mercredi 31 juillet 2013

The Tricky master


The Tricky master marque la fin d’une époque dans la carrière de Stephen Chow puisque c’est avec ce film qu’il achève sa carrière de simple acteur. Désormais, il ne jouera plus que dans ses propres films. Compte tenu de sa faible participation au film, on peut se demander s’il n’a pas été obligé de finir son contrat avec la BoB de Wong Jing (la compagnie Best of Best, en toute modestie). Ses gags sont rares mais souvent très drôles, son jeu limité, et sa tenue le fait ressembler au chanteur Prince période Sign o’ the times, lunettes teintées arrondies et cheveux d’enfant sage. Stephen Chow est Master Wong (Wong Si-fu en VO), le « roi des filous ». Il est en prison et ses gardiens sont Tin Kai-man et Lee Siu-kei, qui sont au garde à vous devant lui.

Le véritable héros de The Tricky master est Leung Foon (Nick Cheung), jeune flic qui doit, comme dans les Fight back to school, surveiller sous couverture la fille d’un riche homme d’affaires menacée d’enlèvement. On retrouve l’habitude de Wong Jing de parodier les succès précédents des films plus ou moins récents. Ici entre autres, Mission impossible avec Tats Lau, le chef de la police, qui enlève son masque pour ensuite balbutier son dialogue dans son phrasé de semi-débile ou encore The Ring avec Sandra Ng, longs cheveux lui cachant le visage, qui sort de la télé que regarde Stephen Chow. Sans oublier, bien entendu, les références aux « héros » locaux de Stormriders au God of gamblers (car, on n’est jamais autant servi que par soi-même) ainsi que seconds rôles prestigieux (Ken Lo ou Law Jar-ying)

L’adversaire de Leung Foon est tout simplement Ferrari (Wong Jing, qui, avant chaque réplique, ricane sardoniquement). Le goût du cinéaste pour les résidences luxueuses, les belles voitures ainsi que les jolies femmes est à son comble. Cinéma publicitaire à l’extrême, la mise en scène de Wong Jing fait tout pour rendre son film luxueux et sexy. Gros plans en montage cut sur de jolies créatures à la plage, plan à la grue sur Ferrari qui arrive sous les applaudissements, l’acteur/producteur/réalisateur peut donc se permettre d’arborer de beaux costumes quand il écrase l’équipe olympique japonaise de ping-pong (oui, c’est un gag) face aux tenues et au brushing ridicules qu’arbore Leung Foon. Une veste composée de cartes, une chemise bariolée, des bouclettes aux bigoudis, rien n’y fait, Nick Cheung n’est pas un acteur comique.

Le film se veut également sexy avec l’arrivée de First Love (Kelly Lin), joli sourire mais espionne pour le compte de Ferrari. Leung Foon va tomber sous son charme mais il est marié à Pizza (Suki Kwan), au tempérament plus réservé. Il se trouve que Pizza est la sœur de Wasabi (Sandra Ng), sans doute dans un de ses rôles les plus ingrats de femme encombrante et humiliée par à peu près tous les personnages (Master Wong la jette régulièrement dans les meubles). Dans The Tricky master, les femmes n’ont pas de jolis rôles (cela dit les hommes sont tous des crétins, soyons honnêtes). Déjà, leurs noms sont stupides : First Love, Pizza et Wasabi. Pourquoi ? Puis, il vient à l’idée de Wong Jing de pousser encore plus la vulgarité avec l’apparition de Baat Leung-gam et son visage d’arriéré mental déguisé en femme. Il n’oublie pas d’armer Master Wong de trois concubines jouées par trois acteurs au physique ingrat.

Pourtant malgré cette description chargée que je viens de faire The Tricky master, certains gags sont très drôles. Wong Jing ne s’intéresse pas du tout à son histoire, la laisse vaguement se développer (on sait que Leung Foon gagnera malgré les tricheries de Ferrari, et à vrai dire on s’en moque). Il se contente de soigner les aspects comiques de ses personnages dégénérés, incapables de se plier aux règles communes, entre Master Wong qui refuse qu’on lui adresse directement la parole, Wasabi et sa peur de la richesse, Leung Foon et sa haine des jeux. Finalement, c’est dans ce genre de films que Wong Jing peut parvenir à convaincre, comme une sorte d’autoportrait d’une cinéaste lui-même décrié et considéré comme dégénéré pour ses navets apocalyptiques. Parfois, sous le navet s’avère être un film totalement jouissif.

The Tricky Master (千王之王2000, Hong Kong, 1999) Un film de Wong Jing avec Nick Cheung, Wong Jing, Tats Lau, Suki Kwan, Kelly Lin, Stephen Chow, Sandra Ng, Baat Leung-Gam, Ken Lo, Law Kar-ying, Lee Siu-kei, Tin Kai-man, Frankie Ng, Kingdom Yuen, Bowie Lau.

mardi 30 juillet 2013

Always on my mind


Lui, Chan Yau-wai (Michael Hui) est présentateur du journal télévisé à la télé (la chaîne CCN). Elle, Yin (Josephine Yau), sa femme en profite pour dire qu’il ment tous les jours à tout le monde. Yin a élevé pendant de nombreuses années leurs trois enfants. L’aînée Sze, le second Chung et la dernière Ka-man. les adolescents sont grands et vont prendre leur envol et qu’il Ka-man va rentrer en école primaire, Yin se dit qu’elle va chercher à nouveau un travail. Cette nouvelle met la place de chef de famille de Yau-wai en position de faiblesse. Il marque un changement dans ses habitudes, décrites en ouverture de film comme les piliers de la vie familiale, avec en son centre la tenue du journal télé.

Les enfants vont également bousculer les habitudes. Sze n’attend qu’une chose : le retour du Canada d’Adam, joueur de guitare à ses heures qui cause de temps en temps anglais. Chung, bourreau des cœurs et portrait craché de son père (l’accessoire, ce sont les lunettes), sort avec des tas de jeunes filles aux prénoms occidentaux. Always on my mind se déroule en 1993 et les personnages sont occidentalisés à outrance et par l’idée de quitter Hong Kong avant la rétrocession en tout premier lieu. Le film de Jacob Cheung filme une famille bourgeoise et aisée en pleine déconfiture vivant une période où la peur entre dans chaque famille. Dans son film, cette peur de la rétrocession est symbolisée par le cancer.

C’est Yau-wai qui a un cancer. Il ne veut pas le dire à sa femme pour ne pas l’alarmer, et comme elle a l’habitude qu’il raconte des bobards sur sa santé (il est hypocondriaque). Elle est persuadé que ce cancer, qu’elle croit faux, n’est inventé par Yau-wai que pour faire passer l’arrivée du nouveau patron de la chaine de télé qui veut du sang neuf  à l’antenne. Chan Yau-wai est viré mais est vite réembauché tant ses nouvelles manières de présenter le journal plaisent au public. Le film tente un critique convenue du traitement de l’information. Yau-wai, au plus fort de sa maladie, se fait une joie de commenter l’actualité avec ironie, non sans parfois une certaine démagogie.

L’intérêt majeur d’Always on my mind est moins dans son traitement des rapports familiaux, puisque les enfants semblent répondre à des critères conventionnels : ils ne sont que des jeunes gens tiraillés par leur libido naissante ; à peine plus dans sa critique des médias que dans le jeu entre Josephine Siao et Michael Hui. Les deux interprètes sont au centre du film et Jacob Cheung les met en scène dans de longs plans séquences où ils peuvent exprimer leur talent du mieux qu’ils le savent. Connus pour leur capacité comique, ils parviennent au détour d’une scène à émouvoir sur leurs petits malheurs du quotidien. Always on my mind est le chant du cygne des deux acteurs à la comédie cantonaise, une manière élégante de prendre leur retraite du public.

