samedi 31 décembre 2011

Bilan de l'année 2011


Rarement, il n’y aura eu aussi peu de films d’Asie sortis en France : 19 seulement en 2011, on se croirait revenu dans les périodes de disette. C’est un animé Ghibli qui est en haut du classement de la fréquentation. Et pourtant Arrietty n’est pas la meilleure production du studio et souffre d’une musique particulièrement pénible. Disney, qui distribue désormais les films de Ghibli, choisit maintenant le début d’année pour sortir les films de la compagnie de Miyazaki. Mi-janvier, on pourra découvrir le nouveau film de Goro le fils du maître. Ce que l’on remarque surtout, c’est que le cinéma japonais semble aujourd’hui réduit à n’être que du film pour enfants ou de l’animé : Cheburashka, La Boite à malice et Colorful. Seule exception, le Hara Kiri de Takashi Miike dont aucun film n’était sorti en salles en France depuis bien longtemps. Le cinéma coréen s’est bien défendu, cinq films sont sortis, aucun cinéaste coréen n’a été découvert ce qui donne l’impression qu’il ne se ferait que des films rohmeriens ou des films de vengeance là-bas. Je doute que ce cinéma ne soit plus constitué que de cela.

Apparemment, il est de plus en plus difficile de découvrir en salles ce qui se produit actuellement en Asie. Les distributeurs se cantonnent avec ce qu’ils estiment être bankables soit Tsui Hark (semi-succès public) et Yuen Woo-ping (bide au box-office). Il était prévu que Sex & zen 3D sorte au cinéma pendant l’été. La sortie a été finalement annulée (ou repoussée) malgré le buzz intense (quoi que plutôt mensonger) sur le succès au box office hongkongais. Le film devra sans doute atteindre le public français en dvd et blu-ray dans les mois qui arrivent. La vraie star hongkongaise cette année a été Donnie Yen : les deux Ip Man, 14 blades, Legend of the fist et The Lost bladesman ont été édités en dvd, en attendant probablement Wu Xia (projeté à Cannes 2011). Il faudra attendre un peu pour découvrir ses autres films, notamment ses comédies. Donnie Yen est, en France aussi, la star incontestée du cinéma de Hong Kong. Par ailleurs, deux films de Johnnie To sont sortis à Hong Kong et il y a peu de chance qu’ils parviennent en salles jusqu’ici (à la limite en dvd).

L’un des faits marquants de cette année à Hong Kong est justement cette profusion actuelle de wu xia pian et autres films en costumes se déroulant dans la Chine légendaire ou dans celle du tournant du siècle (d’avant Mao). Cette mode a commencé à se développer depuis deux ans mais elle atteint aujourd’hui des proportions importantes. Sur la cinquantaine de films locaux sortis à Hong Kong en 2011, une quinzaine est donc en costumes. Une explication très simple à ce revival du genre : le nouveau système de coproduction avec la Chine. Près d’un tiers des films hongkongais sont aujourd’hui produits par Pékin pour le public chinois avec deux conséquences majeures. D’abord une obligation de se conformer aux exigences thématiques de Pékin, certains sujets ne peuvent pas être abordés, il est désormais interdit de critiquer tout organe étatique (police, fonctionnaire, état) et de vanter les triades ou d’en montrer des personnages positifs. L’autre conséquence est celle des acteurs et actrices : un quota d’interprètes chinois est exigé, des jeunes actrices mannequins au joli visage mais dont le jeu laisse indifférent.

L’arrivée de l’argent chinois dans le cinéma hongkongais a permis sans aucun doute à l’industrie d’être sauvée mais d’un autre côté, tous ces films en co-production se ressemblent et ennuient. Alors que reste-t-il à Hong Kong ? L’année a vu le retour de Cecilia Cheung après une longue éclipse due à sa vie de famille mouvementée. Elle a même embarqué dans un film son jeune fils. Il y aussi des choses qui ne bougent pas : Wong Jing par exemple qui continue avec ses budgets fauchés, ses scénarios simplistes et ses amis acteurs à produire et réaliser encore trois ou quatre films par an. Comme d’habitude, il change de genre comme de chemise, mais il garde toujours la même méthode. Wong Jing, quels que soient ses défauts, demeure aujourd’hui l’un des piliers du cinéma de Hong Kong.

Box office de tous les films d’Asie sortis en France en 2011 :

Arrietty le petit monde des chapardeurs (Hiromasa Yonebayashi) 916 961 entrées
Detective Dee (Tsui Hark) 234 726 entrées
La Ballade de l’impossible (Tran Anh Hung) 58 430 entrées
The Murderer (Na Hong-jin) 46 508 entrées
J’ai rencontré le diable (Kim Jee-won) 28 344 entrées
I wish I knew, histoires de Shanghai (Jia Zhangke) 27 893 entrées
Cheburashka et ses amis (Makoto Nakamura) 25 515 entrées
La Flûte et le grelot (collectif) 25 121 entrées
Ha ha ha (Hong Sang-soo) 15 610 entrées
Love and bruises (Lou Ye) 14 389 entrées
True legend (Yuen Woo-ping) 11 997 entrées
La Boite à malice (Koji Yamamura) 10 482 entrées
Hara kiri, mort d’un samouraï (Takashi Miike) 9 241 entrées
Colorful (Keiichi Hara) 5 479 entrées
Les Nuits rouges du bourreau de jade (Julien Carbon et Laurent Courtiaud) 3 731 entrées
Black blood (Zhang Miaoyan) 661 entrées
Oki’s movie (Hong Sang-soo) pas de chiffres
Summer vacation (Li Hongqi) pas de chiffres
Entre chien et loup (Jeon Soo-il) pas de chiffres

(Chiffres aimablement fournis par Mathias C. Alonzo-Mosely)

Bonne année 2012 !

vendredi 30 décembre 2011

Perfect girls


Un vieil oncle d’Amérique millionnaire s’apprête à mourir dans les deux prochains mois. Il cherche un héritier parmi sa famille à Hong Kong. Lam Tin-chi (Wilson Lam) est ce neveu à qui l’avocat doit annoncer la bonne nouvelle. Mais il ne pourra hériter de la fortune de son oncle que si, dans un délai d’un mois, il se marie. Car Chi à 29 ans est encore célibataire. Pire que cela pour le futur défunt, il a toujours eu, dès l’enfance, des problèmes avec les femmes : il se laisse dominer par elles. On voit où veut en venir ce cher Wong Jing : une femme parfaite est une femme soumise, ou au moins qui ne domine pas son mari. La chasse à l’épouse est partie pour Chi car s’il ne se marie pas, c’est son cousin Robert (Kwan Chiu-chung – je crois que je n’avais pas vu un acteur aussi mal jouer depuis des années, comme s’il ne comprenait pas ce qu’il dit) qui touchera le magot.

Pour l’instant, Chi n’est au courant de rien. Le vent tourne avec les filles, un jour avec son cousin (Wong Jing), un obsédé sexuel qui croit pourvoir séduire toutes les filles, ou presque, il rencontre Siu-siu (Michelle Reis). C’est vers Chi qu’elle va se tourner car pour une fois, elle est plutôt respectée par un homme. Il faut dire que Chi est un grand dadais, timide et peu volontaire : il attend que les filles lui tombent dans les bras, et pourtant il en croise beaucoup dans son métier, il travaille dans la pub. Siu-siu n’est pas une fille commode, elle ne se laisse pas faire. Sa copine Fitty (Bat Mei-na) leur donne quelques conseils pour l’amadouer et leur dit de ne surtout pas lui donner de l’alcool. Chi trouve que Siu-siu se conduit mal et lui lance un pari : qu’elle se tienne bien un quart d’heure pendant la fête d’anniversaire de la mère de Chi (Tang Pik-wan). Elle gagne son pari, la mère – comme les amies de la mère avec qui elle joue au mahjong – la trouve bien mais, Siu-siu, une fois le temps fini, redevient la fille indépendante qu’elle a toujours été. Bien entendu, ça ne va pas plaire du tout à la maman qui se voyait déjà avec un belle bru et puis non.

C’est alors que l’avocat de l’oncle intervient pour annoncer la nouvelle. C’est sans compter sur Robert, le vil cousin qui fomente dans son coin pour pouvoir toucher l’argent. Il va tout faire pour que Chi ne se marie pas et il commence par semer la zizanie entre Chi et Siu-suiu. Et ça marche, elle se fâche et la mère de Chi ne veut plus la voir. Elle organisera des blind dates avec des filles toutes plus névrosées et improbables les unes que les autres. Le schéma de Perfect girls est classique : on sait très bien que Siu-siu finira par se marier avec Chi, que la mère l’acceptera. Ce qui d’habitude est plaisant dans ce genre de comédie, ce son les obstacles qui se mettent entre les amoureux. Etonnamment, le frère de Siu-siu interprété par Shing Fui-on, censé être dans les triades n’entre pas vraiment en jeu : sa partition comique consiste à ce que son personnage s’appelle Leslie Cheung et que sa maman lui prépare les matraques pour aller tabasser les clans adverses. Il faut donc inclure dans le récit une rivale à Siu-siu : ce sera Yan (Nina Li Chi), un mannequin que Chi rencontre sur un tournage. Yan obtiendra le soutien de la mère de Chi pour le mariage. On a vite compris qu’elle est complice d’Albert. On se dit surtout que compte tenu de l’absence de personnalité et de charisme de l’acteur qui joue Chi, il n’est même pas étonnant que personne n’ait envie de l’épouser.

