mardi 1 juillet 2014

Fin, The End


Après un peu plus de sept ans, je mets un terme à la rédaction de mon blog. L’aventure prend fin après plus de 1600 articles dont un plus de 1200 films chroniqués, longs et courts-métrages. Cela a été un plaisir d’écrire. A l’origine de mon blog, l’envie était d’abord de parler d’un genre souvent peu aimé dans les sites et blogs consacrés au « cinéma asiatique » : la comédie cantonaise. J’espère l’avoir défendue du mieux que j’ai pu au fil des années en écrivant sur mes cinéastes, acteurs et actrices préférés de Hong Kong : Stephen Chow, Jackie Chan, Sammo Hung, Sandra Ng, Eric Tsang, Lau Ching-wan, Cecilia Cheung, Chapman To, Tsui Hark, Pang Ho-cheung, Ann Hui, Johnnie To ou Wai Ka-fai et même parfois Wong Jing... J’ai voulu écrire sur le plus de films possibles sur chacun d’eux. Aujourd'hui, je pense l'avoir fait et je me sens content d'avoir pu voir tous ces films.

Je remercie tous ceux qui sont venus un jour sur AsieVision et ceux qui m’ont aidé à voir des films pendant toutes ces belles années. A très bientôt…
Jean


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Mise à jour (26 août 2015)
J'ai commencé un nouveau blog, sur le cinéma encore. C'est ici : Jean regarde des films

lundi 30 juin 2014

Encyclopédie 2014


2014

Le Vent se lève (風立ちぬ, Japon, 2013) Un film d’Hayao Miyazaki avec les voix de Hideaki Anno, Miori Takimoto, Hidetsoshi Nishijima, Masahiko Nishimura, Steve Alpert, Morio Kazama, Keiko Takeshita, Mirai Shida, Jun Kunimura, Shinobu Ōtake, Nomura Mansai. Sortie en France : 22 janvier 2014.

Les Chiens errants (郊遊, Taïwan – France, 2013) Un film de Tsai Ming-liang avec Lee Kang-sheng, Lu Yi-ching, Chen Shiang-chyi, Chen Chao-rong. Sortie en France : 12 mars 2014.

Patéma et le monde inversé (サカサマのパテマ, Patema inverted, Japon, 2013) Un film de Yasuhiro Yoshiura avec les voix de Yukiyo Fuji, Nobuhiko Okamoto, Shinya Fukumatsu, Masayuki Katô, Shintarô Ôhata. Sortie en France : 12 mars 2014.

Real (リアル 完全なる首長竜の日, Japon, 2013) Un film de Kiyoshi Kurosawa avec Takeru Satoh, Haruka Ayase, Miki Nakatani, Joe Odagiri, Shota Sometani, Keisuke Horibe, Yutaka Matsushige, Kyoko Koizumi. Sortie en France : 26 mars 2014.

Suneung (명왕성, Corée, 2012) Un film de Shin Su-woon avec David Lee, June Seong, Kim Kkobbi, Kim Kwon, Seon Joo-ah, Nam Tae-boo, Ryoo Kyeong-soo, Park Tae-seong, Kil Hae-yeon, Oh Jeong-woo. Sortie en France : 9 avril 2014.

Les Trois sœurs du Yunnan (三姊妹, France – Hong Kong, 2013) Un film de Wang Bing. Sortie en France : 16 avril 2014.

Man of tai chi (太極俠, Chine – Hong Kong – Etats-Unis, 2013) Un film de Keanu Reeves avec Tiger Chen Hu, Keanu Reeves, Karen Mok, Hirata Yasuyuki, Michael Chan, Michael Tong, Yue Hoi, Simon Yam, Sam Lee, Helene Leclerc, Ye Qing, Iko Uwais, Steve Yoo, Ocean Hou, Brahim Achabbakhe, Jeremy Marinas, Steven Dasz, Wang Xiao. Sortie en France : 30 avril 2014.

Be home (返來, Taïwan, 2013) Un film de Yiomama H. Lougine avec Te Chao, Ziao Po-hsiang. Sortie en France : 30 avril 2014.

La Frappe (파수꾼, Corée, 2010) Un film de Yoon Sung-hyun avec Lee Je-hoon, Seo Joon-yeong, Park Jeong-min, Jo Seong-ha, Lee Cho-hee, Bae Je-gi. Sortie en France : 7 mai 2014.

Godzilla (Etats-Unis – Japon, 2014) Un film de Gareth Edwards avec Aaron Taylor-Johnson, Ken Watanabe, Bryan Cranston, CJ Adams, Elizabeth Olsen, Carson Bolde, Sally Hawkins, Juliette Binoche, David Strathairn, Richard T. Jones, Victor Rasuk, Patrick Sabongui. Sortie en France : 14 mai 2014.

L'Île de Giovanni (ジョバンニの島, Japon, 2014) Un film de Mizuho Nishikubo avec les voix de Kota Yokoyama, Tatsuya Nakadai, Polina Ilyushenko, Junya Taniai, Masachika Ichimura, Saburo Kitajima, Yukie Nakama, Kaoru Yawagusa. Sortie en France : 28 mai 2014.

Black coal (Black coal thin ice, 白日焰火, Chine, 2014) Un film de Diao Yinan avec Liao Fan, Kwai Lunmei, Wang Xuebing, Wang Jingchun, Yu Ailei, Ni Jingyang. Sortie en France : 11 juin 2014.

Le Conte de la Princesse Kaguya (かぐや姫の物語, Japon, 2014) Un film d’Isao Takahata avec les voix d’Aki Asakura, Kengo Kora, Takeo Chii, Nobuko Miyamoto, Atsuko Takahata, Tomoko Tabata, Tatekawa Shinosuke, Takaya Kamikawa, Hikaru Ijūin, Ryudo Uzaki, Nakamura Shichinosuke, Isao Hashizume, Yukiji Asaoka, Tatsuya Nakadai. Sortie en France : 25 juin 2014.

Sunhi (우리 선희, Corée, 2013) Un film d’Hong Sang-soo avec Jeong Jae-yeong, Jeong Yu-mi, Kim Sang-jung, Lee Min-woo, Lee Seon-gyun, Ye Ji-won. Sortie en France : 9 juillet 2014.

Detective Dee II, la légende du dragon des mers (Young Detective Dee : Rise of the Sea Dragon (狄仁傑之神都龍王, Hong Kong – Chine, 2013) Un film de Tsui Hark avec Mark Chao, AngelaBaby, Feng Shao-feng, Lin Geng-xin, Carina Lau, Kim Beom, Ma Jing-jing, Aloys Chen, Hu Dong, Sheng Jian, Lin Zhao-xu. Sortie en France : 6 août 2014.

Trap street (水印街, Chine, 2013) Un film de Vivian Qu avec Lu Yulai, He Wenchao, Hou Yong, Zhao Xiaofei, Liu Tiejian, Li Xinghong. Sortie en France : 13 août 2014.

Budori, l’étrange voyage (グスコーブドリの伝記, Japon, 2012) Un film de Gisaburō Sugii avec les voix de Shun Oguri, Akira Emoto, Ryûzô Hayashi, Shozo Hayashiya, Tamiyo Kusakari, Kuranosuke Sasaki. Sortie en France : 27 août 2014.

dimanche 29 juin 2014

Aberdeen


Il faut environ 13 minutes à Pang Ho-cheung pour présenter les personnages d’Aberdeen, son douzième film.  Miriam Yeung, la première à apparaitre, est dans un bunker de la seconde guerre mondiale d’où elle voit Hong Kong par une fenêtre étroite. Elle est Ching, guide touristique et historique qui se fait parfois contredire par ses clients. Eric Tsang est Yau, un gynécologue las de répéter les mêmes mots à ses patientes (inspirez, retenez votre souffle, respirez) pendant qu’il fait passer ses échographies. Il sera diverti par sa jeune assistante (Jacky Choi) qui est sa maîtresse.

