jeudi 31 mai 2012

Sorties à Hong Kong (mai 2012)

The Cases (, Hong Kong, 2012)
Un film d’Alan de Law avec Edmond Poon, Wylie Chiu, Brandy Akiko, Khloe Chu. 86 minutes. Classé Catégorie III. Sortie à Hong Kong : 31 mai 2012.







mercredi 30 mai 2012

The King of pigs



Au Festival de Cannes 2012, tandis que la compétition officielle se contentait de resservir la soupe coréenne habituelle (les deux derniers films d’Im Sang-soo et Hong Sang-soo auxquels personne ne semble s’être intéressé), la Quinzaine des réalisateurs proposait un premier long métrage d’animation parmi sa rare sélection de films asiatiques. The King of pigs n’est pas du tout un film pour les enfants bien que ce soit son sujet principal. Et il y a fort à parier que le récit soit en partie autobiographique tant l’urgence narrative est palpable.

Jeune écrivain, Jong-suk (Yang Ik-june) vient de se faire engueuler par son éditeur après lui avoir fait lire le début de son nouveau roman. C’est justement ce premier chapitre qui ouvre le film. On voit un homme prendre sa douche, s’avancer nu et découvrir dans le reflet son visage transformé en monstre. Cette séquence initiale donne le ton âpre et sombre de tout le film. De retour chez lui, prostré dans l’obscurité, il s’engueule violement avec sa petite amie et quitte furieux l’appartement. Il reçoit alors un coup de téléphone. Kyung-min (Oh Jeong-se) l’appelle après quinze ans sans s’être vus. Il veut lui parler et ils décident de se retrouver.

Un long flashback démarre qui va plonger les deux hommes dans leur adolescence quand ils étaient collégiens. Etonnement, ce sont des actrices (Kim Hye-na et Park Hee-bon) qui donnent leurs voix aux personnages enfants. Jong-suk et Kyung-min ne sont pas très populaires. Le premier est pauvre, ne mange jamais de viande à son repas de midi. Le deuxième, binoclard – ce qui lui vaut des moqueries – est au contraire riche mais son père tient un karaoké (comprendre une maison close). Ils sont les souffre-douleurs du délégué de classe ventripotent qui entend faire régner sa discipline de faire à tous, à se faire respecter et à perpétuer la hiérarchie instituée par les plus grands du lycée.

Les deux ados reçoivent quelques coups et souvent des insultes quand ils ne se font pas palper l’entrejambe par le délégué pour se moquer d’eux. Tout change quand Chul Kim (Kim Kkobbi), qui refuse de se laisser faire, se met à tabasser le délégué qui a découpé l’arrière du pantalon de Jong-suk. Ce dernier, pauvre comme je l’ai expliqué, n’a pas d’argent pour un pantalon et porte donc les vieux pantalons de sa grande sœur. Ce sera un sujet de moquerie. Chul fracasse la tête de plusieurs élèves avec la boucle de sa ceinture et se fera expulsé pour cela. A son retour, les représailles ne cessent pas et c’est l’escalade des coups des deux côtés. Chul Kim ne se laisse pas conter son attitude. C’est une guerre sourde, sans les adultes, qui se prépare au lycée. C'est lui le "roi des cochons" du titre.

Chul Kim devient le meilleur ami des deux laissés pour compte. Ce qui augmente encore les moqueries. L’arrivée d’un nouveau en classe, Park Chan-young (Jo Yeong-bin), qui porte lui aussi des lunettes, offre un nouvel espoir aux deux ados. Peine perdue, le délégué a tôt fait de la mettre sur le droit chemin après l’avoir aspergé de pisse dans les toilettes. Chul Kim espère défaire l’engeance qui veut lui nuire. Il entraine les deux garçons dans une maison désaffectée et tue un chat à coups de couteaux, dans une séquence à la fois forte en émotion et terrible de brutalité rentrée. Les trois garçons vivent cette épreuve comme une catharsis tout en sachant qu’ils ne peuvent pas grand-chose contre l’autorité du délégué.

