vendredi 30 mars 2012

Qiu Jin, la guerrière



Le destin de Qiu Jin (Chystal Huang) se scelle dès son enfance quand sa tante veut bander ses pieds comme la tradition chinoise l’exigeait encore à la fin du 19ème siècle. L’enfant qu’elle était refuse, tout net, s’enfuit et va demander à son père pourquoi les filles n’ont pas le droit d’apprendre quoi que ce soit, pourquoi elles doivent obéir aux hommes et pourquoi elles sont considérées comme inférieures ? Qiu Jin recevra une éducation, elle apprendra à lire et écrire, à se servir d’un sabre, à monter à cheval. L’enfant grandit tandis qu’au fil des années, au rythme de cartons informatifs, la Chine devient la colonie des occidentaux, sans que jamais les libertés ne changent.

Le récit de la vie de Qiu Jin sera édifiant, dans la lignée de ces films biographiques sur des personnages réels que les coproductions sino-hongkongaises de ces trois dernières années (les Ip ManBodyguards and assassins pour ne parler que des meilleurs). Qiu Jin, la guerrière évoque donc les premiers pas de la libération de la femme sous une Chine encore impériale et gangrénée par les occidentaux. Qiu Jin a été décapitée en 1907 après un procès expéditif par un tribunal inique mené par le magistrat Li (Anthony Wong) et deux procureurs à charge (Lam Suet et Hung Yan-yan). Le destin funeste de l’héroïne chinoise est connu et le film, habilement, montre ce procès au présent et revient régulièrement en flash-back sur les moments clé de sa vie.

Deux femmes marquent le parcours de Qiu Jin. Fusheng est sa fidèle suivante. Muette, elle l’a rencontrée dans un restaurant où elle était l’esclave des aubergistes. Attachée, elle était battue, insultée et moins bien traitée qu’un chien. Qiu Jin la rachète et Fusheng deviendra, pour dire la vérité, plus qu’une servante, une confidente. Cela montre aussi le poids immense de la féodalité dans les mœurs de l’époque. L’autre femme est d’une classe sociale élevée. Wu Zhiying (Pat Ha) est la voisine de Qiu Jin qui l’aide à soigner son enfant un soir où il est malade. Elles partagent la même passion pour la littérature féministe. A son côté, elle va commencer à s’habiller en homme au risque d’être totalement déconsidérée voire rejetée. Qiu Jun prend alors la décision de partir au Japon pour étudier.

Elle rencontre alors Xu Xilin (Dennis To), le charismatique leader des étudiants révolutionnaires. Jeune intellectuel, il partage beaucoup de points en communs avec elle. Le film n’ébauche pas de romance entre eux, préférant appuyer les liens intellectuels plutôt qu’amoureux. Ces rapports sont comparés à ceux que Qiu Jin entretient avec son époux choisi pour elle par sa famille, comme la tradition l’exigeait. On voit le mari (Kevin Cheng) ne pas sortir de sa partie de mahjong quand il apprend que sa femme lui a donné une fille, ne pas comprendre son goût pour le progrès. L’époux est désigné comme un homme de l’ancien temps. Xu Xilin est au contraire un révolutionnaire et avec Qiu Jin, ils vont tenter de mener un coup d’état. On retrouvera la célèbre image de Qiu Jin sabre à la main, telle que l’iconographie l’a transmise depuis un peu plus d’un siècle.

Cela ramène donc au trio de mandarins. Lam Suet joue, comme souvent, le traitre, celui qui n’a pas d’avis et qui change de camp en fonction du vent. Hung Yan-yan est le redoutable magistrat qui veut en découdre avec ces révolutionnaires, il est le plus violent des trois magistrats. C’est aussi à lui qu’est dévolu les combats d’une belle efficacité. Il se bat contre Chrystal Huang et Dennis To) et on a l’impression de revivre les beaux temps des chorégraphies rapides et amples. Enfin, Anthony Wong est le seul à comprendre que la Chine est en train de changer d’époque. Il fait tout ce qu’il peut pour que l’héroïne ne soit pas décapitée. Comme le dit l’épitaphe du film, son action n’a pas été reconnue à l’époque, mais ses traces en sont encore visibles. Herman Yau évite, et c’est une bonne chose, les habituels écueils du genre et ne sombre ni dans le nationalisme béat ni dans la xénophobie anti-occidentale. C’est suffisamment rare pour le signaler.

Qiu Jin, la guerrière (The Woman knight of mirror lake, 競雄女俠秋瑾, Hong Kong – Chine, 2011) Un film de Herman Yau avec Dennis To, Crystal Huang, Anthony Wong, Rose Chan, Kevin Cheng, Pat Ha, Lam Suet, Hung Yan-yan, Wong You-nam, Chiu Tien-you, Lau Siu-Ming.

jeudi 29 mars 2012

Sorties à Hong Kong (mars 2012)

Love in the buff (春嬌與志明, Hong Kong, 2011)
Un film de Pang Ho-cheung avec Miriam Yeung, Shawn Yue, Xu Zheng, Yang Mi, Huang Xiao-ming, Roy Szeto, Vincent Kok, Isabel Chan, Jim Chim, Mia Yam, Derek Tsang. 103 minutes. Classé Catégorie III. Sortie à Hong Kong : 29 mars 2012.

mercredi 28 mars 2012

A-1 Headline


Quelques heures avant sa mort, Peter téléphonait à sa petite amie et collègue de travail Elaine (Angelica Lee) pour lui parler du scoop qu’il espérait pourvoir mettre en gros titres. Ils sont tous deux journalistes, lui politique, elle de mode. Elle conseille toute la rédaction sur les derniers produits et dépense beaucoup d’argent en vêtements, accessoires et nouvelle technologie. La conséquence directe est qu’elle emprunte de l’argent, qu’elle a des dettes et qu’elle doit les rembourser. Et c’est Fei (Anthony Wong), fidèlement accompagné de Ma (Eric Kot vieilli par la tonsure de son crâne) qui récupère les dettes pour son patron. A Hong Kong, tout le monde a des dettes et même les flics (comme le montre la scène d’ouverture), même Fei doit de l’argent.

Elaine est un peu perturbée. Fei la suit en voiture et décide de la conduire en ville. Elle est allée voir le lieu de l’accident de son copain, mais assez vite, Fei prétend que ce ne serait pas un accident, que ce dernier coup de fil dédaigné par Elaine. Elle veut enquêter et doit convaincre le rédacteur en chef de son journal, Tsang (Tony Leung Ka-fai). Kevin, le jeune photographe (Edison Chen) sera de la partie. Ils vont mener des investigations contre l’avis du patron du journal et celui la police. Cela irrite Tony (Lam Ka-tung), commissaire chargé de l’enquête qui a conclu à l’accident de moto due à l’ivresse. Et puis, il y a cette femme trouvée morte, des indices indiquent que ce serait la maîtresse de Sean Cheung (Chan San-chung), magnat qui compte acheter des parts dans le journal d’Elaine.

Fei va se montrer très protecteur envers Elaine. Et il fait bien parce qu’on cherche à l’éliminer physiquement : poursuite en voiture, incendie d’une cabane où elle se trouve pour un rendez-vous avec un indic. Elaine met un peu de temps à comprendre qu’on lui en veut. Le personnage d’Angelica Lee semble constamment hébété, dans un flottement concernant ses réactions. A-1 Headline prend son temps pour développer son récit, le rythme est lent et ne se concentre sur aucun motif de l’histoire en particulier. L’enquête avance à tâtons à coup de révélations sur cette double mort : soudain des preuves apparaissent dans l’appartement du mannequin maîtresse de Sean Cheung ; des vidéos de surveillance de Peter disparaissent. Et puis surtout, il y a des soupçons de corruption de la police, des manipulations du nouveau patron, des embarras de Tsang concernant tous ces révélations.