Gigi Leung est Ceci, une ancienne mannequin reconvertie en actrice mais dont la carrière bat de l’aile. Lors de son casting, on lui fait comprendre qu’elle doit coucher pour avoir le rôle. Ng Man-tat est Dong, un prêtre taoïste excentrique qui répond à son portable en pleine cérémonie funéraire. Enfin, Louis Koo est Tao un conseiller tutoriel qui négocie, au téléphone, avec ses futurs clients tandis que sa fillette Chloe (Lee Man-kwai) s’entraine au kung-fu. Et puis Carrie Ng est Ta, dirigeante d’un cabaret dans un quartier mal famé.

Le récit fonctionne par bribes, par fragments d’un puzzle que Pang Ho-cheung rend mystérieux. Rien a priori n’unit les personnages présentés, on passe de l’un à l’autre avec un sens du suspense élaboré. Quand ils sont tous réunis pour célébrer le décès de l’épouse de Dong, on comprend qu’ils forment une famille. Dong est le père de Ching et Tao. Ching est l’épouse de Yau et Ceci celle de Tao. Ce qui trouble cette famille est que le père s’affiche avec Ta, sa nouvelle compagne, alors que la mère est à peine décédée.

Les rapports entre les membres de la famille sont le fond du scénario d’Aberdeen, chacun ayant un problème avec l’autre. Disputes, ressentiments et rancœurs sont les sujets de la famille. Tao trouve sa fille très vilaine et se demande s’il est vraiment le père de l’enfant. Il va passer un test ADN. Il se dispute souvent avec son père au sujet du métier, peu recommandable selon lui, de sa maîtresse. Il quitte le repas familial. Ceci cache un secret de son passé à Tao, ce qui lui fait perdre sa confiance. Sa carrière d’actrice est au point mort.

Le couple de Ching et Yau ne va pas mieux. Yau trompe sa femme avec une femme bien plus jeune qui va le harceler jusque chez lui. Ching est persuadée que ses parents la détestaient. Elle s’est même convaincu que le fantôme de sa mère lui a renvoyé les billets destinés au service funéraire. D’une manière générale, les femmes sont tournées vers leur passé alors que les hommes sont plutôt du côté de l’avenir (l’idée des enfants). Tout cela est montré de manière un peu schématique et souvent symbolique.

Le film déçoit parfois dans sa manière de ne laisser le récit évoluer que par les dialogues débités un peu tristement comme si Pang Ho-cheung tentait de tourner un film Sundance. Ceci dit, quelques moments bizarres sont toujours là, une baleine qui échoue sur une plage près du tunnel Aberdeen, le caméléon de la petite Chloe qui se transforme en mini Godzilla, Hong Kong qui est représenté en maquette sert de toile de fond aux cauchemars de la fillette. Une bombe de la seconde guerre mondiale est découverte dans le jardin de Yau et Ching.

Comme à son habitude Pang Ho-cheung est fidèle à ses acteurs préférés. Miriam Yeung et Eric Tsang, habitués de ses films accueillent les nouveaux venus dans son cinéma Ng Man-tat, Louis Koo et Gigi Leung. Dans des rôles plus petits, on retrouve Chapman To (le meilleur ami de Tao qui ne donne que des mauvais conseils), Derek Tsang (un réalisateur qui malmène Ceci dans un film de vampires qui semble être un beau nanr) et Shawn Yue (un client dans un hôtel quand Ceci cherche à gagner de l’argent en faisant l’escort girl).

Aberdeen (香港仔, Hong Kong, 2014) Un film de Pang Ho-cheung avec Miriam Yeung, Eric Tsang, Gigi Leung, Louis Koo, Ng Man-tat, Carrie Ng, Dada Chan, Shawn Yue, Chapman To, Yumiko Cheng, Jacky Choi Kit, Derek Tsang, Lawrence Chou, Lee Man-kwai.

samedi 28 juin 2014

Le Voyage de Chihiro


Tout comme les deux sœurs de Mon voisin Totoro, comme Kiki dans Kiki la petite sorcière, la fillette du Voyage de Chihiro quitte son ancienne vie pour une nouvelle. Un déménagement qui ne lui plait pas. Elle abandonne ses amis avec comme souvenir une petite carte d’adieu et un bouquet qu’elle sert tellement fort que les fleurs commencent à faner. Le portrait qui est fait de Chihiro, gamine de dix ans, en ouverture du film n’est pas des plus flatteurs. Peureuse, inattentive et empotée. Elle n’est pas prête à s’embarquer dans le voyage qui s’offre à elle.

Ce voyage commence quand le père se trompe de chemin pour aller vers leur nouvelle maison. Un tunnel mène la famille dans une grande prairie puis dans des vieux bâtiments que le père identifie comme un ancien parc d’attractions qui aurait fait faillite. Par chance, un stand de restauration, où ils se servent sans vergogne, est ouvert. Pendant ce temps, Chihiro va visiter le parc et quand elle revient, ses parents se sont transformés en deux énormes cochons qui se bâfrent, renversant les plats et la bouffe. Affolée, la fillette prend ses jambes à son cou et s’enfuit.

L’autre monde s’éveille quand tombe la nuit, le moment où d’habitude les gens se mettent à rêver, et Chihiro pense effectivement rêver quand elle découvre le parc d’attractions s’animer, quand les lumières s’allument et que d’étranges formes sombres se déplacent dans les allées. Elle a beau se pincer pour se réveiller, c’est une nouvelle réalité qui prend corps devant elle. C’est Haku, un garçon un peu plus âgé qu’elle, qui l’attrape par le bras, lui demandant ce qu’elle fait ici, elle une humaine dans cet univers fantomatique. Elle menace la tranquillité du lieu et elle-même est en danger.

L’univers du Voyage de Chihiro est très hiérarchisé, explique Haku faisant visiter le Palais des Bains à Chihiro. Tout en bas, se trouvent les ouvriers : les boules de suie qui portent des morceaux de charbon sur l’ordre de Kamaji, un vieillard au corps d’araignée dont les bras s’allongent pour faire marcher la chaudière. Au dessus, les clients sont accueillis par des hôtesses au visage ovale et des tenanciers qui sont des crapauds bavards. Sur ce beau monde, règne Yubaba, une vieille femme pleine de rides, à la tête gigantesque sur un corps minuscule et qui passe son temps à admirer ses bijoux.

La galerie de créatures fantomatiques ou demi-dieux est l’un des nombreux plaisirs du film. Gros monstres blancs tout patauds au pas qui couinent, oiseaux jaunes au grand sourire, dragons volants, grenouilles, ectoplasme noir au masque blanc. Yubaba se transforme le soir en oiseau rapace. Dans son domaine, elle est accompagnée de trois têtes vertes qui sautillent pour se déplacer. Dans sa chambre vit un bébé au corps gigantesque qui passe son temps à faire des caprices. Chihiro découvre tout cela les yeux écarquillés entre la crainte d’être attaquée par un monstre et la curiosité enfantine.

Ces beaux moments au registre volontiers comique sont contrebalancés par les drames qui subissent plusieurs personnages. Chihiro se rend compte que Haku a été fait prisonnier par Yubaba. Elle l’a rendu amnésique et ce sort risque d’arriver à Chihiro qui doit changer son nom. Elle s’appellera désormais Sen. C’est la première étape vers l’oubli de sa vie passée. Ses parents sont toujours des cochons. Yubaba la menace de les découper en lardons si Chihiro ne lui obéit pas. Haku, ainsi que beaucoup d’autres personnages, va l’aider à retourner dans son monde et réciproquement Chihiro va aider Haku à se défaire de l’emprise de Yubaba.

J’ai toujours considéré Le Voyage de Chihiro comme le meilleur film d’Hayao Miyzazaki. Le plus équilibré dans ces changements de ton, entre la comédie burlesque et l’émotion pure sublimés par la partition musicale de Joe Hisaishi. Le plus réjouissant visuellement avec tous ces personnages bigarrés, ses décors incroyables, ces couleurs chatoyantes. Le plus harmonieux dans les nombreux récits croisés qui vont à mille à l’heure. J’avais gardé ce délice pour la fin de ma rétrospective des films de l’équipe Ghibli.

