lundi 28 novembre 2011

The Lady


The Lady c’est Aung San Suu Kyi et Aung San Suu Kyi c’est Michelle Yeoh. Luc Besson est allé chercher une figure de la résistance à la junte birmane, prix Nobel de la paix, comme en 1999, il avait fait de sa Jeanne D’Arc (son meilleur film jusqu’à présent) une résistante de la France. The Lady est un biopic tout ce qui il y a de plus simple et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le film fonctionne. La raison majeure est Michelle Yeoh qui incarne parfaitement Suu, comme tous les personnages l’appellent.

Le film commence en 1947 avec l’assassinat du père de Suu au moment de l’indépendance quand le « père de la nation » décide d’apporter la démocratie en Birmanie. C’est cette image du père que Suu va incarner toute sa vie. Le récit reprend immédiatement en 1998 quand l’époux de Suu, Michael Aris (David Thewlis), professeur de langues orientales à Oxford apprend qu’il a le cancer et qu’il va mourir sans doute sans avoir pu revoir sa femme. Pire que cela, sans que leurs deux garçons, ne puissent pas revoir leur mère. C’est ce rôle de mère et d’épouse qu’elle ne pourra pas tenir.

Retour en arrière en 1988 quand la mère de Suu tombe malade. Elle décide de la rejoindre à Rangoon. Les autorités commencent à comprendre que Suu est en train de devenir la figure d’un espoir de démocratie (le mot le plus employé dans le film). Les généraux de la junte au pouvoir vont tout faire pour la dissuader de rester dans son pays natal et de rentrer à Oxford dans sa famille. Mais le destin va en décider autrement et le reste, c’est l’Histoire. Suu ne quitte pas la Birmanie, elle va mener une campagne pour les élections législatives. Elections qu’elle va gagner mais dont la junte ne va tenir compte.

Les militaires, joués essentiellement par des acteurs birmans, sont certes montrés de manière caricaturale : violents et stupides (le chef de l’état est superstitieux et décide de l’avenir du pays en consultant un voyante ou en tirant les cartes), mais ils ne peuvent pas se débarasser si facilement d’elle parce qu’elle incarne la figure de son père, héros national. Le film parle essentiellement birman, sauf Suu et sa famille qui parlent anglais. Pour bien faire comprendre à Suu qu’elle n’est pas considérée par la junte comme une birmane, les militaires s’adressent à elle en anglais.

The Lady n’est pas exempt de maladresses. Il est parfois tire-larmes (en même temps, il y a un peu de quoi), les scènes de la campagne électorale sont un peu trop jolies, le discours de remise du prix Nobel crée un suspense un peu simpliste, mais le scénario, que Besson n’a pas écrit cette fois – comme me le rappelait un de mes amis – tient la route. Et donc, c’est Michelle Yeoh qui impressionne par la dignité qu’elle offre à la figure d’Aung San Suu Kyi. On la voit défier les soldats d’un regard, sourire quand elle retrouve ses enfants, garder un visage ferme quand elle est dépossédée de sa liberté, de ses livres et qu’elle doit vivre seule. Mais en se débarrassant de ses tics (les mouvements de caméras sont moins voyant que d’habitude), en demandant à Eric Serra de se calmer sur sa musique et en engageant Michelle Yeoh, Luc Besson a réussi son film politique.

The Lady (France – Grande-Bretagne, 2011) Un film de Luc Besson avec Michelle Yeoh, David Thewlis, Jonathan Raggett, Jonathan Woodhouse, Susan Wooldridge, Benedict Wong.

dimanche 27 novembre 2011

Trouble couples


Il était une fois quatre sœurs qui habitaient ensemble. Depuis le décès de leur maman, c’est Ta-hsiang (Anita Mui) qui fait office de chef de la famille Mei. C’est l’aînée qui tient le restaurant qui leur permet de vivre. Les trois plus jeunes sœurs viennent aider après leurs études. Yee-hsiang (Ann Bridgewater), la deuxième est amoureuse d’un animateur de radio, Joe (Matthew Wong). Les deux plus jeunes Szu-hsiang (Charine Chan) et San-hsiang (Fennie Yuen) sont encore lycéennes. Elles se font draguer par Prince (Remus Choi), le fils d’un riche homme d’affaires et ses deux comparses le « binoclard » (Calvin Choi) et Jen (Edmond So). Voilà pour les présentations montrées classiquement, dans un mode léger typique de ces comédies romantiques des années 1980.

Le trublion qui va rentrer dans cette famille est Tseng Chao-tsai (Eric Tsang, également réalisateur via sa compagnie CCC, Cinema & City Company Films). Les trois jeunes sœurs l’entendent se disputer avec sa fiancée Agnes (Sandra Ng) qui le largue. Pour tenter de retenir sa copine, Tsai menace de se suicider en plongeant dans l’eau. Alors, il est inutile de chercher à savoir pourquoi les filles se trouvent là, mais l’occasion fait le larron, elles vont lui proposer de rencontrer Ta. D’abord parce qu’elle est encore célibataire au grand dam de toute sa famille et parce qu’elles pensent que ça adoucira leur sœur aînée qui leur interdit de voir les garçons. La première rencontre entre Tsai et Ta est catastrophique, et bien entendu comique, tant le duo Eric Tsang et Anita Mui détonne, lui tout petit et grassouillet, elle grande et sèche. Tsai renonce, tente de reconquérir Agnes qui, entre temps, s’est fiancée à Hsiao Ma (Shing Fui-on, dans son rôle habituel de brûte), un parrain de triades. Tsai, par défi, annonce qu’il se mariera la veille des noces d’Agnes et Hsiao Ma.

A partir de ce moment, il va falloir que les trois sœurs et leurs quatre amis trouvent des plans pour que Ta accepte de se marier avec Tsiao. Ce dernier va devoir faire la cour à la grande sœur qui ne s’en laisse pas compter. Il faut dire qu’elle impressionne de son autorité Tsiao. Elle décide d’imposer sa loi pour accepter le mariage où Tsiao devra obéir à toutes ses régles, y compris à prendre son nom de famille, ce qui dans la culture chinoise est inenvisageable. Comme il se doit, Ta découvre le pot aux roses et la raison véritable de la cour de Tsiao. Le mariage a eu lieu mais entre temps, il est sincèrement tombé amoureux d’elle et vice-versa, bien qu’elle refuse de se l’avouer. Tout le reste de Trouble couples sera donc de déployer toute une mise en scène pour que Tsiao soit accepté par Ta. Evidemment, puisqu’on est dans une comédie loufoque, il se produira de nombreux quiproquos où le personnage de couard geignard d’Eric Tsang fait le show. Le film est un peu idiot, totalement invraisemblable mais ce qui reste plaisant, c’est le cabotinage des interprètes.