A vrai dire, tout cela n’est pas très intéressant. Comme souvent dans ce genre de films, les scénaristes donnent beaucoup trop d’éléments, se perdent dans les fausses pistes pour relancer un scénario sans réelle nécessité. Le film a suffisamment de personnages pour intéresser sans avoir recours à ces nombreux twists. Ce qu’on remarque, c’est que tous sont célibataires, solitaires et que cela est l’un des raisons qui les poussent à aller si loin dans cette enquête. Tsang, le directeur du journal, campé par un Tony Leung Ka-fai magistral, change de vêtements (passer du bleu de travail au nœud pap) comme d’attitude (le patron directif devient soudain obséquieux). C’est encore une fois Anthony Wong qui épate le plus avec un jeu tout en retenue (au diapason du film) mais qui domine allégrement toute le casting, son comparse Eric Kot, sidekick comique idéal, Lam Ka-tung son ancien collègue triste de leur amitié au point mort, Edison Chen qui découvre ses chances auprès d’Elaine disparaitre au gré du rapprochement avec Fei. Car A-1 Headline a la bonne idée de ne pas appuyer une éventuelle romance mais de montrer Fei plutôt comme un père putatif d’Elaine. Finalement, moins qu’un film policier, c’est un film sur la solitude.

A-1 Headline (A-1頭條, Hong Kong, 2004) Un film de Gordon Chan et Chung Kai-cheong avec Angelica Lee, Anthony Wong, Edison Chen, Eric Kot, Lam Ka-tung, Tony Leung Ka-fai, Lo Wai-luk, Chan San-chung, Wong Siu-yin, Miao Chang-jun, Chan Siu-wan, Dante Lam.

dimanche 25 mars 2012

Cat and mouse


Tout le monde s’ennuie à la cour de l’empereur. Et en premier lieu, le sabreur Zhan (Andy Lau), bras droit du juge impérial Bao (Anthony Wong). Aucune plainte, aucun procès, aucun jugement. Et pourtant, Zhan a bien quelques soupçons sur des magistrats corrompus. Le seul acte qu’il a le droit de faire est de découper avec son sabre la peau du rhinocéros apporté par une vieille femme à moitié folle. L’ennui va pousser Zhan à prendre quelques jours de repos. Incognito, il découvre qu’il se fait brocarder par un homme Chan (Wong Yat-fei) qui se vante d’exploits jamais accomplis contre lui. Frère Bai (Cecilia Cheung) lui rabat le claquet, sous le regard intrigué de Zhan, qui se demande qui est cet homme.

Bai n’est bien sûr pas un homme puisque c’est la belle Cecilia Cheung qui le joue. Mais elle est, sans habileté, déguisée avec une fine moustache et un brin de barbe, histoire de parodier certains wu xia pian où les actrices se faisaient passer pour des hommes (L’Hirondelle d’or par exemple). Variation de Robin des Bois, Bai est à la tête d’une bande de joyeux lurons, appelée les Cinq Souris, dans laquelle on reconnait Chapman To et Lam Tze-chung, inventeurs d’armes plus redoutables les unes que les autres. Cat and mouse joue sur les anachronismes : les deux hommes fabriquent un bazooka, Bai salue les gens comme un rappeur. La bande est engagée par Pang (Ng Yuet), un homme riche mais corrompu, pour supprimer Bao qui risque de mettre le nez dans ses affaires.

Si Bai est la souris, Zhan est le chat. Par un malheureux concours de circonstance, il se retrouve à devoir être le gardien du gros chat de l’impératrice, une amie proche de Pang. Un jeu du chat et de la souris va s’engager entre eux deux. Cela ravit les deux personnages qui vont avoir un peu d’action et devoir choisir leur camp. Bai doit supprimer le patron de Zhan mais elle succombe au charme du sabreur. Seulement voilà, il a été fiancé à la Hua (Li Bing-bing), la sœur adoptive du prince royal (Guo Dong-ling). Or, ce dernier complote contre l’empereur (Cheung Tat-ming). Les complots s’accumulent, les histoires d’amour se compliquent. Zhan réussit grâce à son charme à retourner la situation et à mettre de son côté les bande des Cinq Souris et là, il découvre que Bai est une femme.

Cat and mouse provoque parfois le sourire. Cheung Tat-ming, dans son rôle d’empereur, est dans un registre de grand naïf qui ne se rend jamais compte que tout le monde abuse de sa gentillesse, surtout l’impératrice parfaite en sale chipie. Chapman To et Lam Tze-chung explorent le burlesque des gags visuels. Leur comique est balourd : grimaces et voix forte devant les ratages qu’ils causent dans leurs actions et leurs inventions. Le personnage d’Anthony Wong repose sur la parodie du vieux sage, il caresse sa longue barbe et s’exprime comme dans un film classique, en articulant en exagérant beaucoup. L’acteur joue sur la lenteur en total contre-courant des autres interprètes, ce qui augmente sa puissance comique. C’est toujours agréable de rire mais tout cela semble avoir déjà été fait des dizaines de fois. Comme à la cour, on s'ennuie un peu. Sinon, je n’oublie pas de préciser que Cecilia Cheung se bat au sabre. Là, ce sont de bons moments.

Cat and Mouse (老鼠愛上貓, Hong Kong, 2003) Un film de Gordon Chan avec Cecilia Cheung, Andy Lau, Anthony Wong, Cheung Tat-ming, Li Bing-bing, Ng Yuet, Wong Yat-fei, Ronnie Cheung, Chapman To, Lam Tze-chung, Xie Jia-qi, Miao Hai-zhong, Cheung Wing-hong, Cui Lin, Gao Lei, Wen Yang, Cheung Kwok-yan, Guo Dong-lin.

jeudi 22 mars 2012

Taxi hunter


Les chauffeurs de taxi de Hong Kong sont vraiment de sales types. Taxi hunter le prouve par A + B. Un client veut aller quelque part, le chauffeur décide s’il si rend ou pas. Et il fixe le prix qu’il veut quelle que soit la distance. Les insultes sont monnaie courante, les clients ne sont pas libres et en sont exaspérés. Un homme déteste encore plus les chauffeurs de taxi que les autres, c’est Kin (Anthony Wong). Sa femme, enceinte, devait aller à l’hôpital pour une urgence. Le taxi a refusé de la prendre parce qu’elle saignait. Sa tunique s’est accrochée à la porte, trainant la future maman sur le bitume. Le médecin lui annonce qu’elle est morte et que le bébé ne peut être sauvé. Kin va décider de se venger et devenir le tueur des taxis.

Auparavant, le film d’Herman Yau, qui utilise Anthony Wong à son meilleur comme dans Ebola syndrome, montrera Kin comme un homme affable et discret. Vendeur d’assurance sur la vie dans une grande compagnie, il ravit son patron de ses performances. Avec sa femme, il est serviable, précautionneux. Il trouve qu’elle dépense un peu trop pour le futur bébé mais se console en disant qu’après la naissance, ils n’auront pas le temps de faire des courses. Quand elle meurt, Kin n’est plus que l’ombre de lui-même, il déprime, il se met à mal travailler. Il erre sans but dans les rues de Hong Kong et, un jour, il observe un chauffeur de taxi trop arrogant, traverse la rue et gifle l’impertinent sous les applaudissements des badauds. Kin s’est trouvé une mission et un sens à sa vie.