Le Voyage de Chihiro (千と千尋の神隠し, Japon, 2001) Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Rumi Hiiragi, Takashi Naitô, Yasuko Sawaguchi, Miyu Irino, Bunta Sugawara, Mari Natsuki, Yumi Tamai, Tatsuya Gashûin, Akio Nakamura, Ryûnosuke Kamiki, Koba Hayashi, Tsunehiko Kamijô, Takehiko Ono.

vendredi 27 juin 2014

Le Protecteur


Le scénario du Protecteur (ah, ces titres français !) se résume à un simple MacGuffin. Fang Wei, un maître d’arts martiaux, sa fille et leur serviteur traversent la Chine avec deux pierres précieuses nommées Jade de 1000 ans et la Sphère qui ressuscite. Tous les méchants vont vouloir s’en emparer. Peu importe à quoi ces joyaux peuvent servir, encore moins à quoi ils ressemblent, on ne le saura jamais et on ne les verra jamais. Ils ne sont que le prétexte à lancer des combats pendant les 93 minutes du film.

Jackie Chan incarne Keung, un bon à rien, incapable de trouver du travail pour se payer à manger. Il ne connait rien au kung-fu et quand il se présente pour être un gardien d’une maison de riches, il se voit proposer à la place de balayer la cour. Son personnage passe son temps à rêver de gloire, à s’imaginer comme un immense artiste martial capable de terrasser les plus costauds (comme on le découvre dans le long générique d’ouverture). Tout ce qu’il reçoit, c’est une bonne paire de baffes.

Tout va changer quand il croise le chemin de deux hommes. Caché, il les regarde se battre, chacun achevant l’autre. Il comprend qu’une prime est offerte pour l’un. Il reçoit une forte somme d’argent. De l’autre, il récupère son fouet et usurpe son identité. Il se met à parader en ville, fier comme un coq. Mais forcément, quand en usurpant une identité, il se fait de nombreux ennemis, dont les membres des 5 Venins, qui veulent sa peau. Il sera sauvé par un mendiant qui l’envoie aider les Fang qu’il rencontre dans une auberge.

L’intérêt mineur de cette production de Lo Wei n’est pas dans ce périple entrepris par les Fang et le personnage de Keung, qui se contente de proposer des combats toutes les dix minutes, tous formatés et pas franchement intéressants. L’intérêt est plutôt dans l’humour potache constant du film, avec comme point d’orgue les rencontres régulières entre Keung et un étrange mendiant que joue Dean Shek. Ce dernier arrive toujours en pétant sur les lieux de leur rencontre et il fait un concours de grimaces et mimiques avec Jackie Chan.

L’humour gras est aussi présent que les gags burlesques qui se déclinent sur tous les modes. Le mendiant puant est censé enseigner le kung-fu à Keung, mais ses mouvements ridicules se retournent contre lui. Le film parodie les figures d’arts martiaux et la sacro-sainte représentation des rapports entre maître et disciple. Certains personnages portent des tenues au-delà du kitsch, une cape dorée ou une peau de léopard. Jackie Chan lance des œufs à la figure d’un costaud, ou se devient fort comme Popeye en mangeant des épinards.

Quant à la coiffure qu’arbore Jackie Chan, elle lui donne un air de bouffon (il se bat d’ailleurs avec une perruque dans une parodie de Bruce Lee et son nunchaku). Pour accentuer un peu plus les gags, histoire de les rendre rigolos, la musique est essentiellement composée de petites musiquettes qui évoquent invariablement les cartoons. Le tout donne une impression de film assez dégénéré, jamais abouti et à peine écrit mais qui étonne souvent dans cette manière outrée de faire de l’humour non-sensique. Dans ce genre, Jackie Chan fera beaucoup mieux quelques années plus tard.

Le Protecteur (Half a loaf of kung fu, 點止功夫咁簡單, Hong Kong, 1978) Un film de Chen Chi-hua avec Jackie Chan, James Tin, Doris Lung, Kim Jeong-nan, Kam Kong, Lee Hoi-lung, Ma Ju-lung, Miao Tian, Lam Chiu-hung, Dean Shek, Julie Lee, Lee Man-tai, Ko Keung, Gam Sai-yuk.Le scénario du Protecteur (ah, ces titres français !) se résume à un simple MacGuffin. Fang Wei, un maître d’arts martiaux, sa fille et leur serviteur traversent la Chine avec deux pierres précieuses nommées Jade de 1000 ans et la Sphère qui ressuscite. Tous les méchants vont vouloir s’en emparer. Peu importe à quoi ces joyaux peuvent servir, encore moins à quoi ils ressemblent, on ne le saura jamais et on ne les verra jamais. Ils ne sont que le prétexte à lancer des combats pendant les 93 minutes du film.

Jackie Chan incarne Keung, un bon à rien, incapable de trouver du travail pour se payer à manger. Il ne connait rien au kung-fu et quand il se présente pour être un gardien d’une maison de riches, il se voit proposer à la place de balayer la cour. Son personnage passe son temps à rêver de gloire, à s’imaginer comme un immense artiste martial capable de terrasser les plus costauds (comme on le découvre dans le long générique d’ouverture). Tout ce qu’il reçoit, c’est une bonne paire de baffes.

Tout va changer quand il croise le chemin de deux hommes. Caché, il les regarde se battre, chacun achevant l’autre. Il comprend qu’une prime est offerte pour l’un. Il reçoit une forte somme d’argent. De l’autre, il récupère son fouet et usurpe son identité. Il se met à parader en ville, fier comme un coq. Mais forcément, quand en usurpant une identité, il se fait de nombreux ennemis, dont les membres des 5 Venins, qui veulent sa peau. Il sera sauvé par un mendiant qui l’envoie aider les Fang qu’il rencontre dans une auberge.

L’intérêt mineur de cette production de Lo Wei n’est pas dans ce périple entrepris par les Fang et le personnage de Keung, qui se contente de proposer des combats toutes les dix minutes, tous formatés et pas franchement intéressants. L’intérêt est plutôt dans l’humour potache constant du film, avec comme point d’orgue les rencontres régulières entre Keung et un étrange mendiant que joue Dean Shek. Ce dernier arrive toujours en pétant sur les lieux de leur rencontre et il fait un concours de grimaces et mimiques avec Jackie Chan.

L’humour gras est aussi présent que les gags burlesques qui se déclinent sur tous les modes. Le mendiant puant est censé enseigner le kung-fu à Keung, mais ses mouvements ridicules se retournent contre lui. Le film parodie les figures d’arts martiaux et la sacro-sainte représentation des rapports entre maître et disciple. Certains personnages portent des tenues au-delà du kitsch, une cape dorée ou une peau de léopard. Jackie Chan lance des œufs à la figure d’un costaud, ou se devient fort comme Popeye en mangeant des épinards.

Quant à la coiffure qu’arbore Jackie Chan, elle lui donne un air de bouffon (il se bat d’ailleurs avec une perruque dans une parodie de Bruce Lee et son nunchaku). Pour accentuer un peu plus les gags, histoire de les rendre rigolos, la musique est essentiellement composée de petites musiquettes qui évoquent invariablement les cartoons. Le tout donne une impression de film assez dégénéré, jamais abouti et à peine écrit mais qui étonne souvent dans cette manière outrée de faire de l’humour non-sensique. Dans ce genre, Jackie Chan fera beaucoup mieux quelques années plus tard.

Le Protecteur (Half a loaf of kung fu, 點止功夫咁簡單, Hong Kong, 1978) Un film de Chen Chi-hua avec Jackie Chan, James Tin, Doris Lung, Kim Jeong-nan, Kam Kong, Lee Hoi-lung, Ma Ju-lung, Miao Tian, Lam Chiu-hung, Dean Shek, Julie Lee, Lee Man-tai, Ko Keung, Gam Sai-yuk.

mercredi 25 juin 2014

Le Conte de la Princesse Kaguya


Au tout début de Mes voisins les Yamada, précédent film d’Isao Takahata sorti en 1999, on découvrait métaphoriquement les jeunes années des parents et on apprenait que leur fils était né dans un chou et que leur fille venait d’un bambou. La ressemblance des scènes de naissance entre le bébé Yamada et la princesse Kaguya est frappante, le cinéaste japonais fait le lien entre ses deux films également avec l’animation tout en croquis, esquisse au crayon ou gouache légère, des dessins qui semblent parfois encore inachevés laissant au spectateur le soin de laisser courir son imagination.