Trouble couples (開心勿語, Hong Kong, 1987) Un film d’Eric Tsang avec Eric Tsang, Anita Mui, Ann Bridgewater, Charine Chan, Fennie Yuen, Matthew Wong, Calvin Choi, Remus Choi, Edmond So, Charlie Cho, Teresa Ha Ping, Wu Fung, Helena Law, Sandra Ng, Lau Kar-wing, Clarence Ford, Ann Mui, Shing Fui-on, Wong Jing, Hui Ying-ying.

samedi 26 novembre 2011

Anna Magdalena


La vie de Chan Kar-fu (Takeshi Kaneshiro) est morne. La journée, il bosse. Il est accordeur de pianos. Après le boulot, il rentre chez lui en transports en commun. Chez lui, il mange tout seul ses nouilles pendant la lessive. Il s’ennuie dans la vie et ça se voit sur lui, derrière ses lunettes et ses cheveux gras mi-longs, il arbore un visage sans sourire, sans émotion, sans vie. Tout va changer le jour où il rencontre Yau Muk-yan (Aaron Kwok). Rencontre due au hasard, Fu allait réparer un piano chez la petite amie de Yau précisément le jour où le jeune couple se disputait.
Yau quitte sa copine. Pour tout bagage, il a un carton avec quelques affaires dedans. Il se retrouve dans le bus qui ramène Fu chez lui, s’assoit à côté de ce dernier, va s’inviter à manger chez lui et s’incruster pour la nuit. Vêtu d’un vieux t-shirt qui s’est déformé à force de porter toujours le même, Yau a le caractère inverse de Fu. C’est un homme qui semble ne pas se soucier de l’avenir, qui est grossier, qui parle à tout le monde et souvent pour dire pas grand-chose. Il gagne sa vie en jouant aux courses hippiques et prétend vouloir écrire un roman. Par la force des choses, Yau va vivre chez Fu. Ce sont leurs oppositions, leurs caractères si différents qui donnent les meilleurs moments comiques tellement Fu est scié par l’aplomb de son colocataire.
Tout va changer avec l’arrivée de Mok Man-yee (Kelly Chan) dans l’immeuble. Elle vient d’emménager dans l’appartement au dessus de Fu et joue au piano. Mais le problème, c’est que Man joue atrocement au piano et ça énerve Yau qui, en caleçon, va frapper à la porte de la jeune voisine pour l’engueuler. Evidemment, Monsieur sans-gêne se fait remettre à sa place mais ce couillon voit ça comme de la drague. Il va donc tenter de séduire Man, et petit à petit elle succombe à son bagou. C’est sa méthode de séduction. Elle confesse à Fu qu’elle trouve Yau grossier mais elle commence à sortir avec lui. Mais, ce qu’elle ignore, c’est que Fu est aussi amoureux d’elle et qu’il n’ose pas lui dire.
Anna Magdalena est une romance sur un trio amoureux rythmé par la musique de Bach (le film s’appelle ainsi pour cette raison) que joue Man sur son piano et qui fascine Fu. Le duo Kaneshiro Kwok fonctionne sur un mode comique qui sort le film du tout venant des comédies romantiques. Dans le dernier tiers du film, le ton change. Fu écrit un roman qu’il cherche à faire publier et l’histoire de ce roman épique et fantastique est mise en scène. La rupture de style étonne d’abord mais finalement permet d’éviter les écueils habituels du genre. Produit par Eric Tsang, via sa société UFO, qui joue un petit rôle de concierge curieux Anna Magdalena soigne aussi ses seconds rôles. Jacky Cheung joue un flic intrusif, Leslie Cheung joue l’éditeur du roman et Anita Yuen son employée qui découvre le roman. C’est un film tout à fait charmant.
Anna Magdalena (安娜瑪德蓮娜, Hong Kong, 1998) Un film de Hai Chung-man avec Takeshi Kaneshiro, Kelly Chan, Aaron Kwok, Anita Yuen, Leslie Cheung, Jacky Cheung, Josie Ho, Eric Tsang, Leo Koo, Wei Wei, Yu Wai-lung, Lai Yuen-tung.

jeudi 24 novembre 2011

Black blood


Filmé en scope, en longs plans séquences, en noir et blanc (sauf dans quelques scènes où une usine crache sa fumée), tourné clandestinement et d’une durée de plus de deux heures, Black blood se mérite. Le film parle d’une famille de paysans (le père, la mère et leur petite fille) au beau milieu d’une région aride et très peu peuplée de la Chine. Le père pour gagner un peu d’argent vend son sang à un homme qui passe par là. Il ne dit rien à sa femme, lui donne seulement les billets qu’il a gagné. Il est persuadé que pour que son sang se renouvelle plus vite (et donc en vendre encore plus), il doit boire de l’eau. Il se gave en buvant à l’écuelle. Il boit de plus en plus et son épouse commence à se demander ce qu’il se passe. Quand elle comprend de quoi il s’agit, elle décide de vendre également son sang.

Le père et la mère boit et boit et boit encore de l’eau. Et très régulièrement, ils vendent leur sang à cet homme qui arrive en camionnette et qui se sert, les paie et s’en va, sans qu’on ne le voit vraiment, sans que l’on sache s’il est du gouvernement ou de la mafia. Les conditions matérielles commencent à s’améliorer avec cette arrivée d’argent. L’homme s’achète un costume et une cravate dont il n’aura pourtant aucune utilité. Ils s’achètent une cuvette de WC pour s’engager dans la modernité, pour être comme les gens de la ville. Après tout, les messages de propagande de la radio nationale ne vantent-ils pas le progrès de la Nation chinoise ? Ces messages, entendus à la radio, sont l’unique contact avec le reste de la Chine et apparaissent tellement dérisoires face à la réalité de ce qu’ils vivent au quotidien. La critique est de ce point de vue plutôt finement illustrée.