Il décide un soir de prendre un taxi. Le chauffeur, comme il s’y attend, est arrogant. Au bout de quelques minutes de course, Kin attrape la ceinture de sécurité, étrangle le malpoli, arrache le rétroviseur et l’enfonce dans son cœur. Rentré chez lui, Kin arbore un sourire satisfait du travail bien fait. Il recommence une deuxième fois, mais le chauffeur se défend et tabasse Kin. Ce dernier va s’armer et apprendre le maniement des armes (la seule partie comique dévolue à son personnage). Troisième chauffeur de taxi : il tombe cette fois sur un homme honnête et poli. Il ne le tue pas. Herman Yau prend pourtant le parti de Kin, il a de l’empathie pour son personnage qu’il montre juste. Il montre aussi les « victimes » des chauffeurs comme satisfaites des actes de Kin. Quatrième attaque : il abat un chauffeur qui s’apprêtait à violer sa cliente. Il va sans dire que les chauffeurs de taxi ne se sentent pas rassurer.

La police va intervenir. Par une astuce du scénario, il fait de Yu Kai-chung (Yu Rong-guang), le policier chargé de l’enquête, l’un des meilleurs amis de Kin. Jamais il ne soupçonnerait son ami de faire du mal à quiconque. Il lui faudra un bon moment pour faire le rapporchement. Chung est présenté comme une brute (mais en fait, c’est un homme droit et juste, comme Kin) et doit faire équipe avec Gao (Ng Mant-tat), dans un personnage habituel de bouffon. Là, Ng Man-tat place la barre très haute : survêtement de jeune, casquette, grimaces. On sent que son personnage burlesque n’est pas développé, qu’il est cantonné au grotesque et n’apparait que parce que sa fille (Athena Chu) est une journaliste qui enquête sur le serial killer. Taxi hunter prend alors des chemins bancals pour arriver au terme des investigations (les deux flics planqués, Gao se fera agressé). Le suspense consistant à ce que Chung ne devine pas que son ami soit le meurtrier dure un peu trop longtemps. Et finalement, l’idée que Kin rende justice lui-même, apparait comme bien déplaisante.

Taxi hunter (的士判官, Hong Kong, 1993) Un film de Herman Yau avec Anthony Wong, Yu Rong-guang, Ng Man-tat, Athena Chu, Lai Hoi-san, Chan Fai-hung, Wu Fung, Hau Woon-ling, Fan Oi-git, Mak Kai-chung, Lam Chiu-wing, Ha Chim-si.

Sorties à Hong Kong (mars 2012)

Love lifting (高舉.愛, Hong Kong, 2012)

Un film de Herman Yau avec Chapman To, Elanne Kong, Tien Niu, Xu Zheng-xi, Huang Jian-xin, Zhang Song-wen, Kung Shek-leung, Joe Cheung, Lee Fung, Terence Tsui, Lam Shing-pun. 100 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 22 mars 2012.


mardi 20 mars 2012

13 assassins


Tout comme dans Hara kiri, mort d’un samouraï, Kōji Yakusho joue le personnage principal du récit de 13 assassins – film qui le précède. Cette fois, c’est le Japon du milieu du 19ème siècle qui intéresse Takashi Miike, une période où règne Naritsugu (Gorô Inagaki), un seigneur appelé à devenir membre du conseil du shogunat. L’ouverture du film se fait sur le harakiri d’un samouraï qui entend protester contre la cruauté et la violence de Naritsugu. Quelques uns de ses pires forfaits sont décrits par le menu : le viol de la bru d’un samouraï suivi de l’embrochage de l’époux de celle-ci (qu’il traite de singe), l’asservissement sexuel de la fille d’un leader d’une révolte paysanne (il coupe la langue et les membres de celle-ci, il a tué toute sa famille, s'en sert de prostituée puis l'abandonne à son sort) ou encore la tuerie de la famille du samouraï qui ouvre la film à coups de flèches (enfants compris) montrant bien son goût de l'injustice et sa passion pour la mort.

Le conseiller à la Justice Doi (Mikijiro Hira) veut agir et l’éliminer. Il ne peut pas inculper Naritsugu, parent proche du shogun, et décide d’engager Shizaemon Shimada (Kōji Yakusho) pour accomplir cette tâche. C’est un samouraï âgé. On apprendra qu’il connait bien Kito (Masachika Ichimura), le conseiller militaire de Naritsugu, pour avoir été formé ensemble. Chacun donc connait les points faibles de l’autre. Il va recruter onze hommes, samouraïs ou ronins. Chacun aura sa spécialité. L’un se bat à la lance, d’autres sont experts dans les explosifs. Chacun aura également ses raisons pour s’engager dans cette mission suicide. L’argent, l’aventure, la haine du shogun, la rédemption (pour le neveu de Shimada). Puis, chacun va s’entrainer au maniement des armes, améliorer les techniques et préparer la stratégie pour attaquer les troupes de Naritsugu qui doit se rendre à Edo. Ce dernier représente le mal absolu, les douze mercenaires, une entité à part entière, ne sont pas le Bien, mais plutôt l’antidote au Mal.

Clairement divisé en trois parties, 13 assassins continue dans son deuxième tiers avec le status-quo entre les ennemis. Kito a eu vent de la mission de Shimada. Parce qu’il connait parfaitement son adversaire, il cherche à comprendre sa stratégie. Et inversement. Les mercenaires rongent leur frein, ne comprennent pas pourquoi ils n’attaquent pas encore. Takashi Miike fait durer le suspense, fait partir la troupe et affronter quelques menus fretins (des ronins en quête d’un peu d’argent payés par Kito). Courte bataille et passage par la forêt où ils se perdent jusqu’à être sauvé par un homme étrange, quasi sauvage mais plein de ressources, qui d’une certaine manière évoque un esprit de la forêt. Puis vient l’idée de faire un guet-apens dans le seul col où Naritsugu pourra passer avec ses soldats. Encore une fois, Shimada expose ses plans, celui de faire du hameau dans ce col un piège qui doit se refermer sur les ennemis. Ce qui fait prolonger le suspense du film est que Miike montre les mercenaires construire leur défense, faire des échafaudages mais n’en donne pas le détail.

Car la dernière partie (près de trois quarts d’heures) est entièrement consacrée à la bataille, éminent morceau de bravoure de coups et de sang, de poussière et de fumée, de haine et de morts. Le hameau se transforme en labyrinthe où il s’agit de diminuer les forces de l’armée de Naritsugu (200 hommes) et d’isoler le potentat pour en finir avec lui. Comme convenu, les soldats, figurants indéterminés, tombent comme des mouches sous les sabres et les explosions des 13 assassins. Comme convenu, un seul sortira vivant de tout cela. Mais ce qui impressionne dans cette très longue bataille, c’est à la fois son unicité (on ne s’ennuie jamais, on est pris dans le feu de l’action) et sa maîtrise. Loin de proposer uniquement un montage épileptique, un cadre serré sur les personnages (comme cela est la mode actuellement), Miike se permet quelques superbes plans séquence, il filme souvent en plan large. Tout cela contribue à faire de 13 assassins un bon film sur le crépuscule du Japon féodal.