Le film, grâce à l’animation, permet de découvrir ce passé hyper violent caractérisé ce chat crevé revient comme un fantôme dans l’imaginaire de Jong-suk. Parfois c’est le visage de Chul Kim qui se transforme quand il pense à se venger des autres élèves. L’animation dans The King of pigs est très basique, archaïques, saccadée accentuant le sentiment de malaise des trois personnages. De nombreuses scènes sans musique sont très émouvantes, touchent au cœur par leur simplicité. Le désespoir des ados est parfaitement ressenti. La violence et les humiliations quotidiennes décrivent une Corée qui fabrique des monstres. Le film ménage également un suspense sur le destin de Chul et un finale de grande tenue.


The King of pigs (돼지의 , Corée, 2011) Un film de Yeun Sang-ho avec les voix de Yang Ik-june, Oh Jeong-se, Kim Hye-na, Park Hee-bon, Kim Kkobbi, Jo Yeong-bin.

dimanche 27 mai 2012

Crazy family



En quelques rapides plans, le déménagement de la famille Kobayashi dans sa nouvelle maison en banlieue est fait. Une nouvelle vie de confort va démarrer. Le père (Katsuya Kobayashi), salaryman prend le temps de faire quelques roulades sur le tapis du salon, histoire de bien se rendre compte du grand espace dont il va pouvoir profiter. Puis, le train-train prend le dessus. Il part en vélo avec sa fille sur le porte-bagage. Puis, c’est le métro, coincé contre la vitre, au milieu de la foule de fourmis qui part travailler, un trajet que Sōgo Ishii croque en quelques plans ironiques. Mais, c’est la belle vie, celle dont ce père de famille a toujours rêvée.

Madame Kobayashi (Mitsuko Baishô) est une femme au foyer qui s’occupe de la maison et des deux enfants. Le fils ainé Masaki (Yoshiki Arizono) s’apprête à passer ses examens pour entrer à l’université. Plutôt réservé, il étudie en silence dans sa chambre. Un soir, il découvre un chiot abandonné sous le porche de la maison. Il convainc son père de le garder et déclare qu’il s’en occupera. Cela satisfait finalement les parents qui voient ainsi que Masaki s’ouvrent aux autres. Erika, la fille collégienne (Youki Kudoh) est très expansive au contraire de son frère. Elle hésite à faire carrière dans le catch (elle s’entraine avec ses peluches géantes) ou chanteuse de pop (elle s’exerce devant sa maman et son grand-père).

Justement le grand-père (Hitoshi Ueki). Il leur rend visite un jour mais très vite, la famille comprend qu’il est bien parti pour s’installer. Le papi déborde d’énergie. Il promène le chien mais va jusqu’à l’épuiser. Il invite des amis à venir boire le saké et à faire un karaoké mais ils se couchent à point d’heure. Bref, le grand-père dérange tout le monde et en plus se permet de donner des leçons à son fils. Ils étaient venus s’installer dans une grande maison, mais le père doit dormir avec son père et la mère partage la chambre de sa fille. Déjà, l’unité de la famille craquelle sous le poids de la tradition familiale qui veut que les grands-parents soient accueillis avec respect par les enfants. Cette tradition, Crazy family la brocarde et en montre les limites que le grand-père franchit allégrement.

La tension entre les membres de la famille Kobayashi est déjà mise à rude épreuve sur un rythme trépidant. La mise en scène est portée par le rock sec du groupe 1984 garde la distance entre critique acerbe et ironie comique. Mais tout va se dégrader avec la découverte de termites dans les fondations de la maison. Le père pour mieux accueillir le grand-père décide de construire une chambre dans le sous-sol. C’est bien entendu une idée complètement loufoque qui fait hurler la mère et criser le fils (qui demande le silence). Mais le père perd toute contenance et toute raison quand il voit ces termites. Chasser ces insectes tourne à l’obsession et il va jusqu’à mettre le feu dans le salon. Oppressé par une situation qu’il ne peut contrôler, le père décide de supprimer toute la famille et poursuit avec le marteau-piqueur.