L’argent peut faire la richesse mais il ne fera pas le bonheur de la famille. A force de vendre son sang à cet homme, la mère tombe malade et ne peut plus rien faire à la maison, s’occuper de la fillette et faire à manger quand le mari revient du travail. Elle essaie de le convaincre d’arrêter de vendre son sang. Lui tente d’aller voir sa famille pour qu’ils puissent s’occuper de la gamine. Personne ne voudra lui répondre, comme si cette fortune soudaine les avait mis à l’écart. Et c’est l’enfant qui dira à son père que la mère a le SIDA. Black blood (métaphore du sang contaminé) devient alors de plus en plus désespéré, alors qu’il était déjà peu joyeux. Le père tentera de se suicider dans des scènes presque comiques (il se rate à chaque fois) mais il faut avoir de la patience pour arriver jusqu’au bout du film qui prend son temps pour incarner la vie de cette famille détruite par cette guerre capitaliste dans ce désert émotionnel.

Black blood (黑血, Chine – France, 2010) Un film de Zhang Miaoyan avec Liu Mengjuan, Mao Danhui, Yingying.

Sorties à Hong Kong (novembre 2011)


East meets West 2011 (東成西就2011, Hong Kong – Chine, 2011)
Un film de Jeff Lau avec Karen Mok, Eason Chan, Ekin Cheng, William So, Stephy Tang, Alex Fong Lik-sun, Kenny Bee, Tan Wei-wei, Crystal Huang, Jonathan Lee, Hu Ge, Liu Yu-qi, Jaycee Chan. 100 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 24 novembre 2011.

mardi 22 novembre 2011

Alan & Eric : Between hello and goodbye


Deux amis d’enfance, deux destins opposés et, entre eux, une femme. Alan (Alan Tam) et Eric (Eric Tsang) se connaissent depuis l’enfance. On les voit enfants jouer ensemble, s’imaginer qu’ils découvrent une île au trésor, qu’ils resteront amis pour la vie. Puis Eric part avec son père en Californie. Pour faire fortune, mais c’est la ruine qui arrivera. Eric et Alan s’échangent des lettres, puis les nouvelles se raréfient. Des années ont passé, Alan est serveur dans un petit restau. Ses rêves de devenir chanteur n’ont jamais été menés à terme.

Et un beau jour, après bien des années, Eric arrive au restau. Alan est très heureux, il lui présente son patron Barry (Barry Wong, bourru mais généreux, Hairy (Paul Fonoroff) qui lit l’avenir dans les cartes et Pierre (Blacky Ko) un baroudeur jovial. Eric a un projet qu’il espère juteux : ouvrir un poulailler et vendre des œufs, puis des poules. Les deux amis construisent joyeusement ce poulailler fait avec des planches. Ce qui manque : un chien pour garder le bâtiment. Eric se rend au chenil et adopte le chien dont veut se séparer Olive (Maggie Cheung) avec qui il sympathise.

Eric promet à Olive de venir rendre visite au chien quand elle le veut. Elle viendra et il en tombera amoureux. Jusqu’au jour où Alan passe par là et Olive en tombe amoureuse. Dilemme. Mais Eric n’a jamais déclaré clairement sa flamme à Olive qui commence à sortir avec Alan. Le destin s’accable sur Eric : une tempête détruit son poulailler et tue ses volailles. Inversement, Alan est repéré par un gros producteur de cantopop et est engagé. Il devient rapidement une star avec tout ce que cela implique : les fans hystériques, les grandes salles de concert et surtout, il délaisse de plus en plus Olive qui prend mal ses absences.

La crise éclate un soir de Noël où Alan doit participer à une émission de télévision en direct. La cabane d’Eric est décorée mais il ne viendra pas et Olive se soule. Dans l’ivresse, elle va se laisser embrasser par Eric. C’est la fin de son couple mais Eric décide de quitter Hong Kong et de voyager, de découvrir le monde, d’oublier cette vie morose. Alan est l’une des plus grandes stars de la cantopop et le film prend bien le soin de faire sa pub puisqu’il est effectivement chanteur. On entend plusieurs de ses chansons dont une reprise en cantonais de Oh Sharona. La critique que le film fait du milieu est bien faible et demeure au niveau du cliché.

Alan & Eric : Between hello and goodbye est d'abord et avant tout un mélo mais moins sur un trio amoureux que sur l’amitié indéfectible. Le film ne prend pas le risque de faire un Jules et Jim, jamais aucun des membres du trio n’envisage de composer un trio amoureux. Pour parvenir à faire tirer quelques larmes au spectateur, Eric devient malade. Il est atteint de diabète et n’a plus que quelques mois à vivre. Les trois amis se retrouvent et vont faire quelques tours de carrousel (dans une scène qui frise le ridicule). La dernière partie est de ce point de vue franchement peu emballante. Mais il reste l’énergie de Maggie Cheung, pourtant dans un rôle assez ingrat puisqu’elle reste dépendante des désirs des deux hommes, comme si le sien ne comptait pas. Alan Tam est un peu faible tandis qu’Eric Tsang est toujours bon. Il reçut cette année-là un Hong Kong Film Award du meilleur acteur pour ce rôle.

Alan & Eric : Between hello and goodbye (雙城故事, Hong Kong, 1991) Un film de Peter Chan avec Alan Tam, Eric Tsang, Maggie Cheung, Blacky Ko, Barry Wong, Paul Fonoroff, Michael Dinga, Cheung Ying-tsoi, Steve Chan Ho, Yeung Sze-yee, Chan Pak-hou.

dimanche 20 novembre 2011

Eros + massacre


1916 : Noe + Ôsugi

Eros + massacre dure presque trois heures et trente minutes. Comme Les Sept samouraïs d’Akira Kurosawa, mais rien ne rapproche les deux films. Il faut tenir le coup chez Yoshida, s’armer de patience pour comprendre de quoi ça parle et lire, lire tous les sous-titres dialogues sans lesquels rien n’est compréhensible. Ce qui frappe dès l’ouverture, c’est que les images semblent désaccordées avec ce que disent les personnages. Pendant le film, je me demandais si on pouvait comprendre la moindre chose d’Eros + massacre sans les sous-titres. Une vieille théorie critique disait que c’était possible et vraisemblable chez les grands cinéastes, mais chez Yoshida, je crois qu’on est passé dans une autre expérience, proche de l’expérimental.