Perfect girls (靚足100, Hong Kong, 1990) Un film de Wong Jing avec Wilson Lam, Michelle Reis, Nina Li Chi, Monica Chan, Wong Jing, Mui Siu-wai, Bat Mei-na, Tang Pik-wan, Kwan Chiu-chung, Mak Yan-wa, Chan Wan-yue, Carol Lee, Sharon Kwok, Dennis Chan, Aan Kwok-leung, Hui Ying-sau, Anders Nelsson, Nat Chan, Shing Fui-on, Manfred Wong, Frankie Chan, Cheng Siu-ping, Leung Biu-ching, Wai Yee-yan.

jeudi 29 décembre 2011

Sorties à Hong Kong (décembre 2011)

Laughing Gor turning point 2 (Laughing Gor 潛罪犯, Hong Kong, 2001)

Un film d’Herman Yau avec Michael Tse, Bosco Wong, Francis Ng, Kate Tsui, Damian Lau, Ching Ou-yang, Rebecca Zhu, Lam Suet, Kara Hui, Lau Siu-ming, Janice Man, Chapman To. 89 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 29 décembre 2011.


samedi 24 décembre 2011

Doubles cause troubles


Un avocat vient annoncer à Liang Shan-bo (Dodo Cheng), infirmière de son état toujours en retard au travail, qu’elle a hérité de l’appartement de sa grand-mère. Puis, le même avocat va annoncer à Zhu Ying-tai (Maggie Cheung), dont l’ambition est d’être comédienne, qu’elle a aussi héritée de cet appartement. Dans son cabinet, l’avocat leur annonce qu’elles devront habiter ensemble un an sans quoi le logement sera mis en vente aux enchères. L’ouverture de Doubles cause troubles est trépidante, les deux actrices y vont à fond dans leurs personnages de jeunes femmes espiègles. Ce qui est immédiatement plaisant, c’est que les deux cousines ne peuvent pas se saquer et qu’elles se lancent des vannes, se disputent sans cesse, comparent leurs mérites et se jalousent l’un l’autre. Mais malgré leur hypocrisie, elles acceptent cette colocation forcée. Il faut dire que l’appartement est vaste et que trouver un aussi grand logement à Hong Kong n’est pas une chose facile.

C’est la guerre entre les deux filles, sur le mode hystérique absolu. Et tout va empirer quand elles se rendent compte que feue la grand-mère avait un locataire, le beau Ben (Poon Jan-wai) qu’elles ont décidé de séduire toutes les deux. Qui aura les faveurs du jeune homme ? Personne car il va mourir sous leurs yeux. Elles ne le savent pas encore mais Ben est un petit malfrat et il s’est fait tiré dessus. Au centre de tout cela, se trouve un trésor volé à Taïwan et que Ben voulait vendre à Viper (Hon Yee-sang), un barbu toujours accompagné de ses deux comparses féminins Liang (Sherman Wong, c’est un acteur qui joue en femme pour faire rire) et Shantung (Liu Fan, une grosse dame qui, dans l’idée de Wong Jing, doit faire lesbienne). Il va s’en dire que Viper va chercher des noises aux filles pour retrouver ce trésor. Il est franchement dommage que ce début de comédie où j’espérais que les deux personnages féminins allaient jouer sur leur affrontement sur le mode comique, le film se transforme en simple comédie policière où les méchants poursuivent les gentils, où les flics sont en fait des méchants.

Du coup, le duo entre Nat Chan et Charlie Cho, deux acteurs habitués des films de Wong Jing produits par la Shaw Brothers. Certes, Nat Chan n’est pas vraiment un de mes acteurs préférés, je ne le trouve jamais drôle, ni bon acteur, mais ici, il réussit à composer une partition meilleure que d’habitude. Nat Chan est Handsome et il se prend pour un chef de triade, ce qu’il n’est absolument pas. Quand Viper et sa bande se mettent en action pour récupérer le trésor et qu’ils flinguent et menacent à tout va, Handsome devient un couard comme jamais. Il est accompagné de Can-ying (Charlie Cho), un grand dadais qui lui sert à la fois de larbin et de souffre-douleur. Il envoie toujours son comparse à sa place pour se battre, pour négocier ou pour se prendre des coups. Can-ying lui sert aussi à lui masser les épaules dans une relation qui frôle l’amitié virile crypto-gay. Ce qui est plus intéressant dans ces rapports conflictuels mais indéfectibles, bien mieux construits que celui des deux femmes, c’est qu’il annonce ceux que Wong Jing formera avec Stephen Chow dans son personnage d’homme égoïste, irascible et de mauvaise foi. On le verra, le cinéaste donnera à l’acteur divers partenaires mais on le sait maintenant, c’est Ng Man-tat que Stephen Chow humilie le mieux pour faire rire.

Doubles cause troubles (神勇雙妹, Hong Kong, 1989) Un film de Wong Jing avec Maggie Cheung, Dodo Cheng, Nat Chan, Charlie Cho, Wilson Lam, Wong Jing, Poon Jan-wai, Gwaan Ming-yuk, Hon Yee-sang, Sherman Wong, Liu Fan.

vendredi 23 décembre 2011

The Flying Mr. B



Tout comme dans Prince Charming, on retrouve dans The Flying Mr. B le duo Kenny Bee – Cherie Chung, dans une nouvelle variation du chasing girls movie, genre florissant à Hong Kong. Les règles sont très simples : un gars timide qui veut se trouver une femme. Voilà, c’est à peu près tout. Tout est possible et souvent le plus n’importe quoi. Wong Jing atteint ici ses objectifs avec un certain brio, et en plus, on a la chance de le voir jouer sa partition habituelle : le loser fini.
Tout se passe dans un lycée. Shi Shang-fei (Kenny Bee), qui toujours ses lunettes de vue qui signifient qu’il est un peu timide, est prof de sport. Mais son équipe de foot se fait toujours battre par l’équipe adverse. Son collègue Zhu Yu-gan (Kent Cheng) est prof de physique et expérimente toutes sortes d’expérience dans son labo. Bien entendu, ce sont des expériences un peu loufoques, comme ces boulettes qui rebondissent et que Shi avale par accident. Cela produit chez lui le même effet, il peut voler partout mais jamais au bon moment, notamment quand il est convoqué par la directrice du lycée et qu’il ne peut tenir en place. L’humour est potache, souvent énorme.
Tout va changer quand Liu Ben (Wong Jing) laisse la femme de ménage vider une potion du laboratoire par inattention. Il était en train de discuter avec une lycéenne qui venait de l’humilier en public. Wong Jing se donne le rôle le plus ingrat du film : celui d’un lycéen de 30 ans qui a redoublé tant de fois qu’il a désormais l’âge de ses profs. Comme toujours quand il joue dans ses films, il se fait ridiculiser par les autres personnages, il joue le bouffon, le petit gros à lunettes que les filles méprisent. Il y a, pour le spectateur, un certain plaisir à prendre devant cet exercice de masochisme d’acteur. Mais sans cette bourde, l’histoire n’aurait pas avancé : Liu Ben tente de reproduire la formule que Zhu et Shi vont boire avec quelques effets désastreux et comiques. Zhu se transforme en monstre garou et Shi va acquérir la capacité de voler. Mais temporairement.
Et les femmes dans tout ça puisque c’est un chasing girls movie ? D’un côté Miss Ma (Pat Ha) que Zhu, avec son absence d’élégance, tente de séduire et de l’autre Miss Cheung (Cherie Chung) dont Shi est amoureux. Sa maladresse l’empêche de conquérir son cœur, mais dès qu’il devient « superman » et qu’il peut voler, tout change pour lui. Il va sauver grâce à ses pouvoirs le lycée confronté à des méchants sortis un peu de nulle part. « Superman » deviendra le héros de Cheung mais Shi ne veut pas dévoiler son secret. Les femmes sont toujours un peu trop pudiques et intransigeantes et les hommes trop entreprenants et gaffeurs. C’est le genre qui veut cela mais tout se terminera bien.
La potion miraculeuse permet aux hommes de devenir plus forts. Dans les matchs qu’ils tiennent, ils en boiront un peu et pourront gagner la compétition. Sans qu’on en retrouve l’ampleur, on pense à Stephen Chow et à Shaolin soccer. Le kung-fu est remplacé ici par la chimie du professeur Zhu, les lycéens volent dans les airs pour marquer des paniers (ils jouent au basket). Mais quand la potion magique fait défaut (parce que Zhu n’en a pas fabriqué assez), tout le monde s’unit pour défaire les méchants. Car oui, une tête bien pleine vaut mieux que des muscles bandés. Si c’est Wong Jing qui le dit, c’est que ça doit être vrai.
The Flying Mr. B (鬼馬飛人, Hong Kong, 1985) un film de Wong Jing avec Kenny Bee, Cherie Chung, Kent Cheng, Pat Ha, Rachel Lee, Phillip Ko, Wong Jing, John Chan, Wong Yu, Alfred Cheung, Anthony Chan, Nat Chan, Manfred Wong, Charlie Cho, Yu Miu-lin, To Siu-ming, Yip Ha-lei, Elvis Tsui.

