mardi 29 avril 2014

Man of tai chi


Ce mois d’avril commençait avec Keanu Reeves, l’atroce 47 rônin, et ce termine avec lui, Man of tai chi est sa première réalisation. L’acteur s’attribue le rôle du méchant, Donaka Mark, millionnaire glacial, violent et impitoyable qui n’a qu’une passion dans la vie : les combats ultimes. Quand un de ses combattants refuse de « finir » un autre battu, Donaka les tue tous les deux, arborant un masque mortuaire. C’est dire s’il est glacial, violent et impitoyable. Keanu Reeves, avec son absence d’expressivité, incarne à merveille ce rôle.

Il veut désormais engager un nouveau combattant. Son fidèle bras droit japonais (Hirata Yasuyuki), aux cheveux et à la barbe blanches qui ne prononcera pas un mot pendant tout le film, invite Chen (Tiger Chen Hu, un cascadeur de l’équipe de Yuen Woo-ping, par ailleurs chorégraphe du film et accessoirement acteur peu charismatique) à venir faire une démonstration des ses talents. Il doit se battre devant un miroir sans teint contre un gros molosse. Chen parvient à vaincre le gros costaud malgré la différence de carrure.

Il faut dire que notre héros est un adepte du tai chi. Le matin, il va s’entrainer dans le temple de son sifu (Hai Yu), qui porte forcément une barbichette d’homme sage. Puis, il va exercer son métier de livreur pour finir la journée à rendre visite à ses vieux parents. Chen est un homme très sain, l’antithèse de Donaka. Puisqu’il pratique le tai-chi, Chen est d’un calme olympien, d’une grande gentillesse mais doté d’une grande force. Donaka doit convaincre Chen de devenir son nouveau champion.

Adepte d’un art martial non violent, Chen refuse d’abord mais sa vie se complique vite. Son patron le sermonne constamment. Il est trop gentil, aide les gens et livre ses colis en retard. Le temple de son maître a des soucis avec les normes et l’Etat veut le fermer. Et ses parents sont pauvres. Conclusion : puisque Donaka lui propose une forte somme d’argent, il accepte ces combats clandestins qui seront diffusés en live par Yuan (Michael Tong), un geek au service de Donaka. Chen acquière une grande notoriété.

Cette notoriété intéresse la police de Hong Kong, où le film se déroule. C’est l’occasion de retrouver Karen Mok dans le rôle d’une femme policier qui enquête sur ces combats clandestins. Son chef est joué par Simon Yam qui fait deux courtes apparitions en début et en fin de film. On retrouve aussi Sam Lee dans un personnage de petit génie de l’informatique qui doit pirater le site de Yuan. Le trio d’acteurs hongkongais fait de la figuration, ils sont une caution pour apporter au film une morale positive.

Man of tai chi n’est pas un bon film mais Keanu Reeves a surtout cherché à tourner un film à l’ancienne avec comme référence Opération Dragon et ses multiples combats d’arts martiaux différents. Yuen Woo-ping chorégraphie avec paresse et sans inspiration, mais sans effets spéciaux, les combats où Chen affronte un Indonésien, un Mongole, quelques Américains. Le problème est que l’absence de charisme de tous ces combattants, Tiger Chen Hu en tête, nuit à l’intérêt que l’on pourrait porter, sporadiquement, au film.

Man of tai chi (太極俠, Chine – Hong Kong – Etats-Unis, 2013) Un film de Keanu Reeves avec Tiger Chen Hu, Keanu Reeves, Karen Mok, Hirata Yasuyuki, Michael Chan, Michael Tong, Yue Hoi, Simon Yam, Sam Lee, Helene Leclerc, Ye Qing, Iko Uwais, Steve Yoo, Ocean Hou, Brahim Achabbakhe, Jeremy Marinas, Steven Dasz, Wang Xiao. 

dimanche 27 avril 2014

Shoot (Don't look up)


Shoot alias Don’t look up est le remake du premier film de Hideo Nakata, Joyu-rei alias l’actrice fantôme, tourné en 1996. On imagine facilement que Fruit Chan a été engagé dans cette co-production américano-japonaise après le succès de Nouvelle cuisine. En tournant un film de fantômes, le cinéaste échappe à Jean-Claude Van Damme mais se retrouve avec des acteurs de seconde zone avec, en tête de casting, Reshad Strik tout juste sorti d’un soap opera australien. Il incarne Marcus Reed, réalisateur de films d’horreur qui s’apprête à tourner son nouveau film.

En 1928, au temps du cinéma muet, un cinéaste roumain, Belá Holt (Eli Roth dans une courte apparition) tourne un film au sujet d’une sorcière mise enceinte par un démon. Non seulement, le film a été définitivement perdu mais en plus toute l’équipe a disparu au cours du tournage. Personne n’a jamais su ce qu’il leur était arrivé. Marcus Reed est un jour tombé sur une photo du film, l’unique document subsistant. Fasciné par cette histoire mystérieuse, il décide d’aller en Roumanie pour refaire ce film maudit. Etrangement, bien que ce soir sa patrie, il ne sera jamais fait allusion par aucun personnage à Dracula.

Reed et son équipe sont aidés par Grigore (Lothaire Bluteau), un Roumain aux cheveux longs pas très rassuré de venir sur le lieu de tournage du film de Belá Holt. L’arrivée se fait de nuit (bien évidemment) et Reed veut visiter les décors (bien évidemment) et la musique se fait angoissante (bien évidemment). Toute la panoplie du parfait fabriquant de film d’horreur est développée dans Shoot : bruits bizarres, mouches envahissantes, recoins obscurs. Les personnages expriment leur peur avec beaucoup de grands yeux ronds et de bouches ouvertes. Le spectateur sursaute parfois mais la peur a du mal à s’instiller.

La doxa du cinéma d’horreur d’Hideo Nakata est adoptée. Le mal s’infiltre dans la vie quotidienne. Chez le cinéaste japonais, c’était avec un téléphone ou de l’eau. Dans Shoot, des images démoniaques s’impriment sur la pellicule que Reed a tournée. Les apparitions fantomatiques se font de plus en présentes et seul Reed les voit. Comme lui dit un personnage « Tu te prends pour Haley Joel Osment » (l’acteur de Sixième sens) puisqu’il est le seul à voir des morts. Avec l’allusion à Grigore / Igor, le majordome de Frankenstein, c’est la seule incartade humoristique d’un film qui se prend très au sérieux.