Ce qui traverse tout Le Conte de la Princesse Kaguya, c’est l’opposition constante entre la nature et la culture, le trivial et le noble, la forêt et la ville. Le bon gros coupeur de bambou est un homme sympathique qui trouve dans un bambou qui pousse, d’où jaillit une lumière, une minuscule enfant, déjà toute habillée. Sa femme la prend pour une poupée. Le premier quart du film est consacré à la petite enfance de Kaguya qui grandit si vite. A peine bébé qui rampe, elle se met à se lever, puis à jouer avec les enfants voisins, enfin à parler. Cela lui vaudra le surnom de « Pousse de Bambou » puisqu’elle grandit aussi vite que l’arbre.

La vie de paysan n’est pas faite pour Pousse de Bambou, estime son père adoptif qui l’appelle Princesse. Il ne veut que son bonheur et ce bonheur passe par l’argent. Il a trouvé des pièces d’or dans le bambou et décide de construire une belle demeure dans la capitale. Pendant ce temps, l’enfant grandit encore, devient l’amie du fougueux Sutemaru. Ils ont faim, ils volent un melon ou chassent un faisan. Couvée par ses parents adoptifs, Pousse de Bambou découvre la rude vie de la famille de Sutermaru. Ses parents fabriquent des bols en bois dont Isao Takahata montre le façonnage du début à la fin.

L’arrivée à la capitale est pour Pousse de Bambou un déchirement. Elle doit non seulement abandonner ses camarades mais en plus on la confie à une préceptrice sévère, Madame Sagami qui vient de la cour impériale. Pour le père de Kaguya, qui a tôt fait de troquer ses habits de forestier pour ceux plus nobles de maître de maison, c’est ainsi que Kaguya doit désormais vivre. Elle devra recevoir les meilleures manières, apprendre à sa farder, à jouer du koto, à peindre des calligraphies. Elle en fait baver à son éducatrice sous l’œil amusé de sa servante, une étrange jeune femme silencieuse et souriante.

L’une des séquences les plus étonnantes du film montre toute la détresse de la jeune femme au milieu de ce panier de crabes. Alors que les prétendants, tous plus laids et prétentieux les uns que les autres, ne cessent de défiler dans le demeure en quête d’un mariage vénal, Kaguya s’enfuit avec violence. Le dessin change passant des traits d’une douceur feutrée à des griffonnages grisâtres et désespérés. Elle retourne, jetant ses kimonos qui deviennent des loques, au village où elle ne reconnait rien et où tous ses amis ont disparu. Même lorsqu’elle rêve de s’enfuir, sa vie continue d’être un cauchemar.

Le film montre un personnage enfermé dans un monde de tristesse que ses parents, sa préceptrice et ses prétendants jugent idéal. Ils se conforment à des règles strictes que Kaguya refuse. La balade qu’elle fait avec sa mère et sa servante pour sentir les fleurs est aussi décevante que son rêve d’évasion. Elle rencontre une dernière fois Sutermaru et constate que son bonheur est derrière elle. Isao Takahata insiste parfois un peu trop sur cette nostalgie, oppose de manière appuyée les deux mondes pour démontrer que la nature est plus belle que les quatre murs d’un palais doré.

Le Conte de la Princesse Kaguya (かぐや姫の物語, Japon, 2014) Un film d’Isao Takahata avec les voix d’Aki Asakura, Kengo Kora, Takeo Chii, Nobuko Miyamoto, Atsuko Takahata, Tomoko Tabata, Tatekawa Shinosuke, Takaya Kamikawa, Hikaru Ijūin, Ryudo Uzaki, Nakamura Shichinosuke, Isao Hashizume, Yukiji Asaoka, Tatsuya Nakadai.

mardi 24 juin 2014

Princesse Mononoké


Avec Le Château ambulant, Princesse Mononoké est l’un des films les plus tristes et mélancoliques d’Hayao Miyazaki. C’est un Japon légendaire qui est décrit, un pays où les forêts recouvrent tout le pays et où les Dieux animaux règnent encore. Le premier ce des Dieux à apparaitre est un sanglier gigantesque qui ravage tout sur son passage, les arbres, la prairie et les hommes. Autour de lui, un étrange amas gluant noir dont l’aspect évoque autant des vers de terre que des serpents et qui a pris possession de son corps comme de son âme. C’était un Dieu, c’est devenu un monstre.

Pour parler écolo (et le film est une ode à la nature), le sanglier géant menaçait le fragile écosystème du village d’Ashitaka, jeune homme courageux qui défend les habitants avec ses flèches. Ashitaka chevauche un chowka roux, sorte d’élan à grandes cormes, qu’il nomme Yakkuru. Ce superbe animal à qui il parle, (il est magnifiquement dessiné) est le meilleur ami du jeune homme. On ne verra d’ailleurs que quelques silhouettes de ses compatriotes, des enfants, un vigile, la chamane, le conseil du village. Ashitaka va partir pour découvrir ce qui a pu arriver au Dieu sanglier.

Le terrible mal qui a tué le sanglier a contaminé Ashitaka. Son bras droit est strié de larges marques noires qui rendent le jeune homme extrêmement violent quand il se met en colère ou que l’émotion est trop forte. Ainsi lors d’une attaque d’un village de paysans par des samouraïs sans pitié, ses flèches décapitent ou amputent les samouraïs. Sa douceur naturelle, montrée en début de film, se transforme en accès en folie furieuse. Lui-même ne se reconnait plus et tente de calmer ses ardeurs. Cette force va lui être parfois très utile, chaque fois à son corps défendant.

Ashitaka monte un chowka et San monte un loup. San a le même âge que lui, c’est elle la princesse Mononoké. Son passé restera relativement mystérieux. On apprend qu’elle a été rejeté par les humains et élever par une louve, aussi gigantesque que le sanglier. Elle voue une haine envers les humains qui détruisent la forêt et, avec elle, les créatures qui y vivent. La première apparition de San est courte et fugace. Elle ne prononcera pas un mot et son visage est rempli de sang. Son animalité est immédiatement mise en avant. Ashitaka reconnait son alter ego qu’il faudra convaincre des ses bonnes intentions.

La forêt est donc menacée par les hommes. Ou plus précisément par une femme. Madame Eboshi est l’incarnation de l’élégance, contrairement à San toute dépenaillée. Eboshi règne d’une main de fer sur une forteresse qui exploite les minerais. Elle est non seulement responsable de l’abattage des arbres (qui servent pour les hauts fourneaux) mais aussi de la mort du Dieu sanglier sur lequel elle avait tiré une balle de métal. Eboshi ne croit plus à ces vieilles légendes ancestrales et veut abattre le Dieu Cerf, le roi des Dieux de la forêt.

La visite de la ville de la forteresse par Ashitaka est une séquence où Hayao Miyazaki fait preuve, ce qui est rare, de sensualité dans la description de l’univers féminin. Eboshi travaille entourée de nombreuses femmes qu’elle a sauvées de la prostitution. Elles sont devenues libres dans ce lieu et ont la tâche de faire fonctionner les forges. Leurs tenues sont légères, elles trouvent Ashitaka séduisant. Quand il enlève sa tunique pour actionner les machines avec elles, une tension érotique inédite se crée. Véritable audace chez Miyazaki.

Personnage secondaire dans la première partie, San alias Mononoké, prend de l’ampleur dans la deuxième heure. C’est aussi la découverte de la forêt et des occupants. On y découvre le sylvain, un étrange animal blanc et rond qui émet un cliquètement quand il tourne la tête, des animaux qui parlent (le sanglier, le loup) et bien entendu le Dieu cerf dont l’arrivée au coucher du soleil est un enchantement visuel. Son sourire apaisant, son calme quand il marche sur l’eau et ses pas qui font fleurir l’herbe, sur une superbe musique de Joe Hisaishi, sont des moments de grâce.