jeudi 22 décembre 2011

Sorties à Hong Kong (décembre 2011)

The Flying swords of Dragon Gate (龍門飛甲, Hong Kong – Chine, 2011)
Un film de Tsui Hark avec Jet Li, Zhou Xun, Chen Kun, Kwai Lun-mei, Mavis Fan, Fan Siu-wong, Li Yuchun, Du Yi-hengn, Dillon Wu, Zhang Xin-yu, Sheng Jian, Gordon Liu, Sun Jian-Kui. 122 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 22 décembre 2011.

mercredi 21 décembre 2011

Prince Charming


L’amour selon Wong Jing, c’est simple comme des vacances ensoleillées à Honolulu où l’on peut draguer des jeunes femmes blondes. C’est l’activité favorite de Chen Li-pin (Kenny Bee) qui, tout en faisant son footing, suit une belle plante. Il est sur les îles avec ses parents (Wong Tin-lam – le père de Wong Jing – et Ou-yang Sha-fei) qui ne souhaite qu’une chose : que leur fils se marie enfin. Le père va jusqu’à lui conseiller de suivre l’exemple de Lolanto (Nat Chan), le pote de Li-pin, séducteur invétéré mais qui a aussi la mauvaise habitude de lui piquer ses flirts. Lolanto arrive à Hawaii et la chasse aux filles peut commencer.
Lolanto prodigue quelques conseils pour aborder les filles, conseils un peu vaseux que Li-pin suivra à ses dépends : il est pris pour un satyre. Leurs premières proies sont deux Chinoises en villégiature : May (Cherie Chung) et Kitty (Maggie Cheung) qui ne se laissent pas si facilement séduire. Ils leur jouent quelques tours pendables pour se venger, elles prendront une revanche encore plus grande en mettant du somnifère dans du jus de fruits et en abandonnant les garçons sur un rocher désert tandis que la mer monte. Li-pin et Lolanto doivent repartir sans avoir pu sortir avec une fille et le travail les attend à Hong Kong.
Chen Li-pin est un gosse de riches. Ses parents possèdent une grosse boite mais il existe des soupçons de détournement d’argent. Il va devoir mener une enquête discrète en se faisant embaucher comme un simple chauffeur du patron. Lolanto, lui se fera donc passer pour le fils du boss. Personne n’est au courant, pas même le sous-directeur, l’hypocrite et obséquieux Chen Pi-hou (Charlie Cho). Qu’elle n’est pas la surprise des deux garçons quand ils comprennent que May et Kitty travaillent dans cette boite. Ils pensent que ce sera plus facile de les emballer, mais ils mentent sur leur fonction respective. Le prince charmant, riche et puissant se fait passer pour un simple employé.
Mais c’est sans compter sur la vilaine Piao Piao (Rosamund Kawn) qui découvre que Pi-lin est le fils de son employeur et qui va salement manigancer pour tenter de l’épouser. Il va falloir bien du courage aux garçons pour prouver leur bonne foi, d’autant que Lolanto est tombé amoureux de Kitty et que le frère de May (Michael Chan) n’est pas un type commode. Prince Charming n’est pas franchement une bonne comédie. Les gags reposent sur les mauvais coups (des gamineries) que se font les personnages. Chen Li-pin est affecté d’un trouble de la parole dès qu’il croise une femme mais ça n’est pas très drôle. Le seul relatif intérêt est de voir Maggie Cheung à ses tout débuts.
Prince Charming (青蛙王子, Hong Kong, 1984) Un film de Wong Jing avec Kenny Bee, Nat Chan, Cherie Chung, Maggie Cheung, Rosamund Kwan, Alex Man, Michael Chan, Elaine Kam, Charlie Cho, Wong Tin-lam, Ou-yang Sha-fei, Alfred Cheung.

mardi 20 décembre 2011

Mercenaries from Hong Kong


Il est fort, il a du muscle, il soulève de la fonte, lui, c’est Luo Li (Ti Lung), le héros de Mercenaries from Hong Kong, l’un des premiers films de Wong Jing produit par la Shaw Brothers. L’ouverture du film donne le ton de ce film d’action qui se veut viril : Ti Lung est tatoué, donne un visage fermé pris en gros plan, un regard d’ancien bidasse reconverti en mercenaire qui manie les armes en tout genre qu’il a dans sa chambre. Il a une mission : éliminer Wen, un petit malfrat qui séquestre des jeunes femmes innocentes, les drogue pour ensuite abuser d’elles, parce qu’il est très vicieux. Wen se fait salement flinguer à la mitraillette chez lui et son frère (Yuen Wah) va chercher à se venger.

La réputation de Luo Li et connu. Madame He Ying (Candice Yu), une riche femme d’affaires qui roule en Rolls, veut l’engager pour retrouver Naiwen (Philip Ko), l’assassin de son père. Contre un million de dollars (sourire de satisfaction du mercenaire), il doit aller au Cambodge retrouver Naiwen (yeux inquiets de notre héros qui sait qu’il règne l’anarchie dans ce pays). Rien ne fait peur à Luo Li et accepte cette mission mais doit d’abord constituer son équipe de mercenaires, des mecs virils comme lui, des acteurs de la Shaw Brothers comme Ti Lung. Il part sur sa moto, fonce à vive allure pour retrouver ses anciens potes.

Cette partie des retrouvailles est la meilleure de tout Mercenaries from Hong Kong. Elle présente des souvenirs où on découvre ses amis en situation musclée où Luo Li explique en voix off qui ils sont puis, on les découvre dans leur vie actuelle forcément moins palpitante. Enfin, Luo Li les retrouve et leur explique qu’il a besoin d’eux. Ruan Nan-xing (Michael Chan) est un ancien du Viet Nam qui n’hésitait jamais à buter du Cong à la machette. Il est aujourd’hui cuistot. Blanche (Nat Chan) est aussi un militaire expert en explosifs mais sa passion pour les femmes lui joue souvent des tours pendables. Lei Tai (Lo Lieh) est un sniper d’une grande précision mais sa vie à Hong Kong est bien triste : sa petite fille a des problèmes de reins et attend une opération qui pourra la sauver. Hong Fan (Johnny Wang) est un boxeur devenu garagiste. Enfin, Curry (Wong Yu) est prestidigitateur et possède une habileté incroyable à se libérer de ses liens.

Voilà la fine équipe en place qui s’en va gaiement en moto en survêtement rouge largement ouvert sur leurs torses musclés. Il leur arrivera de porter une veste de sport bleue et blanche largement ouvertes sur leurs torses musclés. Ou parfois d’arborer des fringues militaires largement ouvertes sur leurs torses musclés. Mais ce sont de bons gars, comme leur histoire le montre, ils ont tous besoin d’un peu d’argent pour vivre. La société les a rejetés, laissés sur le bas-côté, mais grâce à cette opération, ils ont bon espoir de se refaire une santé. Direction, le Cambodge et ses guerriers sanguinaires qui posent des pièges vicieux. Ils auront auparavant fait comprendre à Yuen Wah qui est le maître en lui foutant quelques bons coups de tatanes dans la gueule.

Alors évidemment, Mercenaries from Hong Kong va se lancer dans l’action avec comme fond sonore de la musique vaguement rock (des guitares électriques). Le scénario sera alors cousu de fil blanc. Ils vont vite se rendre compte qu’un traitre est dans l’équipe et qu’il menace le bon fonctionnement de l’expédition. Schéma classique amené avec lourdeur. Ils vont aussi devoir se méfier du garde du corps (Lee Hoi-sang) de Miss He Ying, belle plante vénéneuse qui n’est pas aussi blanche qu’elle ne le prétendait. Elle va jusqu’à kidnapper la fille malade de Lei Tai pour se protéger. Au bout d’un moment, on se dit que quand même ces gars surentrainés à l’art de la guerre et habitués au salaud ne sont pas très malins de ne pas s’être rendu compte que He Ying les manipulait. Mais c’est ça les films d’action au premier degré, c’est bourré de clichés dont Wong Jing ne fait pas grand-chose.