Deux époques s’entrechoquent. 1916, le Japon impérial. Ôsugi (Toshiyuki Hosokawa) discute sous les cerisiers en fleurs avec sa maîtresse Noe (Mariko Okada). Cette dernière se pose des questions sur leur relation car Ôsugi est marié à Yasuko (Masako Yagi) et a une autre maîtresse Itsuko (Yūko Kusunoki). Noe, quant à elle, est marié à Tsuji (Etsushi Takahashi) et est mère de deux enfants. Elle discutera longtemps de sa liaison avec Ôsugi avec son époux parce qu’ils ne se cachent pas ces choses. On peut appeler ça l’amour libre, comme il est dit dans le film, mais pour Ôsugi et Noe, c’est un moyen de rejeter la société traditionnelle confucianiste, un moyen de refuser les règles de la culture impériale japonaise. En un moment, un anarchiste de l’amour.
1969 : Eiko + Wada
Il va sans dire qu’il est mal jugé par ses contemporains, par sa femme, qu’il est espionné par la police. Il en mourra. Sa mort est mise en scène de nombreuses fois. Comme une répétition tragique (la première fois, il est tué par ses comparses anarchistes qui estiment qu’il trahi la cause politique en se vautrant dans ses liaisons) puis grotesque (sa maîtresse l’égorgera par surprise et une autre fois en lui demandant provoquant une chorégraphie entre eux deux proche du burlesque). Finalement, puisque Ôsugi a existé, Yoshida montre son corps abandonné dans une carrière d’usine, entouré de son neveu et de Noe. Ôsugi est une légende et le cinéaste brouille les cartes, recrée une histoire de toutes pièces, invente la mythologie de cette mort.

C’est autour de cette légende que tourne Eiko (Kazuko Ineno), une jeune femme qui couche avec un réalisateur de publicité obsédé sexuel qui passe son temps, lors des tournages, à humilier les mannequins. Eiko aimerait plutôt coucher avec Wada (Daijiro Harada), une sorte de dandy qui déclame à longueur de temps des phrases péremptoires et absconses et qui veut brûler la société. Le jeune étudiant n’a pas envie de coucher avec Eiko et ne quittera jamais son sous-pull et ses lunettes de tout le film (sauf quand il faudra bien y aller). Ça parle politique, ça parle de relations sexuelles et ça parle d’amour. Eiko, comme Noe, a plusieurs hommes dans sa vie et la confrontation entre les deux époques, 1916 et 1969, montrent que la société n’a pas tant évolué que cela. Finalement, les deux femmes ne font qu’une, c’est une idée de femme moderne. Elles se rencontrent d’ailleurs quand bien même Noe est morte en 1923, Yoshida s’offrant une licence poétique où Eiko interviewe Noe.

1916 + 1969 : Noe + Eiko
Eros + massacre est un film politique, non pas comme un brûlot ou un pamphlet comme le ferait Wakamatsu. Pas ici de slogans sociaux ou de revendications facilement assimilables. Le film serait plutôt un mélange entre le Bergman du Rite et le Godard du Gai savoir. Il faut décrypter, replier et sous-entendre le discours politique autour de la liberté individuelle. Le film de ce point de vue est très marqué par son époque de la même manière qu’est daté le cinéma de Godard de cette époque. Aucuns des deux cinéastes n’arrive à dire directement ce qu’ils expriment. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué. En revanche, ce qui demeure sublime est la beauté et la variété des plans. L’alternance entre les gros plans sur les visages des acteurs et actrices et les plans larges sur les paysages où ils se perdent, dans une photographie la plupart du temps surexposée, crée un effet d’étonnement et de perte de repères constants.

Eros + massacre (エロス+虐殺, Japon, 1969) Un film de Yoshishige Yoshida avec Mariko Okada, Toshiyuki Hosokawa, Yūko Kusunoki, Kazuko Ineno, Etsushi Takahashi, Daijiro Harada, Taeko Shinbashi, Ejko Sokutai, Masako Yagi.

jeudi 17 novembre 2011

The Lion roars


Cette année aura été marquée par le retour de Cecilia Cheung au cinéma après cinq années d’absence. Un second rôle dans la franchise chorale du Nouvel An Lunaire All’s well end’s well. Une comédie de Wong Jing avec son fils (Treasure hunt, sorti en août à Hong Kong) et aujourd’hui Legendary amazons, co-production avec la Chine où elle tient le premier rôle en compagnie de Richie Ren, qui fût son partenaire à ses tous débuts dans Fly me to Polaris. Cette actrice revient, je l’aime beaucoup et je ne peux que m’en réjouir. Il trainait sur mon bureau ce The Lion roars tourné par Joe Ma. Allons voir ce que c’est.

Tout commence sur le ton de la comédie en costumes de la Chine impériale. Cecilia Cheung est Moth Liu, une jeune femme célibataire que son frère espère marier au plus vite. Le frangin (Wyman Wong) est si débordé par l’énergie de sa sœur qu’il en perdu tous ses cheveux. Il faut dire que c’est pas une femme commode, elle tape sur tous ceux qui la contredisent, elle n’hésite jamais à donner du poing. Elle est très costaude et arracher un pilonne pour s’en servir de massue est un jeu d’enfant. Bref Moth Liu est un poison et personne ne veut d’elle en épouse.

Le caractère de Seasonal Chan (Louis Koo) est l’inverse de celui de Moth Liu. C’est un homme posé, qui se dit poète mais qui n’a jamais été capable d’écrire une seule ligne. Dans la séquence la plus hilarante du film, on le voit tenter d’interpréter un de ses textes sous une pluie de huées. Ce qui est drôle dans cette scène est son anachronisme volontaire puisqu’il s’agit de parodier un concert de cantopop avec ses fans hystériques, sa star adulée et tous les clichés qui vont avec ce genre de concerts. Tout le monde veut que Chang quitte la scène, sauf Moth Liu qui semble la seule à apprécier. Le coup de foudre immédiat qui sera suivi d’un mariage express puisque l’empereur se trouve là par hasard.

Voilà une première partie rigolote. Place au mariage. Chan a peur de son épouse pour les raisons évoquées plus haut. Elle a du mal à être douce et il est de plus en plus incapable d’agir, d’écrire le moindre mot. Bref, il y a un malaise. Qui plus est cette peur gangrène toute la ville notamment Soo (Hui Siu-hung) et sa famille. Tout cabossés, ils viennent se plaindre de la conduite de Liu. Elle n’a rien fait, elle ne les a pas frappés mais l’angoisse est là, constante, irrémédiable. Le film ne se transforme pas en film d’horreur mais, avec un peu de courage, il aurait pu l’être. D’ailleurs, The Lion roars frôle avec le film de fantômes quand la princesse (Fan Bing-bing), la fille de l’empereur, vient séduire Chan, alors que Moth Liu est absente, en se faisant passer pour un « démon ».

