samedi 31 août 2013

The Bare-footed kid


Entre The Heroic trio et The Mad monk, Johnnie To a tourné, pour la Shaw Brothers, The Bare-footed kid. Le rôle titre, Feng-yao est tenu par Aaron Kwok alors en pleine conquête du cinéma cantonais. Jeune orphelin qui débarque en ville sans le sou et sans chaussure. Il a faim mais n’a pas de quoi acheter à manger. Une belle jeune femme, Miss Ho (Maggie Cheung), immédiatement magnifiée par Johnnie To au milieu de tous les pouilleux qui grouillent dans le village, lui donne deux galettes pour son repas. Son bonté est également montrée quand elle donne des pièces à des pauvres qui empêchent un palanquin de mariage de passer. Miss Ho aime résoudre les problèmes.

Feng-yao n’a qu’une adresse, celle du tisserand des Quatre Saisons. Il l’ignore encore mais la Miss Ho en est la patronne. Les ouvriers travaillent gaiement, ils sont bien payés et font du bon travail. Duan (Ti Lung) est le gérant de l’affaire. Il cache un lourd secret. Avant de devenir tisserand, il était un général rebelle. Il connaissait le père de Feng-yao avec lequel il a fomenté un complot. Désormais en exil, Duan décide d’engager l’orphelin et Miss Ho lui offre l’un des objets qu’il espérait : une paire de chaussures. Feng-yao n’est désormais plus pieds nus et peut enfin manger à sa faim. Duan a gardé pour le jeune homme l’arme fétiche de son défunt père.

Feng-yao est pauvre mais il est aussi illettré. Ne sachant même pas écrire son nom, il rencontre Hua Xiao-lien (Jacklynn Wu) qui enseigne l’écriture aux enfants. Elle est la fille du professeur Hua (Paul Chun), un homme de sagesse. Mais sa fille est moins sage. D’abord vue déguisée en homme pour regarder des estampes érotiques chez un forain, elle se moque ensuite de Feng-yao en lui donnant un papier où elle aurait écrit son nom. En fait, il s’agit du mot « abruti » qu’il parvient à reproduire sous les ricanements. Consciente de la peine causée, elle l’aidera honnêtement et une romance s’esquisse entre Xiao-lien et Feng-yao.

Le scénario de The Bare-footed kid ne s’embarrasse pas avec le manichéisme. Le bien est du côté des Quatre Saisons, le mal est à chercher chez les Fileurs du Dragon, dirigé par Ke Hu Pu (Kenneth Tsang) qui n’a d’autre but dans la vie que de posséder le monopole du marché du tissu. Il veut acheter les Quatre Saisons et tous les moyens sont bons pour lui. Quand Yuan Tien-yu (Eddie Cheung), un nouveau magistrat arrive dans la ville, Ke Hu Du fait tout pour qu’il ne voie pas la corruption qui règne (il supprime les témoins) ou les jeux de hasard qu’il gère malgré l’interdiction. Toute l’échoppe de Miss Ho est brûlée et Feng-yao va la venger en se battant contre les hommes de Ke Hu Pu.

Feng-yao est chassé des Quatre Saisons et devient boxeur pour Ke Hu Du. Seule sa naïveté autorise ce changement de camp, ainsi que l’appât du gain. Ke Hu Du veut en faire son chef de la garde devant sa grande force. Feng-yao est content d’avoir de nouvelles chaussures mais il préfère se battre pieds-nus, laissant l’empreinte de ses pieds poussiéreux sur les visages de ses adversaires. C’est Liu Chia-liang qui chorégraphie des combats virevoltants et tout à fait dans le style de cette époque, montage très rapide, champ-contrechamp sur les coups de poing donnés puis reçus, corps qui tombent violemment en cassant les chaises. Le scénario est plein de rebondissements et de coups de théâtre, loin de la finesse des films suivants de Johnnie To.

The Bare-footed kid (腳小子, Hong Kong, 1993) Un film de Johnnie To avec Aaron Kwok, Maggie Cheung, Ti Lung, Jacklynn Wu, Paul Chun, Eddie Cheung, Kenneth Tsang

vendredi 30 août 2013

Tiger on the beat 2


Le titre est presque le même mais Tiger on the beat 2 n’est pas une suite de Tiger on the beat tout en se déroulant dans l’univers de la police qui lutte contre des affreux trafiquants de cocaïne. Le concept primaire n’évolue pas, seuls les personnages changent. Danny Lee remplace Chow Yun-fat dans le rôle du flic incompris de sa hiérarchie. L’inspecteur Lim doit accueillir son neveu Buffalo (Conan Lee, dont la musculature a doublé depuis Tiger on the beat), jeune marin qui débarque candidement de son bateau en provenance de Los Angeles. Sa mère l’envoie à Hong Kong pour que Lim lui trouve une épouse chinoise avant la rétrocession, sujet plusieurs fois évoqué superficiellement dans le film.

Trouver une fiancée à ce grand benêt de Buffalo, gentil jeune homme qui a le cœur sur la main (toujours prêt à rendre service) et le poing facile (l’impulsivité est le moteur psychologique) est la mission de Lim. Il demande conseil à un de ses collègues qui ne trouve rien de mieux que d’emmener Lim et Buffalo sur une pagode remplie de réfugiées illégales à la recherche d’un mari pour devenir citoyennes de Hong Kong. Le rendez-vous tourne court, le policier et son neveu s’en vont vite quand leur bateau croise le yacht de Fai (Gordon Liu), que Lim connait très bien, trop bien pour s’être souvent confronté à lui pour des affaires louches.

Fai, attifé comme un nouveau riche et donnant des coups de fil avec ces téléphones géants, si typique de ces années du cinéma cantonais, n’est pas ravi de voir débarquer son ennemi sur son yacht. D’autant qu’il monte parce qu’une jeune femme, surnommée Sweet Dream (Ellen Chan) a sauté du navire en criant à l’aide. Buffalo cherche à savoir pourquoi elle a fui l’homme d’affaires qui feint de n’avoir rien à se reprocher. Sweet Dream a été témoin d’un meurtre par le tueur à gages (Roy Cheung) de Fai, un homme au regard sombre qui manie le couteau avec une grande dextérité. Sweet Dream a surtout volé une bague sertie de diamants à l’homme assassiné, un autre trafiquant.

Le personnage de Sweet Dream est l’un des plus pénibles vus dans le cinéma de Liu Chia-liang. Minaudant d’abord pour faussement séduire Buffalo, elle va ensuite s’incruster dans sa vie en l’invitant chez elle où sa colocataire, nymphomane, manque de violer le jeune homme. Séquence comique avec une série de quiproquos où un tueur débarque pour flinguer Sweet Dream. Lim est persuadée que la jeune femme a inventé cette histoire de tueur venu la flinguer (elle est la seule témoin) alors que Buffalo veut la croire et l’aider. Tout cela dure des plombes, les avanies pleuvent sur la pauvre jeune femme que personne ne croit, jusqu’à ce que Lim comprenne qu’elle est effectivement en danger. Les méchants sont sans pitié et frappent fort. Les deux amis ne font pas le poids contre eux.

C’est sans doute pour cela que le récit fait entrer un autre personnage féminin, Maria (Maria Cordero), collègue de Lim au physique à l’opposé de celui d’Ellen Chan. Maria Cordero, qui chantait la chanson du générique de Tiger on the beat, était jusqu’à présent habituée aux simples apparitions comiques que son physique de femme gironde commande. Aussi raisonnable que Sweet Dream est écervelée, Maria va aider la petite bande à affronter Gordon Liu et Roy Cheung dans un combat qui lorgne à la fois du côté de Piège de cristal (Buffalo se retrouve pieds nus à marcher sur du verre) et les films de Jackie Chan (les chutes brutales sur le sol, l’utilisation des meubles pour se battre). Pour conclure, Tiger on the beat 2 est un film très poussif, très répétitif et très convenu. Le film a été un échec public.

