lundi 31 décembre 2012

Bilan de l'année 2012



Si le nombre de films asiatiques sortis en France a augmenté en 2012 (25 longs-métrages soit six de plus qu’en 2011), les chiffres d’entrées est bien plus faible. Ainsi le Ghibli de l’année, La Colline aux coquelicots, a attiré presque 50% de spectateurs de moins qu’Arriety sorti exactement à la même période. Certes, la critique n’a pas été tendre avec ce nouvel film d’animation tourné par le fils d’Hayao Miyazaki mais cela n’explique pas tout. En revanche, l’inflation des sorties hebdomadaires n’aident pas pour les films les plus fragiles : d’abord, il sort chaque mercredi un grand nombre de films pouvant parfois aller jusqu’à 15, y compris l’été période habituellement moins fournie. Ensuite, les gros films, blockbusters hollywoodiens comme films français à stars, sortent sur un nombre de copies très important laissant peu de place aux autres. Enfin, la conséquence de ces deux données fait que les films restent peu de temps dans les cinémas. Il faut donc au spectateur être très attentif aux séances, parfois attendre le film longtemps quand il sort. Et j’ajouterai que certains films sont tellement faibles et sans surprises (Tokyo park, Sauna on Moon, Hanezu par exemple), qu’il est difficile de les défendre et de convaincre d’aller les voir. Il est très décevant de constater qu’un si beau film comme Les Enfants loups, Ame et Yuki ait eu si peu de spectateurs. On peut regretter aussi que le Festival de Cannes, toutes sections confondues, ne cherche plus à sélectionner des films inconnus et se contente d’inviter, encore une fois, Kim Ki-duk ou Hong Sang-soo, qui signe son plus gros succès cette année grâce à Isabelle Huppert. D’ailleurs, la Quinzaine des réalisateurs a programmé The King of pigs, descendu par la presse lors de sa présentation et qui risque de ne jamais être présenté au public malgré ses qualités. A propos de festival, il faut se féliciter de la rétrospective Ann Hui à Paris, en espérant que les films de la cinéaste seront un jour plus visibles (A simple life devrait sortir en mars). Il reste aussi les dvd, toujours à propos d’Ann Hui, Spectrum Films a édité The Way we are mais également The Heavenly kings de Daniel Wu (il était temps). Wild Side a sorti plusieurs films : The Stool pigeon (sous le titre de The Crash), Monga (sous le titre Dragons : la guerre des gangs) et Triple tap (sous le titre de Shooters) – sans que je comprenne l’intérêt de changer des titres en anglais pour des titres en anglais. Herman Yau a eu droit à deux sorties dvd (son Ip Man et Qiu Jin la guerrière), deux de ses films les plus récents. Carlotta poursuit son travail d’édition de films classiques tandis que Metropolitan-HKVidéo-Seven Sept alterne sorties dvd de films récents (13 assassins) et films rares (deux Teruo Ishii) abandonnant (de manière non définitive, je l’espère) la découverte de comédies cantonaises. Ceci étant, on attend encore la sortie du dernier Tsui Hark (qui passe souvent en festival), des Johnnie To inédits (il y en a encore beaucoup) ou d’autres films excellents mais qui n’on pas le prestige de ces deux cinéastes (Hong Kong ghost stories, Gallants, East meets west 2011, Love in the buff ou Vulgaria pour n’en citer que cinq). Il faut dire que trouver des bons films à Hong Kong est devenu un labeur. Je n’ai rien contre le fait de sortir Time warriors : la révolte des mutants alias Future X Cops de Wong Jing, sombre navet d’un ennui mortel ou Revenge : a love story de Wong Ching-po polar putassier ou encore le très médiocre Shaolin de Benny Chan, puisque plus il y a des films, plus je suis content, mais cela se fait au détriment des bons films : le nivellement par le bas, l’absence de qualité pourraient donner l’impression que tous les films hongkongais sont comme ça. Le pire est peut-être que les éditeurs pensent que le public aime ça. Or, même à Hong Kong, les spectateurs se détournent de ses films. La part de marché des films locaux est en chute libre par rapport à 2011. Sur les 25 plus gros succès de 2012, on trouve 19 films américains. Le premier film hongkongais arrive en 13ème position (Love in the buff), suivi de A simple life (14ème), The Viral factor (16ème) I love Hong Kong 2012 (21ème) et Motorway (25ème). Et les grosses productions avec la Chine, dont la quantité est en augmentation mais leur qualité en baisse, ne change rien à la donne. Le cinéma de Hong Kong va très mal. Très, très mal.