La dernière partie du film prend une tournure digne d’une tragédie. Débarrassé de tout élément comique, le film s’engage dans un propos quasi féministe. Moth Liu constate l’adultère (forcé) de son mari et doit subir le diktat de l’empereur qui exige que sa fille devienne la concubine de Chan. Liu proteste et Cecilia Cheung a cette capacité de faire passer son visage du rire aux larmes avec une force de conviction inégalée. Le film se fait féministe parce qu’elle plaide la cause de la liberté des femmes. Certes, tout cela ne va pas bien loin mais les choses sont dites. De toute façon, sur le mode comique ou dramatique, tout le film repose sur le charme de Cecilia Cheung. D’ailleurs, Joe Ma a tourné avec elle un The Lion roars 2 qui devrait sortir prochainement.

The Lion roars (我家有一隻河東獅, Hong Kong, 2002) Un film de Joe Ma avec Cecilia Cheung, Louis Koo, Wyman Wong, Hui Siu-hung, Fan Bing-bing, Cheung Kam-ching, Raymond Wong Ho-yin, Joe Lee, Mou Jian.

Sorties à Hong Kong (novembre 2011)


Big blue lake (大藍湖, Hong Kong, 2011) Un film de Tsang Tsui-shan avec Leila Kong, Lawrence Chou, Amy Chum. 104 minutes. Catégorie I. Sortie à Hong Kong : 17 novembre 2011.


Sorties à Hong Kong (novembre 2011)


Legendary amazons (楊門女將之軍令如山, Hong Kong – Chine, 2011)
Un film de Frankie Chan avec Cecilia Cheung, Cheng Pei-pei, Liu Xiaoqing, Chen Zihan, Jin Qiaoqiao, Richie Ren, Yang Zitong, Ge Chunyan, Oshima Yukari, Li Jing, Kathy Chow, Liu Dong, Zhao Qianyu, Yu Na, Wang Ti, Zhou Xiao-fei, Wu Ma. 108 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 17 novembre 2011.




mardi 15 novembre 2011

Les Plaisirs de la chair


Il ne faudra pas moins de quatre femmes à Wakizaka (Katsuo Nakamura) pour essayer de remplacer Shoko (Mariko Kaga), la seule et unique femme qu’il a toujours aimée. Les Plaisirs de la chair est le récit de cette tentative d’oubli de cet amour unilatéral. Wakizaka est un simple étudiant quand il rencontre Shoko puis devient professeur, ce qui signifie qu’il est pauvre. Shoko l’invite a son mariage, à son grand dam et il y va. Les parents de la jeune mariée, connaissant la passion de Wakizaka pour leur fille, en profite pour lui demander de tuer l’homme qui a violé Shoko. Il accompli cet acte criminel par amour.

Peu de temps après, il reçoit dans son modeste appartement, la visite d’un fonctionnaire qui affirme être l’unique témoin du meurtre. Il lui propose un marché. Le fonctionnaire a détourné de l’argent public, il sait qu’il va être découvert, arrêté et mis en prison. Il veut que Wakizaka garde trente millions de yens pendant ses cinq ans de geôles pour les récupérer à sa sortie. Il ne devra pas en dépenser et, en contrepartie, le fonctionnaire se taira. Il accepte ce marché, quatre ans se passent et il a soudain une idée. Il va dépenser tout l’argent en un an, il va coucher avec des femmes et, juste avant que le fonctionnaire ne sorte de prison, mettre fin à sa vie.

Les femmes, pour un puceau comme Wakizaka, il n’est pas évident de les aborder. Il engage Hitomi (Yumiko Nogawa) dans un bar à prostituées. Elle accepte le marché contre un million de yens par mois. Tout se déroule bien au début, elle s’achète de beaux vêtements, se parfume, se fait belle, mais leurs rapports restent superficiels. La deuxième femme est Shizuko (Masako Yagi), son époux vient s’immiscer dans leurs aventures sexuelles. C’est un minable, incapable de garder un boulot. Ils ont deux enfants. Il va leur léguer beaucoup d’argent et sa maison pour qu’ils s’en sortent en leur écrivant une lettre d’une rare cruauté.

Puis il passe à Keiko (Toshiko Higuchi), une femme rencontrée chez son médecin. Elle est froide, refuse de coucher avec lui, elle est à la fois frigide et castratrice. Finalement, il met son dévolu sur Mari (Hiroko Shimizu), une jeune muette que son proxénète présente comme idiote. Elle devient, en opposition avec Keiko, un corps avec lequel il peut faire l’amour, avec lequel il peut enfin assumer ses désirs, de la chair et rien d’autre. Mais là, le proxénète va venir s’en mêler. Et l’argent commence à manquer, l’année finit par s’écouler.

Le film n’est pas du tout sensuel et Wakizaka ne retire aucun réel plaisir de la chair tant les obstacles qui se mettent sur son chemin l’en empêchent. Plus la sortie du fonctionnaire approche, plus son état mental s’aggrave. Il commence à voir le visage de Shoko quand il étreint ses femmes. Ce qui lui coupe tous ses élans. Puis, c’est le fonctionnaire qui lui apparait, venant réclamer l’argent qu’il n’a plus. Nagisa Oshima joue sur les couleurs pour donner un effet proche du fantastique. Les scènes de tension (avec les différents « époux » ou proxénètes) sont filmées en plan séquence. Chacune des femmes est montrée dans une scène où les surimpressions des corps ou des objets déterminent son caractère. Mais ce qui ressort avant tout est que Wakizaka est incapable d’aimer dans le vrai monde, que ses désirs sont mortifères et sa vie est une tragédie.

Les Plaisirs de la chair (悦楽, Japon, 1965) Un film de Nagisa Oshima avec Katsuo Nakamura, Mariko Kaga, Yumiko Nogawa, Masako Yagi, Toshiko Higuchi, Hiroko Shimizu.

vendredi 11 novembre 2011

Merry-go-round


Merry-go-round est un film gentil, tellement gentil qu’il est classé Catégorie I, tellement gentil que je m’étonne que la UFO ait produit ça et qu’en plus Eric Tsang, patron de cette compagnie, joue dedans. C’était l’unique raison pour laquelle j’ai regardé ce film. Il joue monsieur Kuk, un veuf, qui vient d’acheter un fond de commerce pour y lancer son restaurant de nouilles. Il vit avec son fiston adolescent un peu couillon, Fung (Lawrence Chou), coupe afro et sa fillette Ku (Lai Yuen-tung) qui sera la narratrice du film. C’est sans doute pour cela que tout y sera gentil.