Tiger on the beat 2 (老虎出更2, Hong Kong, 1990) Un film de Liu Chia-liang avec Danny Lee, Conan Lee, Ellen Chan, Gordon Liu, Roy Cheung, Maria Cordero, James Wong, Mak Tak-law, Norman Chu, Margaret Lee, Melvin Wong, John Cheung, Phillip Ko.

jeudi 29 août 2013

Tiger on the beat


Après l’effondrement de la Shaw Brothers (de deux à trois films par an à partir de 1986), Liu Chia-liang travaille pour la CCC (Cinema City Company) pour trois films. Tiger on the beat en 1988, Aces go places V : Terracota hit en 1989 et Tiger on the beat 2 en 1990. Il en profite pour embaucher quatre de ses acteurs fétiches dans Tiger on the beat, polar urbain qui cherche à marcher sur les plates-bandes de Jackie Chan ou John Woo. Norman Chu interprète le super méchant du trafiquant de drogues. Il veut vendre de la cocaïne venue de Thaïlande avec de vilains Américains. Gordon Liu incarne son garde du corps vicieux et violent. David Chiang est le commissaire en chef de la brigade anti-criminalité. Ti Lung est un restaurateur très ami avec le personnage de Chow Yun-fat.

Chacun d’eux a des apparitions plus ou moins longues en tant que personnages secondaires. Mais ce sont les deux flics Francis Li (Chow Yun-fat) et Michael Tso (Conan Lee) qui sont les héros de Tiger on the beat. Comme dans tout buddy movie, leur caractère s’oppose. Francis Li est un gros dragueur (le film commence dans la chambre d’une jeune femme quand le mari arrive), râleur (il s’engueule avec son patron) et paresseux (flic depuis onze ans, il n’est jamais parvenu à monter en grade). Michael Tso est un homme d’action, impulsif et intègre. Il entend faire respecter la loi partout où il se trouve. C’est à lui que sont dévolues les scènes de baston, notamment le final contre Gordon Liu où chacun est armé d’une tronçonneuse.

Le scénario de Tiger on the beat se déploie selon trois axes. Le premier est la confrontation entre les deux flics. Ils ont des méthodes différentes pour enquêter, l’une douce (Li), l’autre forte (Tso). Ils vont devoir faire équipe et s’entendre. Le deuxième est typique des polars des années 1980 : une banale histoire de trafic de drogues avec des méchants aux rires sardoniques qui se croient impunis. Tous sont très caricaturaux. Le troisième est autour des filles. Mimi (Shirley Ng) est la sœur de Li qui va flirter avec Tso, en cachette, car son équipier voit d’un mauvais œil cela. Mary-Donna (Nina Li Chi) est la sœur d’un trafiquant qui sert de coursier. Elle ignore tout du trafic mais va se retrouver embarquée dans cette sale histoire. Les deux demoiselles vont, bien entendu, être malmenées par les trafiquants de drogue.

Alors que dans ses films de kung-fu avait toujours évité d’accumuler les morts, le scénario de Tiger on the beat en regorge. Le cinéaste tente de s’adapter aux goûts du moment, bien loin de ses habitudes. Poursuite entre Philip Ko (le frère Mary-Donna) et Tso qui grimpe sur le toit d’un passage piéton. Courses en voiture avec cascades. Fusillade à gogo. Mais pour rester dans la course, le film est aussi agrémenté de scènes comiques qui ne volent pas haut : drague minable de Francis Li, gags avec les deux héros en caleçon dans la rue, courte apparition de la comique Lydia Shum en vendeuse de sous-vêtements féminins. Le film n’est pas désagréable à regarder grâce aux acteurs, Chow Yun-fat en tête dans son personnage de mec tellement cool et aussi grâce à Gordon Liu en épouvantable méchant. Après les gros bides de ses films précédents, Liu Chia-liang renoue enfin avec le succès public et relance sa carrière.

Tiger on the beat (老虎出更, Hong Kong, 1988) Un film de Liu Chia-liang avec Chow Yun-fat, Conan Lee, Nina Li Chi, Shirley Ng, James Wong, Ti Lung, Gordon Liu, Norman Chu, Phillip Ko, Shing Fui-on, David Chiang, Lydia Shum, Chan Yau-man, Lau Kar-wing.

Sorties à Hong Kong (août 2013) Hardcore comedy


Hardcore comedy (重口味, Hong Kong, 2013)
Un film d’Andy Lo, Henri Wong et Chong Siu-wing avec Kelvin Kwan, Michelle Wai, William Chan, Dada Chan, Terence Tsui, Oscar Leung, Christine Kuo, Siu Yam-yam, Suen Kai-kwan, Judy Tsang, Cheung Laap-gei, Timothy Cheng. 92 minutes. Catégorie III. Sortie à Hong Kong : 29 août 2013.

mercredi 28 août 2013

Les Disciples de la 36ème chambre


Dans le troisième et denier film de la saga de la 36ème chambre de Shaolin, San De est à nouveau incarné par Gordon Liu. Le créateur de l’école d’entrainement aux laïcs part fleurir la tombe de son père quand, encore une fois, il doit faire face à des Mandchous qui célèbrent leurs morts dans un cimetière à part. Le chef des Mandchous (Liu Chia-liang, rarement vu dans le rôle de l’ennemi) pêche dans un étang adjacent, quand le jeune Fong Shi-yu (Hsiao Ho) tente de la lui voler la truite qu’il a au bout du fil. San De parvient à calmer les Mandchous mais Shi-yu pense que ce moine pactise avec l’occupant.

Le véritable personnage principal des Disciples de la 36ème chambre est Fang Shi-yu, alias Fong Sai-yuk que Jet Li interprétera par deux fois dans deux comédies de Corey Yuen (Fong Sai Yuk et Fong Sai Yuk 2). Comme dans tout Shaw Brothers qui se respecte, le générique montre sur fond uni le passé du jeune homme : un adversaire redoutable au kung-fu qui parvient à défaire des plus costauds que lui et notamment Tiger Lie. Voici ce qui fait la réputation de Shi-yu. Hsiao Ho, au corps si frêle, de petite taille ne tient pas en place. Chaque occasion est bonne pour aller donner du coup de poing, pour se vanter et pour répliquer à ses professeurs ou ses parents.

Il est né du deuxième mariage avec Miao Tsui-hua (Lily Li) qui a épousé un riche et vieil homme déjà père de deux fils plus âgés que Shi-yu. Les deux aînés étudient dans l’école des grands mais Shi-yu est cantonné à celle des enfants. On imagine parce qu’il n’a jamais cessé d’apprendre les arts martiaux, il n’a jamais pu apprendre à écrire. Il tient son pinceau comme un gamin, gribouillant sa punition. Pour qu’il ne s’échappe pas, sa mère, qui le couve beaucoup et le défend souvent, l’attache avec une corde que tiennent les aînés. Le personnage a donc d’abord une fonction comique, une sorte d’abruti qui n’est jamais à sa place. Il se conduit comme un enfant et est persuadé d’être très malin.

Ce sale gamin peut vite énerver tant son personnage est immature, prétentieux et impulsif, ce qui le mène à chercher des noises à San De. Il ignore qui il est et reste persuadé qu’il est allié des Mandchous. Il se rend avec ses frères au commandement général, agresse les soldats en grand nombre. Rien ne se passe comme prévu puisque San De n’est pas là mais au monastère de Shaolin. Miao Tsui-hua arrive à temps pour que les enfants ne périssent pas. D’un côté, elle expédie les trois garçons à Shaolin, d’un autre côté, elle promet d’épouser le chef mandchou s’il parvient à séparer ses deux jambes pendant qu’elle prend la position du cheval. Les Mandchous sont doublement humiliés.

Comme dans les deux volets précédents, la discipline de fer ne sied guère au jeune Shi-yu qui prend un malin plaisir à contredire San De lors des exercices quotidiens. A la petite école, il était attaché, là Shi-yu est de corvée de vaisselle avec une assiette coincée entre les jambes. Pire que cela, il brise le règlement en sortant de nuit pour aller regarder la fête des lanternes. Il est vite pris au piège de ses manquements aux lois de Shaolin. San De est obligé de renvoyer le jeune homme qui ne trouve rien de mieux que d’aller faire le vantard chez les Mandchous, menaçant les moins de révéler tous les secrets. La menace gronde sur Shaolin, il est grand temps pour San de d’agir et de rétablir le bon ordre.

La critique n’a pas été tendre avec Les Disciples de Shaolin et le public a largement boudé le film de Liu Chia-liang qui n’a changé aucune de ses méthodes formelles. Le combat final, situé dans le palais des Mandchous, où Gordon Liu et Hsiao Ho (qui a contribué à la mise en scène des chorégraphies) est pourtant un modèle de fluidité des mouvements des corps des très nombreux personnages et figurants qui se battent. Le public était passé à autre chose, préférant le kung-fu urbain de Police story (le plus gros succès critique et public de 1985) ou celui comique et bon enfant du Flic de Hong Kong de Sammo Hung. Pire que cela, la Shaw Brothers mise aussi sur la comédie (surtout celles de Wong Jing, l’un de leur employé) sonnant le glas de la compagnie.