La mise en abyme, le film dans le film, ne s’avère intéressante que parce Fruit Chan lui-même tourne le remake d’un ancien film d’épouvante. Les difficultés de tournage avec ce démon et ces fantômes qui perturbent la santé mentale de Reed sont la métaphore, un peu tordue, de ce que subissent les cinéastes de Hong Kong quand ils viennent tourner à Hollywood. Ils espèrent le succès en vendant leur âme au diable hollywoodien (le producteur) et finalement échouent à donner un bon film. Tsui Hark, Ringo Lam, John Woo, Ronny Wu ou Stanley Tong avant Fruit Chan avaient expérimenté ce tourment.

Shoot (Don’t look up, Etats-Unis – Japon, 2009) Un film de Fruit Chan avec Reshad Strik, Henry Thomas, Lothaire Bluteau, Carmen Chaplin, Daniela Sea, Zelda Williams, Brian Henderson, David Dayan Fisher, Ajla Hodzic, Eli Roth, Ben DiGregorio, Alyssa Sutherland, Shiloh Fernandez, Robert Towers.

vendredi 25 avril 2014

Eté japonais : double suicide


Tous les deux tournés en 1967, A propos des chansons paillardes au Japon se déroulait en hiver, était filmé en couleurs et s’intéressait à la libido masculine, Eté japonais : double suicide se passe en été, est en noir et blanc et met en scène une jeune femme (Keiko Sakurai) qui veut coucher avec tous les hommes qu’elle rencontre. L’ouverture du film pose immédiatement la ligne abstraite que Nagisa Oshima va désormais utiliser comme une expérimentation de ses récits et de sa mise en scène.

Cette femme apparait comme coupée des autres. D’abord physiquement avec sa mèche colorée dans les cheveux, look improbable face aux employés qui nettoient les murs sans faire attention à elle, ensuite en demandant à un homme (Kei Sato) s’il veut bien coucher avec elle. Lui, habillé en treillis, veut trouver une personne qui accepterait de le tuer. Le jour est bien trouvé, les autorités annoncent qu’un tueur fou, un Américain, tire dans le tas. Nagisa Oshima continue de filmer une société malade qui ne cherche des solutions que dans la mort ou la force.

Le duo, particulièrement mal assorti, poursuit ses pérégrinations dans un Tokyo désert jusqu’à arriver dans une usine désaffectée. Une bande de malfrats y séjourné, prête à en découdre le lendemain matin avec une autre bande de malfrats. Leur comportement est paramilitaire et leurs mines sont patibulaires. Cela n’empêche pas la femme d’aller vers eux, d’encore une fois, demander de faire l’amour et l’homme de demander qu’on le tue. Dans une pièce, huit autres hommes accueillent l’homme suicidaire et la femme nymphomane.

Personne n’aura de nom dans Eté japonais : double suicide mais chacun aura une fonction précise. Celui habillé en moine est le plus sage, un adolescent en uniforme de lycéen veut tuer un homme, un tatoué, un réparateur de télévision. L’absence de psychologie crée du mystère sur la raison pour laquelle ces huit hommes sont présents là. Les discussions qu’ils ont ne tournent qu’autour de la rixe prévue le lendemain. La femme va s’apercevoir que les malfrats ont tous quitté les lieux, laissant la porte ouverte à encore d’autres questionnements.

Leur cloisonnement volontaire apparait comme l’antichambre de la mort. Ils sont exclus de la société et leur unique lien avec le monde est une télé portative qui donne des nouvelles du tueur fou comme des malfrats. Assez vite, la folie gagne chacun des personnages, les vêtements quittent les corps des hommes au fur et à mesure que la femme couche avec eux. Une idée de la liberté surgit jusqu’au jeu de massacre qui arrive. On a l’impression de vivre une version pessimiste et nihiliste des 10 petits indiens où chacun va mourir, sans qu’on sache qui sera le dernier.

Été japonais : double suicide (無理心中日本の夏, Japon, 1967) Un film de Nagisa Oshima avec Keiko Sakurai, Kei Satô, Tetsuo Ashida, Yoshiyuki Fukuda, Hideo Kanze, Hôsei Komatsu, Shunsuke Mizoguchi, Bunya Ozawa, Masakazu Tamura, Taiji Tonoyama, Rokko Toura.

jeudi 24 avril 2014

Sorties à Hong Kong (avril 2014) The Truth about beauty


The Truth about beauty (整容日記, Hong Kong – Chine, 2014) Un film d’Aubrey Lam avec Bai Baihe, Ronald Cheng, Wang Xiaoxi. 85 minutes. Classé catégorie IIA. Sortie à Hong Kong le 24 avril 2014.

mercredi 23 avril 2014

A propos des chansons paillardes au japon


11 février 1967, Tokyo. Quatre lycéens viennent de province passer des examens pour entrer à l’université. Nakamura, Ueda, Maruyama et Hiroi ont remarqué une lycéenne. Elle est assise à la place N°469. Ils cherchent à savoir son nom. Il neige à gros flocons. Le quatuor remarque que 469, ainsi qu’ils l’appelleront pendant tout A propos des chansons paillardes au Japon, va signer une pétition contre la guerre au Viet Nam. Ils vont signer également dans l’espoir de la connaitre. Elle n’aura inscrit que 3 XXX.

Les quatre amis vont redoubler d’efforts pour rencontrer la lycéenne. Sur le quai de la gare, ils font connaissance avec trois filles. Leur professeur, Monsieur Otake, est là pour surveiller et leur propose d’aller boire des verres avec eux au bar « Lawrence ». S’agit-il de Lawrence d’Arabie ou de l’auteur de Lady Chatterley ? Les discussions entre les lycéens vont bon train, occupant une bonne partie du film avec, dans leur bouche, une seule obsession : les filles. On est loin des préoccupations politiques des pétitionnaires.