Always on my mind (搶錢夫妻, Hong Kong, 1993) Un film de Jacob Cheung avec Michael Hui, Josephine Siao, John Dang, Cherie Chan, Joh Si-pooi, Boby, Simon Louis, Rain Lau, Hoh Ho-yuen, Che Foon-yung, Joe Junior, Regi, Spencer Chan, Jacob Cheung, Simon Liu.

lundi 29 juillet 2013

Don't fool me


Ils étaient amis au lycée et un jour, ils se retrouvent après des années sans s’êtres vus. Hero Wah (Andy Lau) n’a jamais eu de diplôme. Petite frappe qui vit grâce à ses poings qu’il utilise à escroquer de pauvres gens (dont le gentil Wong Yat-san alias la Tortue) pour le compte de Shing Fui-on, un sbire des triades. Cheung Ho-kit (Tony Leung Chiu-wai) est courtier en assurance et travaille pour une grosse entreprise. Kit fait comprendre à Wah que son boulot est bien plus compliqué que le sien tant il doit croiser des gens bizarres. Ils décident alors d’échanger leur poste pour faire le travail de l’autre.

Changement d’abord de tenue. Wah troque ses fringues décontractées pour un costume de bureau. Hero Wah rencontre Madame Mui (Teresa Mo), la stricte patronne de Kit. Elle impose une discipline à ses employés et Wah, qui fait exploser les règles, va séduire cette patronne coincée. Quant à Kit, il débarque sur une course illégale de voitures. Son costume cravate le fait immédiatement remarqué par tous, et surtout Fanny (Fennie Yuen), qui sur sa moto aide Kit à s’échapper quand la police débarque. Il découvre que Fanny est la fille d’un chef de gang (Michael Chan).

L’habit fait le moine et Fanny va relooker son nouveau protégé avec une veste en jean’s et du gel dans les cheveux. Une bonne partie de l’humour du film est autour de l’apparence des acteurs (« Madame Mui, comme Anita Mui », dit Wah à Kit), les coupes des acteurs (les cheveux bouclés ridicules de Teresa Mo et Anthony Wong) et les fringues tape-à-l’œil dont se moquent les personnages (le costume de Michael Chan), les différents costumes que porte Andy Lau pour son premier jour de travail : une veste violette, puis une tenue traditionnelle chinois et enfin une djellaba comme s’il était un cheikh arabe.

Le duo entre Tony Leung Chiu-wai et Andy Lau est finalement assez peu présent dans Don’t fool me. Les deux acteurs se rencontrent qu’en début et en fin de film, tout le reste est dévolu à leur romance respective car bien évidemment, les deux hommes vont se disputer avec leur petite copine avant la réconciliation finale. Car les deux gars vont s’améliorer au contact des femmes au caractère bien trempé. Le film d’Herman Yau est une comédie burlesque qui joue sur l’incompétence de chaque personnage dans un univers inconnu. En gros, les triades ce n’est pas si éloigné que ça du milieu des assurances. Les gags qui traversent Don’t fool me sont d’abord du comique de la situation d’échange des emplois.

Certains gags visuels illustrent l’idée non-sensique en vogue à cette époque : une confrontation entre Andy Lau et Anthony Wong au restaurant. Ce dernier jette au visage tous les ingrédients qui se trouvent sur sa table et Andy Lau les rattrape dans sa bouche. Vers la fin du film, les deux héros sont suspendus à une corde d’un immeuble d’où ils s’échappaient mais ils sont à 50 centimètres. La scène finale de prise d’otages qui tourne au grotesque avec la TV en direct. On sent que de nombreux jeux de mots existent dans les dialogues, pas forcément détectables grâce aux sous-titres. Du coup, Don’t fool me navigue suivant la qualité des gags entre le très nul et l’hilarant.

Don't fool me (
中環英雄, Hong Kong, 1991) Un film de Herman Yau avec Andy Lau, Tony Leung Chiu-wai, Teresa Mo, Fennie Yuen, Michael Chan, Shing Fui-on, Anthony Wong, Charine Chan, Wong Yat-san, Jeffrey Lam, Chow Mei-yan, Lee Hoi-sang, Wong Chi-keung, Bruce Law.

dimanche 28 juillet 2013

Colorful


Je n’avais pas écrit sur Colorful lors de sa sortie française (en novembre 2011). Je n’avais pas vu le film sans doute parce que je n’avais pas franchement aimé Un été avec Coo, précédent film de Keiichi Hara. Le fantastique continue son chemin avec cette fois, non pas une créature de contes, mais un jeune homme aux cheveux gris, habillé en écolier, mais s’exprimant comme un adulte. Pura-Pura a pour mission de convaincre une âme qui vient d’arriver au purgatoire d’accepter de retourner sur terre pour se réincarner dans le corps de Makoto Kobayashi, un adolescent de quinze ans qui vient de se suicider.

Makoto revit, pour le plus grand bonheur de ses parents, et se repose chez lui. Pura-Pura devient le guide de cette âme, sans que personne d’autre ne le voie. Qui est vraiment Makoto ? Quels sont ses amis ? Et surtout, pourquoi a-t-il voulu mourir ? C’est d’abord un peu de comédie qui se glisse avec l’apparition de cet « ange » au caractère espiègle qui va et vient selon son humeur. Les indices sont donnés au compte goute, Pura-pura agissant comme un narrateur omniscient ménageant le suspense. Il ne répond pas à toutes les questions de Makoto mais lui déclare qu’il a six mois pour choisir de rester dans ce corps.

On découvre ensuite la famille Kobayashi. Le père, la mère et le grand frère, étudiant. Les deux parents font tous les efforts possibles pour que Makoto se sente bien. Mais les rapports sont difficiles. Le grand-frère n’adresse pas la parole à Makoto et ce dernier ne parle guère à ses parents. Plus précisément, ne connaissant pas l’histoire de Makoto, sa nouvelle âme parle aux parents, puis découvrant que la veille du suicide, Makoto a découvert sa mère sortant d’un hôtel avec son professeur de flamenco, il se terre dans un silence absolu et refuse de manger les plats qu’elle prépare.

Enfin, il y a le collège. Makoto a un téléphone portable vide. Pas de sms, pas d’appels, pas de contact. Une seule photo, celle d’Hiroka, une camarade du collège. L’âme apprendra qu’elle rentrait dans le même hôtel, accompagnée d’un adulte, que celui dont sa mère sortait. Il y a Shoko, fille à lunettes timide et bègue, qui tente, en vain, de sympathiser avec Makoto. Deux filles, l’une dont il est amoureux, l’autre qui cherche son amitié. Il y a le cours de dessin où l’adolescent a peint un cheval qui s’élève dans le ciel à moins qu’il ne sorte de l’eau. Deux visions radicalement opposées sur la vision de la vie, l’une pessimiste, l’autre optimiste.

C’est un portrait cruel et désabusé que dessine Colorful. Celui d’un ado solitaire et triste qui vit une vie d’une grande banalité. Makoto n’a pas d’amis et n’aime pas sa famille. On s’en doute, la rédemption va arriver avec une meilleure compréhension de tous les autres personnages et d’abord de lui-même, grâce à ses cours de dessin et grâce à l’amitié qui se crée avec Saotome, un de ses camarades de collège, aussi jovial que Makoto est triste. Il sera son ange gardien terrestre avec la disparition de Pura-pura. Mais avec une animation souvent imprécise, le film dissipe ses bons sentiments dans une narration nonchalante et sans surprise.

Colorful (カラフル, Japon, 2010) Un film de Keiichi Hara avec les voix de Kumiko Asô, Keiji Fujiwara, Jingi Irie, Michael, Akina Minami, Aoi Miyazaki, Akiyoshi Nakao, Katsumi Takahashi, Kazato Tomizawa.

vendredi 26 juillet 2013

Triad story


Après 22 ans de prison, Feng (Ko Chun-hsiung) rentre chez lui. Il était un parrain à la vie facile, désormais il doit se laver dans un bac et dormir dans une petite chambre et cohabiter avec Sing (Stephen Chow), son fils et la femme de ce dernier. La fille de Feng ne veut pas le voir, elle lui reproche sa vie passée et ne console pas de la mort de sa mère survenue six ans plus tôt. Sa vie est maintenant celle d’un modeste homme qui a perdu son train de vie d’antan mais qui a gardé tous ses amis : Ng Man-tat, Wu Ma, Shing Fui-on et Shum Wai interprètent ses anciens hommes de main au sein de la triade qu’il dirigeait. Chacun a refait sa vie, oubliant le clan : l’un serveur de restaurant, un autre flic bientôt à la retraire. Par loyauté pour le parrain, ils vont organiser une soirée pour célébrer son retour.