Les Disciples de la 36ème chambre (Disciples of the 36th Chamber, 霹靂十傑, Hong Kong, 1985) Un film de Liu Chia-liang avec Hsio Ho, Gordon Liu, Lily Li, Jason Pai, Liu Chia-liang, Mak Wai-cheung, Cheng Miu, Lee Hoi-sang, Yuen Qiu, Chan Shen, Yeung Chi-hing, Wong Ching-ho, Shum Lo, Lam Fai-wong, King Lee, Wang Han-chen, Lam Hak-ming.

dimanche 25 août 2013

Tai chi hero


Après Tai chi zero, voici que sort en DVD, toujours chez Wild Side, Tai chi hero. Le premier film avait laissé le village des Chen au moment du mariage de Lu-chan (Jayden Yuan) avec Chen Yu-niang (AngelaBaby). Mariage forcé pour permettre à jeune homme de ne pas être un étranger au village. Forte tête, la mariée ne compte pas laisser son époux profiter de son charme ni de son lit. Il doit dormir par terre et l’appeler « maître » lorsqu’elle lui enseigne le kung-fu. Ses leçons sont rudes laissant peu de répit au jeune marié. Pile au moment de l’échange des vœux du mariage, le fils aîné du grand maître Chen Chang-xing (Tony Leung Ka-fai) revient au village. Le grand maître, fâché avec son fils depuis des années, refuse de lui parler et quitte les lieux sans dire un seul mot.

Zai-yang (William Feng), ce fils indigne et prodigue vient mettre en garde contre Lu-chan et rappeler une vieille légende centenaire qui affirme qu’un étranger ne peut pas apprendre le kung-fu des Chen sous peine de destruction du village. Le trouble est semé parmi les habitants comme dans la famille Chen. Les deux frères cadets veulent chasser leur nouveau beau-frère. Ils ont bien peu de foi dans les conseils de leur père. La malédiction doit s’accomplir lorsque la cloche située dans le temple se mettre à sonner. Un flash-back avec Daniel Wu (dans un personnage de moine violent et colérique) et Patrick Tse (dans le rôle de l’ancêtre des Chen), permet de découvrir l’origine de cette malédiction qui va, selon tous sauf Chen Chang-xing, les anéantir.

De la même manière que dans le premier volet, Tai chi hero a son lot de grosses machines de guerres. Celles de Fang Zi-jing (Eddie Peng) sont meurtrières, encore une fois. Après l’explosion de sa machine de guerre du premier épisode, il est défiguré par des cicatrices. Devenu gouverneur, l’ancien fiancée de Yu-niang, souhaite prendre sa revanche quel qu’en soit le prix. Ce prix est celui de la corruption. Pour obtenir ce poste il a payé un mandarin. Pour trahir la famille Chen, il a passé un accord de dupes avec Zai-ying qui avait pour mission de destituer son père et de prendre sa place. Les gros canons automatiques de l’armée lancent leur obus au milieu des centaines de soldats de l’armée impériale avec leurs uniformes traditionnels, reprenant l’idée de Tai chi zero sur l’opposition entre moderne et ancien, sur un mode mineur.

En revanche, les machines rédemptrices de Zai-yang sont là pour sauver les villageois des canons de Fan Zi-jing. Là, il s’agit moins du combat entre l’ancien et le moderne que d’approfondir les complexes rapports familiaux. Le fils du grand maître Chen est un inventeur de génie qui, dès son plus jeune âge créait des mécanismes complexes. Génie de l’invention mais ignorant des arts martiaux, au grand dam de son père. Là encore, un flashback un peu trop explicatif montre ce lourd passé. L’alliance entre le fils choisi, Lu-chang, et Zai-yang est donc primordial car c’est la seule solution pour sauver le village. Stephen Fung filme au ralenti (dommage) les chorégraphies de Sammo Hung où les personnages défient toutes les lois de la gravitation pour abattre l’armée.

Moins vif que Tai chi zero, ce second volet abandonne l’esprit comics, l’humour burlesque et les effets spectaculaires pour explorer les rapports entre Lu-chan et Yu-niang. Le romantisme prend le dessus non sans émouvoir. On ne peut pas reprocher à Stephen Fung de changer de style entre les deux volets de son récit, de passer d’un épisode foisonnant et foutraque à un autre plus calme et psychologique. Pour le cinéaste, les amours entre le jeune couple sont aussi complexes à mettre en scène que la superbe chorégraphie finale, qui permet à Lu-chan de devenir l’homme qui a toujours voulu être. Tout ce joue dans les regards que s’échangent les mariés. Ce combat, mis en scène dans la cuisine du prince impérial, est un morceau de bravoure qui conclue ce diptyque sur le tai chi tout en promettant un troisième épisode où Fan Zi-jing pourrait poursuivre sa vengeance.

Taichi hero (太極2:英雄崛起, Hong Kong – Chine, 2012) Un film de Stephen Fung avec Tony Leung Ka-fai, AngelaBaby, Jayden Yuan, Eddie Peng, William Feng, Fung Shiu-fung, Shu Qi, Stanley Fung, Ying Da, Chen Sicheng, Xiong Naijin, Yuan Wen-kang, Nikki Hsieh, Daniel Wu, Patrick Tse.

The Wall


Adolescents, Cho (Jordan Chan) et Dik (Patrick Tam), amis d’enfance, commencent à intégrer une triade sur les conseils d’un parrain (Herman Yau, dans une courte apparition en ouverture de film). Les deux garçons tuent un homme avec un couteau. C’est Dik qui porte le coup fatal mais Cho qui assume le meurtre. Il fait douze ans de prison. Le générique de The Wall montre Cho en prison, mêlant noir et blanc sépia et images en couleurs. Son parcours est décrit très rapidement : devenir prisonnier, se faire respecter, apprendre le métier de cuisinier, puis enfin sortir.

A sa sortie de prison, Jack (Chapman To) vient le chercher en voiture. Ils ne se connaissent pas. Jack a pour mission de veiller sur Cho, de lui trouver un logement au lieu de loger dans un foyer et, éventuellement, de lui trouver un boulot. Jack est encore, à cause de sa jeunesse, dans le fantasme du membre des triades. Jack fait du racket auprès de petits trafiquants pour payer le restau et l’hôtel. Cho se voit refuser tous les boulots que son conseiller judiciaire lui avait suggérés. Il espérait pouvoir aider sa sœur (Amanda Lee), mariée à un homme violent et mère de plusieurs enfants.

La vie est triste et morne, tout va changer quand Cho retrouve Dik. Les deux amis ne s’étaient pas revus depuis douze ans. Ils se voient par hasard dans la rue. D’abord, Cho ne veut pas parler à Dik, même s’il ne regrette pas d’avoir payer pour lui. Dik n’était jamais allé voir Cho en prison pour ne pas le compromettre. Chacun se demande s’il pourra devenir à nouveau l’ami de l’autre, s’ils pourront revenir douze ans en arrière quand ils étaient si insouciants. Dik est devenu, depuis tout ce temps, un des pontes des triades et souhaite prendre soin de Cho, offrir une vie meilleure à son frère de sang.

Pendant vingt minutes, The Wall semble s’engager sur une histoire d’amitié si forte entre les deux hommes qu’on se croirait dans une histoire d’amour pure et dure. Une imagerie typiquement homoérotique et amoureuse est développée entre les regards que se portent les deux personnages suivis de détournements de regards après des discussions vives où leurs oppositions sont mises en avant. Les dialogues sont ceux d’un couple qui tente de se reformer, la caméra capte leur complice intimité. Cho se rend compte que Dik habite juste en face de la prison et qu’il l’observait avec une longue-vue. Dik est d’ailleurs, tout comme Cho, resté célibataire.