13 assassins (十三人の刺客, Japon, 2010) Un film de Takashi Miike avec Kōji Yakusho, Hiroki Matsukata, Takayuki Yamada, Kazuki Namioka, Tsuyoshi Ihara, Ikki Sawamura, Seiji Rokkaku, Sōsuke Takaoka, Yūma Ishigaki, Kōen Kondō, Arata Furuta, Masataka Kubota, Yūsuke Iseya, Gorô Inagaki, Mikijiro Hira, Masachika Ichimura.

lundi 19 mars 2012

The Legend of a professional


Quand un solitaire rencontre une agitée, ça crée des étincelles, les caractères s’affrontent, les dialogues fusent et les situations dégénèrent. Normalement. Dans The Legend of a professional, les personnages s’affrontent, discutent beaucoup et se disputent. Le duo mal assorti est l’idée principale du film. En l’occurrence, Ho (Anthony Wong), un tueur à gages professionnel, loin des images habituelles des films hongkongais. Ho ne portent pas de costumes Armani, n’a pas la classe et est un peu minable. Il ressemble à Jean Réno, logeant sur le toit d’un immeuble, trainant ses guêtres entre deux contrats qu’il exécute au révolver. Ho est surtout traumatisé par la mort d’un innocent, il y a de cela des années.
Jenny (Josie Ho) n’a pas le flegme de Ho, bien au contraire, elle est toujours vive, trop vive pour lui. Ils se rencontrent par hasard, se suivent pas contrainte (elle manque de se faire tabasser, il la sauve). La maman de Ho qui habite au Viet Nam vient rendre visite à son fiston qu’elle considère comme un gamin, demandant chaque fois au téléphone s’il a trouvé une petite amie. Et donc, Jenny va se faire passer pour la copine de Ho. Un rôle qu’il va devoir rémunérer. Le problème est son impulsivité : elle va devoir arrêter de jurer, de fumer et jouer le jeu. Ce trio improbable constitue la partie la plus amusante du film, Ho et Jenny doivent cacher leur vraie personnalité à la vieille dame qui ne comprend rien.
Chez Ho, le téléphone ne sert qu’à converser avec son commanditaire, une vieille femme solitaire comme lui, qui boit du whisky à la bouteille et fume des cigarettes. Il a interdit à Jenny d’y répondre, mais elle ne peut pas s’en empêcher. Et ce que l’on craignait arrive : Ho initie Jenny à sa profession. Elle pense savoir faire le boulot, mais se trouve débordée quand elle doit flinguer sa cible. Le film a l’ambition de se ranger dans la catégorie des films sur les rapports maître/disciple avec un disciple persuadé de tout savoir avant la fin des enseignements, soit le schéma classique d’un film d’arts martiaux. Seulement voilà, les gunfights sont confus, mises en scène mollement et sans enjeu, car l’ennemi est invisible. Ni Ho ni Jenny ne cherche à se venger, ils vivent juste leur crise existentielle et leur solitude un flingue à la main.
C’est l’inverse qui se passe. Le récit est constamment interrompu par la quête de vengeance d’un personnage secondaire (Lam Cho-fai). Son histoire narrée en flashback le présente comme un psychopathe mais donne de bonnes raisons à son comportement. Le jeune homme, qui triture nerveusement le bas de son t-shirt, est le fils de l’homme innocent tué « par erreur » par Ho. A coups de flashback un peu trop explicatifs, on découvre cette scène initiale. Toute sa vie il a cherché à se venger. C’est précisément quand Ho choisit de se retirer du métier de tueur à gages, que la vengeance doit s’accomplir. Le film tente de jouer sur ce suspense, la mort ou la liberté, en imaginant que la rédemption de Ho passera par sa mort. The Legend of a professional devient alors poussif et franchement déplaisant
The Legend of a professional (飛哥傳奇, Hong Kong, 2001) Un film de Billy Chan avec Anthony Wong, Josie Ho, Helena Law, May Law, Karel Wong, Ricky Yi, Gabriel Harrison, Lam Cho-fai, Cliff Lok, Yeung Kin-wai, Cheung Yue-lee, Ho Ka-chun, Yung Wai-man, Wong Man-shing, Kong Foo-keung.

jeudi 15 mars 2012

Sorties à Hong Kong (mars 2012)

Nightfall (大追捕, Hong Kong, 2011)

Un film de Roy Chow avec Simon Yam, Nick Cheung, Kay Tse, Janice Man, Michael Wong, Tian Zhuang-zhuang, Dou Xiao, Ang Lee, Candice Yu, Cheung Kwok-keung, Felix Lok, Hung Cheuk-lap, Ngan Cheuk-ling, Gordon Liu, Kung Shek-leung, Ken Lo. 107 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 15 mars 2012.


Sorties à Hong Kong (mars 2012)

Marrying Mr. Perfect (嫁個100分男人, Hong Kong – Chine, 2012)

Un film de Wong Jing avec Ronald Cheng, Gigi Leung, Chapman To, Pau Hei-ching, Liu Yan, Mao Jun-jie, Stanley Fung, Gong Xin-liang, Eric Tsang, Sandra Ng, Cherrie Ying, Xie Na, Natalie Meng Yao, Lin Miao-ke. 90 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 15 mars 2012.


Sorties à Hong Kong (mars 2012)

One nation, two cities (一國雙城, Hong Kong, 2011)

Un film de King Wai-cheung. 70 minutes. Classé Catégorie I. Sortie à Hong Kong : 15 mars 2012.


mercredi 14 mars 2012

Her fatal ways 3


Le concept de la série des Her fatal ways, produite par la Golden Harvest et réalisée par Alfred Cheung, repose sur un principe simple. Cheng Shih-nan (Dodo Cheng) est une haut-gradée des services de sécurité de la police de la Chine continentale. Avec son cousin Hsiao Sheng (Alfred Cheung), elle part en mission à Hong Kong avec chaque fois un but bien précis. Tous deux découvrent la colonie britannique (le premier film date de 1990) qui s’apprêtait alors à vivre la rétrocession. Cette rencontre avec les cousins Hongkongais (la traduction du titre chinois est « Cousin, vous êtes formidables ») est pour eux une constante source de surprises et pour le spectateur une suite de gags.

Dans Her fatal ways 3, Shih-nan se rend à Hong Kong pour organiser la venue d’un membre du parti communiste chinois. Pendant la guerre, le Chef Chien (Michael Lee) avait été soldat dans la colonie alors occupée par les Japonais. Et il y avait fait des rencontres (notamment amoureuse). Il en garde de très bons souvenirs et compte, à la fin de sa vie bien remplie, revivre ces moments heureux. Mais avant d’arriver à Hong Kong, un incident se produit. L’avion qui les amène de Pékin subit une avarie de moteurs et doit atterrir à Taïwan. Pour Shih-nan, c’est dramatique car l’île est disputée par les deux états. Elle ne trouve rien de mieux à faire que d’avaler son passeport et cache sa véritable identité. Elle termine à l’hôpital et son homologue taïwanais, Chiang Ta-yung (Chan Chun-yung) finit par découvrir qui elle est. Il s’ensuit une dispute sur la souveraineté de l’île où les arguments s’affrontent mais qui aboutit à un fait : Ta-yung tombe amoureux de Shih-nan qui, une fois rétablie, part à Hong Kong, laissant le pauvre homme dépité.

Passons maintenant à Hong Kong. Shih-nan et Hsiao Sheng ont pour guide l’inspecteur Lu (Anthony Wong) qui leur fait visiter la ville. Le caractère autoritaire de Shih-nan ressort immédiatement. A ses côtés, Hsiao Sheng fait pâle figure, il se tait la plupart du temps, il a envie de profiter de ces beaux moments qu’offrent la société capitaliste que fustige sa chef qui en fait son souffre-douleur. Shih-nan fait penser à Ninotchka, cette soviétique inventée par Ernst Lubitsch qui allait découvrir l’ennemi avec effroi avant de s’y plaire. Shih-nan est d’abord de mauvaise foi, persuadée que la nourriture occidentale va la transformer de bonne communiste en sale capitaliste. Elle est aussi pudibonde et ne comprend pas la raison pour laquelle le chef Chien veuille aller visiter Tsam Sha Tsui, le quartier chaud de Kowloon où Lu rencontre les triades (là non plus elle ne s’en rend pas compte) pour assurer la sécurité du dignitaire.