Le film se lance dans un huis-clos familial où chacun devra tenter d’échapper au père et de survivre. Sur un ton comique plus que tragique, Crazy family pointe cependant tous les dysfonctionnements de la famille japonaise. Le père stressé par le boulot et la pression familiale. La mère réduite par la société à un rôle minimal de femme au foyer obéissante. Le fils qui se mutile la jambe gauche devient obsédé par le silence et subit la pression de la réussite à tout prix. Il ne dort plus, s’enferme dans une pyramide lumineuse et se transforme en zombie, au sens figuré. La fille entre chanson pop et catch est esclave de la mode et de cette tendance à vouloir devenir célèbre. Quant au grand-père, il a des renvois du passé guerrier du Japon et menace de tuer tout le monde avec son sabre. Ainsi, sous des apparences de pétages de plomb rigolos, le film se transforme en slasher sociologique avec une double fin surprenante proche de l’onirisme. Car finalement, ce que veut exprimer Sōgo Ishii, c’est qu’il faut tout détruire pour partir sur de nouvelle bases.

Crazy family (逆噴射家族, Japon, 1984) Un film de Sōgo Ishii avec Katsuya Kobayashi, Mitsuko Baishô, Yoshiki Arizono, Youki Kudoh, Hitoshi Ueki.

mercredi 23 mai 2012

The Tigers, the legend of Canton



Après s’être attaqué à Wong Fei-hung, le triturant dans tous les sens, le faisant passer pour un moins que rien dans ses deux parodie Once upon a time a hero in China et Master Wong vs Master Wong, Lee Lik-chi va trouver un autre pan de l’histoire : Sun Yat-sen et la résistance à l’armée japonaise. The Tigers, the legend of Canton est d’abord l’occasion de réunir devant la caméra les cinq membres du groupe The Wynners. Comme dans les deux autres parodies citées plus haut, ces tigres-là n’ont rien de bien vaillant. Au contraire ce sont des incompétents notoires et le titre du film qui parle de légende indique bien dans quelle direction on se dirige.

Comme il se doit, chaque personnage a son caractère. Alan To (Alan Tam) est persuadé d’être un superbe séducteur de femmes. Chung Kwok-yan (Kenny Bee), déguisé en Indiana Jones, chapeau et fouet en bandoulière, aide la veuve et l’orphelin. Avec ses vétements anachroniques, il est censé, dès qu’on le voit, apporter de l’humour. Sum Si-koon (Anthony Chan) est un lettré. Habillé en habits traditionnels, il peut discourir sur tous les sujets et régler tous les problèmes. En revanche, il ne sait pas se battre. Jian (Bennett Pang) est un esprit alerte pourvu d’une grande mémoire. Enfin, Keung (Danny Yip) prétend posséder des dons de divination. A eux cinq, ils semblent donc armés pour affronter les Japonais ennemis. Wah (Nat Chan) les a dépêchés pour les combattre. Ils se reconnaissent au signe sur leur valise : un soleil japonais barré.

Seulement voilà, une fois réunis tous ensemble à Shanghai pour venir en aide à Sun Yat-sen qui a disparu (et qu’on ne verra jamais), ils ne trouvent pas Wah, qui dans des gags qui ponctuent le film, se trouvent toujours dans des situations impossibles où il ne peut pas approcher les cinq sauveurs. Le meilleur gag donne le niveau du film : Wah arrive chez les cinq tigres, il rentre par la fenêtre, rentre dans les toilettes qui sont piégées et se voit expédié, tête la première au beau milieu du marché de la ville. Les héros sont ici des tocards qui trouvent le message laissé à leur intention mais l’interprètent de travers. Ils sont persuadés qu’ils doivent sauver Yuen (Anthony Wong) et arrêter Sun Yat-sen. C’est donc toute une série de quiproquos qui sert de fil conducteur au scénario.