Ils s’attendaient que le professeur leur donne des leçons de vie. A la place, il leur chante une chanson paillarde sur un homme qui va détrousser les jeunes femmes d’une famille, en commençant par l’aînée et en terminant par la bonne. Tous sont étonnés de la gaillardise de cet homme lettré. Tout le monde s’enivre dans le bar. Chacun répète la chanson. Le professeur lit des poèmes. Otake est fin soûl. Les lycéens et les lycéennes le ramènent chez lui et prennent des chambres dans une auberge. Là, le jeu de séduction continue entre les jeunes.

Le film aurait pu s’appeler comme le dernier Resnais « Aimer, boire et chanter ». Boire permet à tous de se désinhiber. Les lycéennes restent pourtant dans leur chambre. Elles n’ouvrent pas la porte aux quatre garçons. Aucun stratagème ne fonctionne. Nakamura semble le leader du groupe et envisage de s’introduire dans leur chambre. Il est hanté par le désir qu’il a pour les jeunes femmes. Et il sera encore plus avec la mort accidentelle du professeur Otake qui s’asphyxie avec le gaz du chauffage de sa chambre.

La mort du professeur ne le traumatise pas, contrairement aux jeunes filles qui pleurent tout leur sou. Il y voit au contraire l’occasion de séduire la compagne d’Otake. La puissance de thanatos augmente son éros. Les quatre garçons fantasment également sur 469. Nagisa Oshima met en scène une longue séquence où les quatre garçons imaginent coucher, successivement, avec elle dans la salle d’examen. Les voix off des garçons se superposent à l’image, la description est double et purement fantasmatique.

Les lycéens font la douloureuse découverte de la différence entre le fantasme et la réalité. Nakamura va vite culpabiliser d’avoir de telles pensées et va chercher 469 pour se confesser. Elle s’appelle Mayuko et chante, dans un festival pop, des chansons pacifistes. Son visage souriant apporte une pureté. Celui de Nakamura est par contraste dur, presque désespéré. Ce dernier lui répète à l’envi sa chanson paillarde dans une opposition qui montre un visage pessimiste de la jeunesse du Japon de 1967.

A propos des chansons paillardes au japon (日本春歌考, Japon, 1967) Un film de Nagisa Oshima avec Ichirô Araki, Jûzô Itami, Koji Iwabuchi, Akiko Koyama, Kazuyoshi Kushida, Hiroko Masuda, Nobuko Miyamoto, Hiroshi Satô, Kazuko Tajima, Hideko Yoshida.

lundi 21 avril 2014

Hollywood Hong Kong


Le nom Hollywood peut faire rêver. Mais à Hong Kong en 2001, Hollywood est synonyme d’un ensemble d’immeubles d’habitations qui surplombent le quartier de Tai Hom, l’un des endroits les plus pauvres de la ville. Les maisons de Tai Hom ont des planches pour murs, des tôles pour toit et des habitants qui ne sortent jamais de leur quartier pas même pour aller dans le centre commercial situé en bas du Plaza Hollywood. Hollywood Hong Kong est la chronique d’une poignée d’habitants de ce bidonville.

La famille Chu travaille dans le cochon. Le père (Glen Chin), le fils ainé Ming (Hoi Sai-nam) et le dernier Tiny (Leung Sze-ping) avec leurs impressionnantes carrures ne passent pas inaperçus. Obèses tous les trois, ils transportent des carcasses de porc sur leur épaules, puis commencent à dépiécer les bêtes, à les badigeonner et à les faires rôtir dans leur vieux réchaud. Le générique d’ouverture, avec malice, décline chaque participant au film (acteurs et techniciens) en donnant leur nom à même la peau du cochon sous la forme d’un tampon.

Un beau jour, une jeune femme (Zhou Xun) arrive dans le quartier et s’adresse à Tiny pour acheter un bout de viande. Elle s’appelle Hung Hung. Elle est charmante. Son sourire enchante les trois membres de la famille Chu. Tiny lui fait visiter le quartier, le père fantasme sur elle (la scène onirique de la balançoire où Hung Hung debout fait voler sa robe) et couche avec Ming, tout étonné qu’une fille si belle puisse s’intéresser à un gros garçon tout transpirant comme lui.

Hung Hung vient du nord. C'est-à-dire de Chine continentale. Elle parle parfaitement cantonais. Elle est connue sous un autre nom, Tong Tong par Wong Chi-keung (Wong You-nam), qui s’est lancé dans un site Internet de rencontres coquines. Elle s’inscrit sur le site pour faire profiter de ses charmes. Keung, grand maigrichon aux chemises hawaiiennes vit avec Lui (Debbie Tam). Leur relation n’est pas simple. Keung se prend pour un homme d’affaires alors qu’il n’est qu’un pauvre minable et qui déçoit sa copine.

La première heure du film est tout en douceur et humour. Les personnages ont des petits grains de folie. M. Chu a dans sa cour une truie qu’il appelle Maman. Il la traite comme son épouse (la mère de ses enfants l’a quitté) mais Fruit Chan ne se moque jamais de son personnage. Une voisine, médecin de profession mais totalement délirante, tente de convaincre Chu d’inséminer l’animal avec du sperme humain pour donner de jolis porcelets. On a l’impression qu’ils vivent dans un tout autre monde.

De la même manière, l’amitié entre Hung Hung et Tiny est filmé avec tendresse. Ils jouent ensemble, elle fait mère de substitution, elle l’emmène dans la galerie marchande. Elle mange avec bonheur les travers de porc rôtis par les Chu avant de séduire Ming dans une scène pleine de sensualité. Elle caresse les plis de gras du jeune homme qui, torse nu – sa tenue habituelle, fait cuire la viande. Fruit Chan filme la misère sexuelle sans donner aucune valeur morale.

La deuxième heure change de ton avec la révélation du rôle de Hung Hung dans le récit. Elle n’est pas dans le quartier de Tai Nom pour mettre du baume au cœur aux Chu mais pour une toute autre mission. Régulièrement, les habitants reçoivent une lettre d’un certain Peter Chau, un homme qu’on aperçoit uniquement dans sa luxueuse voiture). L’homme fait du chantage pour se débarrasser des habitants et racheter leurs taudis. Le film prend un tour presque horrifique avec une dénonciation de la malfaisance des promoteurs immobiliers.