Lors de cette soirée, ils apprennent que la fille de Feng fricote avec Jason (Alan Ng), nouvelle pousse des triades qui entend développer le trafic de drogue à son profit à Hong Kong. Il veut se faire un maximum de fric avant la rétrocession, thème archi-rebattu à cette époque dans le cinéma cantonais, ici employé sans portée sociale et politique. Jason est aussi une brute qui frappe sa copine. Les amis de Feng s’emportent sur la méthode à employer. Le film est essentiellement composé de longues scènes de discussion entre Feng et ses amis, tous assis autour d’une table dans une théâtralisation surannée. Shing Fui-on, emporté par ses réactions primaires,  veut aller se battre mais la nouvelle génération possède des armes à feu. Triad story veut montrer que les générations ont changé et que c’était mieux avant.

Le film de Shum Wai ne vaut que pour son ton outrancier dans le mélodrame. Jason décide de capturer la fille et la belle-fille de Feng pour lui faire bien comprendre que l’ancienne génération doit laisser sa place. Les amis de Feng ne l’entendent pas de cette oreille. Toute la deuxième moitié de Triad story est une accumulation se scène où les femmes se feront couper un doigt et frapper, où Shum Wai et Shing Fui-on se feront abattre, où Ng Man-tat les yeux exorbités attaquera ses ennemis à coups de hache, et où Billy Chow se battra avec une violence inouïe contre une amazone. Rarement les combats, chorégraphiés ici par Tony Leung Hung-wah, n’auront autant donné l’impression de douleur : tête contre des escaliers, corps dépliés qui se fracassent au sol, coups de poing ultra violents au visage et à l’estomac, le tout appuyé par une musique tonitruante. Mais le film est trop caricatural dans son traitement des personnages pour vraiment intéresser.

Triad story (江湖最後一個大佬, Hong Kong, 1990) Un film de Shum Wai avec Ko Chun-hsiung, Wu Ma, Shing Fui-on, Ng Man-tat, Shum Wai, Stephen Chow, Kwai Chung, Billy Chow, Lo Wei, Alan Ng.

jeudi 25 juillet 2013

Sorties à Hong Kong (juillet 2013) SDU: Sex Duties Unit

SDU: Sex Duties Unit (飛虎出征, Hong Kong, 2013)
Un film de Gary Mak avec Chapman To, Shawn Yue, Matt Chow, Derek Tsang, Lau On-kei, Dada Chan, Jim Chim, Siu Yam-yam, Simon Loui, Lam Suet, June Lam. 95 minutes. Classé Catégorie III. Sortie à Hong Kong : 25 juillet 2013.

lundi 22 juillet 2013

L'Obsédé en plein jour


Gros plans sur des yeux exorbités, un nez bossué, une bouche entrouverte, plans d’ensemble sur ce visage d’homme derrière les volets d’une fenêtre qui le rendent mystérieux. Il rentre dans la maison sans être invité. L’ouverture de L’Obsédé en plein jour, montée en plans très courts (comme le reste du film en noir et blanc, on dit que 2000 plans le composent, un record chez Nagisa Oshima) crée le suspense sur cet homme à l’air patibulaire. Une jeune femme fait le ménage. Elle le reconnait immédiatement. C’est Eisuke (Kei Sato). Il vient du même village que Shino (Saeda Kawaguchi). Ils ne se sont pas revus depuis un an.

L’obsédé du titre, c’est Eisuke, selon l’inspecteur Haraguchi (Fumio Watanabe) qui enquête sur une série de viols commis partout dans le Japon. Il interroge Shino, découverte évanouie dans la demeure de ses employeurs. Une fois réveillée, elle constate que sa patronne a été assassinée. Devant le policier, elle feint de ne pas se rappeler ce qui a pu lui arriver. En vérité, elle veut écrire à Matsuko (Akiko Koyama), l’épouse d’Eisuke. Dans une lettre, filmée en travelling verticaux où le texte est lu en voix off, Shino demande l’autorisation de divulguer le nom du violeur. Matsuko, professeur dans son village, ouvre la lettre, la lit mais ne répond pas.

Le récit policier n’intéresse pas du tout Nagisa Oshima. Il fait de l’inspecteur un homme qui colle aux basques de Shino en attendant qu’elle donne enfin un nom. Ce qui passionne en revanche le cinéaste est le passé de ces personnages dans ce village où tout le monde se connait, où on annonce par haut parleur les nouvelles locales et que Shino a quitté pour Tokyo suite aux événements survenus un an auparavant. Le film alterne jusqu’à l’issue de l’histoire les flashbacks qui permettent de comprendre ce qui s’est passé et les rencontres entre Shino et Matsuko au présent. Là encore, le montage crée entre les deux femmes un dialogue de sourds.

On découvre une histoire d’amour contrariée entre les trois protagonistes auxquels il faut ajouter Genji (Rokko Toura). Ce dernier est responsable, avec Matsuko, d’une ferme collective. Genji voit son rêve communautaire s’effondrer avec une pluie torrentielle qui dévaste tout. C’est avec lui que Shino perd sa virginité (elle a 18 ans) en abusant d’elle. Eisuke ira les observer dans la grange qui leur sert de cachette. Il est amoureux de Shino mais son caractère sauvage l’empêche de le lui révéler. En revanche, Matsuko est amoureuse d’Eisuke. Genji propose à Matsuko de l’épouser. Elle se mariera avec Eisuke qui ne l’aime pas.

Le film tourne autour de ce quatuor de personnages. A l’exception de Shino, incarnation de la candeur, ce sont des âmes torturées. Ce que dit L’Obsédé en plein jour autour de la frustration sexuelle est qu’elle est le résultat d’une société cadenassée, surtout dans un village. La mort et la violence semblent être les dernières solutions trouvées par les personnages. Genji veut pratiquer le suicide rituel le jour-même où on annonce son élection au poste de chef du village. Eisuke viole les femmes pour se venger du refus de Shino de l’épouser. Prenant le contre-pied de son film précédent Les Plaisirs de la chair (film en couleur et en plan séquence sur quatre femmes), Nagisa Oshima se lance dans un cinéma politique virulent avec une maîtrise narrative redoutable.

L’Obsédé en plein jour (白昼の通り魔, Japon, 1966) Un film de Nagisa Oshima avec Kei Satô, Saeda Kawaguchi, Rokko Toura, Akiko Koyama, Fumio Watanabe, Hideo Kanze, Hideko Kawaguchi, Teruko Kishi, Hôsei Komatsu, Narumi Kayashima, Ryoko Takahara, Taiji Tonoyama, Sen Yano.

samedi 20 juillet 2013

Opération dragon


Les célébrations des quarante ans de la disparition de Bruce Lee (le 20 juillet 1973) sont l’occasion de revenir sur son dernier film complet. Opération dragon est le plus gros succès populaire de l’acteur (en France, cinquième meilleur score au box office en 1974). Succès qu’il n’a jamais pu savourer, le film étant sorti après sa mort. Après une vingtaine de films à Hong Kong alors qu’il était enfant (par exemple The Kid en 1950) puis adolescent (difficile de les voir) et après ses trois films en cantonais pour la Golden Harvest (The Big boss, La Fureur de vaincre et La Fureur du dragon), il s’agissait pour Bruce Lee d’étendre sa notoriété en dehors de l’Asie. Mais surtout de prendre sa revanche sur son rôle de larbin dans Le Frelon vert, son unique incartade aux Etats-Unis en 1966, rôle pour lequel il avait une haine féroce.

Pour faire ses preuves au public occidental (puisque le public asiatique est déjà conquis), il faut à Bruce Lee commencer son film par une démonstration de son art martial. Le public dans le film est un parterre de moines Shaolin L’adversaire contre lequel Lee se bat est Sammo Hung. Ils sont tous les deux en slip noir, les rendant un peu ridicules. Puis, Lee s’entretient longuement (en anglais, car le film est entièrement en anglais) avec son sifu (Roy Chiao). Ils causent philosophie tandis qu’ils marchent lentement dans un jardin. Enfin, Lee donne un cours à un apprenti. En faisant suivre ces trois scènes, il s’agit de montrer que le personnage de Lee, et donc l’acteur Bruce Lee, possède une force mentale et physique indépassables, que l’une ne va pas sans l’autre et que la première force aide la deuxième à vaincre les adversaires.