Mercenaries from Hong Kong (獵魔者, Hong Kong, 1982) Un film de Wong Jing avec Ti Lung, Michael Chan, Candice Yu, Nat Chan, Lo Lieh, Ngaai Fei, Phillip Ko, Wong Yu, Johnny Wang, Yuen Wah, Lee Hoi-sang, Ko Hung, Cheng Miu, Wan Seung-lam, Nick Lam.

lundi 19 décembre 2011

Challenge of the gamesters


Challenge of the gamesters, le premier film de Wong Jing est sorti il y a plus de trente ans. Le cinéaste en est aujourd’hui à plus de 90 films, soit – pour comparer avec d’autres réalisateurs qui ont commencé à la même époque – deux fois plus de films que Johnnie To, trois fois plus que Tsui Hark (si je ne compte que ses propres films) ou Ann Hui. De méchantes langues diront (et parfois moi le premier) que Wong Jing tourne trop. Mais c’est aussi pour cela qu’on l’aime. Ses premiers films ont été produits par la Shaw Brothers toujours à la recherche d’habiles faiseurs capables de mettre en vedette les acteurs « maison ». J’avais envie de parler de quelques uns de ses premiers films.

Comme le titre l’indique bien, le film nous plonge dans l’univers des joueurs : mahjong, craps, billard, mais dans le Shanghai des années 1930, quand la ville était encore scindée en concessions étrangères. Lei Li (Wong Yu) aime jouer. C’est un homme jeune mais pauvre qui pense que les jeux de hasard sont faits pour lui. A l’occasion, il n’hésite pas à tricher tant son habileté est grande. Il va rencontrer dans un casino Luo Si-hai (Patrick Tse), un expert en jeux. D’un calme absolu, il est impeccable dans son look, costumes nœud pap, un œillet à la boutonnière, des lunettes dorées et un cigare à la bouche. Quand le gang des billards (en sous-pull colorés, bretelles et bérets) vient lui chercher des noises, il se montre adroit en kung-fu. Luo Si-hai a la classe, qu’on se le dise, et va faire équipe avec Lei Li, le petit gars des quartiers pauvres.

Leur ennemi va leur être fourni par l’inspecteur Guo (Melvin Wong) qui décide de les embaucher. Cet adversaire, de la même classe sociale que Luo, s’appelle Zhang Lie (Chen Kuan-tai). Amateur de beaux vêtements, de grosses bagnoles et de belles pépées, il est imbattable au mahjong. Guo le soupçonne d’être à la tête d’un complot (le « supreme impostor ») et ils vont devoir déjouer ce complot. Tout cela est le macguffin du film, Zhang Lie possède dans son coffre-fort une liste dont ils vont devoir s’emparer. Une solution s’impose : aller jouer au mahjong chez Zhang Lie et repérer les lieux. Lie Li aura auparavant séduit sa fille, Zhang Xiao-yang (Cecilia Wong) afin de pouvoir s’incruster dans la maison. Cette partie de mahjong est l’un des morceaux de bravoure du film, on sait déjà la passion de Wong Jing pour le jeu. Gros plans sur les visages, musique d’inspiration western et mélange des pièces du mahjong façon kung-fu. Un régal pour les yeux.

Puisque la mode était ainsi, Wong Jing place également un soupçon d’érotisme dans son film avec un strip-tease de Lulu (Booi Yue-fa) nécessaire à l’intrigue car elle doit détourner l’attention des gardes du corps de Zhang Lei. Puis, une autre scène entre Zhang Lei et Zhou Ling (Chan Si-gaai), une jeune et belle actrice qu’il tente, en vain, de séduire. Lumières tamisées et orangées par des voiles, la routine érotisante habituelle du studio. Ce qui plait plus est le gros coup que monte Luo Si-hai pour mettre la main sur cette liste. Il décide de recréer tout le décor de l’immense demeure de Zhang Lie avec l’aide de nombreux complices. Pendant qu’il croira être chez lui, Lie Li ira forcer le coffre du joueur impénitent. C’est l’un des moments les plus jouissifs du film. On attend le grain de sable dans le plan minutieusement élaboré par Luo et, heureusement, les embûches seront bien là. Ce premier film de ce cher Wong Jing est plutôt pas mal.

Challenge of the gamesters (千王鬥千霸, Hong Kong, 1981) Un film de Wong Jing avec Wong Yu, Patrick Tse, Chen Kuan-tai, Melvin Wong, Cecilia Wong, Chan Si-gaai, Chan Shen, Booi Yue-fa, Yeung Chi-hing, Shum Lo, Yeung Hung, Lam Fai-wong, Lee Pang-fei, Tony Lee, Chow Kin-ping.

dimanche 18 décembre 2011

Funny triple


Malgré tout l’estime, voire l’admiration, que j’ai pour Eric Tsang, il me faut reconnaitre que parfois son cabotinage ne permet pas de sauver ce film. Funny triple, comme le titre l’indique, est censé est amusant mais cette histoire de deux policiers (Eric Tsang et Anthony Chan) est tellement poussive et manque tant de subtilité que je n’ai ri à aucun gag. Soit donc deux flics en équipe, le petit gros habillé en bermuda et débardeur répondant au surnom de Woodpecker (Eric Tsang) et le grand maigre à lunettes qui est surnommé Goldfinger (Anthony Chan). Ils sont bien sympathiques et font des blagues à leurs collègues (piquer le sandwich de l’un, décoiffer l’autre et autres gentilles blagounettes bien inoffensives). Le niveau de l’humour est quand même assez bas.

A ce duo va s’ajouter le troisième larron, un petit malfrat, Fredman (Nat Chan) interrogé au sujet d’un parrain de triades, Mister Big (Shum Wai), caricature de mafieux (grosses lunettes de soleil). Evidemment le parrain est accompagné d’hommes de main aussi stupides qu’hypocrites. Big leur demande toujours de dire la vérité, notamment sur sa vénale petite amie, mais ils lui mentent de peur de représailles sauf Yue Tau-wan, dont la particularité comique réside dans ses yeux qui louchent. Bref, Fredman couche avec la femme du boss et là se lance la double course poursuite : Fredman est chassé d’un coté par la clique de Big et d’un autre coté par de duo de flics. Le seul intérêt du personnage de Nat Chan est qu’on dirait qu’il tente d’imiter le jeu cool de Chow Yun-fat (lunettes de soleil, petit sourire). Mais à vrai dire, cette histoire policière n’a pas beaucoup d’importance, le film va plutôt se consacrer aux rapports du trio avec les femmes. Funny triple ne reviendra à Mister Big que dans son final où Woodpecker et Goldfinger seront en équilibre très instable qui un camion qui roule à vive allure.

Donc, les femmes, l’obsession du trio. La première à entrer en scène est Gigi (Goo Ga-lau) qui travaille au commissariat et profite de la gentillesse des deux flics pour qu’ils fassent son boulot à sa place. Ils vont tomber amoureux d’elle mais sont persuadés qu’elle est la petite amie de leur chef (ils comprendront que c’est sa petite sœur). Ils vont se déchirer pour elle et Woodpecker va finalement abandonner la partie. Le film va prendre un tour de quiproquos très mal mis en scène où Goldfinger croit que Fredman a couché avec Gigi qui croit que Goldfinger a couché avec Grace que convoite Woodpecker alors qu’en fait Fredman a couché avec la femme de son boss, etc, etc. Ça discute à sens unique, ça s’engueule très fort en claquant les portes pour mieux se réconcilier, mais tout est balourd, laid et pas drôle.

Funny triple (開心三響砲, Hong Kong, 1985) Un film de Joe Cheung avec Eric Tsang, Anthony Chan, Nat Chan, Goo Ga-lau, Tien Niu, Shum Wai, Yam Choi-bo, Kam Hing-yin, Tam Chuen-hing.

mardi 13 décembre 2011

La Véritable histoire d'Ah Q


Pauvre Ah Q, sa vie est constamment juchée d’embuches, ses ennemis se comptent par dizaine et, en plus, il est vilain. En tout cas, c’est ainsi que le narrateur de La Véritable histoire d’Ah Q le décrit. Dans un village de province de la Chine de 1911, l’Empereur règne encore mais la Révolution arrive. Ah Q ne porte pas de nattes et commence à se dégarnir, ce qui lui vaut des moqueries. Il n’a pas non plus de nom, c’est pour cela que la voix off ne le désignera qu’avec une initiale. Il s’est vu interdire de porter son nom de famille Zhao parce que le « seigneur » local s’appelle ainsi et qu’il refuse que son nom soit associé à ce va-nu-pieds. Il fait cependant pour eux quelques menus travaux pour lesquels il est payé une misère. Cela se solde souvent par des réprimandes de Maitre Zhao, l’appel du garde-champêtre qui inflige une amende à Ah Q. L’argent manque et le restaurateur commence à ne plus vouloir lui faire crédit. Il se fait traiter de paresseux par les autres clients. Ah Q ne demande pourtant qu’à travailler mais sa naïveté profite aux autres qui abusent de sa gentillesse.