L’idée de lier les deux hommes par des sentiments très forts est une volonté des scénaristes et du cinéaste de se placer dans la lignée du Syndicat du crime et des rapports entre Chow Yun-fat et Leslie Cheung. Mais très vite, The Wall part sur d’autres pistes scénaristiques beaucoup moins inspirées et bien plus caricaturales. Dik offre à Cho un restaurant qui devient vite le repaire de la triade de Dik. Ce dernier choisit d’y faire sa chambre des tortures, scènes racoleuses où il frappe au marteau ses ennemis. A cela il faut ajouter le fils du parrain (David Lee) qui abuse de son pouvoir et veut pendre la place de son père. La lutte pour le pouvoir est trop caricaturale pour convaincre.

La rédemption pour Cho est envisagée de deux manières. D’abord avec la police qui cherche à arrêter Dik. Il s’agit donc de convaincre Cho d’espionner son ami pour le trahir. Il tente de le remettre dans le droit chemin, mais la soif de pouvoir et le goût de la violence sont trop grands. Ensuite avec San (Cherrie Ying), jeune et belle femme seule qui noie son ennui dans l’alcool. Dans les deux cas, The Wall illustre de manière superficielle cette volonté de quitter la triade et d’accéder à une vie meilleure. La scène finale où tous les personnages sont réunis pour régler leur compte tombe rapidement dans le grotesque gore accentuant le gâchis d’un film au début pourtant prometteur à défaut d’être original.

The Wall (黑道風雲, Hong Kong, 2002) Un film de Marco Mak avec Jordan Chan, Patrick Tam, Chapman To, Simon Loui, Cherrie Ying, David Lee, Sek Sau, Kau Man-lung, Amanda Lee, Herman Yau, Nam Yin, Timothy Zao, Ricky Fan, Wong Man-shing.

mardi 20 août 2013

Love


Un plan séquence de douze minutes ouvre Love, troisième film de Doze Niu. La caméra part des toilettes où Li (Ivy Chen) regarde un test de grossesse. Li sort dans le parc rejoindre Kai (Eddie Peng) qui quitte les lieux dès que Ni (Amber Kuo), sa petite amie arrive. Kai prend son vélo, manque de rentrer dans la voiture de Na (Mark Chao). Ce dernier se rend à l’hôtel rejoindre Zoe (Shu Qi) où il croise Jin (Vicky Chao) dans l’ascenseur. Zoe a commandé du champagne et c’est Kuan (Ethan Ruan), le garçon d’étage, qui l’apporte dans la chambre. Elle profite de son arrivée pour quitter l’hôtel et retrouver son fiancé Lu (Doze Niu) et partir en voiture.

Outre la fluidité de cette ouverture (aidée par quelques effets numériques pour joindre certaines scènes du plan séquence), la première information donnée est que le film va être choral, qu’il va être composé d’un grand nombre de personnages et, bien évidemment, qu’il va parler d’amour. Les premiers indices scénaristiques sont là (des adultères, une grosses non désirée) mais c’est plutôt le milieu social qui intéresse. Assez vite, on distingue les gens très fortunés et ceux qui le sont moins. Il reste alors à Doze Niu de redistribuer les cartes des personnages et lancer son récit foisonnant pendant plus de deux heures.

Les liens familiaux unissent plusieurs personnages. Lu, riche homme d’affaires, est le père de Ni. Elle sort avec Kai qui a couché avec Li, la meilleure amie de Ni. Pour l’instant, elle n’a pas dit à son amie qu’elle est enceinte mais le confesse à son frère Kuan, qui souffre de bégaiement. Kuan et Li habitent chez leurs parents, deux simples restaurateurs. Kai doit reconnaitre son adultère mais affirme qu’il est toujours amoureux de Ni. C’est la rupture d’amitié entre les deux jeunes filles. Li veut avorter mais son frère la convainc de garder l’enfant.

Kuan rencontre par le plus grands des hasards Zoe dans la rue. Il la prend en photo parce qu’elle est une célébrité. Ils se reverront plus tard. Zoe aime le calme du jeune homme au mode de vie totalement opposé de celui de Zoe et Lu. Autre enfant très important dans Love, celui de Jin, le petit Lin Mu-ran (Lin Mu-ran). Jin habite à Pékin, elle vend des maisons et Na est un de ses clients potentiels. Ils se disputent dès leur première rencontre mais le garçonnet va les rapprocher. L’enfant s’est persuadé que Na est son père venu pour son anniversaire. Ils vont devoir jouer au couple idéal.

Comme son titre l’indique bien, Love fait la part belle aux histoires d’amour, surtout si elles sont contrariés par les circonstances, si les amis se disputent, si les classes sociales sont différentes. On passe d’un personnage à un autre tout au long du récit et chaque petite histoire, chaque partie du puzzle, donne un nouveau point de vue à l’ensemble. Le film est essentiellement composé de dialogues plutôt fins, ce qui est rare dans les comédies romantiques. Comme le dit le père de Ni et Kuan à sa femme « on va discuter calmement, on n’est pas dans un soap opéra ».

Le film n’est pas dépourvu d’humour. On rit rarement aux éclats mais on sourit souvent. Le personnage le plus amusant est Ting, le flic de Pékin (Wang Jing-chun), qui intervient régulièrement entre Na et Jin, d’abord pour les séparer puis pour les rapprocher. Les scènes comiques interagissent avec les scènes d’émotion avec beaucoup de douceur et de décence. Le changement de ton dans une séquence est fréquent (le plongeon dans les égouts de Kai, l’attaque de Kuan par Lu, par exemple). Le réalisateur Doze Niu a eu la bonne idée de ne pas donner à l’acteur Doze Niu une part plus importante qu’aux autres acteurs et actrices (tous excellents) mais son personnage est la colonne vertébrale du film, le seul personnage qui a un rapport avec tous les autres.

Love ( Love, Taïwan, 2012) Un film de Doze Niu avec Vicki Zhao, Mark Chao, Shu Qi, Doze Niu, Ivy Chen, Ethan Ruan, Eddie Peng, Amber Kuo, Lung Siu-wa, Yu Mei-ren, Wang Jing-chun, Lin Mu-ran, Siu Yau.

lundi 19 août 2013

Martial club


Deuxième incartade dans l’apprentissage du jeune Wong Fei-hung, après Le Combat des maitres (tourné en 1976), Martial club s’applique à dépeindre quatre disciples de sifu de trois écoles d’arts martiaux. Wong Qi-ying (Ku Feng), maitre de l’école Wu Ben doit réconcilier Maitre Zheng (Wilson Tong) et Maitre Lu (Jue Tit-who) après une sévère dispute lors d’une danse de lion. Les deux écoles se sont battus après quand Lu Shan-hou (King Lee), impétueux fils de Maitre Lu a voulu s’emparer de la lance de Wang Yi-lin (Mak Tak-law).

Ce dernier est un disciple qui aime se donner en spectacle. Il étudie à l’école Zhen mais apprécie montrer sa force sur la place publique, exhiber ses muscles aux jeunes femmes de la maison close et affronter son ami Wong Fei-hung (Gordon Liu). Les deux jeunes hommes ont les mêmes méthodes pour se battre : donner une pièce à un adversaire pour qu’il se couche et paraitre auprès de l’autre le plus fort. Devant les filles, contre quelques caresses et autres bisous, il se fait attacher avec une ceinture et la déchire avec ses muscles.

Ces petites facéties pourraient continuer si un maitre du nord, Shan Xiong (Johnny Wang) n’avait pas grièvement blessé Yi-lin dans une de ses fameuses fausses démonstrations. Venu à Canton apprendre le kung-fu du sud, il est invité chez Maitre Lu. Les intentions de ce dernier ne sont pas aussi bonnes que celles de Maitre Shan. Lu, tout comme son fils, cherche à éliminer les écoles adverses. Les motivations des personnages des « méchants » sont assez banales, le récit du film se contente de cette bataille entre écoles.

Martial club, dans sa séquence de générique classique des Shaw Brothers (démonstration de danse de lion sur un fond blanc), fait intervenir Liu Chia-liang en personne pour expliquer que ce qui compte le plus dans les arts martiaux, est la forme et non le fond. Pour les combattants, il faut garder à l’esprit deux choses : respecter les Maîtres et ne pas enfreindre les règles ancestrales établies depuis toujours, ce que ne feront pas Maitre Lu et son fils, qui ne cesseront de trahir leurs accords, de piéger les concurrents et de se battre en surnombre avec des armes différentes. Les Lu attaquent au sabre Wong Fei-hung qui est mains nues.