Après avoir combattu loyalement son condisciple, Lee va relever le défi de se battre contre d’autres adversaires dans une compétition organisée sur une ile par Han (Shih Kien), ancien moine renégat. Lee s’y rend comme agent infiltré pour la police de Hong Kong. Là, le film tente de prendre un versant de récit d’espionnage à la James Bond. Lee doit enquêter sur un éventuel trafic de drogue dont Han serait à la tête. Pour tout dire, cette partie d’Opération dragon a considérablement mal vieillie tant les enjeux restent superficiels. Au récit s’ajoute un désir de vengeance. Lee a appris que l’un des gardes du corps de Han est responsable de la mort de sa petite sœur. On découvre son calvaire dans un flash-back tandis que Lee se rend en bateau sur l’île. Là, il aura comme agent de liaison la belle Mei-lin (Betty Chung), agent infiltré.

Chaque combattant a sa propre raison d’aller remporter le tournoi. Williams (Jim Kelly) est victime du racisme ordinaire. Roper (John Saxon) a des dettes d’argent. Parsons (Peter Archer) aime se battre et humilier les Chinois. Le premier combat oppose Parsons et Williams. Le deuxième Roper et un chinois. Elaborés sur un mode humoristique où Roper et Williams parient sur le vainqueur, les combats restent de simples démonstrations de boxe. Le lendemain, Han veut punir ses vigiles qui ont manqué à leur devoir, l’ultra musclé Bolo Yeung les laminera. La violence commence à gagner le film puis à envahir les affrontements. Han, qui a une main de fer (au sens figuré comme au sens propre) se battra contre Williams. Ce dernier n’en sortira pas vainqueur.

Ce n’est finalement qu’au bout d’une heure de film que Lee commencera à entrer dans le tournoi. Son adversaire est O’Hara (Robert Wall), le sbire balafré de Han qui a tué sa sœur. Sa vengeance peut enfin s’accomplir. Le combat est relativement court, environ trois minutes. Bruce Lee donne ses coups avec précision en poussant ses petits cris tandis qu’O’Hara déshonore son patron en cherchant à piéger Lee, notamment en voulant l’attaquer avec des tessons de bouteille. Enfin, il reste à Lee à mener sa mission anti-drogue. Il pénètre dans les sous-sols de la demeure, se met torse nu, actionne son nunchaku et frappe les gardiens (dont Jackie Chan qu’on peine à reconnaitre). Il rentre alors en transe bandant tous les muscles de son corps et de son visage. Opération dragon va crescendo dans les combats et le dernier est le plus beau. Lee se bat contre Han dans une salle aux murs en miroir. L’image de Bruce Lee se démultiplie à l’infini et, avec elle, les blessures au sang que la main griffée de Han lui assène.

Les décors ont une grande importance dans le film. On passe des bidonvilles de la baie de Hong Kong au riche palais de Han, ultra kitsch saturé de couleurs vives. La scène de repas, où l’on aperçoit Wong Tin-lam et Yuen Wah, où tous les invités se bâfrent avec à leurs pieds des jeunes femmes tandis que deux sumotori s’affrontent, est là pour contraster avec la rigueur de Shaolin présentée en début de film. Han, outre sa pièce tout en miroir, possède un musée de la torture et une pièce mauve où ses filles se font tatouer. Il faut ajouter que la musique de Lalo Schifrin permet à la fois de faire passer quelques scènes poussives et de magnifier certains combats. Robert Clouse a utilisé les images tournées par Bruce Lee pour Le Jeu de la mort et tenté, en vain, de renouveler le succès d’Opération dragon avec Jackie Chan dans Le Chinois.

Opération dragon (Enter the Dragon, 龍爭虎鬥, Etats-Unis – Hong Kong, 1973) Un film de Robert Clouse avec Bruce Lee, John Saxon, Jim Kelly, Betty Chung, Ahna Capri, Robert Wall, Shi Kien, Bolo Yeung, Angela Mao, Hao Li-jen, Roy Chiao, Lau Wing, Tin Mat, Sammo Hung, Jackie Chan, Mars, Cheung Chok-chow, Wong Tin-lam, Yuen Wah, Yuen, Biao, Yuen Bun, Philip Ko.

jeudi 18 juillet 2013

The Top bet


Dans la série « produits dérivés de films de gambling», The Top bet est le spin off direct de All for the winner. Shing, le personnage de Stephen Chow quitte le navire pour « faire jouer dans le monde entier ». Exit l’acteur qui apparait deux minutes (dont dans des scènes du film précédent) mais tous les autres interprètes restent présents. Seuls Corey Yuen et Sandra Ng ne font que de la figuration. L’oncle San (Ng Man-tat) reçoit la visite de sa nièce venue de Chine. Mei (Anita Mui) a les mêmes pouvoirs que son frère, en l’occurrence une aptitude à changer la face des cartes à jouer en les frottant contre ses mains. En vérité, elle est envoyée par le parti pour ramener Shing en Chine.

Mei a acquis tellement de pouvoir en se concentrant qu’elle réussit des prodiges et puisqu’on est dans une comédie burlesque, elle joue pas mal de mauvais tours à sa famille et leurs amis. Ainsi, pendant tout le film, Angelina Lo (l’épouse de l’oncle San) parlera avec une voix d’homme et il lui poussera barbe et moustache. C’est aussi une experte en nunchaku (belle scène de combat chorégraphiée par Corey Yuen). Elle refuse d’aider Fey (Carol Cheng), engagée par San et Chan Chung (Jeff Lau), l’organisateur d’un tournoi de poker où il va falloir, encore une fois, devoir affronter l’affreux Kwong (Paul Chun), toujours cloué sur son fauteuil et parlant avec un appareil vocal.

Personnage fort en gueule, Fey prétend qu’elle est capable de deviner les cartes avant qu’elles ne soient dévoilées. On la découvre dans une sale cabane de pécheurs en train de miser leurs poissons. Sur ses seules affirmations, elle convainc San qu’elle peut gagner le tournoi. Mais elle a aussi un cœur car l’argent gagné permettra de faire opérer son petit frère malade. De l’émotion à peu de frais vite dégagée par la charge comique du personnage. Sa force vient de ses changements d’humeur : tantôt femme sûr d’elle et agressive puis la minute suivante, elle se comporte comme une gamine et cherche à éviter de jouer. Elle est toujours suivie par Tai (Lowell Lo), dans un rôle de larbin stupide mais dévoué à qui il va arriver bien des malheurs, dont une ventouse de toilettes collée sur le crâne.

Parallèlement, Mei change souvent d’humeur mais de manière inversée. En temps normal, elle est comme une petite fille dont elle adopte la démarche immature en sautillant. Sa coupe de cheveux est aussi typiquement enfantine. Elle vend fondre d’amour devant un loubard (Kenny Bee) totalement stupide. Ces deux personnages féminins ont donc beaucoup en commun, et en tout premier lieu les rapports avec leurs frères. Le film va donc en faire des personnages complémentaires quand Mei accepte d’aider Fey à affronter Chan Chung qui lui aussi reçoit une aide « magique » d’un homme retors (Lau Shun). Les gags (certains sont hilarants) sont presque tous autour de l’incompétence des personnages qui enchainent les catastrophes. Comme toujours dans un film de gambling, la longue scène finale voit les méthodes de chacun s’affronter.

The Top bet (賭霸, Hong Kong, 1991) Un film de Corey Yuen et Jeff Lau avec Carol Cheng, Anita Mui, Ng Man-tat, Sandra Ng, Shing Fui-on, Kenny Bee, Yuen Wah, Wu Fung, Lowell Lo, Paul Chun, Lau Shun, Corey Yuen, Jeff Lau, Angelina Lo, Stephen Chow, Fruit Chan.

mercredi 17 juillet 2013

Pacific rim


Petites notes au sujet de Pacific rim. On le sait, le film de Guillermo del Toro peut s’apparenter aux films de kaiju. Ces montres préhistoriques réveillés en 1954 avec Godzilla d’Inoshiro Hindo, à cause des radiations des essais nucléaires, ont continué d’exister au cinéma jusqu’à Godzilla final wars de Ryuhe Kitamura en 2004. Une trentaine de films, y compris le navet de Roland Emmerich. Dans Pacific rim, les monstres sous-marins vivent sous la croute terrestre qui se trouve sous les océans. Ils sont d’origine extra terrestre et ont, selon les deux savants Geiszler et Gottlieb (Charlie Day et Burn Gorman), donné naissance aux dinosaures.