A 30 ans, Ah Q est célibataire, il n’a jamais réussi à trouver une époque, ce qui est fort mal vu à cette époque. Un soir que les Zhao exigent que Ah Q viennent piler du riz, Wuma, la servante de la famille, est plus compatissante avec lui. Dans sa candeur, Ah Q pense qu’il peut séduire la jeune femme qui réagit très mal aux avances directes mais bonhommes d’Ah Q. Elle s’en plaint à ses maîtres qui chassent notre héros de leur demeure, sans le payer bien entendu. Bientôt, c’est tout le village qui refusera de lui parler. Les femmes s’écartent à son passage, il est devenu le satyre du village. Il est devenu surtout un solitaire désormais sans le sou, sans nourriture et le peu d’amis qu’il avait ne lui adresse plus la parole. Une seule solution, quitter le village et partir à la ville.

Les tribulations d’Ah Q en ville ne seront pas montrées. C’est à son retour qu’il raconte quelques unes de ses expériences. Il a fait fortune et en a vu des choses. Il a vendu des vêtements que les clients s’arrachaient, il a vu un révolutionnaire se faire décapiter, il a travaillé pour le seigneur Bai, un potentat local montré comme un homme sans scrupule, avide de richesse et antipathique. Ah Q se donne le beau rôle dans ces récits. Les villageois ont peur des révolutionnaires qui semblent gagner en force. Le film, produit dans une période où la Chine communiste renouait ses liens avec un cinéma moins propagandiste, se veut une critique acerbe de l’usurpation des idéaux révolutionnaires de 1911 (quand la première république de Chine a été proclamée) par les anciens dominants.

La Véritable histoire d’Ah Q montre comment le peuple s’est vu spolié les changements politiques. Il montre la connivence des riches au travers des familles Bai et Zhao pour se montrer plus révolutionnaires que les révolutionnaires. Il montre la corruption de la police et des juges (le procès expédié d’Ah Q qui ne sait ni lire ni écrire) qui protègent les riches au dépends du peuple. Le personnage le plus gratiné et critiqué est sans doute Qian, honni par Ah Q pour son arrogance, un Chinois qui a étudié au Japon (l’ennemi historique de la Chine) et qui manipule tout le monde. Le film est édifiant sur cette part de mauvais destin qui s’abat sur ce pauvre Ah Q qui aurait aimé soutenir la révolution. Le film s’achève en précisant que ses idéaux seront repris par le peuple qui, quelques années plus tard, chasseront ces possédants pour établir la vraie révolution.

La Véritable histoire d’Ah Q (Q正傳, Chine, 1981) Un film de Cen Fan avec Yim Shun-hoi, Lee Wai, Wang Suya, Baau Fook-Ming, Liang Ming.

samedi 10 décembre 2011

The Fortune buddies


La Shaw Brothers parle de la crise ! La fameuse compagnie ne produit plus que quelques films par an (72 tenants of properity, Laughing Gor turning point et I love Hong Kong) mais pense à bien recycler les vedettes issues de sa chaine de télévision (la TVB). La recette de The Fortune buddies reprend celle élaborée par les frères Hui dans leurs films et de Plain Jane to the rescue de John Woo : soit trois amis au chômage et qui cherchent à tout prix à trouver un petit boulot. Car il faut bien vivre.

Donc trois amis qui partagent un petit appartement. Luk Wong (Wong Cho-lam, le nouveau comique à lunettes au petit gabarit) qui essaie de démarcher dans un hôpital des clients pour une compagnie funéraire – sans succès ; Fook Yuen (Louis Yuen, corps massif) qui a un fils de 8 ans, le petit Cheung (Henry Leung) qui ignore ce que fait son père, en l’occurrence gardien de nuit mais bien incompétent ; et enfin Sao Lee (Johnson Lee), apprenti comédien qui court le cachet, là, il est embauché par la police pour être dans le mur des suspects et imite à la perfection tous les acteurs des films de triades. Ce début est drôle surtout dans les imitations des acteurs.

Mais c’est vite le retour à la case Pôle Emploi où le chef de service (Tenky Tin que l’on avait vu en bras droit du chef du gang des haches dans Crazy kung-fu) n’a aucune offre d’emploi à donner. C’est la ruée, certes montrée de manière un peu démagogique mais qui fait sourire. Les trois gars vont faire figurant dans un film qui ressemble à tous ceux qui ont marché depuis deux ans à Hong Kong. Une variation de Ip Man où l’acteur star du long métrage (Michel Tse) est montré arrogant. Oui, il est possible d’y voir une critique de la place actuelle de Donnie Yen dans le star system de l’industrie du cinéma de Hong Kong. Le tournage est sans doute ce qu’il y a de plus drôle dans le film. Les trois amis font faire totalement foirer le tournage. Ils se font bien entendu virer.

Une nouvelle idée germe dans leurs têtes de losers : faire du spectacle vivant dans le quartier commerçant. Ça rapporte, ils le voient. Ils se déguisent en diva du disco (genre Donna Summer période Giorgio Moroder) et chanter. Ils n’on pas peur du ridicule mais ce spectacle va changer leur vie. Deux autres « artistes » (Lam Suet et Wong Ching) grimés en geisha vont venir troubler leur show et se battre avec eux. Tous les spectateurs filment ça avec leur portable, postent sur internet et ils deviennent vite très populaires. Ils vont chercher à rentabiliser cette soudaine reconnaissance publique en se lançant dans le catch.

Je n’ai pour l’instant pas encore évoqué les personnages féminins. Les femmes dans The Fortune buddies permettent aux hommes d’évoluer, de ne pas rester des losers. Luk Wong est amoureux de Fiona (Fiona Sit) la fille d’Eric Tsang et Pauline Wong. Luk Wong a promis à Fiona et à son père de faire fortune pour pouvoir l’épouser. Fook Yuen, quant à lui, ne veut plus avoir de rapport avec Miss Man (Fala Chen), la mère de son fils qui a fait fortune. Ils vont bien entendu se réconcilier en fin de film devant le sourire si mignon du fiston. Sao Lee, après avoir discuté avec son père (une brève apparition de Richard Ng), va tomber amoureux de Samatha Ko (dans son propre rôle), une catcheuse.

Le catch donc. Il est dit que cette discipline n’est pas populaire à Hong Kong. Mais Maggie (Maggie Cheung Ho-yee), l’ancienne maîtresse d’Eric, le père de Fiona lui-même ancien catcheur, cherche à faire démarrer ce spectacle à Hong Kong. Pourquoi du catch et pas un autre sport, sans doute pour pouvoir rire des costumes ridicules des trois amis. Maggie les fait combattre contre trois Américains bodybuildés et arrogants. Le film se tourne vers une haine de l’étranger qui revient dans les films. Les gars sont plus malins que les gros bras. C’est en substance le message du film qui dans sa dernière partie se traine et ennuie après avoir plutôt bien démarré.

The Fortune buddies (勁抽福祿壽, Hong Kong, 2011) Un film de Zhong Qing avec Wong Cho-lam, Fiona Sit, Louis Yuen, Fala Chen, Johnson Lee, Michael Tse, Eric Tsang, Maggie Cheung Hoh-yee, Pauline Wong, Lam Suet, Wong Ching, Henry Leung, Siu Yam-yam, Samantha Ko, Mars, Tenky Tin, King Kong, Richard Ng, Albert Tam, Bosco Wong.

vendredi 9 décembre 2011

The Moss


Dans son acception première, le mot glauque désigne une couleur bleue qui tend vers le vert. Par extension, glauque a désigné des films dans lesquels cette lumière verdâtre, produite par des néons, baignaient. Une atmosphère malsaine, un milieu interlope, des couloirs ou des garages mal éclairés. Les personnages de The Moss vont s’empêtrer dans cette bourbe et ne jamais s’en défaire, comme si le destin allait s’acharner sur eux. Dans la glauquerie, le film est entre Fu Bo de Wong Ching-po et Dog bite dog de Soi Cheang.