De ce point de vue, le personnage de Shan Xiong est le plus intéressant car il a beau être dans le camp des Lu, il entend honorer les règles des arts martiaux et respecter les Maitres. Les enfants et disciples des sifu ne sont pas aussi disciplinés. Si Wong Fei-hung est un fils digne de son père, en revanche, le fils Lu est vicieux et violent, Yi-lin est prétentieux et vantard. Quant à Ju-ying (Kara Hui), la sœur de Yi-lin, elle aussi disciple de l’école Sheng, c’est un personnage qui agit sans réfléchir, réagissant au quart de tour, donnant des coups sans attendre la moindre explication.

Son impulsivité conduit à des conflits entre les écoles. Elle accuse Wong Fei-hung d’avoir blessé son frère et court l’affronter. Les films de Liu Chia-liang sont dénués de personnages féminins et celui de Martial club est particulièrement épuisant. En fin de film, devant son agressivité, Wong Fei-hung demandera à Ju-ying de quitter les lieux afin de combattre loyalement San Xiong. Martial club, face aux deux Wong Fei-hung de Yuen Woo-ping, sortis quelques mois avant, pourtant pas bons (Le Héros magnifique et Tigre blanc), n’arrive jamais à vraiment être à la hauteur du personnage.

Martial club (武館, Hong Kong, 1981) Un film de Liu Chia-liang avec Gordon Liu, Kara Hui, Ku Feng, Mak Tak-law, King Lee, Johnny Wang, Jue Tit-who, Wilson Tong, Hsiao Ho, Sek Gong, Chow Siu-loi, Lam Hak-ming, Go Lai-ga, Wong Bat-ging.

dimanche 18 août 2013

Retour à la 36ème chambre


Retour à la 36ème chambre n’est pas une suite directe de La 36ème chambre de Shaolin puisque Gordon Liu n’interprète pas San De, le créateur de cette chambre qui a pour but d’initier au kung-fu les laïcs. L’acteur est Jen-jie, jeune charlatan qui se fait passer pour un moine. Sa famille a honte qu’il ne cherche pas un travail honnête. Il demande de l’argent pour restaurer le monastère. Il a le crâne rasé, porte une toge orange mais est incapable de se battre.

Pourtant la teinturerie où travaillent son grand frère Sheng (Wa Lun) et ses amis Chao (Hsiao Ho) et Hung (Kara Hui) aurait besoin d’être défendu. Dans ce second volet, les Mandchous ont fait main basse sur le patronat. Désormais, les ouvriers seront payés 20% de moins. Les rebelles risquent quelques grands coups de bâton donnés par les contremaîtres fort peu commodes. Chao a l’idée de faire passer Jen-jie pour San De pour impressionner les Mandchous.

Ce qui plait dans la première partie de Retour à la 36ème chambre est le recyclage de l’imagerie de Shaolin. Jen-jie joue le moine sans l’être. Des câbles visibles l’aident à voler, les ouvriers simulent leur chute quand Jean-jie lance sa paume contre eux. Liu Chia-liang joue sur les clichés dans un style burlesque qui doit beaucoup aux apports des concurrents de la Shaw Brothers, en l’occurrence la comédie kung-fu de la Golden Harvest. Les gags vont jusqu’au scatologique (le moine qui a la chiasse) et sont agrémentés d’une musique adéquate.

Pour Liu Chia-liang, chantre du combat d’arts martiaux pur et authentique, cette manière de se moquer de Shaolin est intéressante. Il répond, par ce moyen, à Jackie Chan ou Sammo Hung qui employaient dans leurs films des acteurs qui ne faisaient que reproduire les gestes du kung-fu (Leung Kar-yan par exemple dans Le maître intrépide). Mais cette critique est sur un ton jovial. Le cinéaste n’entend jamais faire la leçon aux jeunes acteurs. Il cherche plutôt à prouver qu’il peut jouer sur le même terrain qu’eux.

Les deux parties suivantes se concentrent sur l’apprentissage de Jen-jie puis sur la vengeance sur les Mandchous. Le héros tente de rentrer au monastère de Shaolin, là encore en se déguisant en disciple, se créant les marques de brulure crânienne avec des graines de courge et en volant un uniforme. San De (King Lee, plus rondouillard que Gordon Liu) a bien compris que Jen-jie est rentré dans la 36ème chambre par effraction. Ses premiers pas sont difficiles et pas roublardise, avec de nombreux gags, il parvient finalement à être admis.

Comme dans chaque film de Liu Chia-liang (et d’autres récits d’apprentissage du kung-fu), la discipline passe par de manière déviée. En l’occurrence, San De ordonne à Jean-jie de construire un échafaudage en bambous pour rénover le monastère (finalement, il reprend l’idée que Jen-jie avait lorsqu’il mendiait en début du film). Cette belle idée permet d’édulcorer l’habituel et fastidieux catalogue des épreuves d’apprentissage qui alourdissaient souvent ses précédents films. Jen-jie observe ainsi les moines s’entrainer sur ses bambous.

Retour à la 36ème chambre est l’un des films les plus amusants de Liu Chia-liang. Le retour dans le village natal de Jen-jie suivi de sa vengeance permet de comparer l’imagerie et les clichés avancés en début de film avec l’érudition au combat du héros dans la dernière partie. Il passe en souplesse du burlesque échevelé au sérieux absolu. Les Mandchous croit devoir se battre contre un incapable naïf et prétentieux, ils trouvent en face d’eux un expert. Là aussi, le message s’adresse à ses concurrents tant la fluidité des chorégraphies ravit.

Retour à la 36ème chambre (Return to the 36th chamber, 少林搭棚大師, Hong Kong, 1980) Un film de Liu Chia-liang avec Gordon Liu, Kara Hui, Hsiao Ho, Dang Wai-ho, Wong Ching-ho, Wa Lun, King Lee, Yau Chui-ling, Chan Si-gaai, Sek Gong, Kwan Yung-moon, Yeung Jing-jing, Johnny Wang, Chiang Tao, Chang Yi-tao.

vendredi 16 août 2013

Shaolin contre Ninja


Après le monastère de Shaolin (La 36ème chambre de Shaolin) et la cour de l’Empereur (La Mante religieuse) le troisième film de Liu Chia-liang sorti en 1978 délaisse la Chine historique pour le début du 20ème siècle. Shaolin contre Ninja est d’abord une comédie sur le mariage entre la Chine et le Japon. Plus précisément, entre He Tao (Gordon Liu), jeune homme moderne, et Yumiko (Mizuno Yuko), fille d’un homme d’affaires qui commerce avec le père de He Tao. Ce dernier n’a pas revu la jeune femme depuis leur enfance, il imagine qu’elle ne doit pas être jolie et est près de refuser ce mariage arrangé depuis des années. Devant la beauté de Yumiko, les noces sont célébrées dans la plus pure tradition chinoise, ou presque car la mariée s’habille en blanc (couleur de la robe de noces au Japon mais celle des funérailles en Chine), ce qui ne manque de provoquer parmi certaines invitées des commentaires acerbes.

Leur vie commune commence et on se croirait à certains moments plongés dans une de ces comédies matrimoniales chères à Ernst Lubitsch où les deux époux, mariés trop vite, ne cesse ensuite de se disputer. En l’occurrence, la jeune japonaise est adepte des arts martiaux de son pays et décide de s’entrainer dans son nouveau foyer. Le film prend rapidement un tour burlesque quand Yumiko détruit les statuts et les murs du jardin. Lau-shun (Chang Kang-yeh), le valet de la famille maladroit et encombrant croit que He Tao bat sa femme, à cause des cris qu’elle pousse pendant son entrainement. Mais c’est Yumiko qui commence à dominer la maisonnée et à affoler ce même serviteur quand sa tunique de karaté laisse entrevoir sa poitrine. Le couple ne se dispute pas en s’envoyant des assiettes, comme dans un film américain des années 1930, mais à coups de sabres, lances et de poing, le tout non sans une bonne pointe d’humour.

En creux de cette dispute, la comparaison des différents arts martiaux chinois et japonais. Elle pratique le karaté, le judo ou le kendo et les juge supérieurs au kung-fu. Il rétorque que ce qui compte n’est pas la force et la férocité, mais la voie de la sagesse inspirée de Shaolin. Liu Chia-liang se garde bien de prendre parti frontalement renvoyant la plupart du temps ses deux personnages dos à dos. Il les montre à la fois immature et impulsifs, incapables de s’entendre et de comprendre que les différents écoles de combat pourraient s’entendre plutôt que se combattre. Chacun vante ses arts martiaux et dénigre ceux de l’autre. Ces disputes à répétition provoquent le retour au Japon de la jeune mariée. Dépité, car malgré tout amoureux, mais aussi blessé dans son orgueil, He Tao suit les malheureux conseils de son serviteur et lui expédie une lettre de défi. Il espère ainsi qu’elle reviendra au foyer et que tout reviendra à la normale.