Le père achète le restaurant dans un quartier très peu fréquenté. Tout le mobilier du restau s’écroule (rires) puis le jour de l’ouverture, tous les clients s’enfuient en courant parce que Kuk cuisine très mal (rires). Ya plus personne pour acheter des nouilles, mais le père cherche à progresser (notions sur les valeurs de persévérance et du travail). Malgré le faible rendement, Kuk engage Carlily (Rainie Yang), dont l’oncle était l’ancien tenancier des lieux. C’est une jeune fille timide mais elle va s’entendre très bien avec Fung et commencer à sortir avec lui. Ils font chaque jour la même promenade et se pèsent chaque jour sur une balance de fête foraine. Carlily conserve tous les tickets dans un album comme autant de moments partagés.

Carlily a une sœur, Heman (Zeny Kwok) qui ne s’entend pas du tout avec Fung. Quand ce dernier téléphone à sa petite amie, ils s’envoient de bonnes bâches (rire), ils se disputent mais ils vont bien s’entendre (soulagement, l’amitié est une vraie valeur). Ils vont devenir amis et partenaires d’un jeu télévisiuel où le lot est un voyage au Japon. Heman, bien que grande gueule a un grand cœur et compte offrir le voyage à sa Carlily qui rêve de faire du carrousel (le titre du film) à Tokyo. Mais par un malheureux concours de circonstance, elle ne le pourra pas. C’est sans doute là le début de la fin de sa romance avec Fung qui serait éventuellement amoureux de Heman.

Parlons maintenant de la petite sœur, un adorable enfant qui va se lier d’amitié avec un adorable marmot qui passe souvent devant le magasin avec sa grand-mère. Locuste (Darren Cheng) et sa mamie (Helena Law) sont très pauvres. Ils ont à peine de quoi se payer un plat de nouilles pour deux et le môme porte chaque jour les mêmes vêtements. Mais Fung va prendre sous son aile le gamin qui pourra manger à sa faim. C’est une douce amitié entre les deux enfants qui se développe, une relation de respect où chacun donne de l’espoir à l’autre. Alors, bien sûr, Merry-go-round est un film relativement culcul la praline, où tout le monde sourit tout le temps (c’en est presque énervant), où les problèmes de pauvreté sont réglés à grands coups de bons sentiments et de couleurs pimpantes. Voilà, c’est un film gentil comme il en existe partout.

Merry-go-round (初戀拿喳麵, Hong Kong, 2001) Un film de Thomas Chow avec Lawrence Chou, Rainie Yang, Zeny Kwok, Darren Cheng, Lai Yuen-tung, Eric Tsang, Helena Law.

jeudi 10 novembre 2011

Sorties à Hong Kong (novembre 2011)


The Killer who never kills (殺手歐陽盆栽, Taïwan, 2011)
Un film de Lee Fung-bok et Jimmy Wan avec Hsiao Jung-ting, Eric Tsang, Lin Chen-xi, Huang Licheng, Chrissie Chau, Na-Do, Ma Nien-hsien, Chang Kuo-chu, Tsai Shu-chen, Deng An-ning, Chao Cheng-ping. 103 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 10 novembre 2011.

Sorties à Hong Kong (novembre 2011)


Let’s go (保衛戰隊之出動喇!朋友!, Hong Kong, 2011)
Un film de Wong Ching-po avec Juno Mak, Stephy Tang, Pat Ha, Lam Ka-tung, Gary Chaw, Jimmy Wang Yu, Chin Siu-ho, Ken Lo. 96 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 10 novembre 2011.



mercredi 9 novembre 2011

Overheard 2



Overheard 2 n’est pas la suite d’Overheard. Alan Mak et Felix Chong pour leur deuxième film sorti cette année ont repris les acteurs et les ont placés dans des situations et des personnages nouveaux. En revanche, ce qui ne change est le fond de l’histoire. On est encore dans les magouilles des milieux financiers. Un groupe de riches hommes d’affaire s’est constitué depuis 1973 et tient la mainmise sur les entreprises locales depuis. C’est une société secrète ou presque et leur prête-nom est Law man-sang (Lau Ching-wan), le plus jeune et récent membre de ce groupe.
Law est l’objet de surveillance de Joe (Daniel Wu) qui a placé sur sa voiture un traceur. D’une fourgonnette, il le suit dans les rues de Hong Kong, il le pourchasse mais Law tente de le semer. Les deux cinéastes tentent de refaire le coup de génie d’une séquence d’ouverture (celle d’Overheard était magnifique) mais ici, cela fonctionne avec moins de brio. Joe observe Law répondre à une interview à la télévision puis engage une course poursuite. Là encore aucun mot n’est prononcé, on ne connait pas les rapports entre les deux hommes ni la raison pour laquelle Joe poursuit Law.
Ce sera à Jack Ho (Louis Koo qui pour l’occasion porte une barbe de trois jours et a les cheveux gris) de résoudre cette histoire. Jack Ho bosse à la sécurité intérieure. C’est un policier incorruptible qui est allé jusqu’à arrêter sa femme qui s’était livrée à des pots de vin. Ho cherche partout où se trouve Law des micros et il en trouve beaucoup. Très vite, il tombe sur Joe qui surveille Law dans l’immeuble en face, très vite les deux hommes vont jouer au jeu du jeu du chat et la souris. Joe balance quelques explosifs dans les rues et on le retrouve aider sa mère amnésique dans un hospice. C’est lui qui sera au centre du film, un personnage sec, taiseux, malin et a priori, il est méchant du film.
A priori bien entendu. Comment pourrait-il être mauvais alors qu’il prend si soin de sa maman ? Les vrais affreux du film sont les membres du club financiers qui corrompent le système et on découvrira au fur et à mesure pourquoi Joe leur veut du mal. Non pas parce qu’ils sont corrompus jusqu’à la moelle et qu’ils dirigent de leur bureau l’industrie de Hong Kong (la charge contre les financiers est assez grossière) mais parce que Joe estime que Tony (Kenneth Tsang), le chef du clan, est responsable de la mort de son père Szema (Wu Fung). Mais toutes ces informations seront distillées au compte gouttes, dans des tunnels de dialogues explicatifs ce qui alourdit considérablement le film.
Le trio d’acteurs est ce qu’il ya de mieux dans le film. Chacun a un caractère très différent. Louis Koo incarne le calme, Lau Ching-wan l’inquiétude et Daniel Wu la nervosité. Ils se complètent et se répondent. Il faudrait pouvoir oublier ces histoires financières qui sont beaucoup trop développées et ralentissent le récit qui partait sur les chapeaux de roue. Les deux réalisateurs finissent leur film sur un montage alterné digne de Francis Ford Coppola entre le nid d’aigle de Tony assailli par Joe et le bureau de Law où il met en œuvre le plan machiavélique conçu par Joe pour se venger. Jack Ho est entre les deux, il résout une énigme que le spectateur aura déjà compris dix minutes avant lui.
Overheard 2 (竊聽風雲2, Hong Kong – Chine, 2011) Un film de Felix Chong et Alan Mak avec Lau Ching-wan, Louis Koo, Daniel Wu, Michelle Ye, Alex Fong Chung-sun, Chrystal Huang, Kenneth Tsang.