Face à cette grâce, la guerre totale approche menée par Eboshi, têtue comme une mule qui ne voit que son intérêt dans la destruction de la forêt. Elle est aidée par des samouraïs et doit lutter contre San qui est tout autant bornée qu’Eboshi dans sa haine des hommes. Le pauvre Ashikata a toutes les peines du monde à sauver ces mondes en perdition. L’art du suspense que déploie le cinéaste est bien plus intense que lors des guerres vues dans Le Château dans le ciel ou dans Porco Rosso, plus bouleversant et plus chargé d’émotion.

Princesse Mononoké (もののけ姫, Japon, 1997) Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Takako Fuji, Yuriko Ishida, Leslie Ishii, Tsunehiko Kamijô, Kaoru Kobayashi, Yoshimasa Kondô, Yôji Matsuda, Akihiro Miwa, Mitsuko Mori, Hisaya Morishige, Akira Nagoya, Masahiko Nishimura, Sumi Shimamoto, Tetsu Watanabe.

lundi 23 juin 2014

Le Château dans le ciel


Je garde un très bon souvenir du Château dans le ciel que je n’avais pas vu depuis sa sortie au cinéma en janvier 2003. Largement plus abouti que Nausicaä de la vallée du vent, le film m’est toujours apparu comme le premier grand film d’Hayao Miyzazaki avec son mélange des genres (comédie, action), son ton à la fois poétique et romanesque, et son imagination débridée. Je dois dire que depuis le temps, j’avais un peu oublié le récit, c’est donc une redécouverte pour moi que ce nouveau visionnage.

Tout commence évidemment dans les airs dans un aéronef géant. A l’intérieur, Shiita, une jeune adolescente au regard doux, et c’est son point de vue d’Hayao Miyazaki va adopter. Le spectateur du film sera exactement dans la même position que Shiita à découvrir ce qui va lui arriver. Ainsi dans la première scène, elle est menacée de deux côtés. Dans l’aéronef, elle cherche à échapper à l’armée qui l’a fait prisonnière, à l’extérieur, une bande de pirates attaque la machine volante.

Pour entretenir le flot ininterrompu des aventures, on apprendra en même temps qu’elle, coup sur coup, que Shiita possède un médaillon que l’armée convoite (pour de mauvaises raisons sans doute) et que les pirates le veulent pour l’argent. Que ce médaillon se met en marche grâce à une formule magique, qu’il permet de flotter dans les airs et qu’il vient d’une île dans le ciel, appelé Laputa (prononcer Lappeta), pays disparu depuis des siècles mais dont Shiita est l’une des descendantes.

A propos de descendre, la jeune fille en s’échappant tombe de l’aéronef et atterrit, littéralement, dans les bras du jeune Pazu, son alter ego masculin. Aussi libre qu’elle, aussi espiègle, ils vont partir tous les deux dans des aventures les plus folles, course poursuite dans un train lancé à toute vitesse, puis dans une machine volante au milieu des orages, rencontre avec un robot qui crache le feu. Le mieux est encore de se laisser porter et contempler l’imaginaire débridé du scénario.

Les deux adolescents s’opposent pour mieux se ressembler. Elle vient du ciel, de ce pays fantastique et inconnu, elle est la descendante d’une famille royale, il travaille dans une mine au fond des entrailles de la terre, il est pauvre. Ce qui le rassemble est plus triste car Shiita comme Pazu sont orphelins. Ils devaient se rencontrer et faire équipe, le destin était dès le départ lié. Le père de Pazu était le seul homme à avoir pu photographier l’île céleste de Laputa.

De la même manière, le film oppose les adversaires des deux enfants. Muska, l’homme des armées, est un homme froid mais bien vêtu, tiré à quatre épingles mais au regard inquiétant. Il traque sans pitié Shiita. A l’opposé, Dora, la vieille grand-mère aux cheveux roses et sa bande de pirates dépenaillés sont croqués plus grossièrement, mais avec tendresse. La sympathie du cinéaste va pour Dora qui sait prendre soin de Shiita et Pazu. En les emmenant dans son aéronef, elle leur confie chacun une tâche, il sera vigie au sommet de la machine, elle aidera aux cuisines.

Le Château dans le ciel peut parfois être très violent, comme lors de la destruction du QG de l’armée par le robot où tout se termine dans les flammes, dans les tourments subis par les enfants. Il peut aussi être très doux lors de la découverte de l’île céleste par Shiita et Pazu, sorte d’Eden où les animaux vivent en harmonie. Souvent l’humour est irrésistible et il est dévolu à la bande de pirates, gaffeurs et pittoresques. Deux scènes sont hilarantes, quand ils se battent dans la rue contre le patron de Pazu et quand ils viennent tous aider Shiita dans la cuisine. Le premier incontestable chef d’œuvre d’Hayao Miyazaki.

Le Château dans le ciel (天空の城ラピュタ, Japon, 1986) Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Keiko Yokozawa, Mayumi Tanaka, Kotoe Hatsui, Minori Terada, Fujio Tokita, Ichirô Nagai, Hiroshi Ito, Takumi Kamiyama, Yoshito Yasuhara, Sukekiyo Kameyama, Ryûji Saikachi, Machiko Washio, Tarako, Eken Mine.

samedi 21 juin 2014

That demon within


J’ai toujours trouvé que le visage de Daniel Wu avait quelque chose de très enfantin, qu’il dégage une innocence avec ses yeux doux, son nez ronds et ses dents qui se chevauchent. Cette image candide, Dante Lam l’utilise pour montrer toute la bonté et le calme du flic Dave Wong qu’incarne Daniel Wu, en le filmant dans un lent travelling arrière. Dave Wong travaille dans un hôpital public dont il est le gardien, une sorte de policier d’accueil. En voix off, il exprime sa joie d’avoir un travail si tranquille.

Ce visage serein est immédiatement opposé à celui de Hon (Nick Cheung), l’alter ego maléfique de Dave Wong. Hon est membre d’un gang de sept malfrats. On les découvre en ouverture de films priant pour que leur casse de déroule bien. Ils commettent leurs forfaits en portant des masques de démon. Ultra violents, ils n’hésitent pas à utiliser des gros calibres pour tirer sur les flics et les passants. Lors d’un vol de bijoux qui se termine mal, Hon finit à l’hôpital.

Le premier regard entre les deux hommes, le gentil flic et le violent braqueur, a lieu sur deux lits d’hôpital. Dave, avec son bon cœur, accepte de donner un peu de sang à Hon qui en a beaucoup perdu dans la fusillade. Pops (Dominic Lam), comme ses hommes l’appellent, est le chef de la brigade anti-gang et engueule le jeune flic comme du poisson pourri. Alors que plusieurs de ses policiers sont morts, lui sauve le tireur.

Derrière ses allures classiques de film de flics qui chassent les braqueurs, That demon within cherche à dresser le portrait d’un homme mentalement dérangé. Non pas celui de Hon, tueur froid que Nick Cheung incarne encore une fois brillamment, non pas ceux de ses six collègues braqueurs que l’appât du gain va rendre nerveux au point de ne plus se faire confiance, mais celui du brave policier qu’est Dave. Derrière ce visage impavide et neutre se cache un fou.

Il n’est pas présenté comme fou, mais plutôt comme un flic têtu, respectant le code à la lettre, étant un policier procédurier qui reproche à ses collègues de faire des pauses. Personne ne veut être son équipier et il est d’ailleurs solitaire. Chez lui, quand il estime avoir mal fait son travail, il se punit lui-même, torse nu il se flagelle avec la boucle de sa ceinture, comme pour expier ses péchés. Petit à petit, on comprendra que tout ne tourne pas rond.

C’est que tout cela vient d’un traumatisme de l’enfance, explique en long, en large et en travers le film. Il faut d’abord en passer par la cellule psychologique que lui impose sa supérieure (Christie Chen). Peu loquace, Dave avoue ne pas avoir d’amis et que la seule chose qui le calme est de nager. Sous hypnose, il confessera que son père le battait et qu’il répète ce geste. Il affirme aussi vouloir venger la mort des collègues morts sous le feu de Hon lançant le film dans un long règlement de comptes.

Le démon qui habite Dave, pour reprendre le titre du film, est celui d’une justice aveugle. That demon within adoptera l’unique point de vue de Dave, alternant les images mentales (regard caméra, caméra harnachée sur Daniel Wu qui filme ses déplacements, filtres rouges quand il perd la raison) avec des scènes d’action où les coups de feu sont incessants. Le mystère qui s’épaissit est gangréné par les explications de fin de film.