La deuxième partie de Shaolin contre Ninja est plus classique que la comédie matrimoniale et aborde les oppositions entre les arts martiaux chinois et japonais. La lettre de défi provoque la colère de Takeno (Yasuaki Kurata), ninja qui s’est entrainé avec Yumiko depuis leur enfance. Avec son sensei et six autres ninjas, ils partent en Chine affronter He Tao et laver leur honneur. Chacun est spécialiste d’une discipline : karaté, judo, kendo, sabre, nunchaku et lance. Comme souvent dans les films de Liu Chia-liang, les combats se suivent de manière un peu monotone. Ici, il les ponctue d’un peu d’humour (un combattant a un tic visuel), de trouvailles visuelles (les épouvantails dans le dernier combat). Le meilleur consiste en l’apparition de Liu Chia-liang du maitre du kung-fu ivre où He Tao imite chacun de ses gestes. Encore une fois, Liu Chia-liang souligne que le kung-fu et les arts martiaux chinois sont avant tout une histoire de transmission entre le sifu et le disciple.

Shaolin contre Ninja (Heroes of the East, 中華丈夫, Hong Kong, 1978) Un film de Liu Chia-liang avec Gordon Liu, Mizuno Yuko, Cheng Kang-yeh, Cheng Miu, Yasuaki Kurata, Kato Naozo, Harada Riki, Sumi Tetsu, Shirai Manabu, Yana Nobuo, Nakazaki Yasutaka, Omae Hitoshi, Liu Chia-liang, Norman Chu, Wong Bat-ging, Ou-yang Sha-fei, Simon Yuen, Chow Siu-loi.

jeudi 15 août 2013

Sorties à Hong Kong (août 2013) Unbeatable


Unbeatable (激戰, Hong Kong – Chine, 2013)
Un film de Dante Lam avec Nick Cheung, Eddie Peng, Crystal Lee, Jack Kao, Mei Ting, Patrick Keung, Andy On, Wang Bao-qiang, Li Fei-er, Michelle Lo, Liu Geng-hong. 116 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 15 août 2013.

lundi 12 août 2013

La 36ème chambre de Shaolin


Avant l’arrivée au monastère de Shaolin, la première demi-heure de La 36ème chambre de Shaolin expose le contexte dans lequel Liu Yu-de (Gordon Liu) vivait. L’action commence à Canton (Chine du sud) où la domination mandchoue (Chine du nord) se fait cruellement ressentir sur la population locale. Tian (Loh Lie), le gouverneur dirige d’une main de fer et élimine tous ses opposants. Le film débute sur l’exécution de six résistants en place publique.

Le professeur Ho mène la résistance et il convainc trois de ses étudiants, dont Liu Yu-de, de transporter des messages secrets dissimulés dans divers cachettes : un poisson salé, un abalone, produits qui entrent et sortent des enceintes de la ville. Le gouverneur et ses deux fidèles sbires s’en aperçoivent vite. Les trois étudiants, pas toujours très discrets, se font prendre sur le fait. Pour eux, une seule solution s’impose : la fuite.

Liu Yu-de, qui revêt encore ses longs cheveux en natte, et l’un de ses camarades tombent sur l’un des sbires du gouverneur. Son ami est tué mais il parvient à s’enfuir, très blessé à la jambe. Il veut rejoindre Shaolin pour apprendre le kung-fu, puis pour ensuite enseigner les arts martiaux aux cantonais soumis aux Mandchous, afin qu’ils se défendent. Un aubergiste, le voyant déliquescent, le cache sur la charrette des moines venus acheter légumes et riz. A Shaolin, il aura le crâne rasé surmonté de six marques rondes.

Liu parvient à convaincre le moine supérieur de rester à Shaolin, lieu entièrement peuplé d’hommes. Il se voit donner le nom de San De. La première année, il se contente de balayer inlassablement les feuilles qui jonchent le sol. Puis, il ose un jour demander quand il pourra apprendre le kung-fu. Un moine lui répond ironiquement qu’il n’avait jamais demandé à apprendre les arts martiaux depuis son arrivée. L’apprentissage peut enfin commencer. Et bien entendu, San De, toujours trop pressé, veut débuter par le niveau supérieur. Il échoue et doit commencer au bas de l’échelle, par la 35ème chambre.

Plus de quarante minutes de La 36ème chambre de Shaolin sont consacrées à cet apprentissage. Pour aller à la cantine, les moines doivent enjamber un bassin d’eau sans y tomber pour apprendre l’équilibre. Pour avoir de bons bras, ils doivent porter des baquets d’eau. Pour sculpter leurs poignets, ils tiennent un marteau pour frapper un gong au rythme des prières des moines. Evidemment, San De brille d’abord par son incompétence, sa maladresse et son impatience développées sur un mode comique. Ces gestes qu’il va répéter pendant des années vont faire de lui l’un des meilleurs disciples du monastère.

Tous les autres disciples resteront à l’état de simples figurants, le film se contente de suivre San De dans son apprentissage. Seuls quelques moines se détachent dans les seconds rôles. Le film passe d’une chambre de Shaolin à l’autre, c'est-à-dire d’une discipline à une autre. L’enseignant de chaque discipline constate d’abord la nullité de San De. Il pousse le disciple à se surpasser et, avec un sourire complice, remarque qu’il a la maitrise de l’art martial. L’impression globale est un peu celle d’un long catalogue répétitif. Quand il arrive à la première chambre, plus aucun autre élève ne se trouve avec San De.

L’apprentissage est progressif, chaque aptitude acquise pour se battre sera utilisée dans sa vengeance contre le gouverneur mandchoue, une fois revenue dans sa ville d’origine. Ce n’est que dans cette partie que Liu Chia-liang met en scène des combats filmés en longs plans où la caméra suit les adversaires. Cette vengeance, à laquelle participe quelques jeunes gens qu’il recrute pour la bonne cause, est la plus réussie du film. San De peut ensuite enfin fonder sa propre chambre de Shaolin où il enseignera le kung-fu, ce sera la 36ème chambre.

La 36ème chambe de Shaolin (The 36th chamber of Shaolin, 少林卅六房, Hong Kong, 1978) Un film de Liu Chia-liang avec Gordon Liu, Lo Lieh, John Cheung, Wilson Tong, Wa Lun, Hon Gwok-choi, Lau Kar-wing, Wai Wang, Chan Si-gaai, Wong Ching-ho, Woo Wang-daat, Lee Hoi-sang, Henry Yu, Ng Hong-sang, Norman Chu, Wong Yu, Wong Bat-ging.

dimanche 11 août 2013

Four chefs and a feast


Le plus grand souhait de Monsieur Lee (Sohung Lung), vieux millionnaire excentrique est de pouvoir déguster l’un des plus fameux plats de son enfance : le « Quatre Familles Heureuses ». Ce mets composé de poulet mariné à la cerise avait été servi la dernière fois en 1945 pour un banquet de la victoire de la Chine sur le Japon. Le plat, dernier des treize qui composait le repas, a été préparé par le restaurant des trois chefs May, Lone et Chun. Cinquante ans plus tard, Lee cherche à retrouver la saveur et le goût de jadis et réunit les descendants des cuisiniers.

De retour à Taïwan, May Fa (Jacklyn Wu) se remet difficilement que sa sœur jumelle soit tombée enceinte de son petit ami. Elle décide donc d’accepter l’invitation. A Hong Kong, Lone (Jordan Chan), vendeur de boulettes de poisson dans une petite boutique est obligé de fermer car il n’a plus d’argent pour payer le loyer. Ils se rendent à Shanghai chez Chun (Chin Shih-chieh) qui vit sur la réputation du restaurant May, Lone et Chun. Ce sont ainsi les spécialités culinaires des trois Chine qui se trouvent réunies pour retrouver la recette de ce plat fameux.