Les kaiju n’ont pas le même cri que Godzilla pour de simple question de copyright. Pour la même raison, on ne voit ni Godzilla ni aucun des autres kaiju japonais qui avaient chacun un petit nom : Mothra, Ebirah, Megalon, entre autres. Les kaiju de Pacific rim ont aussi leurs petits noms : Knifehead, Leatherback ou Otachi. En revanche, au fur et à mesure du récit, leur force augmente ainsi que leur classification. Le combat final se fera contre un kaiju de catégorie 5, monstre super puissant qui jette sur les machines métalliques des humains (les jaegers, conduits en duo) de l’acide. Physiquement, les kaiju de Guillermo del Toro ressemblent à n’importe quel film avec des aliens d’origine reptilienne. Rien de bien neuf de ce côté.

Les lieux de l’action : Après un début aux Etats-Unis où Raleigh Becket (Charlie Hunnam) perd son frère dans la destruction de leur jaeger, le film part en Russie où Raleigh participe à la construction d’un mur contre les kaiju. Il est étonnant de constater que cette idée soit la même que dans World war Z.  Pacific rim se déroule ensuite essentiellement à Hong Kong en 2018. La ville, surpeuplée, est filmée de nuit avec une très belle photographie qui fait donne parfois l’illusion d’être dans un film en noir et blanc. Seule l’acide bleu des kaiju et le sang des humains tranchent dans cette teinte. Cela dit, le cinéaste ne fait pas grand-chose de son décor, si ce n’est de détruire la ville comme la mode l’exige de Iron Man Three à Man of steel en passant par The Avengers.

Une courte scène de flash-back se déroule à Tokyo permettant de découvrir le passé de Mako Mori (Rinko Kikuchi). Lors du premier essai avec Raleigh dans leur jeager, elle est prise dans ses souvenirs brutaux et traumatisants où elle a été, enfant, poursuivie par un kaiju. La question centrale du film, posée de manière superficielle, est de savoir si Mori, comme Raleigh, pourra faire abstraction du trauma initial. On trouve d’autres personnages secondaires, tous caricaturaux : l’adversaire arrogant de Raleigh, les deux savants fous qui se contredisent sur la nature des kaiju, plus deux russes et trois triplés chinois (les frères Luu) qui n’ont même pas une seule ligne de dialogue (je laisse deviner lesquels meurent en premier). Seul le personnage comique de Ron Perlman, dans un rôle de trafiquant, s’en sort avec les honneurs.

Le souci majeur de Pacific rim vient de sa production même, d’un tournage ultra rapide dû à une date de sortie trop proche par rapport au lancement de la production. En résulte outre ces personnages caricaturaux, des situations rebattues (encore une fois, le chef n’écoute pas celui qui sait des choses qui permettent de détruire les monstres, comme le vice-président n’écoutait pas Dennis Quaid dans Le Jour d’après) et des coups de théâtre que l’on devine cinq minutes à l’avance. (Oui, on devine bien que les personnages sans dialogues vont mourir en premier !). Est-ce que j’ai déjà parlé des qualités de Pacific rim ? Oui, je crois bien puisque le film est largement supérieur à tous les films hollywoodiens cités plus haut.

Pacific rim (Etats-Unis, 2013) Un film de Guillermo del Toro avec Charlie Hunnam, Diego Klattenhoff, Idris Elba, Rinko Kikuchi, Charlie Day, Burn Gorman, Max Martini, Robert Kazinsky, Clifton Collins Jr., Ron Perlman.

lundi 15 juillet 2013

Nuit et brouillard au Japon


Les fantômes du passé sont les invités surprise du mariage de Nozawa (Fumio Watanabe) et Reiko (Miyuki Kuwano). En cette journée d’automne 1960, les deux fiancés ont convié à leur cérémonie tous les camarades étudiants, anciens pour Nozawa, désormais journaliste et actuels pour Reiko, encore à l’université. Udagawa (Hiroshi Akutagawa), un ancien professeur du marié fait le traditionnel discours où il explique que même s’il n’a pas toujours soutenu les opinions politiques de ses étudiants, il les a constamment respectées. Il est alors interrompu par Ota (Masahiko Tsugawa), qui n’était pourtant pas invité et qui est recherché par la police. Ce dernier commence à parler à l’assemblée de Kitami.

Cet homme, Kitami (Toru Ajioka) a disparu après les manifestations du 15 juin 1960 où des étudiants gauchistes (pour ne pas dire communistes) ont été tabassés par la police pour avoir protesté contre la signature d’un traité entre le Japon et les Etats-Unis. La manifestation est reconstituée avec cinq militants qui, face caméra, devant un fond noir, narrent les événements. Cela rappelle à Takumi (Ichiro Hayami), un autre invité ce qui s’est passé en 1953 avec la disparition puis la mort de Takao, un de leurs amis alors que Nozawa était encore étudiant et qu’il était un militant communiste. Il s’agit dans Nuit et brouillard au Japon d’évoquer la radicalisation des militants de gauche, le mariage entre Nozawa (l’ancienne garde née sous Staline en pleine guerre de Corée) et Reiko (la nouvelle garde née quand la société japonaise s’occidentalise à outrance) est le symbole de la réconciliation entre les deux tendances.

Le film est construit en longs flash-backs entre les trois moments (1953, le 15 juin 1960 et le mariage). Chaque souvenir s’ouvre sur un fondu au noir, non pas effectué au montage mais en éteignant les lumières du plateau de tournage. Cela produit un effet lugubre accentué par des longs et superbes plans séquence où tous les protagonistes s’observent. Chaque personnage raconte sa version des faits sur ces deux disparitions qui sont autant d’énigmes à résoudre. La tension entre les personnages augmente au fur et à mesure que le suspense grandit et que les langues se délient. Takao a-t-il libéré un mouchard à la solde de la police venu les espionner ? Qui pense que la ligne du parti défendue par Nakayama, chef de la section étudiante, est la bonne ? Fallait-il aller manifester contre le traité alors que cela est probablement vain ? Ils semblent bien incapables, engoncés dans leur conviction, de répondre.

C’est la théâtralité du discours politique qui est mise en pièce par Nagisa Oshima. Il montre précisément que les slogans, les directives politiques et les idéaux vont à l’encontre des actes des étudiants communistes. Ils discutent sans cesse mais n’agissent jamais. Qui plus est, leur vie est devenue l’inverse de ce qu’ils combattaient jadis : un mariage et des professions petit-bourgeois. Le vernis se craque encore plus quand l’épouse de Nakayama doit confesser qu’elle était, en 1953, la maîtresse de Nozawa. Ensemble, ils écoutaient des disques de Chostakowich et rêvaient de fuir amoureusement ensemble. Nuit et brouillard au Japon n’est pas seulement la critique acérée et exigeante des militants communistes mais également la marque d’une déception de Nagisa Oshima devant la débandade d’idéaux qu’il partageait quand il était lui-même étudiant.

Nuit et brouillard du Japon (日本の夜と霧, Japon, 1960) Un film de Nagisa Oshima avec Miyuki Kuwano, Fumio Watanabe, Hiroshi Akutagawa, Shinko Ujiie, Akiko Koyama, Kei Sato, Rokko Toura, Masahiko Tsugawa, Toru Ajioka, Ichiro Hayami.

dimanche 14 juillet 2013

Dragon fight


Pour sa première incartade sur le sol américain (le film est entièrement tourné à San Francisco), Jet Li doit d’abord faire preuve de ses facultés de combat. Dragon fight s’ouvre sur une démonstration publique d’arts martiaux, en costumes chinois traditionnels où, avec son acolyte Tiger Wong (Dick Wei), Jimmy Lee (Jet Li) enchaine quelques mouvements devant un public conquis. Les deux hommes viennent de Chine continentale et, au moment du départ pour Pékin, Tiger décide de rester aux Etats-Unis. Voyant son ami s’enfuir dans l’aéroport, Jimmy tente de le convaincre de prendre l’avion. En vain. Tiger est contrôlé par un policier, il se défend à coups de tatanes et le policier meurt. Seulement voilà, auparavant, Jimmy avait donné son portefeuille à Tiger et désormais, c’est lui qui est suspecté. De plus, il a raté l’avion et se retrouve seul en Californie, sans argent, sans ami et la police à ses trousses.