Her fatal ways 3 est l’occasion de brocarder les habitudes des Hongkongais, leur mode de vie, leurs loisirs. Elle s’essaie au karaoké et fait des vocalises mais chante terriblement faux. Elle visite un terrain de golf, traite les joueurs de paresseux mais est incapable de lancer une balle. Elle visite le tournage d’un film de kung-fu (avec l’aimable participation de Dion Lam). Les commentaires acerbes de Shih-nan créent l’étincelle comique. Elle semble se tromper sur à peu près tous les sujets. Face à elle, le regard impassible d’Anthony Wong, tout en douceur, en dit long sur les questions que posait la rétrocession. Les trois Chine sont réunies le temps d’une comédie avec des personnages attachants liés pour déjouer une vengeance amoureuse ourdie contre le chef Chien. Her fatal ways 3 est vraiment un film romantique.

Her fatal ways 3 (表姐你好野3之大人駕到, Hong Kong, 1992) Un film d’Alfred Cheung avec Dodo Cheng, Alfred Cheung, Anthony Wong, Chan Chun-yung, Lok Wai, Michael Lee, Wong Man, Pang Mei-seung, Wong Kwok-leung, Dion Lam.

mardi 13 mars 2012

Madam City Hunter


Il y a Mister City Hunter incarné par Jackie Chan dans Niki Larson de Wong Jing, voici Madam City Hunter interprétée par Cynthia Khan (le « vol » de titre est très courant). Elle est Shin, une policière non seulement bien jolie mais également courageuse qui n’hésite pas à sauter du toit d’un immeuble pour aller dézinguer quelques malfrats à la mitraillette. Elle est aussi experte en arts martiaux balançant des tatanes à d’autres méchants. Elle est impulsive, elle dit ce qu’elle pense, mais (et là, c’est le drame) Shin est célibataire et vit avec son papa (Wu Fung). Elle s’inquiète pour lui (il est veuf) autant qu’il s’inquiète pour elle (elle ne connait pas le danger).

Le père fréquente à nouveau, une jeune. Siu-Hung (Kara Hui) n’est pas dans les petits papiers de Shin. Bien au contraire, elle soupçonne cette future belle-mère de vouloir accaparer la richesse familiale. Elle a désormais tout le temps pour surveiller son père et sa compagne. En effet, Shin est soupçonnée d’avoir abattu froidement cinq jeunes drogués. C’est bien entendu un complot. En tant que bon flic, elle venait prendre des nouvelles d’une adolescente qui vit dans un squat. On l’a assommée et le méchant du film, Thumb (Yau Gin-gwok), chef très recherché du gang des Cinq Doigts, lui a tendu un piège. Elle est suspendue mais va mener son enquête avec l’accord de son chef, l’inspecteur Kwong (Tommy Wong), qui est secrètement amoureux d’elle. Enfin, secrètement, il faut le dire vite. Il lui offre chaque jour des fleurs, la dévisage avec un air béat et tente maladroitement de lui annoncer son amour.

Cette enquête, elle va la poursuivre avec Charlie Chan (Anthony Wong), affublé de lunettes et aux cheveux mi-longs bouclés. C’est peu de dire qu’Anthony Wong est l’attraction majeure du film dans un personnage au comique irrésistible. Il promène sa grosse carcasse et offre un burlesque corporel à côté duquel les autres acteurs font pâle figure. Charlie Chan est un détective privé, fort perspicace, puisqu’il parvient sans peine à comprendre que Siu-hung est liée à Thumb, que c’est une dévoreuse de maris fortunés (oui, le film est très misogyne). Chan est accompagné dans son travail par Blackie (Sheila Chan), une folle furieuse qui se met sans cesse en colère et menace de frapper du poing à peu près tout le monde. Elle met souvent cette menace à exécution mais son corps frêle face aux malfrats ne fait pas le poids. Là aussi réside le comique du film.

Madam City Hunter est une comédie d’action où l’action n’est dévolue de manière sérieuse qu’au personnage de Cynthia Khan sur une chorégraphie des combats de Yuen Woo-ping. Elle frappe fort et de manière précise, les mouvements de son corps occupent l’espace. Il est cependant étonnant de voir que la plupart des combats ont lieu dans des immeubles ravagés. De leur côté, Anthony Wong comme Sheila Chan se battent pour rire, en faisant de grands gestes et de beaucoup de grimaces. Le film est parodique mais dans une moindre mesure que Niki Larson. Il souffre évidemment d’un budget inférieur (d’où les décors pauvres et non pas un paquebot de luxe). Sinon, il faut signaler que Kara Hui est hilarante à la fois quand elle fait son strip-tease et quand elle ne comprend pas le langage de Sheila Chan lorsque cette dernière se fait passer pour une bonne philippine.

Madam City Hunter (城市女獵人, Hong Kong, 1992) Un film de Johnnie Kong avec Cynthia Khan, Anthony Wong, Tommy Wong, Sheila Chan, Kara Hui, Wu Fung, Yau Gin-gwok, Hau Woon-ling.

lundi 12 mars 2012

The Legendary Tai Fei


Dans une boite de nuit, Shin (Alex Lam) et ses amis (deux garçons et trois filles), dansent en transe aux sons d’une musique techno minimale. La boite appartient à leur boss, King (Benny Lai), jeune loup des triades qui, affalé sur son canapé du carré VIP et entouré de deux jeunes femmes peu farouches, encouragent deux lycéens à vendre de la drogue. Car King est une ordure, un homme sans foi ni loi qui ne rêve que d’une chose : devenir le chef suprême des triades. Il a beau s’habiller avec un beau costume, il est l’opposé de Tai Fei (Anthony Wong) amateur de chemise à fleurs, qui avec sa femme Kei (Teresa Mak) sermonne gentiment un de ses hommes qui bat sa femme. Ça ne se fait pas dans le clan de Tai Fei qui préfère les triades à l’ancienne.
Un jour, Fei reçoit des nouvelles de Ling (Maggie Lau), l’un de ses anciennes petites amies, il y a de cela près de vingt ans. Elle est mourante et apprend à Fei que Shin est son fils. Elle lui sort une longue litanie bourrée de clichés (mais voulue comme édifiantes) sur la vie, la mort et le destin, le tout accompagné d’une musique poignantes destinée à faire produire quelques larmes chez le spectateur. Il se trouve que Shin l’apprend en même temps. Le problème est que le père et le fils ne s’entendent pas. Ce dernier était allé provoquer Fei, quelques scènes auparavant, dans son sauna (comprendre un bordel) où il refusait toutes les filles proposées. Les hommes de Fei l’ont fichu à la porte, ainsi que ses deux potes, en caleçon, les humiliant en public. Les garçons se croient tout permis parce qu’ils s’estiment protégés par King, mais quand Tai Fei leur fait la morale sur le caractère méchant de leur boss, ils n’écoutent pas et n’en font qu’à leur tête.
Pour accéder au pouvoir, King a décidé de sortir la grosse artillerie : meurtre, chantage, enlèvement, torture. On avait bien compris son caractère néfaste quand il ment sans vergogne à sa copine, par ailleurs la fille d’un des bras droits de Tai Fei (encore un problème de mauvaise éducation parentale, faut dire que la fille se promène en soutien-gorge). Mais Tai Fei n’est pas un homme à se laisser trahir et dicter sa conduite. Il va rameuter tous ses fidèles pour remettre dans le droit chemin cette saleté d’arriviste. The Legendary Tai Fei s’applique à suivre un programme élaboré avec les Young & dangerous produits par Wong Jing, soit une vision romantique des valeurs des triades. Pourquoi pas, John Woo l’a un peu en son temps jusqu’à ce que Johnnie To montre l’envers du décor de manière politique dès les débuts de la Milkyway Image. Tai Fei était un personnage de la série de films et The Legendary Tai Fei en est un spin off. Le souci majeur du film est qu’il ne véhicule que des clichés éculés dans des scènes très dramatisés (la mort de la mère de Shin appuyées avec une musique lacrymale et des gros plans de visage en larmes) et que son budget très faible donne des images d’une grande laideur (des contre plongées à gogo). Tout cela rend le film vite insupportable et bête.
The Legendary Tai Fei (古惑仔激情篇洪興大飛哥, Hong Kong, 1999) Un film de Kant Leung avec Anthony Wong, Teresa Mak, Benny Lai, Alex Lam, Maggie Lau, Chiu Lai-yee, Leung Cheuk-moon, Chan Nam-wing, Chat Pui-wan, Tsui Ling-ling, Lee Siu-kei, Kam Yau, Bowie Lau.