Les caractères des personnages sont tous opposés. Chun est un vieux célibataire qui vit avec sa sœur. Son seul but dans la vie est de cuisiner. C’est un homme doux mais velléitaire. Lone est au contraire un jeune chien fou qui drague, sans succès, toutes les filles qu’il rencontre. Jordan Chan excelle dans ce rôle d’homme immature. May subit une déception amoureuse et fait désormais une allergie aux nouilles à la sauce au sésame, plat favori de son ex et de sa sœur jumelle. Ensemble, ils vont combattre leurs démons intérieurs, chasser leur faiblesse et s’apprivoiser pour cuisiner main dans la main.

Le vieux monsieur Lee ne va pas leur faciliter la tâche en gardant quelques secrets sur lui-même. Les trois héros vont découvrir bien plus tard que le spectateur (grâce à un flash-back en ouverture de film) qu’il a été présent lors de ce banquet de la victoire. Ce personnage permet d’apporter un peu d’humour à Four chefs and a feast (la scène où ils doivent reconnaitre les saveurs des sauces), film qui n’a pas l’énergie du Festin chinois de Tsui Hark et de Salé sucré d’Ang Lee (où jouait Sihung Lung). Cependant, c’est encore une fois un régal de voir tous ces jolis plats concoctés par ces quatre chefs pour cette consensuelle comédie du nouvel an 1999.

Four chefs and a feast (四個廚師一圍菜, Hong Kong, 1999) Un film de Lee Kwok-lap avec Jordan Chan, Jacklyn Wu, Chin Shih-chieh, Sihung Lung, Wayne Lai, Ma Li-li, Chiu Yan-jun, Wong Yue-man, O Sing-pui, Yeow Ying-ying, Chan Kwok-bong, Moses Chan, Cheng Pei-pei, Ruby Siu.

jeudi 8 août 2013

Sorties à Hong Kong (août 2013) Tales from the dark 2


Tales from the dark 2 (李碧華鬼魅系列奇幻夜, Hong Kong, 2013)
Un film de Teddy Robin, Gordon Chan et Lawrence Ah Mon avec Fala Chen, Lam Ka-tung, Teddy Robin,  Mo Qiwen, Chan Yiu-wing, Sham Ka-ki, Lai Hon-chi, Vincent Wan, Kelvin Kwan, Cheung Kwok-keung, Siu Yam-yam. 90 minutes. Classé Catégorie III. Sortie à Hong Kong : 8 août 2013.

Sorties à Hong Kong (août 2013) The Way we dance


The Way we dance (狂舞派, Hong Kong, 2013)
Un film d’Adam Wong avec Cherry Ngan, Lokman Yeung, Choi Hon-yik, Paul Wong, Tommy Ly. 110 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 8 août 2013.

mercredi 7 août 2013

Young lovers on flying wheels


Parmi les centaines de films produits ou distribués par la Shaw Brothers, on trouve des films sociaux censés causer de la jeunesse de Hong Kong. En 1974, l’acteur Ti Lung a réalisé Young lovers on flying wheels. Il incarne le premier rôle, Song Da, un jeune homme qui a trois passions : les filles, le kung-fu et la moto. Sa petite amie Ye Wei (Got Dik-wa) en a plus qu’assez de se déplacer dans les bus bondés pour aller retrouver Song Da ; la promiscuité, l’impolitesse des passagers, les hommes qui la regardent de trop près, la dégoûtent. Faut dire que Ye Wei est plutôt une jolie fille qui s’habille à la mode.

La solution serait que son mec achète une moto. Mais une moto ça coûte très cher et il n’a pas de boulot stable. Song Da vit seul dans un appartement dont les murs sont couverts de posters de moto. Chaque jour il passe devant le concessionnaire de motos tandis qu’il se rend à ses leçons de kung-fu. Parce que Ti Lung était une star de la compagnie à l’époque, il se met en valeur dans son propre film, apparaissant torse nu lors des entrainements de kung-fu (mis en scène par Liu Chia-liang et Law Kar-wing). Il s’agit de s’attirer non seulement le public masculin alléché par cette histoire de moto et féminin venu voir le corps sculptural de Ti Lung.

L’espoir renait quand un concours de kung-fu est lancé. Premier prix : une moto. Il s’inscrit parce qu’il est sûr de gagner. Mais il arrive deuxième et ne remporte qu’un casque. C’est déjà un début mais pas suffisant. Solution : travailler dur. Au bout de quelques semaines de boulot dans une banque et après avoir emprunté de l’argent à un usurier, il réussit à avoir la moitié de la somme. Il peut acheter à crédit sa moto. Sa copine est ravie. Le bus, c’est fini. Sang Do peut enfin frimer sur sa moto sauf qu’il ne sait pas encore la conduire et il se plante dans le décor. La jeunesse est tellement impatiente et impétueuse.

Tout était trop beau pour être vrai. Lors de son premier trajet, Song Da est pris à partie par une bande de motards qui le défie. Il se fait tabasser. Sa copine le quitte pour un autre motard. Enfin, comble du malheur, deux voleurs (Dean Shek et Lee Hoi-sang) lui piquent sa moto. La police ne fait pas beaucoup d’efforts pour retrouver les truands. Du coup, Song Da fait seul des recherches, s’absente de son travail et manque de se faire virer. Conclusion, il n’a plus assez d’argent pour rembourser l’usurier qui devient menaçant. Ça fait beaucoup pour un seul et beaucoup pour un seul film.

Toute la dernière partie de Young lovers on flying wheels sera consacrée à la résolution des soucis du héros qui a le cœur sur la main. Cette plongée en enfer, ultra caricaturale, va s’améliorer avec la rencontre de Yumei (Ching Hoh-wai), une gentille jeune femme qui est à l’opposé de son ex : modeste, simple et aimable. Mais un douloureux souvenir plombe sa relation : sa grande sœur est morte dans un accident de moto. Mais la rédemption est proche et le message global du film est de ne pas brûler les chandelles par les deux bouts. Il vaut mieux rester soi-même plutôt que chercher à en mettre plein la vue. Un bien beau message pour la jeunesse

Young lovers on flying wheels (Hong Kong, 電單車, 1974) Un film de Ti Lung avec Ti Lung, Ching Hoh-wai, Got Dik-wa, Chiang Nan, Dean Shek, Lee Hoi-sang, Lam Fai-wong, Wong Ching, Lee Man-tai, Lau Mei-fung, Gam Lau, Man Sau, Law Keung, Wong Chi-keung, Yuen Shun-yi.

lundi 5 août 2013

Ip Man, the final fight


Cinquième film sur Ip Man, sorti près de trois mois après The Grandmaster de Wong Kar-wai, Ip Man, the final fight suit les années du maître des arts martiaux à Hong Kong où il débarque seul et sans le sou en 1950. Herman Yau avait évoqué la jeunesse du personnage dans La Légende est née, Ip Man avec Dennis To dans le rôle titre. C’est désormais Anthony Wong qui incarne Ip Man à la fin de sa vie. Il mène un train de vie modeste dans un petit appartement où il vit avec son fils Chun. En ouverture du film, Chun signale qu’un de ses anciens disciples (dont le nom n’est pas prononcé mais on a reconnu Bruce Lee), fait une démonstration de Wing Chun à la télé. Ip Man continuera d’arroser ses plantes sur le balcon, ne détournera pas la tête. Le film commence donc en 1971 et le fils, en voix off dans un long flashback, devient narrateur de la vie de son père.

Exilé, il doit trouver un logement. Il lui sera fourni par Leung Sheung (Timmy Hung, le fils de Sammo) qui, décide de devenir son disciple. Il sera accepté après un superbe combat dans le salon entre les deux hommes. Ip Man pose un journal sur le sol et se place dessus. Si Leung Sheung peut déloger Ip Man, il deviendra son élève. Le combat est très simple, corps à corps entre les deux hommes, échanges de coups de bras filmés sans esbroufe par Herman Yau. Ip Ma, the final fight ne cherche pas à chorégraphier à outrance, contrairement aux films de Wilson Yip et de Wong Kar-wai. Anthony Wong a son âge (52 ans au moment du tournage) et il serait ridicule de le voir sauter sur des tables ou des rondins de bois pour affronter ses adversaires. L’objectif est de rendre son parcours le plus réaliste possible et d’effacer l’héroïsme et le romantisme.