Car Yuen est dans le camp des annemis. Anthony Wong ne fait pas dans la dentelle avec son personnage de renégat à la petite moustache à la Hiro Hito (ou à la Hitler selon ce qu’on y voit), au rire sardonique et au regard torve de l’expert en traitrise. Face aux cinq membres des Wynners, c’est lui qu’on attend à chaque scène. L’allié japonais de Yuen est le redoutable général japonais surnommé « le poing invisible » (Leung Kar-yan), c’est à lui que sont dévolues les scènes d’arts martiaux. Et les femmes sont au nombre de deux : Alan et Yan vont tous les deux tomber amoureux de Lam (Monica Chan) et ne même pas regarder sa copine Siu Yuen (Kingdom Yuen). Une romance nunuche destinée à créer un suspense entre les deux hommes : leur amour ne va-t-il pas troubler leur mission. Mais à ce niveau du film, on a déjà capitulé devant le scénario balourd et la pauvreté des gags. Après avoir bine travaillé avec Alan Tam, Lee Lik-chi est allé vers d’autres cieux et a travaillé avec Stephen Chow pour Flirting scholar. Et franchement, on voit la différence.

The Tigers, the legend of Canton (廣東五虎之鐵拳無敵孫中山, Hong Kong, 1993) Un film de Lee Lik-chi avec Alan Tam, Kenny Bee, Anthony Chan, Bennett Pang, Danny Yip, Anthony Wong, Monica Chan, Kingdom Yuen, Nat Chan, Leung Kar-yan, Ku Feng, Gabriel Wong, Joey Leung.

mardi 22 mai 2012

Master Wong vs Master Wong


La comédie parodique était l’un des genres dégénérés du cinéma cantonais les plus féconds. J’utilise l’imparfait car, aujourd’hui, il ne se produit plus guère de parodie de grands succès populaires, tout juste certains films reprennent la scène la plus référencée et reconnaissable. A ce jour Ip Man de Wilson Yip est le film le plus parodié. Il y a vingt ans, c’était Il était une fois en Chine qui offrait tout un panel de parodies, comme ce film de Lee Lik-chi. Le récit de Master Wong vs Master Wong est lancé par Ah So (Ng Man-tat), disciple de Wong Fei-hung, qui, devenu vieillard, raconte de belles histoires à ses petits enfants. Il fait suite à Once upon a time a hero in China parodie des deux premiers films de la saga de Tsui Hark et Jet Li.

Le légendaire courage de Wong Fei-hung (Alan Tam) est montré dès l’ouverture en quelques saynètes où le héros chinois affronte des ennemis, rend la justice ou délivre un enfant d’un feu. Filmées comme un reportage télé, ces courtes scènes décrivent l’homme comme débordé, peureux et faible. C’est dans ce décalage que se place la parodie de Lee Lik-chi. Ainsi, les dents d’Ah So sont exagérément grandes, déformant le visage de l’acteur. L’autre disciple Ah Wing (Eric Tsang) aide son maître à prouver à la population la force exceptionnelle de Wong Fei-hung : il se déguise en occidental et avec Tante Yee (Teresa Mo) font les bonimenteurs pour vendre leur camelote. On est très loin de l’image donnée par Tsui Hark. Au contraire, ce Wong Fei-hung n’est jamais le maître chez lui, il est soumis aux décisions de ses disciples et de Tante Yee, et puisque Master Wong vs Master Wong est une comédie burlesque, tous les choix faits mènent à des déconvenues gaguesques.