vendredi 9 mars 2012

Sorties à Hong Kong (mars 2012)

A simple life (桃姐, Hong Kong, 2011)
Un film d’Ann Hui avec Andy Lau, Deannie Yip, Wang Fu-li, Qin Hailu, Lam Yi-man, Paul Chun, Hui Pik-kei, Elena Kong, Anthony Wong, Yu Man-si, Don Yu Dong, Helena Law, Raymond Chow, AngelaBaby, Chapman To, Tsui Hark, Ning Hao, John Shum, Sammo Hung, Leung Tin, Hui Siu-ying, Tam Bing-man, Andrew Lau, Gung Suet-fa, Joe Cheung. 119 minutes. Classé Catégorie I. Sortie à Hong Kong : 9 mars 2012.

mercredi 7 mars 2012

Apart together


La fébrilité règne dans la maison de Yue (Lisa lu) à la lecture de la lettre de Liu Yansheng (Feng Lin). Ce dernier fût, à la fin des années 1940, le premier époux de Yue. Soldat nationaliste, il a fui à Taïwan comme un bon nombre de Shanghaiens à l’arrivée des troupes de Mao Tsé-toung. Il a refait sa vie là-bas, s’est marié et devenu veuf. Il annonce à Yue qu’il va venir la voir lors d’un voyage touristique. Elle a également bien vécu. Elle a élevé son fils qu’elle a eu de Yansheng et ses deux filles avec son deuxième mari Lu Shanmin (Xu Caigen), que tout le quartier appelle le vieux Lu. C’est un événement que personne ne veut manquer, la famille prépare un copieux repas « encore plus beau que celui du Nouvel An », dit la fille de Yue.

C’est dans l’allégresse que tout le quartier (avec fanfare d’enfants) accueille Yangsheng. La petite fille de Yue va lui faire visiter la ville en car dans un moment ironique où les touristes taïwanais regardent tous les beaux immeubles de Shanghai sous des « oh » et des « ah » d’étonnement. Toute la ville reste hors champ car ce que veut montrer Wang Quanan n’est pas le miracle économique chinois mais plutôt ce futur qui déstructure les familles, qui les fait vivre dans des buildings sans âme, sans vie de quartier. Il ne vante pas non plus la promiscuité de ces résidences vétustes, pleines de courant d’air où les voisins savent tout, tout de suite. Il compare ces modes de vie comme les personnages comparent leurs expériences de 1949 dans des plans séquences quasi immobiles où les trois vieux acteurs se racontent tandis qu’ils dînent.

Séparés et ensemble, comme le dit le titre Apart together. Séparés, ils l’ont été plus de 50 ans, par la force des choses. Yue dans ses souvenirs essaie de comprendre pourquoi ils ne se sont pas retrouver sur le quai pour l’embarquement. Tout reste un peu confus. Ensemble, ils le sont maintenant devant l’œil amusé du vieux Lu qui achète de beaux crabes à Yansheng. Il n’y a que le fils ainé qui ne semble avoir que peut d’affinités avec ces retrouvailles. Il en a toujours voulu à ce père naturel de les avoir abandonnés, de ne jamais avoir donné de nouvelles et de revenir aujourd’hui à la fin de leur vie. Or Yansheng a un projet : faire venir Yue à Taïwan et qu’ils puissent recommencer leur vie ensemble. Ça va beaucoup discuter et s’engueuler dans la famille et, bizarrement, le vieux Lu – a priori le plus rétif – ne voit pas d’opposition à cette nouvelle séparation.

A ce stade du film, le scénario qui aurait pu partir dans le mélodrame larmoyant, les règlements de compte sur fond d’histoire des deux Chine, décide au contraire d’aller sur les champs de la comédie. Yue et Lu décident donc de divorcer. Mais par un tour kafkaïen, ils se rendent compte qu’ils ne sont pas mariés. Il faut donc qu’ils se marient pour divorcer. On a droit à une amusante scène de photo de noces, à un rendez-vous bureaucratique absurde et à un repas où chacun entonne une chanson de leurs vingt ans. Le regard doux porté sur ces visages usés, cette subtilité dans l’évocation du passé douloureux chinois font la saveur de ce film modeste et beau.

Apart together (團圓, Chine, 2010) Un film de Wang Quanan avec Lisa Lu, Qiao Yue, Feng Ling, Xu Caigen, Lu Shanmin, Monica Mok, Baiyang, Mo Xiaotian, Lu Yan.

mardi 6 mars 2012

Lady Whirlwind


La Lady Whrilwind de ce film des premières années de la Golden Harvest, c’est Tien Li-chun (Angela Mao). Telle une héroîne d’un film de King Hu, elle cherche à venger la disparition de sa sœur, morte de chagrin après le départ du foyer de Ling Shih-hao (Chang Yi). Ce dernier a disparu depuis trois ans. On le découvrait dans la scène d’ouverture en train de se battre contre Azumaya (Pai Ying), un Japonais pour une fois montré de manière moins caricaturale que d’habitude (en tout cas moins que dans La Fureur de vaincre au moins au début du film). Les deux hommes sont ennemis parce que Ling lutte contre un trafic d’opium organisé par le Japonais. Laissé pour mort, il est secouru par Hsuang Hsuang (Wu Ching-erh), une frêle jeune femme.

Le trafic est organisé par Madame Tao (Liu Ah-na), une femme au caractère bine trempé qui tire frénétiquement sur son fume-cigarette. C’est elle qui a mis à prix la tête de Ling Shih-hao. Elle se trouve vite confrontée à la fureur vengeresse de Tien qui apparait vite comme obsédée par sa mission de justice. Hsuang Hsuang a beau lui demander sa clémence, Ling a beau lui expliquer qu’il n’est pas responsable de la mort de sa sœur, rien n’y fait, elle continue de vouloir le tuer. Œil pour œil, dent pour dent. Ainsi, quand Ling a été salement amoché par l’un des hommes de Madame Tao (Sammo Hung, qui a l’époque se contentait des rôles de méchants et par ailleurs crédité comme chorégraphe des combats), Tien attend qu’il se soit rétabli pour finir son travail.

L’ambition de Lady Whirlwind est double. Il s’agit d’abord de concurrencer sur son propre terrain de prédilection la Shaw Brothers et ses actrices vengeresses combattantes (Cheng Pei-pei par exemple). D’un autre côté, la Golden Harvest rebondit sur le succès incroyable des deux films avec Bruce Lee qui ont radicalement changé le paysage du film de kung-fu. Lady Whirlwind sorti trois mois après La Fureur de vaincre en est le pendant féminin mais avec un souci de taille : un trop grand nombre de combat pas franchement réussis. Le film souffre d'un manque flagrant de budget, tout est filmé en forêt, il n'y a que peu de décors tous pauvres. Comme souvent, la surenchère apporte la banalisation et il faut bien reconnaitre que l’ennui pointe souvent devant l’absence de diversité des combats et les caractères trop tranchés des personnages.