Il devient donc un simple professeur d’arts martiaux, installé sur le toit de l’immeuble. Ses élèves viennent de différents milieux et ont diverses raisons d’apprendre le Wing Chun. Jordan Chan est Tang Sing, un modeste policier qui espère monter en grade sans se corrompre. Gillian Chung est Chan Sei-mui qui épousera Wong Tung (Chow Ting-yu), qui fera des combats de boxe clandestins pour gagner de l’argent. Jiang Luxia est Lee King. Tous ont des problèmes qu’ils tentent de résoudre avec les leçons du maître. Mais parfois, leur impulsivité et leur manque de discipline les font détourner de la vision strictement défensive qu’Ip Man a des arts martiaux. Ils les grondent comme des enfants quand ils se battent après avoir perdu aux jeux de hasard. Le film décrit avec détails la vie à Hong Kong dans les années 1950, la pauvreté, la précarité et la répression d’une grève par les Britanniques.

Les soucis d’Ip Man ne sont pas oubliés. Il a laissé son épouse Wing Sing (Anita Yuen) et son fils en Chine. Elle pourra faire un séjour à Hong Kong puis retournera en Chine chercher leur fils. Jamais Ip Man n’aura l’occasion de revoir sa femme. Mais jamais il ne s’énervera, ne se plaindra de son sort, montrant bien la différence avec ses disciples toujours à râler. La grande compassion du maître sera mise en avant par ses rapports avec Miss Jenny (Zhou Chouchou), une chanteuse de cabaret, toujours vêtue de superbes robes colorées. Il se prend de sympathie pour cette femme que tous ses élèves méprisent compte tenu de sa profession. La tension et la rancœur sont palpables lors d’un repas d’anniversaire où personne n’adresse la parole à Jenny. Personne ne semble avoir retenu les leçons prodiguées par Ip Man.

Il faut également évoquer les adversaires d’Ip Man. L’un est son alter ego. Eric Tsang incarne Ng Chung, un maître d’une école concurrente d’arts martiaux. Dix ans après Infernal affairs, il est amusant de retrouver le duo d’acteurs et de les voir combattre comme s’ils étaient de jeunes gens. C’est aussi plaisant de revoir Hung Yan-yan dans un rôle de méchant balafré. Il est Dragon, le chef d’un quartier où toutes les lois sont bafouées, où la police ne rentre pas et où les combats de boxe illégaux sont organisés. Il tente, avec l’aide de Tang Sing, désormais passé dans le camp des policiers corrompus, de truquer une parade du dragon en faisant affronter son bras droit (Ken Lo) et Ng Chung. Ce dernier recevra le soutien d’Ip Man malgré leurs différents.

Ce qui plait et séduit le plus dans Ip Man, the final fight est la modestie du projet. La volonté d’Herman Yau, de sa scénariste Erica Li et des chorégraphes des combats Li Chung-chi et Sin Kwok-lam (le premier a commencé avec Jackie Chan, le second a travaillé sur La Légende est née, Ip Man et Qiu Jin, la guerrière) est de ne jamais séparer les moments de bravoure du quotidien des personnages. Inutile de préciser que les acteurs sont tous magnifiques. Malgré un aspect un peu théâtral, le film gagne ainsi en équilibre et en cohérence, laissant de côté les écueils vus dans les autres Ip Man, le nationalisme rance chez Wilson Yip et l’esthétisation à outrance chez Wong Kar-wai. Herman Yau décrit une personnalité débarrassée de la légende pour mieux réécrire la légende. C’est un tour de force de cinéma.

Ip Man, the final fight (葉問終極一戰, Hong Kong, 2013) Un film d’Herman Yau avec Anthony Wong, Anita Yuen, Eric Tsang, Gillian Chung, Jordan Chan, Jiang Lu-xia, Timmy Hung, Zhou Dingyu, Rose Chan, Hung Yan-yan, Liu Kai-chi, Ken Lo, Wong Cho-lam, Yip Chun, Kevin Cheng.

dimanche 4 août 2013

Les Sept vampires d'or


« Entièrement tourné en décors à Hong Kong », annonce fièrement le générique des Sept vampires d’or. Le film commence pourtant en Transylvanie, en toute logique. En 1804, un moine chinois (Chan Shen) se rend au château du comte Dracula pour lui demander de l’aide. Dracula (John Forbes-Robertson) sort de son cercueil en se levant tel Nosferatu, sa cape bien repassée et le visage vert comme un déterré. Le moine souhaite faire revenir sept vampires chinois. Il raconte en cantonais que seul Dracula peut faire revivre cette légende ancestrale des vampires d’or. C’est alors que le comte, dans un effet spécial d’une beauté étourdissante (un peu de fumée qui sort du sol et deux chauves souris en plastic qui volent), intègre le corps du moine pour accomplir cette mission funeste.


Un siècle plus tard, en Chine, le professeur Van Helsing (Peter Cushing, car le film est une co-production entre la Hammer et la Shaw Brothers) fait une conférence devant des étudiants chinois. Tous se moquent de lui après qu’il ait raconté une histoire située bien des décennies auparavant. Flashback qui débute avec l’image qui se floute. Dans un village chinois, sept vampires portant un masque d’or et un pendentif en forme de chauve souris qui leur descend au nombril font des razzias de jeunes filles qu’ils sacrifient. Attachées nues (ce qui permet de faire un soupçon d’érotisme à peu de frais), les vampires boivent leur sang. Seul un villageois a tenté de s’opposer à eux, tue un vampire, s’empare de son pendentif et le dépose sur une statue de Bouddha.


Aucun étudiant n’apporte son aide sauf Hsi Ching (David Chiang, à l’anglais un peu difficile, car tout le film parle anglais) lui viendra en aide. Il se trouve, par le plus grand des hasards, être le petit-fils de ce villageois. Eliminer les vampires d’or est sa mission. Il veut se venger. Une équipe est formée pour partir dans le village. Hsi Ching sera entouré de six hommes forts qui sauront se battre (dont Lau Kar-wing, le frère de Liu Chia-liang, par ailleurs chorégraphe des combats et que l’on aperçoit dans le flashback situé dans le village. Aucun de ces acteurs hongkongais n’aura la moindre ligne de dialogue) et de la belle Mai (Shih Szu), la sœur de Ching. Le fils de Van Helsing (Robin Stewart), tombera amoureux de Mai, car il ne faut pas oublier de faire un peu de romance, sera de la partie ainsi que Vanessa Buren (Julie Ege), une mondaine suédoise. Elle tombera amoureuse de Hsi Ching.


Le scénario des Sept vampires d’or est truffé de poncifs sur les vampires et d’incohérences narratives. Van Helsing affirme qu’en occident, Dracula a peur des crucifix et qu’en orient, les vampires seront, logiquement, effrayés par des statues de Bouddha. Le film adopte un ton européen qui sera, quelques années plus tard, largement démenti et contredit par la vogue des kung fu ghost comedies chères à Sammo Hung et Wu Ma. Là, se seront les prêtres taoïstes armés de talismans qui feront reculer les vampires. Dans Les Sept vampires d’or, les revenants, tous squelettiques quand ils sortent de terre, ne sautent pas encore comme dans L’Exorciste chinois ou Mr. Vampire. Le film n’invente jamais une forme chinoise des vampires, il ne fait que reproduire la forme européenne.


Ce qui fait le grain de sel du film, ce sont donc ces revenants. Ils sont incarnés par des acteurs grimés avec un épais maquillage et porte un masque doré qui leur couvre les yeux. Ils grognent quand ils se battent. Et ils se battent tels des pratiquants de kung-fu, ce qui n’est pas vraiment le cas des acteurs anglais Quand ils sont éliminés avec un pieu dans le cœur, ils se transforment en une sorte de flasque visqueuse qui se repend sur le sol. Les effets spéciaux sont très bricolés, souvent image par image, donnant au film une facture bricolée plutôt agréable à regarder. Quant à l’armée des morts que réveille le moine Dracula grâce à un gong, elle est composée de figurants déguisés en squelettes qui sortent des tombeaux. Rien de tout cela n’est vraiment effrayant et l’ensemble est déclamé avec le plus grand sérieux, ce qui autorise quelques moments décalés où l’on peut sourire avec bienveillance.

Les Sept Vampires d'or (The Legend of the Seven Golden Vampires, 七金屍, Grande-Bretagne – Hong Kong, 1974) Un film de Roy Ward Baker avec Peter Cushing, David Chiang, Robin Stewart, John Forbes-Robertson, Robert Hanna, Chan Shen, James Ma, Lau Kar-wing, Feng Ko-an, Chen Tien-lung, Julie Ege, Shih Szu, Wong Han Chan.