Au centre du récit, Jan (Shawn Yue), un jeune gars habillé en chemise ouvertes sur un marcel. On ne sait pas au premier abord qui il est. Dans un restaurant des quartiers populaires, il discute avec On (Eric Tsang) et Fai (Matt Chow). On lui demande de se préparer. A quoi ? Jan monte à l’étage où il s’apprête à coucher avec une jeune prostituée, Lulu (Bonnie Sin). Cette dernière est avec sa petite sœur, Fa (Shi Xue-yi), qui vient d’arriver de Chine continentale. C’est une ado, elle est innocente, elle ne semble pas bien comprendre où elle se trouve. Dans la chambre au dessus, un gros type se donner à fond avec une fille. Elle va se défendre de sa brutalité et l’assommer. Dans le même temps, on comprend que On, Jan et Fai sont trois policiers venus faire une descente de police.

Jan n’est pas n’importe quel flic. C’est un ancien infiltré dans les triades. Il connait donc tout le monde, temporise à l’occasion entre les chefs de clans et justement, Mama Chong (Siu Yam-yam), une femme de tête le convoque. Elle cherche son fils qui a disparu. Elle accuse Tong (Liu Kai-chi) d’être le commanditaire de son enlèvement. Il se trouve être l’ancien boss de Jan. Il va falloir négocier serré parce que Mama Chong n’est pas une tendre. Visage fermé, yeux perçants, voix haute, elle accueille Jan dans un entrepôt où elle fait tabasser des hommes de Tong. Plongés torse nu dans un baquet d’eau froide, elle les fait sortir et les frappe avec un pied de biche. Quand à Tong, il refuse de discuter avec Mama Chong tant qu’elle ne rend pas ses hommes et affirme haut et fort qu’il n’est pour rien dans la disparition du fiston.

Tout va se gâter avec l’assassinat de Tong. Alors qu’il quitte son bureau pour rentrer chez lui, un clochard dont on ne saura jamais le nom (Fan Siu-wong) l’abat au révolver après avoir reçu un coup de téléphone. Hirsute, en aillons, ne parlant que mandarin, ce mendiant a rencontré quelques heures avant ce meurtre Fa, la petite sœur. Elle lui avait préparé un plat à son attention. Quand la police menace de l’arrêter, il la kidnappe et l’emmène dans son antre. On restera toujours dans les bas-fonds, dans le sombre, dans des lieux où ça suinte, où les poubelles jonchent le sol, la lumière est basse. Et au milieu, Jan doit faire face à tous les dangers, Mama Chong, le clochard et retrouver Fa alors que sa grande sœur est morte d’inquiétude. Et découvrir qui peut être l’homme qui a décidé de flinguer Tong.

Je situais plus haut The Moss (le clochard se compare à de la mousse, expliquant qu’il n’est pas grand-chose sur cette terre) dans la lignée de Fu Bo et Dog bite dog, deux films très sombres et franchement déprimant. D’une certaine manière, les cinéastes se livrent à une surenchère dans le glauque, dans les malheurs qui arrivent au personnage (la petite Fa manque de mourir), ça se castagne dur avec toute sorte d’objet, ça se flingue, ça saigne. Derek Kwok choisit pour de filmer cette plongée en enfer la caméra à l’épaule. C’est un procédé bien commun aujourd’hui, presqu’un écueil. Cela fonctionne mieux que le parcours des personnages. Au bout d’un moment, le film fait du sur-place, se lamente sur la psychologie du clochard (les lettres de sa maman), pour repartir de plus belle dans une scène de violence sanguinolante.

The Moss (青苔, Hong Kong, 2008) Un film de Derek Kwok avec Shawn Yue, Fan Siu-wong, Bonnie Sin, Eric Tsang, Liu Kai-chi, Siu Yam-yam, Shaun Tam, Shi Xue-yi, Gill Mohindepaul Singh, Lau Gam-ling, Matt Chow, Soi Cheang, Lee Yip-kin, Ho Sai-man.

jeudi 8 décembre 2011

Sorties à Hong Kong (décembre 2011)

White vengeance (鴻門宴, Hong Kong – Chine, 2011)
Un film de Daniel Lee avec Leon Lai, Jordan Chan, Zhang Hanyu, Liu Yifei, Anthony Wong, Jia Qing, Andy On, Fung Shiu-fung, Du Yiheng, Wu Ma, Chen Kuan-tai. 137 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 8 décembre 2011.

mardi 6 décembre 2011

Infernal affairs III


Deux ans et demi après avoir écrit sur Infernal affairs puis Infernal affairs II, il était temps que j’achève de causer de cette trilogie. Infernal affairs III démarre dès la fin du premier film. Ming (Andy Lau), après une mise à pied et une enquête suite à la mort irrésolue de Yan (Tony Leung Chiu-wai), reprend du service mais dans les bureaux et non plus sur le terrain. Le jour de la reprise de son travail, un jeune policier se suicide. Le seul témoin est l’inspecteur Yeung (Leon Lai), nouveau venu à la police et cela titille Ming qui a l’impression que Yeung n’est pas pour rien dans ce suicide.

Ming décide de chercher des indices sur cet inspecteur qui a une attitude continuellement calme. Jamais il ne semble montrer la moindre émotion, y compris lors de la mort de ce collègue. Un jeu du chat et de la souris s’engage entre les deux hommes, un jeu feutré et sournois. Ming installe sous la voiture de Yeung un émetteur pour suivre ses déplacements, il place des caméras dans son bureau pour le surveiller et surtout avoir le code d’accès de son coffre fort dans lequel Yeung a placé des cassettes où sont sans doute enregistrés des secrets. Yeung n’est pas dupe des petits secrets de Ming, il voit clair dans son jeu. Quand Ming pose l’émetteur, son téléphone sonne, feint de se disputer avec sa femme dont il divorce, mais Yeung a une mini caméra dans sa voiture et tout est filmé. Il a une longueur d’avance sur son adversaire. Ainsi, il s’amuse à regarder frontalement la caméra de surveillance en faisant comme s’il réfléchissait longuement, mettant les nerfs de Ming à rude épreuve (a-t-il deviné ?, se demande-t-il).

Pour les besoins de son enquête, Ming va demander l’aide du Docteur Lee (Kelly Chen). Dans Infernal affairs, on voyait régulièrement Yan venir faire la sieste dans son cabinet. Infernal affairs III montre comment Yan en est arrivé à devoir consulter une psychiatre sur les ordres de son chef, le commissaire Wong (Anthony Wong, que l’on voit peu dans ce volet, tout comme Eric Tsang, tous deux relégués comme personnages secondaires). Ming veut consulter le dossier de Yan, qui se trouve sur l’ordinateur du médecin. Il devra le voler, puis réussir à extorquer le mot de passe pour accéder aux dossiers. Le film revient longuement sur ces consultations de Yan chez le docteur Lee, changeant d’époque fréquemment, passant de six mois avant la mort du flic infiltré dans la triade à un temps bien postérieur à son décès. Et Ming commence lui aussi à s’assoir sur le divan. Le Docteur Lee pratique l’hypnose et il ne va pas tarder à révéler sa vraie nature.

Le fil narratif remonte jusqu’à la mort de Yan avec l’ajout d’un personnage énigmatique. Shen (Chen Dao-ming), tout aussi secret que celui de Yeung, mais qui est dans l’autre camp. De toute façon, avec les personnages de la trilogie Infernal affairs, il ne faut pas s’attendre à ce que quiconque ne soit ce qu’il semble être au premier abord. Sam (Eric Tsang) donne des ordres étranges à Yan, comme s’il voulait le piéger. Yeung fait-il partie des triades ? Connait-il Sam ? Qui est vraiment ce Shen ? Le film se plonge dans le cerveau de Ming qui veut tout voir, connaitre tous les secrets, espionner chacun des protagonistes. Il sombre peu à peu dans la schizophrénie, aidé en cela par une mise en scène qui alterne le passé et le présent, qui met dans le cadre Yan alors qu’il est mort, comme si les deux personnages n'étaient qu'un. J’avoue qu’il n’est pas toujours évident de s’y retrouver dans cette confusion, mais Andrew Lau et Alan Mak ont choisi de tout expliquer, peut-être un peu trop.

Infernal affairs III (無間道 III, Hong Kong, 2003) Un film d’Andrew Lau et Alan Mak avec Tony Leung Chiu-wai, Andy Lau, Leon Lai, Chen Dao-ming, Kelly Chen, Anthony Wong, Eric Tsang, Chapman To, Ng Ting-yip, Wan Chi-keung, Hwang Zhi-zhong, Sammi Cheng, Carina Lau, Edison Chen, Shawn Yue, Lam Ka-tung, Vincent Wan, Courtney Wu, Waise Lee.

jeudi 1 décembre 2011

Hara kiri, mort d’un samouraï


Présenté en compétition officielle au Festival de Cannes 2011, Hara kiri, mort d’un samouraï sort aujourd’hui mais n’est projeté nulle part en 3D, alors que la projection cannoise l’était. C’est un remake d’un classique de Masaki Kobayashi ou une nouvelle version du roman de Yasuhiko Takiguchi. Je ne comparerai pas le film de Takashi Miike avec le roman ou le film, mais dans mon souvenir, le film n’est pas si éloigné que ça de cette mouture actuelle.