Box office des films d’Asie sortis en France :
La Colline aux coquelicots. 429192 spectateurs
The Raid 182575 spectateurs
Les Enfants loups, Ame et Yuki 167.716 spectateurs
In another country 71.120 spectateurs
I wish 58.330 spectateurs
Le Chien du Tibet 33.256
11 fleurs 23.303
La Servante 15.144
Lili à la découverte du monde sauvage 11.666
Tatsumi 9030
Saya Zamuraï 6.982
Fengming, Chronique d'une femme chinoise 6.945
La Rizière 6.169
Tokyo park 5.769
Saudade 4.233
Le Fossé 3.086
Headshot 1.849
Genpin 718
(merci à Mathias Mosely pour les chiffres)

Pour finir, 12 films que j’ai aimés en 2012 (par ordre alphabétique)

Bonne année 2013 pleine de bons films.

samedi 29 décembre 2012

Mr. Wong in Chinatown + Phantom in Chinatown


Début décembre, j’avais évoqué ces films produits par la 20th Century Fox (Charlie Chan et Mr. Moto), montrant un engouement pour ces deux détectives chinois et japonais dans les années 1930. Dans la même catégorie de films, une compagnie concurrente, la Monogram Pictures, s’est lancée entre 1938 et 1940 dans la production de six aventures policières ayant pour personnage principal James Lee Wong. Les deux films dont je parle aujourd’hui sont similaires aux Mr. Moto : durée courte d’environ une heure, des rebondissements nombreux, un exotisme de pacotille et, surtout, une police américaine relativement incompétente. C’est souvent grâce à la force de déduction et du calme de Mr. Wong que l’enquête pourra être bouclée.

Boris Karloff incarne Jame Lee Wong dans Mr. Wong in Chinatown. L’acteur, qui fut la créature de Frankenstein dans les films de James Whale et également un des Fu Manchu (je tenterai d’écrire sur cette très féconde série prochainement) est difficilement crédible en chinois. Son maquillage se contente de brider ses yeux avec quelques traits de d’eye liner. Il porte des lunettes rondes (l’apanage des Chinois) et arbore une fine moustache. Son domicile (pour l’exotisme) ressemble à un magasin d’antiquités chinoises. La sonnette émet le son d’un gong et son fidèle majordome Foo (Lee Tung Foo) est toujours présent pour le servir. Mr. Wong est un homme relativement âgé (l’acteur avait déjà la cinquantaine), se déplaçant lentement aidé par sa canne, incarnant ainsi le calme face à l’agitation qui l’entoure.

Mr. Wong reçoit la visite d’une jeune femme (Lotus Long) qui meurt sous ses yeux après lui avoir dit de se méfier d’un certain « Captain J ». Il découvre que cette femme est une princesse chinoise chargée d’une mission secrète par son gouvernement. Il va mener son enquête en collaboration avec l’inspecteur Street (Grant Withers), homme irascible qui a du mal à supporter la faculté de déduction de Wong. Street est un personnage récurrent de la franchise. L’humour et le charme sont apportés par la journaliste Robbie Logan (Marjorie Reynolds) aussi intrépide que gaffeuse. Son personnage procure les rares moments savoureux dans un film à l’histoire mal fagotée et bancale et, somme toute, bien ennuyeuse.

On avait vu Keye Luke dans le rôle du fils de Charlie Chan (Charlie Chan à Shanghai et M. Moto sur le ring). Bien plus jeune que Boris Karloff, c’est lui qui interprète Jame Lee Wong dans Phantom in Chinatown. Il s’agit pour la Monogram d’apporter de l’action et des cascades dans le film. Appelé parfois Jimmy, ce Wong débute dans le métier et place le film chronologiquement avant ceux de Karloff, comme si c’était la jeunesse du personnage qui était décrite. Sa fougue et son enthousiasme confinent parfois à l’arrogance mais procurent une bouffée d’air frais comparée à l’apathie de Karloff. On y retrouve son fidèle serviteur Foo, qui a le rôle d’un précepteur n’hésitant pas à gronder Jimmy dans une scène comique où Foo et Wong se disputent  autour d’un bol de soupe.

Ses rapports avec l’inspecteur Street ne sont pas simples. Ce dernier se demande qui est ce gamin qui vient s’incruster dans son enquête, s’énervant contre la logique de Wong qui va contre son propre esprit brouillon et répétant toujours les mêmes phrases dans un but comique. Au bout d’un moment, ils vont devenir amis, se faire confiance et se compléter. Tout commence avec la présentation par un pilleur d’antiquités (pardon, un archéologue) qui présente le film de ses découvertes en Chine. Il aurait trouvé un vieux parchemin indiquant l’emplacement du « Feu de l’Eternité » de l’époque Ming. Cet archéologue est empoisonné et pour l’inspecteur Street tout le monde est suspect, y compris James Lee Wong.