Hollywood Hong Kong (香港有個荷里活, Hong Kong – Japon, 2001) Un film de Fruit Chan avec Zhou Xun, Glen Chin, Ho Sai-man, Leung Sze-ping, Wong Yau-nam, Debbie Tam, Wan Kam-li, Wu Wai-man, Koo Jun-na, Fong Wai-hung, Chan Wai-keung. 

jeudi 17 avril 2014

Little Cheung


Après les adolescents de Made in Hong Kong et les adultes de The Longest summer, le troisième volet de la trilogie sur la rétrocession de Fruit Chan s’attaque à l’enfance. Le personnage éponyme de Little Cheung est interprété par le jeune Yiu Yuet-ming. Il a neuf ans et vit avec ses deux parents (Gary Lai est son père et Chun Kwok-hei sa mère), la grand-mère (Chu Siu-yau) et la bonne philippine (Armi Andres), embauchée pour s’occuper d’elle. Les parents tiennent un restaurant dans un quartier populaire et Cheung, quand il revient de l’école, va livrer les plats aux clients.

Cheung doit souvent aller porter des plats chez le vieux Monsieur Hoi (Heung Hoi) qui partage avec la grand-mère une passion commune pour les vieux films, notamment les opéras chinois avec Tang Wing-cheung, qu’ils ont connu tous les deux. Hoi a deux fils. David (Robby Cheung) se prend pour une petite frappe et n’a jamais d’argent pour payer ce qu’apporte Cheung, et Kenny (Anthony Teoh), son jeune frère qui rêve de quitter Hong Kong. En voix off, Cheung apporte son avis candide sur la situation que vivent les personnages et sur cette époque où tout le monde cherche de l’argent mais n’en trouve pas.

Lors d’un repas familial, une gamine, Fan (Mak Wai-fan), un peu plus âgée que Cheung, vient proposer ses services comme serveuse. Mais le père refuse d’employer une enfant. « Tu n’as pas l’âge légal », lui répond-il. Cheung suit Fan jusque chez elle et comprend qu’elle est très pauvre. Il fait des tentatives d’approche et finit de lui proposer de livrer à sa place les plats chez les clients. Ils partageront les pourboires. Little Cheung est axé sur l’amitié naissante entre les deux enfants. Fan et Cheung passent de plus en plus de temps ensemble, elle vient chez lui regarder les vieux albums photos, ils jouent tous les deux pour se sentir moins seuls.

Cheung apprend à connaitre sa nouvelle amie mais des choses lui échappent notamment la raison pour laquelle elle ne rentre pas dans le restaurant de son père quand des policiers viennent y manger, pourquoi on ne voit jamais ses parents. Le film approche avec douceur le problème des réfugiés chinois du continent qui viennent s’installer clandestinement à Hong Kong. Fan est sans aucun doute dans cette situation. Elle doit vivre cachée de tous avec sa petite sœur. Dans une arrière-cour, elle fait la vaisselle pour le restaurant où travaillent ses parents.

Le film fourmille d’intrigues secondaires. L’une des plus importantes est la recherche du grand frère de Cheung qu’il n’a jamais connu. Il réussit à trouver une vieille photo de lui, demande à tout le monde s’ils l’ont vu. L’enfant enquête sur son frère sans réussir à le trouver. Quand son père l’apprend, il devient furieux et frappe Cheung qui fait une fugue. Le père déclare qu’il n’a pas d’autre enfant que Cheung. La disparition de ce grand-frère est un mystère et la cause de disputes familiales importantes.

Autre intrigue importante, la place que prend David Hoi. Cheung continue de lui livrer des plats mais prend bien soin de pisser dans son thé avant de lui livrer. C’est une punition pour ne jamais payer. David se voit comme un chef de clan, avec ses hommes de main qui s’entrainent à la boxe. David est surtout un homme bête et méchant qui prétend posséder la rue et demande de l’argent contre une protection. Tout le monde a peur de ses réactions impulsives, y compris son père. Sa chute sociale n’en sera que plus grande.

Comme dans les deux autres films de la trilogie, Little Cheung cherche, avec succès, à s’approcher au plus d’une vision réaliste de la vie des habitants de Hong Kong. Fruit Chan mélange les moments émouvants (l’humiliation de Cheung par son père, les rapports avec la grand-mère) avec des jolis passages comiques (le tampon d’une prostituée jeté dans le verre de David). Les trois films forment un document passionnant sur la rétrocession avec ses espoirs, ses doutes et ses angoisses et Little Cheung est le plus émouvant de la trilogie. La dernière scène montre, réunis sur un même lieu, Cheung, le trio de Made in Hong Kong et Yin de The Longest summer.

Little Cheung (細路祥, Hong Kong, 1999) Un film de Fruit Chan avec Yiu Yuet-ming, Mak Wai-fan, Gary Lai, Chun Kwok-hei, Chu Siu-yau, Mak Suet-man, Robby Cheung, Armi Andres, Heung Hoi, Wong Kwok-man, Anthony Teoh, Davena Mok, Yeung Mei-kam, Wong Ming.

Sorties à Hong Kong (avril 2014) That demon within


That demon within (魔警, Hong Kong – Chine, 2014) Un film de Dante Lam avec Daniel Wu, Nick Cheung, Christie Chen, Andy On, Dominic Lam, Liu Kai-chi, Stephen Au, Lee Kwok-lun, Chi Kuan-chun, Astrid Chan, Samuel Leung, Fung So-po. 112 minutes. Classé catégorie IIB. Sortie à Hong Kong le 17 avril 2014.