C’est rien de dire que tout le film repose sur le jeu de Daniel Wu qui excelle dans sa partition de personnage aux multiples personnalités. Il passe en un clin d’œil du gentil garçon qui prend soin de sa grand-mère au salaud qui tue de sang froid les malfrats. Seulement voilà, face à lui, les autres acteurs font un peu office de figurants,  (il est assez étonnant que Nick Cheung se retrouve finalement dans un second rôle) rendant parfois bancale la progression du film.

That demon within (魔警, Hong Kong – Chine, 2014) Un film de Dante Lam avec Daniel Wu, Nick Cheung, Christie Chen, Andy On, Dominic Lam, Liu Kai-chi, Stephen Au, Lee Kwok-lun, Chi Kuan-chun, Astrid Chan, Samuel Leung, Fung So-po.

vendredi 20 juin 2014

Goshu le violoncelliste


Goshu le violoncelliste est, avec ses deux épisodes de Panda petit panda, l’un des films les plus courts d’Isao Takahata, tout juste une heure autour de ce jeune homme, à peine rentré dans l’âge adulte qui joue du violoncelle dans un orchestre au beau milieu de la campagne japonaise dans les années 1920.  Il a une bonne bouille mais semble bien inexpérimenté en comparaison de ses collègues de l’orchestre, tous plus âgés et plus mûrs. Le chef d’orchestre, avec sa grosse moustache et son air sévère, lui reproche de ne pas avoir accordé son instrument, ce qui ralentit les répétitions pour interpréter la pièce musicale d’accompagnement du film muet qui se joue au cinéma du village.

Goshu rentre chez lui le soir. Il vit seul dans une modeste maison au bord d’une rivière.  Il vit en solitaire avec comme seul présence humaine, la photo de Beethoven, son idole, accrochée au mur. Le compositeur regarde fixement Goshu quand il s’entraine chez lui, un fort zoom sur ses yeux semble le montrer encore plus sévère que le chef d’orchestre au fur et à mesure que le violoncelle se fait entendre, comme un jugement sur l’absence d’implication du jeune musicien sur son art. Goshu parle tout seul, se plaignant de ne pas être reconnu à sa juste valeur. Il se jure d’être un bon musicien et pour cela va s’exercer.

Quatre mignons animaux de la forêt vont venir aider Gosghu pour qu’il s’améliore dans son art. D’abord un chat espiègle qui lui apporte des tomates vertes, ce qui met Goshu dans une colère noire. Il va justement lui apprendre à maitriser sa rage. Ensuite, un coucou qui l’incite à faire des variations sur un tempo. Plus tard un raton laveur qui vient faire des percussions pour lui apprendre le rythme. Enfin, un souris et son souriceau qui vient lui montrer que la musique sert à adoucir les mœurs et que Goshu ne doit pas jouer pour lui mais bel et bien pour le public.

Les quatre animaux discutent longuement avec Goshu (car les animaux parlent dans les films de Takahata) dans un forme de leçon appliquée et forcément édifiante. Le film passe tout à tour de l’humour burlesque (le chat a les poils hérissés quand il entend la musique et il gigote comme un diable) à l’émotion (la souris fait exprimer à Goshu le meilleur de lui-même). De la même manière, l’animation évolue. L’animation classique montre l’entrainement en huis-clos dans la petite maison, puis se transforme an aquarelles illustrant la nature, la forêt, des prés quand Goshu se calme et joue avec plénitude. Un gentil petit film.

Goshu le violoncelliste (セロ弾きのゴーシュ, Japon, 1981) Un film d’Isao Takahata avec les voix de Hideki Sasaki, Masashi Amenomori, Fuyumi Shiraishi, Kaneto Kimotsuki, Keiko Yokozawa, Akiko Takamura.

jeudi 19 juin 2014

Sorties à Hong Kong (juin 2013) Z storm


Z storm (Z 風暴, Hong Kong, 2014) Un film de David Lam avec Louis Koo, Lam Ka-tung, Dada Chan, Janelle Sing, Michael Wong, Lo Hoi-pang, Stephen Au, Derek Tsang, Eddie Cheung, Felix Lok, Liu Kai-chi, Patrick Keung, Tony Ho, Cheung Chung-kei, Tin Hok-wai, Tsui Ching-man, Alfred Cheung, May Law, Henry Fong, Joe Cheung. 92 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 19 juin 2014.

Sorties à Hong Kong (juin 2014) May we chat


May we chat (微交少女, Hong Kong, 2014) Un film de Philip Yung avec Irene Wan, Kabby Hui, Peter Mak, Rainky Wai, Heidi Li, Derek Kwok, Fung Chih-chiang, Dominic Ho, Yu Yu, Danny Poon, Au Cheuk-man, Wong Hin-chung, Chan Lai-wan. 100 minutes. Classé Catégorie III. Sortie à Hong Kong : 19 juin 2014.

mardi 17 juin 2014

L'Irrésistible (Spiritual kung fu)


Le premier plan de L’Irrésistible montre Jackie Chan portant deux grands bols pleins d’eau dans chaque main et un banc sur ses épaules, comme une image de marque montrant bien qu’il est maintenant maître des films dans lesquels il joue. Il a bien entendu le rôle principal et il dirige les chorégraphies des nombreux combats qui ponctuent le film. Il incarne Yi-lang, un jeune disciple en plein apprentissage au monastère de Shaolin. S’il porte des bols et un banc, c’est qu’il est encore une fois puni par son maître spirituel.

Yi-lang est un jeune homme indiscipliné et espiègle. Comme ses camarades (dont Dean Shek, ici en apprenti un peu veule), il a toujours vécu dans le monastère, n’a jamais connu le monde extérieur et n’a jamais vu aucune femme. Il va être confronté à des événements qui le dépassent. Un manuel de boxe, dit des Sept Démons, a été subtilisé dans la bibliothèque par un ravisseur masqué. Ce dernier a tué un moine. Le Vénérable de Shaolin se sentant responsable s’isole dans une grotte pour se repentir.

Le manuscrit décrit une boxe particulièrement violente et interdite depuis un siècle à Shaolin. L’auteur du vol est Lu-Ching (James Tin) qui cherche à se venger des moines pour une histoire qui remonte à trente ans. Certains Chinois ont la vengeance tenace. L’unique boxe qui pourra arrêter celui qui utilise les Sept Démons est le kung-fu des Cinq Formes. Pas de chance, le manuel a disparu depuis cinq siècles. C’était sans compter sans un orage providentiel qui brise un mur et libère le manuel.

Il faut décrire le mieux possible ces cinq esprits qui donnent leur sens au titre anglais (le kung-fu des esprits). Ils ne disent pas un mot, mais s’expriment par gestes tels des mimes. Ils sont tout en blanc, couleur de la mort, avec une sorte de tutu autour de la taille et porte une étrange et longue perruque rouge. L’idée ici est de les rendre ridicules pour apporter du comique au récit. Chacun représente une forme d’art martial : celui du dragon, du serpent, de la grue, du tigre et du léopard.

Ils effrayent certains moines car ils les considèrent comme des fantômes malfaisants et ne sont pas visibles des laïcs. Pourtant, Yi-lang va pouvoir les voir et devenir leur disciple. Avec leurs costumes grotesques et la mentalité de Yi-lang, l’apprentissage est avant tout le moyen pour Jackie Chan de déployer ses talents comiques. Il s’en donne à cœur joie avec certains gags parfois régressifs, comme quand il se met à leur pisser dessus quand les esprits prennent une taille miniature.

Le scénario est inconsistant et bourré d’invraisemblances. Assez vite, les rebondissements vont s’enchainer comme chaque fois dans un film de Lo Wei. Les moines sont accusés les uns après les autres d’avoir tué Maître Feng, un visiteur. La fille (Mo Man-sau) de se dernier veut se venger. Elle est la première femme que voit Yi-lang qui a un air d’ahuri quand il la voit. Elle est l’unique personnage féminin de tout le récit, mélange de séduction et de fort caractère.