D’ailleurs ce dernier ne condamne t-il pas les fouilles lorsqu’il voit un cercueil Ming en demandant quelle serait la réaction des Américains si des Chinois venait prendre la tombe de Washington pour la ramener à Pékin. Autre suspecte, mademoiselle Wen (Lotus Long, décidemment présente dans tous ces films), agent chinois en poste à San Francisco. Son aide précieuse permettra d’arrêter le meurtrier. Malgré la proximité entre Miss Wen et Mr. Wong, il est notable de remarquer que les scénaristes ne leur donnent pas la possibilité d’envisager la moindre romance. Phantom of Chinatown, plus rythmé que Mr. Wong in Chinatown, mieux construit et plus amusant ressemble à un épisode de Mr. Moto. A noter que les films de Mr. Wong sont désormais dans le domaine public et visibles gratuitement et librement sur Internet.

Mr. Wong in Chinatown (Etats-Unis, 1939) Un film de William Nigh avec Boris Karloff, Marjorie Reynolds, Grant Withers, Huntley Gordon, George Lynn, William Royle, Lee Tung Foo, Lotus Long.

Phantom of Chinatown (Etats-Unis, 1940) Un film de Phil Rosen avec Keye Luke, Lotus Long, Grant Withers, Charles Miller, John Dilson, Lee Tung Foo, John Holland.

jeudi 27 décembre 2012

Sorties à Hong Kong (décembre 2012)


The Guillotines (血滴子, Hong Kong – Chine, 2012) 
Un film d’Andrew Lau avec Wang Luo-dan, Ruan Jing-tian, Huang Xiao-ming, Li Yu-chun, Shawn Yue, Jing Bo-ran, Purba Rygal, Zhou Yiwei, Jimmy Wang Yu, Wen Zhang, Li Meng, Yu Shao-qun, William Fung, Stephy Tang, Anthony Wong, Tang Guo-qiang, Hou Yong, Gao Tian. 113 minutes. Classé Catégorie IIB. Sorties à Hong Kong : 27 décembre 2012.

samedi 22 décembre 2012

Vulgaria


En tant que producteur de cinéma, To Wai-cheung (Chapman To) a été invité à discuter de son métier devant des étudiants de cinéma. C’est leur professeur, M. Cheng (Lawrence Cheng) qui se charge de diriger cette conférence. Petites lunettes rondes, tenue terne, assis sagement sur son fauteuil To n’est pas un producteur flamboyant et ne paie pas de mine. Dès qu’il ouvre la bouche, son personnage de gentil garçon choque toute l’assemblée et Cheng en premier lieu. To Wai-cheung cause de la possibilité de montrer des poils pubiens dans les films. Tout spectateur hongkongais sait que c’est interdit mais le pré-générique avait avertit que les spectateurs sensibles qu’il leur restait 10 secondes pour fuir devant Vulgaria.

Après You shoot I shoot et AV, c’est la troisième incartade de Pang Ho-cheung dans le milieu du cinéma avec le récit d’un tournage, en l’occurrence le film que To tente de produire dans une industrie en crise. To n’est pas un producteur qui a réussi. Au contraire, il est toujours à la recherche de financement pour ses films. Il vante ainsi le placement de produits auprès des étudiants et commence le récit de son film. Cela a beau être son point de vue, To Wai-cheung ne se donne pas forcément le beau rôle, dans un exercice quasi masochiste de dénigrement. Le scénario qu’il présente aux dirigeants médusés d’une compagnie d’assurance pour avoir leur aide financière est tout simplement d’une bêtise rare, incohérent et médiocre mais évidemment hilarant, à la fois dans les mimiques de Chapman To qui porte le film et dans ses dialogues.

C’est tout le processus d’un film que Vulgaria raconte. De sa conception même à sa promotion, c’est autant pour To un parcours du combattant. Il faut trouver de l’argent. Avec son ami Liu Wing-shing (Simon Loui) l’amène en Chine pour rencontrer Frère Tyrannosaure (Ronald Cheng) et son comparse (Lam Suet), deux crétins finis totalement dégénérés qui mange des plats aux noms poétiques mais dont les ingrédients sont des rats, tortues ou chats. Forcé de manger ses victuailles avec dégoût, To Wai-cheung n’est pas au bout de ses surprises quand on lui propose de coucher avec la « petite amie » de Tyrannosaure, en l’occurrence une mule coiffée d’un superbe ruban rouge. Les étudiants n’en croient pas leurs oreilles, Pang Ho-cheung s’amuse beaucoup à mettre en scène ce qui d’habitude est interdit où on sent à chaque réplique plus tordue et scabreuse l’un que l’autre le plaisir des quatre comédiens.