Sorties à Hong Kong (avril 2014) Iceman 3D


Iceman 3D (3D急凍奇俠, Chine – Hong Kong, 2014) Un film de Law Wing-cheong avec Donnie Yen, Wang Bao-qiang, Eva Huang, Daniel Wu, Bai Baihe, Simon Yam, Benny Chan. 103 minutes. Classé catégorie IIB. Sortie à Hong Kong le 17 avril 2014.

mardi 15 avril 2014

The Longest summer


Dans ce deuxième volet sur la rétrocession de Hong Kong à la Chine, Fruit Chan reconstitue les trois mois avant l'événement que toute la population attend. Les signes, dès début avril 1997, sont là. Les petits drapeaux de Hong Kong, rouges avec la fleur au centre, commencent à se répandre dans tous les coins, Margaret Thatcher vient inaugurer le pont Tsing Ma qui relie la colonie britannique au continent, les infos ne parlent que de cela. Pour Yin  (Tony Ho) et ses amis, la rétrocession est une catastrophe. Anciens soldats britanniques, ils se retrouvent désormais au chômage.

Made in Hong Kong évoquait la fin de l’adolescence, The Longest summer est autour d'un groupe de cinq adultes qui doivent trouver du travail. La séquence d'ouverture les montre sur un radeau qui dérive au fil de l’eau, au bord d'une rivière, attendant rien ou tout, jusqu'à ce que Yin arrive de l'autre rive, tel un fantôme qui surgirait du passé. Le film questionne d’emblée cette idée d’une ville à la dérive. Pourtant, tout le film pose la question de comment accueillir le futur quand le passé est révolu, quand personne ne veut leur donner du boulot et que tout le monde à la tête ailleurs.

Personne ne lui donne de boulot à part Wing (Chan Sang), homme d’affaires un peu louche, qui se rêve parrain des triades. Yin devient son chauffeur et c’est grâce à son jeune frère Suen (Sam Lee), surnommé Chopstick (baguette en référence à son grand corps tout maigre) qu’il a ce travail de larbin. Les deux frères ont un tempérament radicalement différent. Suen est toujours bavard, vif, impulsif quand son frère est posé, réfléchi et taciturne. Leur parent s’inquiète de la dérive du cadet et espèrent que l’aîné prendra en main Suen. C’est l’inverse qui va se produire.

Wing a une fille, Jane (Jo Kuk), unique personnage féminin de The Longest summer. Les deux frères en vadrouille sur leur moto la repèrent et la suivent dans une course poursuite qui constitue un moment de quasi poésie avec des pointes d’humour. La jeune femme, étudiante, est une rebelle qui ne compte pas se laisser draguer par les deux garçons. Yin tombe pourtant sous son charme mais Fruit Chan a la grande intelligence de ne pas tomber dans les clichés de cette romance qui n’aboutira jamais vraiment, l’esquissant avec tendresse et humour, notamment avec le chien de Jane qu’ils lui piquent un soir.

Les amis de Yin sont convaincus par Suen de commettre un gros coup pour trouver de l’argent facilement. Puisque les Britanniques vont se retirer de Hong Kong, ils pensent pouvoir en profiter pour commettre un cambriolage dans la banque où l’un d’eux est vigile. Les préparatifs sont longs et les apprentis cambrioleurs peu compétents. Le film égrène les dates comme dans un compte à rebours fatal. Suen, Yin et les autres comptent sur la confusion de la soirée de rétrocession où la police sera occupée à surveiller le prince Charles qui va faire un discours.

La séquence du cambriolage est l’un des morceaux de bravoure du film. Filmé sous une pluie battante qui accentue le sentiment d’angoisse, les sept amis ne sont armés que de fusils factices, sauf Suen. Leur ami vigile est tué, la police réplique et ils sont incapables d’obtenir de l’argent. Face à ces scènes dramatiques, le film propose quelques moments plus légers. Yin va régulièrement rencontrer sur son chemin un chauffeur de taxi irascible, trois lycéennes effrontées ou un soldat écossais dont le kilt se soulève laisse apparaitre son derrière, comme une ultime ironie en cette journée de rétrocession.

The Longest summer (去年煙花特別多, Hong Kong, 1998) Un film de Fruit Chan avec Sam Lee, Tony Ho, Jo Kuk, Gary Lai, Chan Sang, Pang Yick-wai, Leung Yiu-wa, Bobby Lam, Wilson Ng, Robby Cheung, Jessica Lee, Yung Wai-yiu, Chan Wai-pang, Mou Yu-kiu, Martin Lau, Lui Gam-ching.

lundi 14 avril 2014

The Grandmaster, grand gagnant des Hong Kong Film Awards


Comme prévu, The Grandmaster a reçu la plupart des récompenses des 33ème Hong Kong Film Awards. 12 statuettes sur 14 nominations : meilleur film, meilleur scénario, meilleure photographie, meilleur montage, meilleurs décors, meilleurs costumes et maquillages, meilleure chorégraphie des scènes d’action, meilleure musique originale, meilleur son, Wong Kar-wai meilleur réalisateur, Zhang Ziyi meilleure actrice, Zhang Jin meilleur acteur dans un second rôle. Seul Tony Leung Chiu-wai est oublié au profit de Nick Cheung qui reçoit le prix du meilleur acteur pour Unbeatable. Rigor Mortis est récompensé pour la performance de Kara Hui pour le meilleur second rôle féminin, les meilleurs effets visuels. Enfin, The Way we dance est célébré avec trois prix : Adam Wong est le meilleur nouveau réalisateur et son acteur Babyjohn Choi est le meilleur nouvel interprète. Le film reçoit également la statuette pour la meilleure chanson originale. Le meilleur film étranger (Chine ou Taïwan) est So Young.

vendredi 11 avril 2014

The Midas touch


Dans The Bounty, le premier et réussi film de Fung Chihi-chiang, Chapman To était un chasseur de primes un peu dépassé par les événements. Dans The Midas touch, il se lance dans le show business avec huit et jolies jeunes femmes. Il faut donner leur nom, elles débutent dans le cinéma : Christie Chen, Alice Li, Jie Zhuang, Venus Wong, Jennifer Zhang, Angela Hui, Una Xie et Stephanie Che. Mak Chui (Chapman To) n’avait pas l’idée de devenir leur manager. Son boulot au début de The Midas touch est de collecter les dettes auprès des créanciers, métier peu noble qu’il exerce avec Beefy (Deep Ng) et sa bande.