Peu importe, ce qui compte dans L’Irrésistible, ce sont les combats, filmés en longs plans fixes où les acteurs se déplacent à l’intérieur du cadre, mais qui ne portent pas encore la marque de Jackie Chan (les objets du quotidien servent d’armes). Jackie Chan se bat contre presque tous les autres acteurs du film, et aussi contre Miss Feng, bien qu’ils soient du même bord. Il faudra attendre quelques films (Dragon Lord en 1982) pour que son art prenne toute son ampleur.

L’Irrésistible (Spititual kung fu, 拳精, Hong Kong, 1978) Un film de Lo Wei avec Jackie Chan, James Tin, Mo Man-sau, Li Tong-chun, Lee Kwan, Dean Shek, Ko Keung, Lee Hoi-lung, Lee Man-tai, Wang Kuang-yu, Wong Ching.                   

lundi 16 juin 2014

Mes voisins les Yamada


La grand-mère Shige, sa fille la mère Matsuko, le père Takashi, le fils aîné Noburo et la fillette Nonoko. La famille Yamada est composée de trois générations qui habitent dans une maison en banlieue, sans oublier le chien qui vit dans sa niche dans le jardin. Mes voisins les Yamada montre leur vie quotidienne sous la forme d’une chronique, dans une suite de petits sketches à durée variable, de quelques secondes à environ un quart d’heure.

Ce qui frappe d’abord, c’est le dessin inhabituel pour un animé japonais. Les décors sont constitués de quelques traits, tout comme les meubles de la maison, quelques taches de gouache colorent le fond blanc. Les dessins sont griffonnés, esquissés, proches de la caricature, dans le sens le plus simple du terme. Tout est croqué par un caricaturiste qui serait donc le voisin de cette famille.

Les personnages eux-mêmes sont filmés très simplement. Visages ronds, grandes bouches, yeux expressifs. Le père et le fils portent des lunettes, la maman est plutôt rondouillarde, la grand-mère un visage plus sec et des cheveux gros. Le tempérament des personnages tient lieu de fil conducteur et les rapports entre eux sont vus comme des variations du récit, avec un point d’orgue quand ils sont tous ensemble.

C’est la grand-mère qui ouvre le film, vieille dame qui n’aime rien tant que faire des reproches aux autres, se moquer gentiment d’eux comme dans la scène d’ouverture où elle observe les fleurs d’un voisin très fier. Mais, elle ne complimente pas sur ses talents de jardinier mais au contraire fait remarquer d’une grosse chenille se promène sur les feuilles. Contente de son effet, elle part faire des reproches aux autres.

Elle vit avec sa fille et son gendre, couple banal. Il est col blanc et part chaque matin en courant prendre le train pour aller au boulot. Elle est mère au foyer, mais n’aime pas faire le ménage où les repas. Un matin, tout content d’avoir un copieux repas, il se rend compte qu’elle n’a fait réchauffer des restes. Plutôt que d’aller étendre le linge, elle préfère regarder la télévision. Ils se chamaillent pour un rien puis se réconcilient.

Enfin, les deux enfants. Le fils est un lycéen plutôt paresseux, il est débordé par les devoirs qu’il doit rendre le lendemain. La fillette est pleine d’insouciance, même quand ses parents l’oublient dans un supermarché et qu’elle est persuadée que ce sont eux qui sont perdus, les laissant angoissés. Et puis le chien, placide, qui semble observer toute cette agitation en ouvrant de temps en temps les yeux.

Le ton général du film est celui d’une comédie où l’humour est bienveillant, jamais méchant et où chacun peut s’y reconnaitre. Des haïku concluent chaque saynète apportant quelques pointes de poésie. C’est le fils qui résume le mieux l’état général de la famille Yamada. Tout le monde vit en harmonie dans la famille car tous ses membres sont tordus. Si quelqu’un était normal, l’équilibre de la famille serait perturbé.

Mes voisins les Yamada (ホーホケキョ となりの山田くん, Japon, 1999) Un film d’Isao Takahata avec les voix de Hayato Isohata, Masako Araki, Naomi Uno, Tôru Masuoka, Yukiji Asaoka, Akiko Yano, Kosanji Yanagiya.

vendredi 13 juin 2014

Porco Rosso


Des machines volantes, des enfants hilares, des pirates loufoques, la mer, un homme à l’aspect de cochon. Porco Rosso contient toutes les caractéristiques du cinéma d’Hayao Miyazaki dès sa première séquence. L’action se déroule dans le ciel au dessus de la mer Adriatique de l’Italie des années 1920. La Méditerranée est infestée de pirates qui braquent les navires de plaisance avec leurs hydravions. Des pirates hauts en couleurs, avec des grosses moustaches ébouriffées, des yeux très ronds et au cerveau tellement vide qu’ils échouent dans tous leurs méfaits.

En l’occurrence, ils kidnappent une quinzaine de gamines qu’ils embarquent sur leur avion. La scène pourrait être tragique puisqu’on s’en prend à des enfants, mais elle devient vite hilarante tant les petites filles n’en font qu’à leur tête, dérangeant les pilotes entre leur caprice enfantin et leur innocence. Elles vont même jusqu’à prendre un bain, échappant à leurs ravisseurs. Pendant ce temps, Porco Rosso se prélasse sur sa place, jusqu’à ce qu’on l’appelle pour venir sauver les enfants, toutes ravies de voir une légende vivante.

Un homme au corps et à la tête de cochon, Porco (comme tout le monde l’appelle) s’appelait dans une vie précédente Marco. Pilote héroïque pendant la première guerre mondiale, il est l’unique survivant d’une attaque d’avions allemands, son escouade a été décimée. Depuis, il traine son vague à l’âme et son amertume entre son ile où il vit en solitaire et l’hôtel Adriano où son amie Gina est chanteuse de cabaret. Elle seule semble savoir pourquoi le bel homme que Marco était est devenu un cochon. Jamais on ne le saura.

Porco Rosso est d’abord une romance où Porco a un rude adversaire en la personne de Curtis, un Américain venu en Italie pour vivre quelques aventures. Vantard, Curtis se croit séducteur et flirte avec Gina, au grand dam de Porco. La rivalité entre les deux hommes est le motif du film. Pour provoquer Porco, Curtis s’engage auprès des pirates pour former une ligue et attaquer les navires. Il défie le cochon sur le terrain de l’agilité à piloter. Devant toute une horde de pirates, le bel avion rouge vif de Porco Rosso est abimé.

Les enjeux amoureux se prolongent avec le personnage de Fio Piccolo, jeune femme de 17 ans aux longs cheveux roux. Porco Rosso fait réparer son avion par son grand-père, un vieil ingénieur de Milan. Son usine est entièrement composée de femmes puisque les hommes sont réquisitionnés par l’armée de Mussolini. Fio est le pendant féminin du cochon, têtue, rebelle et sûre d’elle. Après avoir réparé et améliorer l’avion, elle forcera Porco à la prendre comme co-pilote. Elle ne lui laisse pas vraiment le choix.

Evidemment, Curtis va également tomber amoureux d’elle, causant une deuxième rivalité qui va causer un deuxième défi dans le ciel (les avions des deux pilotes font des loopings virevoltants) puis dans l’eau où ils boxent l’un contre l’autre (leurs visages prennent un aspect grotesque) devant tous les pirates dans une longue séquence qui distille un suspense sur tous les enjeux du film. Enjeux personnels et amoureux tout en ménageant beaucoup d’humour grâce à la balourdise des pirates.

Rétrospectivement, Porco Rosso fait penser Le Vent se lève, tourné plus de 20 ans plus tard tant certains motifs narratifs sont proches. Chacun des deux films montrent une société en proie à un gouvernement dictatorial. L’Italie fasciste reproche à Marco le cochon son indépendance d’esprit et sa liberté. L’armée ira le pourchasser dans les airs, à lui tirer dessus dans l’usine de Milan, pour ne pas laisser un esprit frondeur contaminer les autres. C’est bien entendu l’inverse qui se produit car Miyazaki n’aime que les esprits libres.