Deux destins parallèles se mettent en place. Tiger devient le garde du corps de Marco (Henry Fong), un parrain de la mafia. Constatant le calme de sa nouvelle recrue, il en fait vite son tueur à gages. La police, omniprésente dans la séquence d’ouverture, ne montrera plus le bout de son nez. Jimmy erre dans la ville et tombe sur Andy (Stephen Chow), l’un de ses fans venu à la démonstration d’arts martiaux. Andy recueille Jimmy et l’assure qu’il aura vite un passeport. En attendant, il se fait engager par l’oncle Man (Go Wang) qui tient une petite épicerie (référence à La Fureur du dragon). La route des deux amis ne se croise pas mais chaque parcours est comparé. Jimmy devient un honnête homme accusé à tort d’un meurtre. Tiger devient le pantin du parrain, un homme cruel, vulgaire et qui trompe ouvertement son épouse (Nina Li). La caricature des triades est d’une très grande lourdeur, avec limousines rutilantes, beaux costumes et sbires nerveux.

La femme justement. Dans ce film totalement masculin, seule Nina Li l’incarne. C’est d’abord Stephen Chow dans un rôle d’obsédé sexuel qui la drague de son camion, torse nu et lunettes noires sur le nez. Face à ce personnage immature, qui d’ailleurs mettra en péril la vie de Jimmy et de l’oncle Man en voulant vendre de la drogue volée à Marco, Nina Li préfère Jimmy. La relation restera strictement platonique. Jimmy joue un rôle de redresseur de tort : libérer à la fois son ancien ami Tiger, devenu son premier ennemi, et la belle Nina Li du joug de l’affreux Marco. Le film est constamment prévisible, troué de béances scénaristiques qui irritent très vite et de combats assez plats. Cette première tentative de percer aux Etats-Unis est un grand échec, tout à fais comparable à celle qu’il fait juste après avec Tsui Hark dans The Master. Et c’est tant mieux car cela lui a permis de faire à Hong Kong la saga Il était une fois en Chine.

Dragon fight (龍在天涯, Hong Kong, 1989) Un film de Billy Tang avec Jet Li, Dick Wei, Nina Li, Stephen Chow, Henry Fong, Go Wang, Mark Williams

jeudi 11 juillet 2013

Sorties à Hong Kong (juillet 2013) Tales from the dark 1


Tales from the dark 1 (李碧華鬼魅系列迷離夜, Hong Kong, 2013) 
Un film de Simon Yam, Lee Chi-ngai et Fruit Chan avec Simon Yam, Tony Leung Ka-fai, Lam Suet, Dada Chan, Siu Yam-yam, Felix Lok, Fala Chen, Kelly Chan, Yuen Qiu, Maggie Siu, Josephine Koo, Lo Hoi-pang, Cherry Ngan, Eileen Tung, Jonathan Wong, Chan Lai-wan, Julius Brian Siswojo, Leung Wing-kit, Tony Ho. 108 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 11 juillet 2013.



mercredi 10 juillet 2013

Thunder cops II


Il faut d’abord expliquer ce titre Thunder cops II, spin off d’Operation pink squad II, qui avait été retitré Thunder cops pour la sortie en vidéo hors de Hong Kong. Plus vendeur sans doute. Sandra Ng est désormais seule à porter le film et l’option film de fantômes est abandonnée. Femme flic autoritaire, Fong Ngai-nam ouspille les vendeurs de rue quand elle tombe sur son père (Eddy Ko dans une très courte apparition), lui aussi policier, qui surveille un affreux jojo, Chan Leung (Sunny Fang) au rire évidemment sardonique qui abat de deux balles le père devant les yeux de la fille. Cette dernière se sent responsable car elle n’avait pas suivi l’ordre de quitter les lieux. Nam n’a désormais plus qu’n but dans sa vie : venger son père.

Sur sa route vers la vengeance, elle interroge une junkie, Tsan (Ann Bridgewater) qui lui sert d’indic. Le film ne s’embarrasse pas pour laisser l’actrice faire un cabotinage franchement lourd dans son personnage de droguée, notamment dans une scène de manque où elle supplie Nam. Mais, il faut reconnaitre qu’elle est dans le ton des autres interprètes. Ainsi, Sing Fui-on est encore une fois un brutal porte-flingues qui couche avec Tsan tout en lui refilant son héroïne. Tsat-ko (Sing Fui-on) est l’homme clé pour l’emmener sur les pas de Chan Leung. Thunder cops II se confronte aussi à la corruption des flics. Jeff Lau joue le chef de la police qui fait arrêter Fong Ngai-nam. Il est de mèche avec les trafiquants de drogue.

Les scènes comiques, qui sont tout de même parmi les spécialités de Sandra Ng, sont rares. Elle arbore une moustache pour surveiller Tsat-ko. Son fort peu habile déguisement met en péril une autre filature. Les successives morts qui jalonnent le récit (son père, Tsan, puis une de ses collègues) augmentent la colère de son personnage. Le souci de contre-emploi est qu’elle reste dans la caricature, mâchoire crispée, regard noir, geste brusque. Stephen Chow n’apparait que dans la dernière moitié. Il est le frère de Tsat-ko. Une idylle se crée avec Ngai-nam et il doit choisir entre la femme dont il est tombé amoureux et sa famille. Le classique final au gunfight est filmé au ralenti. Le ton global du film est très sombre mais d’une manière trop forcée pour convaincre.

Thunder cops II (流氓差婆, Hong Kong, 1989) Un film de Jeff Lau avec Sandra Ng, Sing Fui-on, Ann Bridgewater, Stephen Chow, Wu Fung, Jeff Lau, Lam Siu-lau, Eddy Ko, Wong Chi-keung, Sunny Fang, Joh Chung-sing, Lo Hung.

mardi 9 juillet 2013

Drug war


Un car qui transporte des passagers aux estomacs remplis de boulettes de drogue. Un camion qui passe de l’amphétamine. Un trafiquant qui perd le contrôle de sa voiture et s’écrase dans un magasin. L’ouverture de Drug war, premier polar de Johnnie To (produit et co-écrit par Wai Ka-fai) tourné entièrement en Chine, va droit au but. La drogue cherche par tous les moyens à traverser la frontière pour se répandre dans la République populaire. Dans le même mouvement, le cinéaste hongkongais apporte son savoir faire et son ambiance unique en Chine en traversant la frontière entre les deux pays. La question immédiate que l’on se pose : Drug war parviendra-t-il à abolir les limites de la censure chinoise en parlant de drogue, de policiers et de mafia, sujets ultra sensibles ?

Ce trafiquant, bave aux lèvres et couverts d’ecchymoses est Timmy Choi (Louis Koo). Son laboratoire clandestin, situé au beau milieu de la campagne chinoise, a explosé, tuant sa femme et deux de ses hommes. Son accident de voiture, filmé par les nombreuses caméras de surveillance, l’a conduit à un hôpital. Là, il doit faire face aux interrogatoires du lieutenant Zhang (Sun Honglei), chargé de la répression du trafic de drogues et de sa fidèle assistante Xiaobei (Crystal Huang). Il se tait d’abord. Son téléphone n’arrête pas de sonner et de délivrer des messages codés. Or Timmy risque la peine de mort et préfèrera collaborer avec la police pour réduire sa peine. Ensemble, ils vont partir en mission : démanteler le réseau que Timmy a lui-même mis en place.