L’idée de Mak en voyant ces jeunes femmes alanguies dans le salon de la boite de mannequins (la profession qu’elles sont censées exercer) est de les prendre sous son aile. Le film mise d’abord sur la beauté des femmes montrées sous toutes les coutures, mais de manière très chaste, bien entendu. L’érotisme n’ira pas plus loin qu’une courte scène où elles plongent, en bikini, dans une piscine. Elles manquent surtout de talent. L’une imite les chiens, une autre peut roter 100 fois en une minute, une autre balance des baffes. C’est un peu comme l’émission « Hong Kong a un incroyable talent ». Le film établit un parallèle entre la prostitution, Mak les transforme en escort girls avant d’entrer dans le milieu de la chanson.

Passés ces moments à l’humour très léger, la troupe se lance dans la conquête de la célébrité. Pour tenir son ton de comédie, les embuches ne cessent de se mettre en travers du chemin vers la gloire. Il faut dire que les filles ne sont pas très compétentes. Elles ne savent pas danser, ni chanter et encore moins rester disciplinées. D’où l’idée de génie de Mak, s’incruster à la conférence de presse d’un jeune acteur à la mode, J-Dragon (Gao Yun-xiang) dont l’attachée de presse est Suen Mei-mei (Charlene Choi). Mak emmène ses filles, les fait monter sur scène et mettre un gros bordel avant de se faire pourchasser par les vigiles.

Bien entendu, Mei-mei n’est pas contente de ce sabordage. Tout va se compliquer pour elle quand elle est virée pour avoir des vues un peu trop précises sur son protégé. Elle l’a installé dans un appartement à côté du sien et mis un miroir sans teint où elle peut l’observer tandis qu’il fait sa muscu torse nu. Elle décide de prendre sa revanche sur le destin en proposant, contre un gros contrat, à Mak de s’occuper de la carrière des filles. C’est parti pour des cours de chant, danse, comédie où elles sont aussi médiocres qu’au début du film, dans une suite de séquences de qualité variable. Mais la persévérance pourrait payer si elles travaillent beaucoup. Pas facile de transformer des gens sans qualité en or, l’effet Midas du titre se fait attendre.

Le récit de The Midas touch a un peu du mal à trouver sa voie. Il hésite à donner une comédie burlesque avec les gaffes des jeunes femmes comme de Mak qui fait preuve d’incompétence (Chapman To semble abonné à ces rôles de minable falmboyant), le tout avec une grosses pincée d’humour non-sensique et la présence de quelques vedettes en cameo (Nicholas Tse, Wong Cho-lam). Souvent le film se lance dans l’émotion poussive quand le premier concert se solde par un gros bide (la presse ni le public n’est venu), quand Mak et Mei-mei doutent de tout, quand les filles doivent se séparer. Paradoxalement, le film parvient à surprendre en ne donnant ni romance entre ses personnages, ni angélisme sur la réussite du groupe de filles bien que le film est loin d’être une critique acerbe du show business.

The Midas touch (超級經理人, Hong Kong, 2013) Un film de Fung Chih-chiang avec Chapman To, Charlene Choi, Gao Yun-xiang, Deep Ng, Christie Chen, Alice Li, Jie Zhuang, Venus Wong, Jennifer Zhang, Angela Hui, Una Xie, Stephanie Che Wong Cho-lam, Jenny Lau, Gillian Chung, He Jiong, Nicholas Tse, Vincy Chan, Fok Man-hei, Louis Cheung, Lo Hoi-pang, Yumiko Cheng, 6 Wing, Steven Cheung, Xie Jiayu, Ryan Lam, Johnny Choi, Masaki Heung.

jeudi 10 avril 2014

Sorties à Hong Kong (avril 2014) The Midnight after


The Midnight after (那夜凌晨,我坐上了旺角開往大埔的紅 Van, Hong Kong, 2014) Un film de Fruit Chan avec Wong Yau-nam, Janice Man, Chui Tien-you, Kara Hui, Simon Yam, Sam Lee, Lee Sheung-ching, Lam Suet, Vincci Cheuk, Cherry Ngan, Kelvin Chan, Fiona Sit, Endy Chow, Jan Curious, Mike Orange, Kitty Trouble, Waiting Soul, Les Hunter, Yiu Yuet-ming, Melodee Mak. 120 minutes. Classé Catégorie III. Sortie à Hong Kong le 10 avril 2014.

Sorties à Hong Kong (avril 2014) Enthralled

Enthralled (, Hong Kong, 2014) Un film de Chip Tsao avec Kelvin Kwan, Chui Tien-you, Christopher Goh, Candy Law, Mandy Lieu, Shing Long-hei, Cheung Kwok-keung, Gung Tse-yan, Koo Deng-hin, Man Kwok-jun, Alex Lam, Candice Yu. 110 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong le 10 avril 2014.

mardi 8 avril 2014

Made in Hong Kong


A peine sorti de l’adolescence, pas encore rentré dans l’âge adulte, Mi-août (Sam Lee dans son tout premier rôle) traine son grand corps tout maigre entre le minuscule appartement qu’il partage avec sa mère et les rues des quartiers populaires. Son nom, il le doit à son jour de naissance, le 15 août après une nuit d’amour entre son père qui est depuis passé à d’autres femmes et a eu d’autres enfants et sa mère (Doris Chow). Elle tente, tant bien que mal, de gagner sa vie. Elle est caissière dans un supermarché.

Le jeune homme rêve d’une autre vie en cette année précédant la rétrocession de l’ancienne colonie britannique à la Chine. Il a quitté l’école, n’a aucune formation et ça n’est pas l’aide de Miss Lee (Siu Chung), la très compréhensive assistante sociale, qui va remplir sa vie. Rêver dans Made in Hong Kong, ça veut dire pour Mi-août s’habiller à la mode (les shorts et chemises sont moulantes), se coiffer à la mode (il a un chouette mulet), porter une boucle d’oreille. Ça veut surtout dire gagner du fric sans rien foutre.