Puis, le producteur devra trouver des interprètes pour son film qui devra être le remake de Confession of a courtisan, un film érotique des années 1970. Il va rencontrer la star du film à refaire, Shaw Yum-yum, dans son propre rôle. Bien entendu, en 40 ans, son corps a changé, elle a les cheveux gris, mais c’est surtout son visage, carré et massif qui étonne le plus. Elle accepte de tourner, son corps sera remplacé par celui d’une jeune actrice avec un fond vert. Ensuite, convaincre l’acteur Hayama Hiro (lui aussi dans son propre rôle) de faire un autre porno, bien que, comme le dit une journaliste lors d’une conférence de presse, son image soit très négative en ce moment. Hiro ne veut pas entendre parler de porno mais a cruellement besoin d’argent, finalement le sujet profond de Vulgaria.

Et To Wai-cheung continue le récit fort peu héroïque de sa production. Le film devra s’appeler Confession of two courtisans, ce qui est très logique. Il parvient à convaincre Blackie Tak (Matt Chow) de réaliser le film. Pang Ho-cheung souligne la crise du cinéma à Hong Kong avec ce personnage que l’on découvre dans un tout autre métier dans une des scènes les plus drôles. Il a ouvert chez lui une salle de gambling d’un genre nouveau, où Tak prévient les clients qu’ils doivent partir avant d’éveiller les soupçons de leur moitié, où les mamans peuvent faire garder les enfants pendant qu’elles jouent au mahjong. Quand la police manque de les prendre en flag’, Blackie Tak affirme qu’il était en train de tourner un film : il avait installé une caméra. Le tournage peut maintenant commencer non sans s’être assuré le soutien du rédacteur en chef de Playboy HK (Vincent Kok). Si cette histoire de tournage est aussi plaisante et aussi drôle, c’est que miraculeusement, Pang Ho-cheung parvient à la rendre très caricaturale avec ses personnages hauts en couleurs tout en montrant que tout ceci n’est sans doute pas très loin de la vérité.

Comme souvent dans son cinéma, le protagoniste est un grand solitaire bien que très entouré. To Wai-cheung est un producteur raté et son mariage est aussi un échec. Son épouse (Crystal Tin) refuse de lui laisser sa fille tant qu’il n’a pas payé la pension. Son assistante Quin Lau (Fiona Sit) un peu écervelée et ne pratiquant pas très bien le cantonais le poursuit en justice persuadée qu’il l’a harcelée sexuellement. Elle sera défendue par une avocate féroce (Miriam Yeung). To trouvera du réconfort auprès de Tsui Ka-yan (Dada Chn), surnommée dans le milieu « popping candy » - le bonbon qui pétille – pour son habileté à faire pétiller les bonbons dans sa bouche. Ce motif amoureux n’est pas aussi réussi que la confession sur le tournage bien que tout aussi pitoyable. On sent que Pang Ho-cheung un peu obligé de passer par ce récit amoureux moins inspiré que les morceaux d’immense vulgarité salutaire en cette période de bon goût aseptisé.

Vulgaria (低俗喜劇, Hong Kong, 2012) Un film de Pang Ho-cheung avec Chapman To, Dada Chan, Ronald Cheng, Fiona Sit, Crystal Tin, Siu Yam-yam, Matt Chow, Hayama Hiro, Jim Chim, Lawrence Chou, Mak Ling-ling, Vincent Kok, Simon Loui, Lam Suet, Lawrence Cheng, Miriam Yeung, Nora Miao, Jimmy Wan, Huang Lu, Ray Pang, Fanny Lee, Au Hin-wai.

jeudi 20 décembre 2012

Sorties à Hong Kong (décembre 2012)


CZ12 (十二生肖, Hong Kong – Chine, 2012)
Un film de Jackie Chan avec Jackie Chan, Kwon Sang-woo, Yao Xingtong, Kenny G, Zheng Wei, Linda Weissbecker, Pierre Boudard, Vincent Sze, Oliver Platt, Caitlin Dechelle, Christian Bachini, Cary Woodworth, Andrew Dasz, Steven Dasz, Jill Kelsey, Liao Fan, Wilson Chen, Ken Lo, Poon Bo-yee. 123 minutes. Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 20 décembre 2012.