Le film nous place d’emblée dans le Japon de la première moitié du 17ème siècle. Un Japon de shogunats, de samouraïs et de rônins. On ne sortira jamais de ce milieu où les rituels, l’honneur et l’autorité sont les règles inamovibles. Un homme vient se présenter au château du clan Ii pour pratiquer le suicide rituel. Kageyu (Kôji Yakusho), le chef du clan veut dissuader Hanshiro (Ebizô Ichikawa), qui se présente comme un rônin – un samouraï sans maître – de pratiquer le hara kiri.

Il existe une nouvelle pratique depuis peu, le hara kiri pantomime. Le rônin vient chez un maître, annonce qu’il veut mourir dans le rituel mais le chef l’arrête dans son élan et décide de l’embaucher. Sauf que le chef du clan Ii, encouragé par son inflexible et intolérant bras droit Omodaka (Munetaka Aoki) pour qui l’honneur prime sur l’humanité, oblige le samouraï à mourir. Seulement voilà Motome Chiijiwa (Eita) ne venait que mendier un peu d’argent pour sa femme et son bébé malades et surtout, il n’a qu’un sabre en bois. Le film se fait documentaire sur le rituel du shepukku, montrant chaque détail vestimentaire, chaque posture, chaque parole à prononcer, chaque mouvement du sabre dans l’estomac. La musique se fait alors très discrète et, Miike ne montre que le visage d’Otome pétri de douleur.

Ce récit est fini, Kageyu pense avoir dissuadé Hanshiro qui embraye sur son propre récit (qui durera bien une heure). Il décide de raconter sa vie de rônin, sur la difficulté d’être pauvre quand on doit obéir à un shogun intransigeant. Là aussi, Miike décrit avec minutie une société basée sur l’inégalité, sur un pouvoir dictatorial. Hanshiro commence également à raconter la vie de son fils adoptif qui se trouve être Motome. Plus tard, le jeune homme épousera Miho (Hikari Mitsushima), la fille de Hanshiro. Le funeste destin du jeune homme est en train de s’accomplir.

Le récit de Hara kiri, mort d’un samouraï est lent. Miike prend son temps pour détailler la vie japonaise dans cette première moitié du 17ème siècle. Le cinéaste est plus connu pour ses fulgurances et la rapidité d’exécution de ses films (ce qui souvent veut dire qu’ils sont bâclés, un peu irregardables d’ailleurs). Mais ce serait oublier qu’Audition, par exemple, est aussi d’une grande lenteur narrative. La scène de découpage ne se déroule que dans le dernier quart d’heure après 100 minutes de drague. Mais on ne se rappelle que la fin. Le spectateur est tout de même en attente d’une grande scène de sabre. Elle arrivera dans le dernier quart d’heure. Là aussi, sans musique, avec les flocons de neige qui distancie encore plus les personnages, comme pour insister que les victimes tombent toujours dans les oubliettes de l’Histoire.

Hara kiri, mort d’un samouraï (一命, Japon, 2011) Un film de Takashi Miike avec Kôji Yakusho, Naoto Takenaka, Hikari Mitsushima, Eita, Kazuki Namioka, Ebizô Ichikawa, Hanshirô Tsugumo, Hirofumi Arai, Takashi Sasano, Ayumu Saitô, Munetaka Aoki, Goro Daimon, Baijaku Nakamura, Takehiro Hira, Yoshihisa Amano, Ippei Takahashi.

Sorties à Hong Kong (décembre 2011)

Magic to win (開心魔法, Hong Kong – Chine, 2011)
Un film de Wilson Yip avec Karena Ng, Louis Koo, Wu Chun, Wu Jing, Raymond Wong Pak-ming, Yan Ni, Tonny Jan, Tan Li-na, Yip Sai-wing, Rachel Lee, Pau Hei-ching, Vincent Kok. 100 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 1er décembre 2011.

lundi 28 novembre 2011

The Lady


The Lady c’est Aung San Suu Kyi et Aung San Suu Kyi c’est Michelle Yeoh. Luc Besson est allé chercher une figure de la résistance à la junte birmane, prix Nobel de la paix, comme en 1999, il avait fait de sa Jeanne D’Arc (son meilleur film jusqu’à présent) une résistante de la France. The Lady est un biopic tout ce qui il y a de plus simple et c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le film fonctionne. La raison majeure est Michelle Yeoh qui incarne parfaitement Suu, comme tous les personnages l’appellent.

Le film commence en 1947 avec l’assassinat du père de Suu au moment de l’indépendance quand le « père de la nation » décide d’apporter la démocratie en Birmanie. C’est cette image du père que Suu va incarner toute sa vie. Le récit reprend immédiatement en 1998 quand l’époux de Suu, Michael Aris (David Thewlis), professeur de langues orientales à Oxford apprend qu’il a le cancer et qu’il va mourir sans doute sans avoir pu revoir sa femme. Pire que cela, sans que leurs deux garçons, ne puissent pas revoir leur mère. C’est ce rôle de mère et d’épouse qu’elle ne pourra pas tenir.

Retour en arrière en 1988 quand la mère de Suu tombe malade. Elle décide de la rejoindre à Rangoon. Les autorités commencent à comprendre que Suu est en train de devenir la figure d’un espoir de démocratie (le mot le plus employé dans le film). Les généraux de la junte au pouvoir vont tout faire pour la dissuader de rester dans son pays natal et de rentrer à Oxford dans sa famille. Mais le destin va en décider autrement et le reste, c’est l’Histoire. Suu ne quitte pas la Birmanie, elle va mener une campagne pour les élections législatives. Elections qu’elle va gagner mais dont la junte ne va tenir compte.

Les militaires, joués essentiellement par des acteurs birmans, sont certes montrés de manière caricaturale : violents et stupides (le chef de l’état est superstitieux et décide de l’avenir du pays en consultant un voyante ou en tirant les cartes), mais ils ne peuvent pas se débarasser si facilement d’elle parce qu’elle incarne la figure de son père, héros national. Le film parle essentiellement birman, sauf Suu et sa famille qui parlent anglais. Pour bien faire comprendre à Suu qu’elle n’est pas considérée par la junte comme une birmane, les militaires s’adressent à elle en anglais.

The Lady n’est pas exempt de maladresses. Il est parfois tire-larmes (en même temps, il y a un peu de quoi), les scènes de la campagne électorale sont un peu trop jolies, le discours de remise du prix Nobel crée un suspense un peu simpliste, mais le scénario, que Besson n’a pas écrit cette fois – comme me le rappelait un de mes amis – tient la route. Et donc, c’est Michelle Yeoh qui impressionne par la dignité qu’elle offre à la figure d’Aung San Suu Kyi. On la voit défier les soldats d’un regard, sourire quand elle retrouve ses enfants, garder un visage ferme quand elle est dépossédée de sa liberté, de ses livres et qu’elle doit vivre seule. Mais en se débarrassant de ses tics (les mouvements de caméras sont moins voyant que d’habitude), en demandant à Eric Serra de se calmer sur sa musique et en engageant Michelle Yeoh, Luc Besson a réussi son film politique.

The Lady (France – Grande-Bretagne, 2011) Un film de Luc Besson avec Michelle Yeoh, David Thewlis, Jonathan Raggett, Jonathan Woodhouse, Susan Wooldridge, Benedict Wong.

dimanche 27 novembre 2011

Trouble couples


Il était une fois quatre sœurs qui habitaient ensemble. Depuis le décès de leur maman, c’est Ta-hsiang (Anita Mui) qui fait office de chef de la famille Mei. C’est l’aînée qui tient le restaurant qui leur permet de vivre. Les trois plus jeunes sœurs viennent aider après leurs études. Yee-hsiang (Ann Bridgewater), la deuxième est amoureuse d’un animateur de radio, Joe (Matthew Wong). Les deux plus jeunes Szu-hsiang (Charine Chan) et San-hsiang (Fennie Yuen) sont encore lycéennes. Elles se font draguer par Prince (Remus Choi), le fils d’un riche homme d’affaires et ses deux comparses le « binoclard » (Calvin Choi) et Jen (Edmond So). Voilà pour les présentations montrées classiquement, dans un mode léger typique de ces comédies romantiques des années 1980.