Son petit boulot actuel est d’aller collecter de l’argent pour un usurier, un boulot de petit voyou. Sa mission l’amène chez Ping (Neiky Yim), ado de 16 ans. La mère de Ping (Carolina Lam), fort en gueule, ne se laisse pas vraiment impressionner par la grande tige qu’elle a devant elle. Mi-août est accompagné de Jacky (Wenders Li, par ailleurs monteur des films de Pang Ho-cheung). Jacky est un bon gros gaillard que son pote traine avec lui. En fait, il en prend soin car Jacky est un attardé mental qui se comporte comme un enfant.

Leur vie va changer le jour où Boshan (Amy Tam) se suicide en se jetant du haut d’un immeuble. Elle tenait deux lettres que Jacky a récupérées sous son corps. Les deux missives, tachetées de sang, vont suivre les deux garçons. Mi-août pense qu’elles vont lui porter malheur. La mort de la jeune fille, qui a subi une déception amoureuse, va hanter Mi-août, Jacky et Ping. Le trio va apporter les lettres à leurs destinataires, va se promener dans l’immense cimetière de Hong Kong et invoquer Boshan, va rêver d’elle pendant leur sommeil.

Le miracle de Made in Hong Kong est de parler de la mort dans une atmosphère joyeuse. Le paradoxe n’en est que plus grand. Ping a une maladie des reins et attend un donneur. En attendant, elle se laisse séduire par Mi-août qui joue les machos des bacs à sable. Jacky se fait harceler par des lycéens mais il est tout sucre devant Ping. Il se met, comme un symptôme de sa timidité maladive, à saigner du nez quand il l’aperçoit. Les parents sont désespérés d’avoir des enfants inconscients, mais les jeunes vivent au jour le jour.

Tout le monde est pauvre, cherche de l’argent, est harcelé par les créanciers. Mais ça ne fait rien. Le film passe entre les mailles du filet du récit social larmoyant. Au contraire, le ton de comédie emporte les personnages vers un optimisme réjouissant. Fruit Chan montre sa ville sous toutes les coutures, filme les petits appartements, les cours des immeubles, les marchés, enchaine avec des plans sur les avions qui survolent les immeubles, fait courir ses acteurs dans les rues bondées, dans le cimetière, dans les couloirs lugubres.

Le cinéaste filme dans une sorte d’urgence comme s’il voulait montrer Hong Kong dans cette période de la rétrocession. Un instantané de la ville pour se souvenir de son aspect avant que tout ne change. Le ton était joyeux et candide, il se fait de plus en plus noir, ou de plus en plus rouge. Rouge couleur sang tant celui-ci va couler des corps de Ping, Jacky et Mi-août. Les trois personnages ne maitrisent plus du tout leur destin. Leur adolescence qui s’en va est une douleur insurmontable pour eux. Made in Hong Kong est le portrait de cette innocence perdue.

Made in Hong Kong (香港製造, Hong Kong, 1997) Un film de Fruit Chan avec Sam Lee, Wenders Li, Neiky Yim, Amy Tam, Carolina Lam, Chan Tai-yee, Siu Chung, Doris Chow, Woo Wai-chung, Chan Sang, Eric Lau, Kelvin Chung, Ah Ting, Jessica, Man Kit, Ah B Chai, Leung Tai, An Chi-man, Kan Chi-tak.

jeudi 3 avril 2014

Les Chiens errants


Regarder Les Chiens errants s’apparente à un marathon ou au moins à une course d’endurance de 138 minutes. Pour se préparer au film, il vaut mieux avoir vu ses films précédents, ses chefs d’œuvre (La Rivière ou The Hole) comme ses navets (Goodbye Dragon Inn ou Visage) et se dire que tout va être lent, que les plans séquences vont durer et, dès l’ouverture du film où deux enfants dorment sous une couette tandis qu’une femme se coiffe les cheveux, on est lancé dans un terrain connu, tout du moins sous la forme la plus visible du cinéma de Tsai Ming-liang.

On retrouve vite Lee Kang-sheng, l’acteur fétiche de Tsai Ming-liang qui tient une pancarte sous une pluie battante. Il porte un pauvre et fin k-way pour se protéger. La pancarte indique l’adresse d’un hôtel. C’est son boulot, être homme sandwich. Plus loin dans la rue, d’autres hommes font le même job. Et comme si la pluie ne suffisait pas, les voitures et les scooters passent avec grand bruit devant son nez. Le corps de l’acteur, que l’on connait sous toutes ses coutures depuis Les Rebelles du Dieu Néon en 1992, a considérablement vieilli, grossi, terni.

Mais pour la première fois, Lee Kang-sheng tient le rôle d’un père (il n’a jusqu’ici été qu’un fils, souvent libidineux). Les deux enfants vus en ouverture du film sont ses enfants. Une petite fille qui passe ses journées à errer au supermarché et un jeune adolescent qui porte constamment un sac à dos et conserve le maigre salaire de son père. Dans un des rares plans ensoleillés et mobiles, un panoramique suit la famille sur une plage où les enfants rient et le père fume une cigarette.

On aura assez vite compris que cette famille vit dans le plus grand dénuement. Le cinéaste filme, avec un certain voyeurisme, les scènes les plus quotidiennes du père et des deux enfants. Comment se laver dans des toilettes publiques, comment manger un plateau repas au bord d’une route, comment se changer pour aller dormir. Tout est fait sous nos yeux, en plan séquence, sans que cette fois la part de mystère et d’humour qui pouvaient surgir du hors champ pour surprendre le spectateur et relancer le maigre récit. Ici, rien de tout cela ne vient interroger notre regard.

Certes, une femme travaillant dans le supermarché hanté par la petite fille rentre petit à petit dans le film, apportant une portion d’étrangeté. Elle se promène la nuit, sa lampe torche à la main et part nourrir des chiens errants dans une maison en ruine. Plus tard, sous une pluie battante, elle va les emmener loin de cet homme qui les fait vivre dans des taudis, qui leur fait manger de la mauvaise bouffe et qui semble ne pas leur donner beaucoup d’affection. Puis, dans la deuxième heure, c’est le retour de la mère qui vient fêter un anniversaire.