Lady Whirlwind (鐵掌旋風腿, Hong Kong, 1972) Un film de Huang Feng avec Chang Yi, Angela Mao, Pai Ying, Wu Ching-erh, Liu Ah-na, Chin Yuet-sang, Sammo Hung, Chin Nan-yi, Yeung Wai, Law Kei, Huang Feng.

lundi 5 mars 2012

Hello, late homecomers


Hello, late homecomers est un film composé de trois histoires réalisé par trois cinéastes (John Woo, Louis Sit et Lau Tin-chi) avec comme acteur principal Louis Lo Yuen. Peu connu (je ne l’avais vu que dans un Chow Yun-fat de ses débuts, Their private lives), Louis Lo Yuen est un grassouillet qui porte des lunettes carrées et est persuadé d’être un Apollon. La première matière de son comique est donc le contraste avec son physique banal, voire ingrat, et son ambition sexuelle. Le sujet du film est les femmes qui font subir quelques déboires amoureux à notre héros. Elles vont lui en faire voir des toutes les couleurs et le placer dans des situations humiliantes donnant ainsi une volonté de burlesque où son corps sera malmené, sa position de mâle ridiculisée et ses tentatives de parvenir à coucher avortées.

Dans Till we meet again, Louis Lo Yuen parie avec deux de ses amis (dont Karl Maka qui portait encore des cheveux) qu’il réussira à coucher avec une femme choisit au hasard dans les vingt-quatre heures. Dans Heart on her undies, il porte un caleçon sur lequel sa maîtresse a cousu un cœur. Le caleçon disparait et il part à sa recherche. Dans Little men’s big hopes, il est le mari d’une femme acariâtre qui ne lui laisse aucune liberté. Sa maîtresse le convainc d’engager un tueur à gages pour l’éliminer. Dans les deux premières histoires, Louis Lo Yuen sera le dindon de la farce, celui dont tout le monde se moque. Ainsi Karl Maka a fait un arrangement avec la jeune femme (une prostituée) pour lui soutirer son argent. Ne nous y trompons pas, le film est d’abord le moyen de montrer les actrices en maillot de bain, en petite tenue, voire entièrement nue, comme dans le dernier sketch. Le film déploie aussi des gags pas franchement fins qui vont du plus bête (on marche sur les pieds des autres) au plus élaboré (un serveur lit à très haute voix une lettre de drague dans le restaurant) en passant par le graveleux (Louis Lo Yuen frotte un concombre, une courgette puis un cornichon sur la joue d’une fille qui ne le voit pas, elle le reconnait avec le cornichon).

Des trois, c’est la dernière histoire qui est la mieux mise en scène parce qu’elle confronte eros et thanatos, l’amour et la mort. Louis Lo Yuen est donc un mari brimé par sa femme. Elle le harcèle à chaque minute de la journée en lui demandant avec une voix autoritaire qu’il lui dise qu’elle l’aime. Il lui répond avec une toute petite voix. Elle adore sucer des glaçons (pourquoi, je ne sais pas) et refroidit sa chambre où Yuen se gèle. Elle le surveille jusqu’aux toilettes. Son échappatoire est sa jeune maîtresse qui est aussi sa secrétaire. Il place tout un stratagème chez lui, sur les conseils d’un tueur à gages pas franchement très compétent, pour assassiner son épouse. On voit d’abord l’installation minutieuse des pistolets, couteaux, câbles électriques, poison destinés assurer son sale coup. Ce n’est pas seulement la surabondance de moyens pour tuer sa femme qui fait sourire, mais c’est aussi que pour la première fois Yuen prend en main sa vie, il met en scène son meurtre tel Michael Caine dans Le Limier dont on sent les emprunts.. On reconnait dans ce sketch l’amorce du style de John Woo quand dans ses polars des années 1980, les gangsters planquaient des armes dans les pots de fleurs ou sous la table. John Woo lance ensuite sa chorégraphie quand l’épouse revient : pour Yuen, il s’agit d’éviter les pièges qu’il a lui-même tendu, le rythme s’emballe pour un final qui doit plus au cinéma de kung-fu qu’à la comédie.

Hello, late homecomers (Hello! 夜歸人, Hong Kong, 1978) Un film de John Woo, Louis Sit et Lau Tin-chi avec Louis Lo Yuen, Yik Ga, Chan Wai-ying, Fung Hak-on, Lee Hoi-sang, Cheng Lui, Cheng Fu-hung, Lam Hau-yi, Karl Maka, Lau Hok-nin, Tong Kam-tong, Fung Fung, Ho Pak-kwong, Lau Kwok-shing, Ma Chung-tak, Lee Wan-lung.

dimanche 4 mars 2012

La Vie sans principe



L’argent est au centre des préoccupations de tous les personnages de La Vie sans  principe. Le titre est déjà un jugement moral sur la valeur de l’argent considéré comme une maladie qui gangrène toute une civilisation. Le récit est ramassé sur une courte période ponctué par des nouvelles de la crise grecque qui occupe l’actualité. La forme s’apparente à celle d’un film choral. Les trois protagonistes ne se rencontreront jamais mais seront liés par des personnages secondaires. Le récit reviendra parfois sur un événement pour mieux l’éclairer avec un point de vue différent dans un souci permanent de fluidifier la narration et de poser les enjeux du film.

La première partie montre le processus, au sein d’une banque, de spoliation des crédits des clients pour les transformer en investissement à risque. Teresa (Denise Ho) habillée en tailleur noir strict, cheveux courts, n’est pas l’employée la plus rentable. Dans une scène douloureuse pour son personnage, sa patronne félicite ceux qui ont réussi à faire gagner beaucoup d’argent à la banque. Teresa ne fait pas partie de ces cadres méritants. Elle décide de rester le soir pour harceler les clients au téléphone pour qu’ils investissent. Elle a trouvé la proie idéale en Madame Kun (So Hang-suen) qui aimerait que son compte rapporte plus que les 2% légaux. Teresa va investir l’argent du compte. La description est minutieuse et non dénuée d’humour car la pauvre dame, d’une cinquantaine d’années, ne comprend strictement rien à tout cela. Teresa lui fait répéter la même phrase (« j’ai parfaitement compris ») à chaque phase du contrat, histoire de prouver en cas d’enquête que la cliente était au courant de tout. Ce que montre Johnnie To à ce moment-là est un pur et simple vol de l’argent du client par la banque. Le malaise s’installe petit à petit, le désarroi de Madame Kun puis sa joie quand Teresa lui assure que l’investissement, forcément foireux et illégal, lui rapportera 20%, fait froid dans le dos.

Un autre client de Teresa est Yuen (Lo Hoi-pang). En cette période de crise, Yuen vient régulièrement retirer de l’argent de son compte pour ensuite le prêter (encore une fois illégalement) est récupérer de forts intérêts. C’est un profiteur de la crise, l’un de ces requins qui abusent de leur position pour faire des profits monstrueux. Il apparait pourtant de manière bien sympathique de prime abord. Yuen demande ce jour-là 10 millions de dollars HK, reçoit un coup de téléphone, puis n’en veut finalement plus que 5 millions. Il demande alors à Teresa de garder dans son bureau la somme sortie pour la recréditer plus tard sur son compte. Yuen est pressé, il doit partir, il oublie son portable sur le bureau, elle veut le rattraper. Dans le parking souterrain, elle se voit se faire agresser et on lui vole son sac plein d’argent. Je ne dévoilerai pas l’auteur du vol d’autant que le récit revient en arrière avec l’arrivée de Panther (Lau Ching-wan) et de Cheung (Richie Ren).