Timmy va mettre en scène Zhang qui va se faire passer pour Chang devant le bien nommé Haha (Hao Ping). Chang (Tan Kai) est l’homme de main de l’oncle Bill (Li Zhenqi), qui doit acheter de l’héroïne pour la vendre en Corée et au Japon. D'abord trouver le costume de mafieux à Zhang. Puis, choisir le décor : un hôtel de luxe. Haha passe son temps à rire très fort et Chang a, au contraire, un visage impavide. La rencontre s'improvise comme une répétition de la scène qu’il faudra ensuite à nouveau interpréter. Zhang incarne cette fois Haha devant Chang et Xiaobei sera la petite amie frivole de Haha. Zhang doit jouer deux rôles opposés, se rappeler de chaque détail de ses personnages tout en surveillant Timmy qui, lui-même, le guide. Le public ne sera pas seulement constitué des spectateurs du film mais aussi de tous les policiers qui surveillent par caméra la chambre d’hôtel.

La tension, amplifiée par la superbe musique de Xavier Jamaux, est subtilement portée à son paroxysme. Il faut avouer que Johnnie To prend un malin plaisir à faire s’échanger les rôles à ses personnages et à créer des méandres qui menacent chaque fois de perdre le fil du récit. On retrouve les deux conducteurs du camion d’amphétamines, deux abrutis finis qui se sont servis dans la cargaison que Timmy va copieusement rosser. On découvre un deuxième laboratoire tenu par des muets qui se révèlent être de furieux manipulateurs de fusils en abattant la moitié des hommes de Zhang. Séquence magnifique de brutalité où les visages des deux muets (Guo tao et Li Jing) passent de la jovialité lors de leur retrouvaille avec Timmy (la célébration de la mort de son épouse où de vrais billets sont brûlés) à la fureur sourde. Chaque fois, Timmy garde la main sur le récit, Zhang n'est qu'une marionnette bien qu'il croit être le meneur de jeu.

Les personnages interprétés par les acteurs de Hong Kong sont tous de trafiquants de drogue. Outre Timmy (Louis Koo est remarquable, portant constamment un sparadrap sur le visage), plusieurs fidèles de Johnnie To et de la Milkyway sont de la partie : l’inévitable Lam Suet qui marmonne des mots en anglais, Lam Ka-tung et Michelle Ye en Bonnie et Clyde, Eddie Cheung, entre autres. Ils forment les bras droits de Timmy qui doivent organiser le trafic. Ils n’arrivent que dans le dernier tiers de Drug war mais leur partition, l’attention que leur porte le cinéaste et le caractère pince sans rire de leur personnage (un humour glacial est constant dans le film) les rend plus vivants que tous les policiers chinois. C’est là sans doute qu’est le plus grand pied de nez de Johnnie To : remplir son contrat de faire un film contre la drogue tout en égratignant la raideur de la justice et de la police de la Chine et en s’offrant le luxer de filmer l’un des plus beaux gunfights finaux vus depuis bien longtemps.

Drug war (毒戰, Hong Kong – Chine, 2013) Un film de Johnnie To avec Louis Koo, Sun Honglei, Crystal Huang, Hao Ping, Gan Ting-ting, Michelle Ye, Lam Suet, Wallace Chung, Gao Yun-xiang, Xiao Cong, Li Guang-jie, Yin Zhu-sheng, Lo Hoi-pang, Eddie Cheung, Lam Ka-tung, Wang Bao-qiang, Guo Tao, Cheng Tai-shen, Li Jing, Hai Qing, Tan Kai.

samedi 6 juillet 2013

Faithfully yours


Faithfully yours marque dans les débuts de la carrière de Stephen Chow sa première comédie. Il est accompagné de Jacky Cheung et Max Mok. Le trio d’amis se rend à l’inauguration du salon de coiffeur moderne et chic que tient Happy Chan (Jacky Cheung) et qu’il ouvre juste à côté de celui que tient le personnage de Richard Ng, coiffeur à l’ancienne. Ce dernier n’est pas tout à fait ravi de cette concurrence d’autant que Puddin Lai (Stephen Chow) et Big Eyes Yan (Max Mok) se confrontent à lui, en se trompant de boutique.

Les trois garçons ont surtout remarqué que Richard Ng a une jeune et jolie fille prénommée Ying (Cheung Man) et vont tout faire pour rentrer dans le salon de coiffure. Ils seront bien reçus : mousse à raser pour Happy, seau d’eau pour Puddin. Seul le binoclard Big Eyes s’n sort presque bien. Ying commence à le coiffer mais son rasoir coupe son sourcil. Ils décident, avec obséquiosité, de sympathiser avec leur voisin mais c’est pour mieux approcher Ying. Le père veille au grain et fait les gros yeux quand ils se montrent trop entreprenants.

Plutôt que de se cantonner dans une comédie de voisinage où tous les coups sont permis, comme l’avait fait Michael Hui dans Chicken and duck talk, sorti six mois plus tôt, le film diverge vers la romance avec Ying qui tombe enceinte après une soirée très arrosée. Aucun des trois amis ne se rappelle quoi que ce soit. Le père, comme la mère (Lydia Shum) ne sont pas contents de cette situation. La décision est prise que Happy, Puddin et Big Eyes s’occuperont d’elle dans l’appartement qu’ils louent. Ils étaient irresponsables et immatures, ils devront grandir.

La nature des gags est essentiellement burlesque. Lors de la soirée très arrosée, tout se termine avec des tartes à la crème que se lancent les personnages. Le problème du comique dans Faithfully yours est son caractère répétitif. Chaque gag est répété trois fois. Richard Ng et Lydia Shum interrogent à tour de rôles les pères putatifs. Le trio prépare, l’un à la suite de l’autre, un repas infect à Ying. Dans un bus, Ying se sent mal et les garçons se mettent torse nu pour essuyer le vomi. Seules les variantes changent mais les gags restent très pauvres et, à force, rarement drôles. Le film peut être vu comme une adaptation hongkongaise de 3 men and a baby de Leonard Nimoy, remake de 3 hommes et un couffin de Coline Serreau.

Faithfully yours (最佳女婿, Hong Kong, 1988) Un film de Wong Wah-kay avec Jacky Cheung, Stephen Chow, Max Mok, Cheung Man, Richard Ng, Lydia Shum, Teddy Yip.

vendredi 5 juillet 2013

Forever fever


La fièvre du samedi soir a enflammé le corps de Hock (Adrian Pang), jeune vendeur dans une épicerie de Singapour. En 1977, deux choses l’intéressent : la moto, qu’il rêve d’acheter, et Bruce Lee, dont les posters tapissent les murs de sa chambre. Le soir avec ses amis, ils vont voir des films de l’idole du kung-fu. Mais plus aucun cinéma ne passe ses films. A la place, plutôt que d’aller faire l’éternelle partie de bowling, Mei (Medaline Tan), convainc la bande d’aller jeter un œil à cette comédie « disco » titrée Forever fever, comme le film qu’on regarde donc. Yeux grands ouverts, Hock est immédiatement fasciné par les pas de danse exécutés par l’imitateur de John Travolta (Dominic Page). Car si on entend des chansons des Bee Gees, elles sont réinterprétées par un groupe de Singapour, tout comme on ne verra aucune image du film La Fièvre du samedi soir (question de droits on imagine) mais plusieurs pans de son récit sont empruntés.

Hock n’a désormais plus qu’une envie : apprendre à danser. Mei, amoureuse de lui, accepte d’âtre son partenaire. Et ça tombe bien, un concours de disco est lancé. Premier prix : 5000 $, de quoi s’acheter la moto dont il rêve. Il va voir et revoir le film et, là, comme par magie, le faux Travolta sort de l’écran pour lui donner quelques conseils pour enchainer les pas de danse. Mais aussi lui indiquer qu’il doit adopter la tenue adéquate : chemise ouverte, pantalon moulant et mise ne pli. Il faut avouer que les pas de danse du duo Mei et Hock sont hésitants et bien loin du modèle. En gros, les chorégraphies sont banales et molles, ce qui n’empêche pas Richard (Pierre Png) de voir en Hock un rival à éliminer. Julie (Anna Belle Francis), la partenaire de Richard, se rend compte que ce dernier est un homme mauvais. La preuve, il fait virer Hock de l’épicerie et le tabassera le soir du concours. Du coup, Julie veut faire le concours avec Hock mais il faut évincer Mei. La jeune femme accepte de se sacrifier par amour pour Hock.