lundi 17 décembre 2012

Speechless


Le cinéma gay chinois n’est pas vraiment joyeux. Simon Chung, réalisateur de End of love, explore – comme beaucoup de ses pairs – le tabou de l’homosexualité et en l’occurrence dans Speechless au beau milieu d’un coin perdu de la Chine du sud. Dans cette campagne, un jeune homme européen (Pierre-Matthieu Vital) se déshabille complètement pour aller se baigner dans une rivière. Endormi sur la plage de galets, des enfants viennent le titiller avec des branches puis c’est la police qui tente de comprendre ce qu’il fait là, pourquoi est-ce qu’il est nu et qui il est. Amené au poste, le flic tente avec une certaine violence de l’interroger, il le frappe, il tombe à terre. Sa collègue Lan (Si Tu Yu Ting) est plus conciliante. Elle se demande s’il comprend le mandarin, elle lui demande son nom en anglais. Aucune réponse.

Le jeune homme ne dit pas un mot. Il est muré dans son mutisme. Il est amené à l’hôpital où le Dr. Lin (Shen Qiao-qiu) pense qu’il faut le faire interner dans un hôpital psychiatrique. Le jeune homme que tout le monde surnomme « l’étranger » se promène la nuit, en silence, dans les couloirs de la clinique. Il erre sans but et devient inquiétant tel un fantôme. Un jeune infirmier, Jiang (Gao Qilun), va prendre soin de lui, l’aider à manger tel un enfant, lui donnant la béquée, ramenant du restaurant de ses parents des beignets à la viande. Mais l’étranger ne dit toujours pas un mot. Petit à petit, au contact de Jiang, un sourire commence à arriver sur son visage. Un court flashback montre au spectateur ce jeune homme en train de faire l’amour avec un Chinois.

Jiang décide de changer le destin. Il embarque sur son scooter l’étranger et de partir plus loin afin qu’il n’échoit pas dans l’asile de fous. Il se sent tout de suite mieux, il abandonne son pyjama rayé digne d’une prison pour un jogging qu’il n’hésite pas en enlever pour se baigner. Lors d’une partie de pêche avec Jiang, il fait preuve de facétie en rejetant les poissons à l’eau, l'un des éléments majeurs du film. Il dort dans le même lit que son nouvel ami, pourraient-ils être tombés amoureux l’un de l’autre ? En tout cas avec ce geste dans une Chine très policée, Jiang risque gros et Lan, la policière qu’il connait car son père était soigné par lui, parvient à lui faire comprendre qu’il est menacé d’être accusé de kidnapping. Cependant, elle comprend le geste du jeune homme et l’aidera du mieux qu’elle peut.

Son passé doit être redécouvert et c’est par Ning (Jian Jiang), une étudiante que l’histoire de Luke, car tel est son nom va s’écrire. Ning l’a connu, elle prétend avoir été sa petite amie. Mais la vérité est tout autre. Un long flashback narre le nœud du drame qui a produit cette absence de parole de Luke. Car ce dernier n’est pas tombé amoureux d’elle mais de Han (Yu Yung-yung) son petit ami. On apprend que Luke est un étudiant français venu apprendre le chinois. Speechless déploie beaucoup d’efforts pour ménager le suspense sur les événements qui ont suivi l’aventure amoureuse entre Han et Luke. Supérieur en qualité à End of love, le film plonge cependant dans un dolorisme un peu maladroit et une narration confuse, ce qui a pour conséquence qu'on a un peu de mal à avoir de la compassion pour ces personnages.

Speechless (无言, Hong Kong, 2011) Un film de Simon Chung avec Pierre-Matthieu Vital, Gao Qilun, Jian Jiang, Yu Yung-yung, Si Tu Yu Ting, Shaio Yu-hua, Shen Qiao-qiu, Lang Shu-ling, Chen Wei-hong, Yang Zhi.                
            

vendredi 14 décembre 2012

Tigre et dragon


Après trois films hollywoodiens, Ang Lee relance, avec Tigre et dragon la mode du wu xia pian et en profite pour ramener Chow Yun-fat en Chine où l’acteur, qui s’était perdu dans des navets depuis son départ aux Etats-Unis, incarne Li Mu Bai, un maître épéiste. Revenu d’un séjour sur les monts Wu Tang, après avoir acquis beaucoup de sagesse et atteint le silence ultime, Li Bu Mai décide de raccrocher son arme en l’offrant au seigneur Té (Lung Sihung). Il demande à sa vieille amie Shu Lien (Michelle Yeoh) de lui amener sa fameuse épée Destinée, vieille de plusieurs siècles, d’une grande précision dans le combat et qui a tué de nombreuses personnes. Destinée, car oui les épées fameuses ont un nom, ne doit plus servir à se battre mais devenir une relique.