Porco Rosso (紅の豚, Japon, 1992) Un film de Hayao Miyazaki avec les voix de Shûichirô Moriyama, Tokiko Katô, Bunshi Katsura, Tsunehiko Kamijô, Akemi Okamura, Akio Ôtsuka, Hiroko Seki, Osamu Saka, Mahito Tsujimura, Minoru Yada.

mercredi 11 juin 2014

Black coal


Doublement primé au Festival de Berlin 2014, meilleur film et Liao Fan meilleur acteur, Black coal sort amputé en France de la moitié de son titre mais avec une presse extrêmement élogieuse. « Un grand film, Une merveille, un film sublime », lit-on sur l’affiche du film qui sort dans plus de cent salles, presque comme un blockbuster. On imagine que le distributeur table sur le succès de A touch of sin, l’autre polar macabre et sanglant venu de Chine.

Tout commence donc en 1999 avec du charbon noir (le black coal) qui contient un bras tranché enveloppé dans un sac plastic. La police arrive immédiatement à la mine pour lancer une enquête. Les inspecteurs Zhang Zili (Liao Fan) et Wang (Yu Ailei) ne comprennent pas ce qu’il s’est passé. D’autant que d’autres morceaux de corps sont disséminés dans d’autres centres de traitement du charbon.

Par chance, les papiers du défunt sont dans sa veste. Liang Zhijun est son nom. Sa veuve (Kwai Lunmei) travaille dans une blanchisserie. Elle va enterrer les cendres dans la terre d’un arbre devant son travail. L’enquête va vite, Wang et Zhang soupçonnent deux transporteurs de charbon. Quand les inspecteurs viennent les appréhender, les suspects tirent dans le tas et tuent deux collègues qui accompagnaient les inspecteurs.

Le film reprend cinq ans plus tard avec un travelling sous un pont où l’on découvre Zhang endormi à côté de sa moto. Il dort sur le bas côté, visiblement soûl comme une barrique. Il ne s’est jamais remis de la mort de ses collègues pas plus que du départ de sa femme. Il a depuis bien grossi (remarquable transformation de l’acteur) et erre de petits boulots en petits boulots. Son patron est incommodé par son alcoolisme.

Ce qui semblait être une enquête close va se transformer en quête de la vérité. A nouveau des morceaux de corps sont découverts dans du charbon. Comme les deux suspects sont morts, c’est vers la blanchisseuse que se portent désormais les soupçons. Elle est suivie, filée et interrogée. Sa timidité maladive la rend encore plus coupable aux yeux des flics qui voient dans son caractère mutique une preuve de culpabilité.

La partie polar du film fonctionne comme un puzzle dont les pièces s’emboitent au fur et à mesure. Une veste en cuir laissée dans la blanchisserie depuis cinq ans, une boîte de nuit appelée « Feux d’artifices en plein jour », des patins à glace tranchants. Zhang s’implique dans l’enquête en se faisant passer pour un simple client, furetant partout dans la vie de la veuve de Liang Zhijun.

Toute la deuxième partie de Black coal se déroule en plein hiver, avec sa neige glaciale (les gens frissonnent), ses patinoires où Zhang tente de faire du patin avec la veuve (le thin ice du titre original). Métaphoriquement, Zhang cherche à briser la glace en construisant une relation amoureuse avec la veuve, en la protégeant de son patron libidineux (Wang Jingchun). Tous les personnages sont amorphes comme frigorifiés par le froid, mais le scénario est aussi un peu trop alambiqué pour vraiment passionner.

Le film est très noir, comme un paradoxe à la neige blanche qui s’étend dans les rues que parcourent les personnages. Il est aussi traversé de scènes burlesques où Zhang est toujours un peu décalé, où il se casse la figure et apparait hébété devant ce qu’il découvre. Zhang n’a pas changé de mentalité en cinq ans, mais les gens qu’il rencontre ont pris le train du changement économique et sont devenus égoïstes, constituant une très vague critique politique du film

Black coal (Black coal thin ice, 白日焰火, Chine, 2014) Un film de Diao Yinan avec Liao Fan, Kwai Lunmei, Wang Xuebing, Wang Jingchun, Yu Ailei, Ni Jingyang.

mardi 10 juin 2014

L'Impitoyable (Shaolin wooden men)


Les titres français des premiers Jackie Chan étaient souvent composés d’un unique adjectif. Le Vengeur, Le Magnifique, L’Irrésistible ou L’Impitoyable. Le titre chinois et anglais se traduit par les hommes de bois de Shaolin. Ces féroces combattants sont les gardiens d’une allée qu’un apprenti doit affronter pour pouvoir quitter le monastère. Ces hommes de bois sont des pantins articulés dans un long couloir qui donnent mécaniquement des coups de poings ou de pieds. Peu parviennent à les vaincre mais c’est le rêve du personnage de muet qu’incarne Jackie Chan.

Ce rêve de redevenir un laïc et retourner dans le monde profane, le muet l’a depuis dix ans. Il revoit les images d’un homme qui tue son père devant ses yeux. Le muet veut se venger et pour cela doit quitter le monastère. Pour l’instant, il subit l’apprentissage du vénérable Fa-tsi (Chang I-fei). Porter des seaux d’eau de la rivière jusqu’au sommet d’une colline les pieds dans des sandales en fer. Couper des buches avec une serpette. Et surtout, se contenter de deux maigres repas quotidiens. Le muet ne supporte plus cette discipline mais il se rend bien compte qu’il n’a pas la technique pour se rendre dans le couloir des hommes de bois.

Son salut viendra de sa curiosité qui le pousse à se rendre dans une grotte pourtant interdite dans laquelle est enfermé un prisonnier. L’homme, les mains enchainées aux parois, ne cesse de crier contre les moines et de les insulter qui viennent lui apporter à manger. Cet homme (Kam Kong) dont on ne connaitra pas immédiatement le nom, ni la raison de son enfermement, éructe d’abord contre le muet. Puis, voyant l’obstination avec laquelle il lui procure des brioches ou du vin, il décide d’en faire son disciple et de lui enseigner son kung-fu. Le jeune homme accepte sans rechigner.

L’impitoyable du titre français, c’est donc ce prisonnier qui prétend pratiquer le kung-fu du rugissement. Au monastère, certains moines comprennent bien que le muet est en train de muer, de passer d’un homme frêle et timide à un combattant fort et expert. Le moine ivre (Miu Tak-san) lui enseigne la confiance en soi en le nommant commis à la cuisine. La nonne bouddhiste (Cheung Bing-yuk) cherche à lui apprendre l’art de l’esquive et du respect de l’adversaire pour ne pas faire couler le sang. Le muet apprendra autant de chacun de ces maîtres en kung-fu que du prisonnier.

La soif de vengeance est plus forte que l’art de l’esquive, se dit en substance le muet, qui choisit de rester loyal à l’impitoyable Fa-ju (car tel est son nom). Sorti vainqueur du couloir des hommes de bois, il peut enfin accomplir son dessein. C’est sans compter sur le destin qui va lui mettre bien des bâtons dans les roues. Les complots contre ceux qui avaient enfermé Fa-ju, contre les moines ou contre un aimable aubergiste et sa jolie fille se fomentent. Chaque fois, le muet se trompe de camp jusqu’à ce qu’il comprenne que l’homme qu’il défendait était son premier ennemi.

Jackie Chan fait son apprentissage d’acteur vedette en cumulant ici avec la charge de chorégraphe des combats qui sont nombreux et très inégaux en qualité. On remarquera l’utilisation qu’il fait des bancs et qui deviendra l’une de ses marques de fabrique. Jackie Chan ne dit pas un mot de tout le film, vu qu’il incarne un muet, mais il joue de ses mimiques pour s’exprimer. C’est au personnage du moine ivre qu’est dévolue la fonction comique sans que cela n’atteigne la splendeur de Drunken master, dont L’Impitoyable est un brouillon acceptable.

L’Impitoyable (Shaolin wooden men (少林木人巷, Hong Kong, 1976) Un film de Lo Wei avec Jackie Chan, Kam Kong, Doris Lung, Chang I-fei, Chiang Kam, Cheung Bing-yuk, Miu Tak-san, Liu Ping, Li Min-lang, Weng Hsiao-hu, To Wai-wo, Yuen Biao, Miao Tian, Lee Siu-chung.