Hui. C’est ce dernier qui se permet de dire à son patron que parfois tout ne va pas bien dans le restaurant lors d’une discussion ouverte et libre. En tout cas, elle était présentée ainsi, mais Hui dans sa grande mauvaise foi habituelle refuse de comprendre qu’il doit changer parce qu’en face, ça attire les gens. Et de virer Ricky Hui plutôt que l’écouter.

En face, c’est la modernité telle qu’elle pouvait être envisagée en 1988. C'est-à-dire une vision typiquement américaine. Il s’ouvre de l’autre côté de la rue un restaurant de poulets. La guerre des volatiles ne fait que commencer. Le patron du restaurant concurrent est Danny (Lawrence Ng), un jeune loup en costume cravate qui veut faire de ce quartier sa propriété. Il envisage d’acheter le restau de Hui et entre dedans avec arrogance en dictant à Raymong (Ku Feng), son manager les travaux à faire. L’entrainement est martial. Raymond porte un bandeau militaire japonais sur le front et fait faire des exercices aux employés : test de rapidité sur la préparation d’un menu standard. Face au caractère dictatorial de Danny et à ses influences ennemies, à la fois américaine et japonaise, le spectateur ne peut que préférer Hui malgré son sale caractère et sa mauvaise foi. Avec pas mal d’autodérision, l’ouverture en fanfare du magasin se fait avec un caméo de Samuel Hui, qui arrive en voiture de sport et s’en va aussi vite qu’il est arrivé.

La bataille des restaurants aura lieu dans la rue. Hui va comprendre que Ricky, qu’il a renvoyé, a été embauché par l’ennemi. Ricky porte un costume de poulet et devient la mascotte. Hui va se déguiser en canard en réponse et les deux anciens amis vont se battre dans la rue, faire pleurer des enfants en les harcelant pour qu’ils viennent dans le magasin et se poursuivre sur le toit de l’immeuble. Les deux hommes vont se réconcilier quand Danny et Raymond franchissent la ligne rouge. Raymond jette des rats dans le restau ce qui provoque une série de gags où Hui et ses employés tentent de cacher les rongeurs aux policiers. Grâce à l’amitié, un peu d’argent de la belle mère pour décorer le restau et le respect mutuel entre consommateurs et patron, le classicisme et la tradition sont largement victorieux sur la fausse modernité tape-à-l’œil contraire aux valeurs cantonaises.

Chicken and duck talk (鸡同鸭讲, Hong Kong, 1988) Un film de Clifton Ko avec Michael Hui, Sylvia Chang, Ricky Hui, Lowell Lo, Lawrence Ng, Pak Yan, Teddy Yip, Stephen Hoh, Hui Ying-ying, Ku Feng, May Law, James Lai, Lee Siu-ling, Ng Leung, Gloria Yip, Ronny Yu, Samuel Hui.