dimanche 6 novembre 2011

The Lost Bladesman


Il était logique que Donnie Yen ait sa version de l’histoire des trois royaumes. En tant que plus grosse star actuelle de Hong Kong et de Chine (puisque ses films sont aujourd’hui conçus pour pouvoir être présentés au public continental), il ne pouvait pas manquer un concept qui a réussi à John Woo avec ses deux Red Cliff et à Andy Lau avec Les Trois royaumes, la résurrection du Dragon de Daniel Lee (que je n’ai pas vu d’ailleurs). Voici donc The Lost bladesman tourné par Alan Mak et Felix Chong, essentiellement connu pour avoir travaillé avec Andrew Lau pour la trilogie Infernal affairs.
Donnie Yen est le général Guan Yu, un homme courageux et passionné comme dit de lui Cao Cao (Jiang Wen), le premier ministre de l’empereur (Wang Bo-chieh). Cao Cao gouverne seul l’empire car le jeune souverain ne sent pas encore prêt. Mais les guerres entre les trois royaumes font rage. Cao Cao souhaite faire de Guan Yu son allié pour combattre Yan Liang (Chin Siu-ho), son principal rival. Mais le général préfère rejoindre son maître, Liu Bei (Alex Fong Chung-sun) et partir avec la belle Qilan (Betty Sun), promise à Liu Bei mais dont Guan Yu est tombé amoureux il y a de cela des années. Jamais il ne lui a dit mais elle l’a compris et n’est pas insensible au charme de son garde du corps.
Le voyage commence mais Cao Cao fait partir ses pigeons voyageurs à ses mercenaires et décide de tuer Guan Yu, malgré ses promesses de le laisser libre. Le film après une longue introduction prend la forme d’un road-movie où tous les quarts d’heures Guan Yu se bat contre un des mercenaires. L’impression de répétition se fait assez vite sentir, la construction du récit est assez lâche et sans ossature. D’un côté, Donnie Yen (qui a dirigé les scènes de combat) rencontre son ennemi, se bat dans une chorégraphie souvent dynamique et plus réaliste que d’habitude. Je veux dire par là que personne ne vole, ne se déplace ; les combats sont une tradition à la Liu Chia-liang. D’un autre côté, les sentiments amoureux mais interdits entre Guan Yu et Qilan se développent. Cet amour ne se concrétisera pas et de toute façon, il faut savoir garder sa pudeur pour le public.
Ce qui intéresse plus est l’affrontement entre Cao Cao et Guan Yu. Cet affrontement est double. Dans les personnages, Cao Cao a un profond respect pour son adversaire. C’est même de l’admiration tant Guan Yu fait preuve de loyauté, jusqu’à l’aberration d’ailleurs. Guan Yu ne comprend rien à la politique, c’est un soldat avant tout, dont le seul destin est de se battre pour son souverain. The Lost Bladesman commence par l’enterrement de Guan Yu que son bourreau a pourtant voulu rendre exceptionnel. Car Guan Yu était un héros. Il a toujours agi de manière héroïque et c’est cela que Cao Cao admirait. Le deuxième affrontement est entre les acteurs. Jiang Wen vole toutes les scènes qu’il partage avec Donnie Yen qui, parce qu’il joue un personnage univoque, joue de manière très statique. Jiang Wen campe un personnage retords et ambivalent. Son jeu est très fort puisqu’il offre de l’humanité à cet homme machiavélique de politicien. Mais peu importe, on sait tous pourquoi on regardera ce film : pour l’agilité de Donnie Yen. Mais pendant combien de temps réussira-t-il à nous intéresser ? Va-t-il se renouveler ? La suite au prochain numéro.
The Lost bladesman (關雲長, Hong Kong – Chine, 2011) Un film de Alan Mak et Felix Chong avec Donnie Yen, Jiang Wen, Chin Siu-ho, Betty Sun Li, Andy On, Wang Bo-chieh, Alex Fong Chung-sun, Zhao Ke, Li Zong-han, Nie Yuan, Wang Xuebing, Chen Hong, Hei Zi, Yu Ai-lei, Shao Bing, Dong Yong, Zhou Bo.