Le récit de Forever fever est cousu de fil blanc. Peu importe qui va gagner le concours, c’est la somme sui est importante car la famille de Hock va changer le dessein du héros. Il vit encore avec ses parents et sa grand-mère, seul personnage à dire quelques mots en chinois. C’est très étrange de voir tout un film en anglais, mais c’est le particularisme de Singapour. Le père est autoritaire préférant le jeune frère Beng (Caleb Goh), étudiant médecin, qu’il va rejeter quand il apprendra son secret. La mère est très compatissante. La jeune sœur, Mui (Pamela Oei), passe son temps à lire des romans à l’eau de rose et change de prénom chaque jour. Hock est jaloux de l’attention qu’on porte à son frère, mais l’adversité va les rapprocher Le message du film, car il y en a un, est que chacun doit rester lui-même pour s’épanouir. Ce qui dans un pays qui pratiquait l’acculturation, notamment linguistique, à l’époque où le film se déroule (1977) a du être largement bien perçu par le public de Singapour. Message certes sympathique mais énoncé ici avec autant de maladresse que de sincérité.

Forever fever (Singapour, 1998) Un film de Glen Goei avec Adrian Pang, Medaline Tan, Pierre Png, Anna Belle Francis, Steven Lim, Westley Wong, Alaric Tay, Dominic Pace, Caleb Goh, Pamela Oei, Kay Siu Lim, Margaret Chan, Lily Siew Lin Ong.

jeudi 4 juillet 2013

Sorties à Hong Kong (juillet 2013) Blind detective

Blind detective (盲探, Hong Kong, 2013)
Un film de Johnnie To avec Andy Lau, Sammi Cheng, Guo Tao, Gao Yuan-yuan, Lo Hoi-pang, Bonnie Wong, Lam Suet, Patrick Keung, Zi Yi, Lang Yue-ting, Eileen Yeow. 130 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 4 juillet 2013.




mercredi 3 juillet 2013

The Last conflict

Téléfilm produit et diffusé par la chaîne TVB en 1988, The Last conflict marque non seulement les débuts en tant que réalisateur de Raymond Lee (avant qu'il ne rentre à la Film Workshop de Tsui Hark pour tourner les Swordsman et L'Auberge du Dragon) mais aussi ceux de Stephen Chow, Donnie Yen et Franic Ng. Les trois acteurs débutants n'avaient jusqu'à présent tourné que pour la télévision ou des troisièmes rôles pour le cinéma à l'exception notable de Donnie Yen qui a commis le nanar de Yuen Woo-ping, Mismatched couples. Il faut bien débuter un jour.

L'ouverture du film montre en détail une filature effectuée par Kang (Stephen Chow, un policier débutant (on le reconnaît à la gentillesse de ses méthodes et à sa coupe en brosse) qui fait équipe avec Pao (Lau Kong) qui doit partir à la retraite le mois suivant. Pao forme ce jeune, qui transpire devant la difficulté de sa mission, à garder son calme. Il fait figure de père de substitution lui prodiguant conseils et affection. En revanche, la mère de Kang (Angela Yu) est une source de problèmes : elle ne cesse de jouer aux jeux et d'accumuler les dettes que son fils rembourse contraint forcé. Et surtout, elle le culpabilise et le maintien dans un statut de gamin.

Pao a une charmante fille, Eva (Nadia Chan), infirmière qui va veiller sur son père quand celui-ci sera blessé lors d'une course poursuite. On donne à Kang un nouvel équipier, Dickson Kwan (Donnie Yen), flic d'Interpol, qui vient lutter à Hong Kong contre Tong (Francis Ng), le méchant de service, tout en grimace et en sarcasme. Dickson tombe amoureux d'Eva et réciproquement. Dickson n'est pas très bien vu par la police locale d'autant qu'il porte un chapeau de cow-boy pour bien montrer qu'il est Américain avec des méthodes à l'américaine. Au fil du scénario, il se met hors des règles et est recherché par les flics. La mère de Kang, pour toucher la récompense, dénonce ce pauvre Dickson.

Le résultat final de The Last conflict est peu convaincant. D'abord, le téléfilm souffre d'une durée trop importante (114 minutes) avec des scènes de poursuite interminables. Ensuite, on remarque que les personnages sont très caricaturaux mais que Francis Ng a déjà trouvé sa manière de jouer les ordures comme Donnie Yen fait preuve d'une remarquable souplesse dans ses combats. Seul Stephen Chow, qui se destinait aux personnages de gentils flics à ses débuts, semble à côté de ses pompes. L'un des personnages du film lui rétorque à un moment : « Tu est amusant quand tu es en colère ». On ne saurait mieux définir le style de l'acteur dans ses films suivants.

The Last conflict (刑警本色, Hong Kong, 1988) Un téléfilm de Raymond Lee avec Stephen Chow, Donnie Yen, Francis Ng, Lau Kong, Nadia Chan, Angela Yu


mardi 2 juillet 2013

Curry and Pepper


Ils se connaissent depuis l’école de police, depuis ils bossent ensemble et partagent un appartement. Curry (Jacky Cheung) et Pepper (Stephen Chow) sont surtout deux policiers plutôt paresseux, qui préviennent les vendeurs de rue de l’arrivée de leurs collègues en se faisant offrir des brochettes et, comme le dit leur chef, le bon gros inspecteur Chow (Barry Wong) qui ne cesse de couvrir leurs bêtises, ce sont des causeurs de trouble. Cela n’empêche pas une journaliste de la télévision, Mimi Law (Ann Bridgewater) de vouloir les suivre au quotidien pour un reportage. Leur patron ne pense pas qu’ils puissent représenter la meilleure image de la police mais l’autoritaire chef de la police Ma (Michael Dinga) se trouve être l’oncle de Mimi.

Les deux zozos sont bien connus dans leur quartier. L’irascible patron de restaurant (John Shum) les engueule comme des gamins en leur servant des nouilles au riz immangeables. Ils poursuivent des vilains américains qui arnaquent les gens avec de la fausse monnaie. Ils rencontrent dans le quartier chaud une de leur connaissance prostituée. Et enfin, Ten (Eric Tsang) vendeur à la sauvette dans la rue qui vend des fausses montres et qui leur sert d’indic occasionnel. Stephen Chow, plus que Jacky Cheung, se livre à toutes sortes de pitreries devant la caméra de la reporter, il se roule par terre, pousse des hurlements et fait le macho avec ses lunettes noires constamment vissées sur son nez. A lui tout seul, il fait le show.

Les deux comparses de Curry and Pepper son amis pour la vie mais quand l’amour s’en mêle, rien ne va plus entre eux. Ils tentent tous les deux de séduire Mimi Law et ils y vont avec leurs gros sabots, en insistant bien sur leur prétendu charme incomparable. Finalement, ce sera Curry qui aura les faveurs de la belle journaliste tandis que Pepper devra se contenter d’Anna (Chow Mei-yan), sa collègue serviable mais plus disgracieuse. Mais cette liaison entre Curry et Mimi va provoquer chez Pepper une jalousie comparable à celle d’un couple, ce que les deux hommes forment d’une certaine manière. Ils commencent par se rendre les fringues que chacun a prêtées à l’autre puis à dissoudre leur équipe. Sans être neuve, cette ambivalence sexuelle est l’un des meilleurs moments du film.

Puisque le film de Blacky Ko est typiquement une comédie policière des années 1980, il faut faire rentrer le super méchant du film interprété par le cinéaste lui-même. Barré d’une cicatrice sur le visage, Blacky Ko est un tueur à gages froid et impitoyable qui bosse pour la mafia philippine. Il tue d’abord un flic infiltré puis s’attaque à leur vieil ami Ten. Curry comprendra que le monde guindé de Mimi Law n’est pas fait pour lui et redeviendra ami avec Pepper au terme. Les deux amis ne peuvent alors que s’unir pour lutter contre cet assassin. Le film se termine sur l’habituelle séquence de gunfight pleine de coups de feu et de sang qui gicle.

Curry and Pepper (喱辣, Hong Kong, 1990) Un film de Blacky Ko avec Jacky Cheung, Stephen Chow, Ann Bridgewater, Blacky Ko, Eric Tsang, Chow Mei-yan, John Shum, Michael Dinga, Barry Wong, Billy Ching, Fruit Chan.