Il va sans dire que l’épée est la convoitise de bien du monde, notamment parce qu’elle peut permettre à celui qui l’utilisera convenablement de défaire bien des ennemis. Cela donne de longues et fastidieuses scène dialoguées pleines de pensées censées être philosophiques. Le soir même de l’arrivée de Shu Lien chez le seigneur Té, Destinée est dérobée. Immédiatement, on accuse Jade la Hyène (Cheng Pei-pei), ennemie jurée de Li Mu Bai et de bien d’autres personnes (un personnage secondaire viendra lui aussi chercher vengeance parce qu’elle a tué son épouse). Jade a empoisonné le maitre de Li quelques années auparavant. Depuis, elle est devenue secrètement la gouvernante de Jen Yu (Zhang Ziyi), la fille du gouverneur de Pékin. Elle l’a éduquée de manière stricte. Jade surveille, avec son regard dur, chaque geste de sa protégée, la dissuadant de discuter avec Shu Lien.

Toujours secrètement, Jade a instruit depuis son enfance sa protégée aux arts martiaux grâce à un antique parchemin. En faire sa disciple lui permet d’assouvir sa vengeance. Quand Jen Yu rencontre Shu Lien qui enquête sur le vol de l’épée, elle se plaint de devoir épouser un inconnu et affirme espérer une vie d’aventurière comme celle de Shu Lien. Plus tard, masquée, Jen Yu se battra avec force contre elle. Les chorégraphies de Yuen Woo-ping ont été beaucoup vantées à l’époque de la sortie du film. Souvent filmées en longs plans (quasi des plans séquences), de plein pied (on voit les deux adversaires), de nuit sur une belle musique de percussions, elles demeurent l’attrait essentiel du film. Il est vrai que c’est toujours agréable de voir virevolter les personnages dans les airs, les voir voler sur les toits des immenses demeures, grimper sur les murs et se battre avec grâce sans l’impression que les effets spéciaux détruisent la beauté du geste.

Comme dans les précédents films d’Ang Lee, le mariage est le souci majeur du récit de Tigre et dragon. Ce sont des mariages contrariés découlant des traditions ancestrales qui ne satisfont pas les amoureux. Shu Lien et Li Mu Bai sont amoureux comme le leur dit un de leurs amis mais ils se sont toujours refusé à s’aimer au grand jour. Le fiancé de Shu Lien, assassiné, était un ami proche de Li. Pour ne pas détruire l’honneur du défunt, il a gardé ses distances. Ce n’est que lorsqu’il est lui-même empoisonné par Jade la hyène qu’il regrette de ne pas l’avoir épousée. L’interrogation que soulève le film est que, à cause de sa prestance pour manier Destinée, Li Bu Mai serait tombé amoureux de la jeune Jen Yu. Il lui proposera plusieurs fois de devenir sa disciple afin de perfectionner le maniement de l’épée, métaphore sexuelle s’il en est.

Jen Yu doit se marier avec le fils du seigneur Gou. Un mariage arrangé bien entendu et dont elle ne veut pas. Elle est amoureuse de Lo (Chang Chen), jeune et beau bandit du désert. Un long flashback présente leur rencontre. Lo a attaqué le convoi dans lequel elle se trouvait. Il lui dérobe son peigne. Elle sort du palanquin pour le récupérer. Ils battent, croisent le fer, se poursuivent à cheval dans le désert. A bout de force, il l’amène dans son antre, une grotte pleine des objets qu’il a volés. Naturellement, les opposés s’attirent et leur ultime dispute se transforme en acte d’amour. Le film se concentre désormais sur cette romance. Hormis une séquence amusante dans une auberge où Jen Yu déguisée en garçon (un classique immanquable du wu xia pian), toute la deuxième heure de Tigre et dragon se concentre sur l’assouvissement de leur amour au beau milieu du désert loin des conventions impériales, non sans tomber dans la mièvrerie. Le film a été un immense succès public, a raflé beaucoup de récompenses et a lancé une vague de films d’arts martiaux romantiques (Hero de Zhang Yimou, Legend of Zu de Tsui Hark, Wu Ji la légende des cavaliers du vent de Chen Kaige, entre autres) dont aucun n’avait les qualités de Tigre et dragon.