Le trublion qui va rentrer dans cette famille est Tseng Chao-tsai (Eric Tsang, également réalisateur via sa compagnie CCC, Cinema & City Company Films). Les trois jeunes sœurs l’entendent se disputer avec sa fiancée Agnes (Sandra Ng) qui le largue. Pour tenter de retenir sa copine, Tsai menace de se suicider en plongeant dans l’eau. Alors, il est inutile de chercher à savoir pourquoi les filles se trouvent là, mais l’occasion fait le larron, elles vont lui proposer de rencontrer Ta. D’abord parce qu’elle est encore célibataire au grand dam de toute sa famille et parce qu’elles pensent que ça adoucira leur sœur aînée qui leur interdit de voir les garçons. La première rencontre entre Tsai et Ta est catastrophique, et bien entendu comique, tant le duo Eric Tsang et Anita Mui détonne, lui tout petit et grassouillet, elle grande et sèche. Tsai renonce, tente de reconquérir Agnes qui, entre temps, s’est fiancée à Hsiao Ma (Shing Fui-on, dans son rôle habituel de brûte), un parrain de triades. Tsai, par défi, annonce qu’il se mariera la veille des noces d’Agnes et Hsiao Ma.

A partir de ce moment, il va falloir que les trois sœurs et leurs quatre amis trouvent des plans pour que Ta accepte de se marier avec Tsiao. Ce dernier va devoir faire la cour à la grande sœur qui ne s’en laisse pas compter. Il faut dire qu’elle impressionne de son autorité Tsiao. Elle décide d’imposer sa loi pour accepter le mariage où Tsiao devra obéir à toutes ses régles, y compris à prendre son nom de famille, ce qui dans la culture chinoise est inenvisageable. Comme il se doit, Ta découvre le pot aux roses et la raison véritable de la cour de Tsiao. Le mariage a eu lieu mais entre temps, il est sincèrement tombé amoureux d’elle et vice-versa, bien qu’elle refuse de se l’avouer. Tout le reste de Trouble couples sera donc de déployer toute une mise en scène pour que Tsiao soit accepté par Ta. Evidemment, puisqu’on est dans une comédie loufoque, il se produira de nombreux quiproquos où le personnage de couard geignard d’Eric Tsang fait le show. Le film est un peu idiot, totalement invraisemblable mais ce qui reste plaisant, c’est le cabotinage des interprètes.

Trouble couples (開心勿語, Hong Kong, 1987) Un film d’Eric Tsang avec Eric Tsang, Anita Mui, Ann Bridgewater, Charine Chan, Fennie Yuen, Matthew Wong, Calvin Choi, Remus Choi, Edmond So, Charlie Cho, Teresa Ha Ping, Wu Fung, Helena Law, Sandra Ng, Lau Kar-wing, Clarence Ford, Ann Mui, Shing Fui-on, Wong Jing, Hui Ying-ying.

samedi 26 novembre 2011

Anna Magdalena


La vie de Chan Kar-fu (Takeshi Kaneshiro) est morne. La journée, il bosse. Il est accordeur de pianos. Après le boulot, il rentre chez lui en transports en commun. Chez lui, il mange tout seul ses nouilles pendant la lessive. Il s’ennuie dans la vie et ça se voit sur lui, derrière ses lunettes et ses cheveux gras mi-longs, il arbore un visage sans sourire, sans émotion, sans vie. Tout va changer le jour où il rencontre Yau Muk-yan (Aaron Kwok). Rencontre due au hasard, Fu allait réparer un piano chez la petite amie de Yau précisément le jour où le jeune couple se disputait.
Yau quitte sa copine. Pour tout bagage, il a un carton avec quelques affaires dedans. Il se retrouve dans le bus qui ramène Fu chez lui, s’assoit à côté de ce dernier, va s’inviter à manger chez lui et s’incruster pour la nuit. Vêtu d’un vieux t-shirt qui s’est déformé à force de porter toujours le même, Yau a le caractère inverse de Fu. C’est un homme qui semble ne pas se soucier de l’avenir, qui est grossier, qui parle à tout le monde et souvent pour dire pas grand-chose. Il gagne sa vie en jouant aux courses hippiques et prétend vouloir écrire un roman. Par la force des choses, Yau va vivre chez Fu. Ce sont leurs oppositions, leurs caractères si différents qui donnent les meilleurs moments comiques tellement Fu est scié par l’aplomb de son colocataire.
Tout va changer avec l’arrivée de Mok Man-yee (Kelly Chan) dans l’immeuble. Elle vient d’emménager dans l’appartement au dessus de Fu et joue au piano. Mais le problème, c’est que Man joue atrocement au piano et ça énerve Yau qui, en caleçon, va frapper à la porte de la jeune voisine pour l’engueuler. Evidemment, Monsieur sans-gêne se fait remettre à sa place mais ce couillon voit ça comme de la drague. Il va donc tenter de séduire Man, et petit à petit elle succombe à son bagou. C’est sa méthode de séduction. Elle confesse à Fu qu’elle trouve Yau grossier mais elle commence à sortir avec lui. Mais, ce qu’elle ignore, c’est que Fu est aussi amoureux d’elle et qu’il n’ose pas lui dire.
Anna Magdalena est une romance sur un trio amoureux rythmé par la musique de Bach (le film s’appelle ainsi pour cette raison) que joue Man sur son piano et qui fascine Fu. Le duo Kaneshiro Kwok fonctionne sur un mode comique qui sort le film du tout venant des comédies romantiques. Dans le dernier tiers du film, le ton change. Fu écrit un roman qu’il cherche à faire publier et l’histoire de ce roman épique et fantastique est mise en scène. La rupture de style étonne d’abord mais finalement permet d’éviter les écueils habituels du genre. Produit par Eric Tsang, via sa société UFO, qui joue un petit rôle de concierge curieux Anna Magdalena soigne aussi ses seconds rôles. Jacky Cheung joue un flic intrusif, Leslie Cheung joue l’éditeur du roman et Anita Yuen son employée qui découvre le roman. C’est un film tout à fait charmant.
Anna Magdalena (安娜瑪德蓮娜, Hong Kong, 1998) Un film de Hai Chung-man avec Takeshi Kaneshiro, Kelly Chan, Aaron Kwok, Anita Yuen, Leslie Cheung, Jacky Cheung, Josie Ho, Eric Tsang, Leo Koo, Wei Wei, Yu Wai-lung, Lai Yuen-tung.

jeudi 24 novembre 2011

Black blood


Filmé en scope, en longs plans séquences, en noir et blanc (sauf dans quelques scènes où une usine crache sa fumée), tourné clandestinement et d’une durée de plus de deux heures, Black blood se mérite. Le film parle d’une famille de paysans (le père, la mère et leur petite fille) au beau milieu d’une région aride et très peu peuplée de la Chine. Le père pour gagner un peu d’argent vend son sang à un homme qui passe par là. Il ne dit rien à sa femme, lui donne seulement les billets qu’il a gagné. Il est persuadé que pour que son sang se renouvelle plus vite (et donc en vendre encore plus), il doit boire de l’eau. Il se gave en buvant à l’écuelle. Il boit de plus en plus et son épouse commence à se demander ce qu’il se passe. Quand elle comprend de quoi il s’agit, elle décide de vendre également son sang.

Le père et la mère boit et boit et boit encore de l’eau. Et très régulièrement, ils vendent leur sang à cet homme qui arrive en camionnette et qui se sert, les paie et s’en va, sans qu’on ne le voit vraiment, sans que l’on sache s’il est du gouvernement ou de la mafia. Les conditions matérielles commencent à s’améliorer avec cette arrivée d’argent. L’homme s’achète un costume et une cravate dont il n’aura pourtant aucune utilité. Ils s’achètent une cuvette de WC pour s’engager dans la modernité, pour être comme les gens de la ville. Après tout, les messages de propagande de la radio nationale ne vantent-ils pas le progrès de la Nation chinoise ? Ces messages, entendus à la radio, sont l’unique contact avec le reste de la Chine et apparaissent tellement dérisoires face à la réalité de ce qu’ils vivent au quotidien. La critique est de ce point de vue plutôt finement illustrée.

L’argent peut faire la richesse mais il ne fera pas le bonheur de la famille. A force de vendre son sang à cet homme, la mère tombe malade et ne peut plus rien faire à la maison, s’occuper de la fillette et faire à manger quand le mari revient du travail. Elle essaie de le convaincre d’arrêter de vendre son sang. Lui tente d’aller voir sa famille pour qu’ils puissent s’occuper de la gamine. Personne ne voudra lui répondre, comme si cette fortune soudaine les avait mis à l’écart. Et c’est l’enfant qui dira à son père que la mère a le SIDA. Black blood (métaphore du sang contaminé) devient alors de plus en plus désespéré, alors qu’il était déjà peu joyeux. Le père tentera de se suicider dans des scènes presque comiques (il se rate à chaque fois) mais il faut avoir de la patience pour arriver jusqu’au bout du film qui prend son temps pour incarner la vie de cette famille détruite par cette guerre capitaliste dans ce désert émotionnel.

Black blood (黑血, Chine – France, 2010) Un film de Zhang Miaoyan avec Liu Mengjuan, Mao Danhui, Yingying.