jeudi 3 novembre 2011

Love and bruises


On pourrait traduire le titre du nouveau film de Lou Ye, encore contraint à l’exil et aux tournages clandestins pour avoir fâché tout rouge le Bureau du Cinéma Chinois avec Une jeunesse chinoise et Nuits d'ivresse printanière) par « de l’amour et des coups ». Love and bruises tourné en France avec des acteurs français et un peu à Pékin, avec le fameux chef op’ Yu Lik-wai, ne parle que de cela : de l’amour et des éventuelles conséquences désastreuses. Hua (Corinne Yam), étudiante chinoise de 28 ans à Paris vient de se faire larguer, elle erre dépitée dans les rues et tombe, littéralement, quand Mathieu (Tahar Rahim) la frappe dans la rue.
Ce coup, c’est celui des piquets que porte Mathieu : il est monteur dans les marchés et il est en train de démonter les tentes. Le jeune manœuvre demande si elle va bien, si elle besoin d’aide, d’un médecin. En fait, il a eu le coup de foudre et il ne va plus la lâcher. Ils échangent leurs numéros de téléphone, il la rappelle immédiatement, l’invite à boire un verre et l’emmène dans un chantier pour l’embrasser (elle refuse) puis pour la baiser (elle finit par céder). Elle a cédé, elle lui appartient. C’est comme ça que fonctionne Mathieu, de manière aussi simple, aussi primitive.
Mathieu est un homme jaloux, on dirait presque qu’il a fait son éducation amoureuse en regardant Confessions intimes tellement son caractère est celui d’un homme frustre, possessif, inconséquent et immature. Il va jusqu’à tester la fidélité de Hua en la mettant dans les bras de Giovanni (Jalil Lespert), petite frappe, macho à chemise ouverte et chaine qui brille avec qui Mathieu a fait cet arrangement stupide. Giovanni manque de l’étrangler, de la violer ; là encore des coups en guise d’amour. Hua ressort avec des marques sur le visage et part s’engueuler avec Mathieu qui la demande en mariage alors qu’ils ne se connaissent que depuis quelques jours.
Aucun des deux n’a appris à aimer. Mathieu dit à Hua qu’un pauvre type comme lui sans éducation ne peut pas aimer une intello comme elle, puis lui assène que personne ne l’aimera jamais comme il l’aime. Et c’est sans doute vrai. Hua passe de mec en mec, elle s’est construit une sale réputation de coucheuse chez ses collègues enseignants. Mathieu la croise avec l’un d’eux : crise de jalousie. Elle convie à une soirée avec eux : il donne des conseils grossiers (offre des fleurs à ta copine et ensuite baise-la comme un homme). Rien n’y fait, ils ne peuvent pas s’entendre. Hua retourne à Pékin dans l’espoir que ça aille mieux, qu’elle oublie ce connard personnifié, mais séparés ça ne va pas mieux.
Love and bruises est un film très énervant. Ça faisait bien longtemps que les personnages principaux d’un film ne m’avaient pas épuisé comme ça. D’autant plus que la caméra à l’épaule ne fait rien pour arranger cette impression de folie. Les personnages sont pris dans un tourbillon incessant. Ils apprennent à se connaitre en même temps que le spectateur apprend quelle a été leurs vies, quel est leur passé. Lou Ye ne cesse de les encercler jusqu’à l’épuisement total dans un exercice proche du sadisme, sans aucun romantisme, ni exotisme, ni même sensualité (les scènes de coït sont glaciales) ce qui change du tout venant actuel et donne sa saveur amère au film.
Love and bruises (, France – Chine, 2011) Un film de Lou Ye avec Tahar Rahim, Corinne Yam, Vincent Rottiers, Jalil Lespert, Lika Minamoto, Shao Sifan, Zhang Songwen.

Sorties à Hong Kong (novembre 2011)


Sleepwalker in 3D (夢遊, Hong Kong, 2011)
Un film d’Oxide Pang avec Angelica Lee, Charlie Young, Kent Cheng, Li Zong-han, Huo Siyan. 108 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 3 novembre 2011.

mercredi 2 novembre 2011

Les Funérailles des roses


Plonger dans Les Funérailles des roses, c’est ce retrouver dans un autre espace-temps, un cinéma qui n’est ni narratif, ni documentaire, ni expérimental, mais un peu tout cela à la fois. Film hybride comme il s’en faisait beaucoup dans la nouvelle vague japonaise mais qui est resté dans les mémoires à cause de son sujet, somme toute rarement abordé, les travestis. Eddie (Peter), jeune et joli travesti est suivi à la trace dans sa vie amoureuse, dans son travail et dans sa vie familiale. Eddie sort avec un homme plus âgé, qui semble être son patron. Il bosse dans un night-club avec d’autres travestis. On découvre cette vie nocturne où des clients viennent s’encanailler loin de leurs foyers, loin de leurs femmes. Les jeunes travestis les divertissent avec leurs jeux de séduction auxquels personne n’est dupe.

A priori, ce night-club ne cache pas un réseau de prostitution mais se distingue des autres boites de nuit, justement parce que la clientèle est gay. Face caméra, les travestis (Eddie et ses amis) répondent tant bien que mal à quelques questions maladroites sur leur mode de vie « allez vous vous habiller en femmes toute votre vie ». En parallèle, des images de manifestants réprimés par la police sont montrées. On est en pleine guerre du Viet-Nam et certains étudiants, comme les travestis qui regardent une manif silencieuse et hiératique, ne veulent plus des règles de ce monde. Le film refuse de la même manière la narration traditionnelle, la fiction habituelle. Ici, seules des bribes de récit (la vie d’Eddie, la jalousie de Leda, le pouvoir de Rabbit) est le fil conducteur du film. Tout est déstructuré comme la mise en scène, comme la vie d’Eddie, comme la société japonaise de 1969. Il fallait alors surprendre le spectateur, le mettre mal à l’aise et faire dans l’originalité. En fait, le film retombe un peu trop facilement sur ses pattes et finit par être classique.

Toute une panoplie d’effets est mise en œuvre pour rendre Funérailles des roses original. La peau d’Eddie et de son amant sont filmées de très près, dans une lumière quasi blanche, comme surexposée (le film est en noir et blanc). Régulièrement, une scène est coupée cut par une image qui intervient de manière quasi subliminale (une ligne d’hommes nus, une photo de famille où le visage du père brûle, le numéro de visa en gros plan). On y découvre une courte scène où une femme saigne de l’abdomen, image récurrente qui s’avèrera être celle de la mère d’Eddie. A de nombreuses reprises, un vase rempli de roses tombe sur le sol au ralenti. Deux fois, pour donne un effet comique, la scène est accélérée : une fois sur une danse de French cancan, plus tard dans une baston entre travestis et rockeuses. Le réalisateur rend évidemment, avec toute cette variété d’images, hommage à plusieurs cinéastes parmi lesquels Jean-Luc Godard et Ingmar Bergman dont les ombres planent de manière évidente.

Film cerveau, celui d’Eddie que l’on peut considérer comme malade et dégénéré, Les Funérailles des roses alterne l’humour et la plus grande tristesse. Sans dévoiler le finale, on comprend qu’Eddie aie la haine de la société dans laquelle il vit. Eddie se cherche et le réalisateur multiplie les scènes avec des miroirs. A commencer par celle de la réplique dans Blanche Neige et les sept nains. Plus tard, Eddie fera l’amour avec son patron devant un miroir ou il fera une confession face à la caméra qui s’avère être une mise en abyme. Enfin, il s’embrassera dans un miroir après s’être maquillé et se ramassera une grosse gifle de sa mère. Les dialogues sont décousus, ce qui procure encore plus de mystère et la musique typique de cette période évoque les expérimentations musicales de Richard Wright dans les albums de Pink Floyd (More, Ummagumma) du même millésime. Bref, Les Funérailles des roses est à la fois intrigant, démodé, intéressant, trop long, fascinant, sublime et cucul la praline. Un film incontournable.

Les Funérailles des roses (Funeral parade of roses, 薔薇の葬列, Japon, 1969) Un film de Toshio Matsumoto avec Peter, Osamu Ogasawara, Yoshio Tsuchiya, Emiko Azuma.