Tigre et dragon (Crouching tiger, hidden dragon, 臥虎藏龍, Taïwan – Hong Kong – Chine – Etats-Unis, 2000) Un film d’Ang Lee avec Chow Yun-fat, Michelle Yeoh, Zhang Ziyi, Chang Chen, Cheng Pei-pei, Lung Sihung, Gao Xian, Lee Faat-chang, Hai Yan, Wang Te-ming, Li Li, Huang Su-ying, Yang Rui, Li Kai, Feng Jian-hua, Du Zhen-xi, Xu Cheng-lin, Lam Fung.

mercredi 12 décembre 2012

The Spooky bunch


Les fantômes, il y a ceux qui y croient et ceux qui n’y croient pas, affirme le narrateur pour lancer The Spooky bunch, deuxième film d’Ann Hui. Ceux qui croient aux fantômes, ce sont d’abord les plus anciens. Le grand oncle Ma qui est persuadé qu’une malédiction frappe sa famille et que le dernier descendant, son neveu Dick (Kenny Bee) ne pourra pas avoir d’enfants. Ce qui constitue pour lui un grand malheur. Il y a aussi la grand-mère Maria (Cheung Mang-ha) convertie au christianisme mais qui continue de croire à la réincarnation. Pour que cette malédiction cesse, le vieil oncle a engagé la troupe de théâtre de Chi (Josephine Siao), petite fille de Maria, afin que Dick se marie avec elle.

Ceux qui n’y croient pas, en l’occurrence la nouvelle génération, vont avoir de sacrées surprises car un esprit vient hanter les coulisses. C’est une petite fille qui vient taquiner avec sa petite voix espiègle les comédiens. C’est d’abord le gros Fatso (Chiang Kam) qui l’aperçoit, vient pour la draguer. Elle disparait aussitôt. Puis, c’est One (Chung Kwan), le premier rôle de la troupe qui est frappé. Il se met à s’exprimer avec sa voix, à avoir ses mimiques enfantines. Chi tente de savoir qui est cette gamine, elle interroge par One mais elle ne demande qu’une chose : regarder la télévision. Cette jeune fille fantomatique est déjà imprégnée de modernité mais elle vient d’une autre époque, des années 1930 et erre depuis cinquante ans dans les limbes. Elle fuit surtout sa maitresse (Tina Lau), une méchante femme qui crée ces apparitions de fantômes.

Enfin, c’est l’oncle Dang (Lau Hak-suen) qui est la victime des revenants. Il revit l’une de ses vies passées où il était militaire et se fait même fusiller. Dick et Chi cherchent alors, une fois que les anciens les auront convaincus qu’ils sont hantés, à contacter un moine taoïste qui pourra pratiquer l’exorcisme. L’oncle Dang sérieux comme un pape lorsqu’il dirige la troupe se transforme en vieux sénile quand il est possédé. Il se met à répéter tous les gestes et toutes les paroles de tous ceux qui s’adressent à lui, créant un burlesque non-sensique. Chi est également un personnage comique se comportant comme une gamine immature, jouant à saute-moutons avec les enfants, posant des questions puériles et provoquant les autres protagonistes avec ses caprices. Le sommet gaguesque est atteint quand, lors d’une représentation d’un opéra, où les fantômes s’invitent dans les corps des acteurs.

On ne trouve pas beaucoup d’effets spéciaux dans The Spooky bunch. Ann Hui préfère pour montrer l’arrivée des fantômes faire confiance au montage, champ : le revenant est là, contre-champ : il a disparu. Une lanterne se déplace seule au milieu de la nuit. Elle travaille aussi les sons, ceux de la voix de l’enfant qui prend possession du corps de One, les bruits des mitraillettes dans un plan large nocturne où Dang est menacé, des cris étouffés se font entendre çà et là. C’est avec des moyens très simples et très modestes (on sent que le budget du film est assez faible) qu’elle entend suggérer le surnaturel faisant confiance au spectateur qui croit sans doute encore aux fantômes. D’autres films bien supérieurs à The Spooky bunch, ceux de Sammo Hung avec ses Exorciste chinois ou la série Mr. Vampire, le génial Zu warriors of the magic mountain, se chargeront d’améliorer tout cela en passant l’action dans une Chine légendaire.

The Spooky bunch (撞到正, Hong Kong, 1980) Un film d’Ann Hui avec Josephine Siao, Kenny Bee, Lau Hak-suen, Kwan Chung, Tina Lau, Chiang Kam, Cheung Mang-ha.

lundi 10 décembre 2012

The Bullet vanishes


Une malédiction semble s’être abattue sur l’usine de balles de pistolet de Tiancheng. Dans cette Chine des années 1930, la superstition règne parmi les ouvriers illettrés et cela permet à Ding (Liu Kai-chi) d’accuser une pauvre travailleuse innocente d’un crime qu’elle n’a sans aucun doute pas commis. Il la défie à la roulette russe, devant tous les autres manœuvres un soir après le travail sous une pluie battante. Elle clame son innocence, il l’accuse de vol de balles. Chacun d’eux tirera, s’il meurt, c’est qu’il est coupable, si elle meurt, c’est elle qui en endossera la responsabilité du crime. Dans la grisaille intense de la fabrique, à genoux, la balle transperce le crâne de l’ouvrière en pleurs. La malédiction va frapper car, tout le monde en est persuadée, elle n’y était pour rien.