Tsai Ming-liang avait habitué le spectateur a filmé dans des décors délabrés, dans des maisons en travaux et ouvertes aux quatre vents et à l’eau qui dégoulinait des murs et des toits. Dans Les Chiens errants, les ruines sont partout et il ne filme plus que cela dans une sorte de concurrence à la déglingue arty avec Apichtapong Weerasetakul. Les dialogues sont extrêmement limités, uniquement fonctionnels (« mange, va te coucher, lave-toi » suivis à l’image de ces actions). En cela, il se différencie du cinéaste thaïlandais dont les films sont bavards.

Les plans séquence s’éternisent sans raison (douze minutes pour l’avant dernier où le père et la mère regardent droit devant eux sans bouger). Tsai Ming-liang donne la sérieuse impression de ne plus filmer que pour lui, oubliant de créer le moindre embryon de récit comme c’était déjà le cas dans Visage. L’expérimentation de la durée dans Les Chiens errants échoue, surtout dans sa deuxième heure, à créer un mystère tant les plans se succèdent et se ressemblent, malgré des axes de caméra différents. C’est finalement l’absence d’altérité qui nuit à la réussite du film. Tsai Ming-liang ne parle plus au spectateur mais à lui-même.

Les Chiens errants (郊遊, Taïwan – France, 2013) Un film de Tsai Ming-liang avec Lee Kang-sheng, Lu Yi-ching, Chen Shiang-chyi, Chen Chao-rong.

Sorties à Hong Kong (avril 2014) Naked ambition 3D


Naked ambition 3D (3D 豪情, Hong Kong, 2014) Un film de Lee Kung-lok avec Chapman To, Akiho Yoshizawa, Josie Ho, Hatano Yui, Sora Aoi, Yuki Mako, Derek Tsang, Louis Koo, Sandra Ng, Charlene Choi, Wong Jing, Candy Yuen. 107 minutes. Classé Catégorie III. Sortie à Hong Kong le 3 avril 2014.

mardi 1 avril 2014

47 rônin


Lesté d'une réputation épouvantable consécutive au bide au box-office américain (38 millions de dollars de recette contre 175 millions de budget, d'après l'imdb), 47 rônin commence avec une voix off caverneuse et sentencieuse qui nous affirme que « connaître l'histoire des 47 rônin, c'est connaître l'histoire du Japon ». La promesse éventuelle de découvrir un Japon authentique est immédiatement écartée dès que les personnages ouvrent la bouche : tout le monde s'exprime en anglais. A priori, faire parler les personnages en anglais quand un film se déroule en Asie n'est pas rédhibitoire. D’autres l'ont fait avec succès. Mais ici le résultat est désastreux car les acteurs japonais ont beaucoup de mal à dire leur dialogues qu'ils balbutient tant bien que mal. De plus, cela va à contre-courant de la tendance actuelle qui apportait un peu de réalisme alors que le film se vante d'être inspiré de faits réels.

Cette version des 47 rônin, très loin de celle de Kenji Mizoguchi de 1941, table sur un Japon féodal où les monstres et les démons peuplent les forêts. La scène d'ouverture montre Kai (Keanu Reeves, bien trop âgé pour ce rôle) chasser à cheval une énorme bête sauvage et chimérique, qui plus est entièrement composé en effets numériques (est-donc là que serait passé tout l'argent, difficile de la croire). Oishi (Hiroyuki Sanada), le bras droit du seigneur Asano (Min Tanaka) est sauvé par Kai qui manquait de se faire défoncer par ce monstre. Mais, fort peu reconnaissant, Oishi considère Kai comme un être inférieur. Des années auparavant, ce dernier a été sauvé d'une mort certaine par Asano mais Oishi demeure jaloux du garçon qui s'est entiché de Mika (Kô Shibasaki), la fille du seigneur. Le clan d'Asano est banni par le shogun après un complot ourdi par le seigneur Kira (Tadanobu Asano, désormais abonné aux navets après Battleship et Thor 2, le pauvre!).

Après un an d'exil (Oishi est enfermé dans un trou, Kai vendu comme gladiateur), les deux hommes vont s'unir pour combattre les traîtres et les démons avec 45 autres samourais déclassés. Hormis le belliqueux Yasuno (Masayoshi Haneda, le bras droit d'Oishi, aucun personnage ne parvient à exister parmi les 47 rônins, révélant l'incapacité du film à sortir de l'imagerie du Japon de pacotille qu'on veut vendre au spectateur. Rien ne manque, de jolis costumes bien repassé, des décors gigantesques, des cerisiers en fleur, de la neige qui tombe. Mais c'est un Japon sans villageois qu'on découvre, seulement peuplé de samouraïs qui luttent pour leur propre cause, pour sauver leur honneur et vanter la loyauté, sans doute le plus gros cliché du film qui n'émet aucune réserve ou critique sur l'absurdité de ce Japon féodal.

47 rônin ambitionne d’être un grand récit épique avec son histoire d’amour contrarié entre Kai et Mika. Cette dernière a été enlevée par Asano qui l’a prise comme trophée et qu’il se jure d’épouser. Pour retrouver sa bien-aimée, Kai affronte les démons dont la sorcière (Rinko Kikuchi) aux yeux vairons qui jette des sorts et peut se transformer à sa guise, en renard blanc (trop kawaï !!!), en serpent ou en vapeur (mais ça fait même pas peur). Il va demander pour cela de l’aide à son ancien mentor, un moine qui ressemble à Voldemort. Les effets spéciaux sont tout juste corrects et le combat final est à peine chorégraphié. La musique, horrible, ne s’arrête jamais. Mais ce qui finit de plonger le film dans l’ennui total est le sérieux constant et l’absence totale d’humour ou d’un personnage secondaire qui apporterait un peu de légereté au milieu de toute cette lourdeur.

47 rônin (Etats-Unis, 2013) Un film de Carl Rinsch avec Keanu Reeves, Hiroyuki Sanada, Kô Shibasaki, Tadanobu Asano, Min Tanaka, Jin Akanishi, Masayoshi Haneda, Hiroshi Sogabe, Takato Yonemoto, Hiroshi Yamada, Shû Nakajima, Cary-Hiroyuki Tagawa, Rinko Kikuchi, Natsuki Kunimoto.