Cheung est policier. Le film commençait avec son personnage et sa femme Connie (Myolie Wu) qui visitent un appartement pour l’acheter. Son manque d’enthousiasme devant la vue et l’espace agacent Connie mais Cheung a d’autres choses en tête. Son téléphone n’arrête pas de sonner. Un vieillard a assommé un de ses voisins et Cheung doit procéder à une enquête de simple routine. Il est également sur les traces de Wah (Eddie Cheung) qu’il arrête au banquet d’anniversaire du « boss » Kwan (Tam Ping-man), parrain de triade. Peu importe la raison de l’arrestation, mais les conséquences seront lourdes pour Panther. Ce dernier toujours vêtu d’une chemise à fleurs, de sandales et portant sa sacoche en bandoulière (alors que tous les autres sont plutôt dans l’imagerie classique des membres des triades) se met alors en tête de payer la caution de Wah. Johnnie To décrit le personnage de Panther comme un simplet, toujours prompt à réagir dans cette idéologie de la loyauté des triades.

Panther pratique la loyauté entre frères. Il va chercher de l’argent où il pense en trouver et sa méthode, comme son engagement, rend son personnage totalement pathétique avec cette idée d’enlever tout aspect romantique aux triades. Lau Ching-wan joue Panther avec force, le faisant bouger dans le cadre comme un gamin, le faisant cligner des yeux frénétiquement, le faisant marcher avec des pas saccadés comme s’il y avait une urgence à tout faire très rapidement. Panther est un dinosaure dans cette jungle des triades où il rencontre successivement Lung, un ancien de sa confrérie (Felix Wong) reconverti dans le ramassage de papier à qui il demande de l’aider, puis Lung, un trader clandestin (Keung Ho-man) et finalement un Chinois du continent (Terence Yin) qui représente la nouvelle garde de la mafia.

La Vie sans  principe est plus une satire de la circulation de l’argent, de son pouvoir de corruption sur les personnes qu’un film qui dénonce. Et c’est bien mieux comme cela. Johnnie To fait preuve de beaucoup d’ironie (je pense par exemple au long périple en voiture du trader avec une flèche dans le cœur, obligé de conduire parce que Panther n’a pas le permis) et de dérision (la double arrestation de Wah d’abord par le commissariat de West Kowloon puis par celui de East Kowloon). Le film ne parvient pas toujours à tenir son suspense dans cette forme chorale dans le petit jeu de savoir qui sera dupé et qui va duper l’autre. Largement supérieur à Don’t go breaking my heart, ce film social amorce la nouvelle carrière du cinéaste depuis qu’il s’est éloigné des polars qui ont fait sa gloire.

La Vie sans principe (Life without principle, 奪命金, Hong Kong, 2011) Un film de Johnnie To avec Lau Ching-wan, Richie Ren, Denise Ho, Myolie Wu, Lo Hoi-pang, Keung Ho-man, So Hang-suen, Eddie Cheung, Felix Wong, Ben Wong, Tam Ping-man, JJ Jia, Stephanie Che, Terence Yin, Yoyo Chen, Anson Leung, Ng Chi-hung, Lee Siu-kei, Vincent Sze.

jeudi 1 mars 2012

The Kid, the story of Ah-Chang


Avant The Big boss et La Fureur de vaincre, avant sa série Le Frelon vert, Bruce Lee a eu une belle carrière à Hong Kong. The Kid, the story of Ah-Chang est le premier long métrage (tourné en cantonais et en noir et blanc) où il a le rôle principal. C’est une comédie sociale où Bruce Lee a le rôle titre. Le petit Chang, dix ans (l’âge de l’acteur) est orphelin et vit chez son oncle Ho (Yee Chau-sui), apparemment veuf mais vivant avec ses deux jeunes enfants. Il vend au coin d’une rue des livres pour pouvoir nourrir sa famille. Ils sont pauvres et Ho va trouver un travail de professeur chez Monsieur Hung (Lee Hoi-chuen).

Hung tient une fabrique de tissus. Le film s’ouvre sur un discours qu’il tient devant un comité de quartier où il promet d’ouvrir une école publique. Mais cette promesse, il ne compte pas la tenir. Sa seule ambition est de gagner de l’argent. Ainsi, lorsqu’il est bousculé par des pickpockets, il prétend à la police qu’on lui a volé 10.000 $, alors qu’il n’avait rien dans son portefeuille. La charmante et pimpante petite fille de Hung a elle perdu son chainette en or, c’est Ho et Chang qui la retrouvent. Ils la ramènent et Hung, qui ostensiblement mange devant eux, affamés, offre ce poste à Ho : il va donner des leçons privées à ses deux enfants. L’autre, plus âgé, est Charles qui fait un trafic de tissu sous le nez de son père.


Chang aura la possibilité d’aller à l’école privée de Hung. Son oncle lui achète de beaux vêtements, mais le gamin n’a pas envie d’aller à l’école et dès le premier jour, il se bat avec ses camarades. Il sera embauché à l’usine comme apprenti. Son énergie fait le bonheur des employées, dont May (Chan Wai-yue) qui subit la pression du contremaitre Joe (Chow Chi-sing) surnommé « quatre yeux » parce qu’il porte des lunettes noires. Elle se fait également draguer par Charles, le fils du patron. Joe est de mèche avec Charles dans le trafic. Il se met à harceler le petit Chang qui se casse un bras.

Le film prend progressivement le parti des ouvriers, des travailleurs et accusent les patrons (surtout le contremaitre) d’abuser de leur prérogatives, d’exploiter de manière scandaleuse la misère des employés. Les ouvrières se mettent en grève et le contremaitre cherche à les accuser de vol. L’époque voulait sans doute cela, Hong Kong était en pleine crise économique après la guerre. Bien qu’entièrement tourné en studio et filmé en plan fixe de manière souvent théâtral, au détour d’une courte scène, on découvre la ville et ses quartiers pauvres quand Chang, pour survivre, devient un voleur. Le jeune garçon trouvera un salut lors de sa rencontre avec Lee (Fung Fung, le réalisateur lui-même) qui, bien que voleur, parviendra à le remettre sur le droit chemin dans un esprit moraliste qui passe avec une certaine finesse.

Et Bruce Lee dans tout cela ? Le jeune acteur en herbe est très vif, avec une capacité de se mouvoir à travers le plan que les autres enfants du film n’ont pas (excepté la fillette qui joue l’enfant de Hung, mais dans une moindre mesure). Bruce Lee saute les barrières, fait des cabrioles, plie et déploie son corps de dix ans. Plus que tout autre personnage, Chang fait rire quand il grimace, qu’il se moque des chefs, quand il imite les adultes. Il a une voix déjà un peu grave, plus que celle des autres gamins, et lorsqu’il devient un petit caïd, il est désormais « adulte », s’habillant comme un grand, avec la même tenue que Lee, chemise blanche, veste et chapeau. Il prend les décisions à la place de son oncle Ho, velléitaire incapable d’agir. Et enfin, on retrouve au détour d’une scène, l’un de ses plus célèbres gestes, celui quand il porte son index sur le nez. Il n’est pas étonnant qu’il soit devenu un star avec un tel tempérament.

The Kid, the story of Ah-Chang (細路祥, Hong Kong, 1950) Un film de Fung Fung avec Bruce Lee, Yee Chau-sui, Lee Hoi-chuen, Fung Fung, Chow Chi-sing, Chan Wai-yue, Yuen Biu-wan, Ko Lo-chuen, Tong Yuen, Wong Gwai-lam, Fung So-po, Yip Ping.