Parce qu’il y a mort, une enquête est diligentée. L’inspecteur local est Guo Zhui (Nicholas Tse), un flic aux méthodes modernes qui s’appliquent à trouver des indices sur les lieux des crimes. On le découvre poursuivit un violeur en suivant ses traces sur la terre de la rue, en déterminant sa taille et son poids et en s’apercevant qu’il boite à cause de sa chute. Sa manière de procédé est brutale. Une fois son violeur retrouvé, ce dernier prend en otage une jeune femme et Gao Zhui lui tire une balle dans la tête. Il a gagné la réputation d’être le tireur le plus rapide de Tiancheng. Guo Zhui a comme assistant le jeune et maladroit Xiaowu (Jing Boran), son homme à tout faire : chauffeur, bouclier et objet des tests que son patron expérimente sur lui. Et comme c’est Nicholas Tse qui incarne ce jeune et joli policier, les femmes ne lui résistent pas.

Coiffé d’un chapeau, Song Donglu (Lau Ching-wan) incarne la vieille garde des enquêteurs. Son expérience en fait un redoutable chasseur d’assassins. C’est aussi un théoricien du crime qui expérimente sur lui-même la pendaison pour déterminer si un homme s’est bel et bien suicidé. Un flashback tourné en noir et blanc comme un film muet montre comment il a pu conclure que la veuve d’un homme tué d’une balle et qui passait pour la victime de son époux (il la battait) était en fait la meurtrière. Cette femme, Fu Yan (Jiang Yi-yan) est depuis devenue l’une des conseillères de Song, son expertise ès crimes permet de résoudre bien des affaires. Song Donglu et Guo Zhui font faire équipe. Deux femmes vont les aider dans l’enquête. L’une scientifique, Li Jia (Yumiko Cheng) médecin légiste, l’autre ésotérique, Little Lark (Yang Mi) est diseuse de bonne aventure, deux visions opposées mais tous les conseils sont bons à prendre.

C’est rien de dire que The Bullet Vanishes est une grosse production avec beaucoup de décors, des effets spéciaux à gogo plutôt réussis et son duo de stars en tête d’affiche. Le film, produit par Derek Yee, se regarde sans aucun ennui et à cela une raison très simple : les deux inspecteurs qui sont à la recherche d’une balle qui a disparu auront droit à un grand nombre de coups de théâtre, de retournements de suite et surtout d’action. Quand les personnages ne jouent pas à la roulette russe (le leitmotiv du film), on s’y canarde allégrement, on y meurt beaucoup et on perd régulièrement le coupable désigné. Tout le récit est un jeu tout à la fois irrationnel et logique. Ce qui est plaisant est bien entendu les pièges tendus par chaque protagoniste que le spectateur ne pourra déceler et qui seront révélés en fin de film.

Tous les acteurs sont parfaits dans leur personnage, Lau Ching-wan en vieux sage qui calme les ardeurs de chien de Nicholas Tse, c’est la logique du buddy movie, ici évidemment influencée par le duo Jude Law - Robert Downey Jr. de Sherlock Holmes. L’un des intérêts du film est l’interprétation de Li Kai-chi, surjouant à mort, dans son rôle de Ding le patron de l’usine. Fumant le cigare, pourvu d’un rire sardonique et d’un regard rempli de haine pour tout ceux qu’il a en face de lui, Ding est l’incarnation du Mal avec tout ce que cela comporte de clichés et de caricature. Avec cette figure (littéralement son visage est affublé d’un maquillage blanc, symbole de la mort) du méchant sans foi ni loi, on retrouve un peu de la saveur des polars de l’heure de gloire du cinéma hongkongais. Et comme disait Hitchcock, plus le méchant est réussi, meilleur est le film.

The Bullet vanishes (消失的子彈, Hong Kong – Chine, 2012) Un film de Law Chi-leung avec Lau Chin-wan, Nicholas Tse, Jing Boran, Yumiko Cheng, Liu Kai-chi, Yang Mi, Wu Gang, Gao Hu, Jiang Yi-yan, Chin Ka-lok, Derek Tsang, Wang Ziyi.