La réputation du médecin fait le tour de la Chine. Justement, il se fait inviter par Tse Yin-kam (Anthony Wong) à Canton. C’est un homme d’affaire véreux mais le médecin ne le découvrira que plus tard. Wong Fei-hung charge Tante Yee de prendre en charge Po Chi Lam, son école de kung-fu, et s’embarque avec So et Wing. Finalement, le trio sera rejoint par Yee qui ne peut pas se séparer de Wong. Là, aussi, la pudeur à laquelle on était habituée a disparu au profit d’une obsession sexuelle de Yee à l’égard du maitre. Ce dernier veut rester incognito et charge Wing de se faire passer pour lui. Sur le quai, l’accueil est faible. Seule Sang Fan-tung (DoDo Cheng) semble l’attendre. C’est une femme exaltée qui cherche à apprendre le kung-fu auprès de Wong Fei-hung. Mais ce sera So qui se fera passer pour lui. Nous en sommes déjà à trois médecins. Puis, plus tard dans le film, Miss Tung se fera, elle aussi, passer pour lui. La rivalité entre les deux femmes va s’accentuer, d’autant que Miss Tung s’amourache du vrai Wong Fei-hung qui se fait passer pour Ah So. Ainsi, elle ne comprend pas la jalousie de Tante Yee puisque les personnages sont intervertis. Ce qui est drôle également est que même eux semblent s’y perdre.

Tous les personnages sont maintenant réunis pour faire leurs facéties. Et puisqu’il faut bien un méchant, ce sera Tse Yin-kam qui donnera du rire sardonique à chaque réplique sous le regard étonné de son assistant qui lui demande chaque fois pourquoi il rit. Le film fera rire si on aime les acteurs qui mouillent la chemise pour faire le show. Anthony Wong, cheveux rasés et lunettes rondes, offre son regard de fou à la Untold story. Ng Man-tat et Eric Tsang rivalisent pour jouer les obsédés sexuels et les idiots. L’une des scènes principales montre un repas offert par Tse Yin-kam dans le but de faire signer un contrat bidon à Wong Fei-hung. Chaque personnage montre sa mauvaise foi, son esprit mesquin et son égoïsme. Des orphelins arrivent à table, Tante Yee les traite comme des voleurs. De jeunes femmes étudiantes sont prises pour des prostituées. Le film joue sur la tromperie et son effet comique : chaque fois, les personnages semblent cocher la mauvaise case, s’égarer dans leur jugement et prendre la mauvaise décision. Tout le comique du film réside dans les contradictions des personnages censés être héroïques mais tous lâches. C’est aussi cela le but d’une parodie comique : mettre à plat tous les clichés et les retourner pour produire un gag.

Master Wong vs Master Wong (黃飛鴻對黃飛鴻, Hong Kong, 1993) Un film de Lee Lik-chi avec Alan Tam, Ng Man-tat, Eric Tsang, DoDo Cheng, Teresa Mo, Anthony Wong, Gabriel Wong, Wong Yat-fei, Yuen Cheung-yan, Wong San, David Wu, Kenny Wong, Joey Leung, Vincent Kok, Ho Chi-moon. 

Once upon a time a hero in China



Parce que le cinéma cantonais est d’abord une industrie (et c’est très bien comme ça), les succès du jour font l’objet de reprise, pastiche, parodie. Comme son titre l’indique très précisément Once upon a time a hero in China prend comme modèle Il était une fois en Chine et La Secte du lotus blanc, les deux premiers épisodes de la saga de Tsui Hark (la cérémonie de la secte sera allégrement décalquée). Le titre en chinois se traduit par « Wong Fei-hung pour rire » avec dans le rôle titre Alan Tam du héros chinois. Lee Lik-chi n’a pas pu, contrairement à Wong Jing avec Claws of steel, un an plus tard, employer Jet Li. Alan Tam a sans douté été, il y a deux décennies, une immense star, mais il apparait aujourd’hui bien fade.

L’avantage pour Lee Lik-chi est de ne pas à avoir à présenter les personnages. Tout le monde connait le médecin chinois et ses disciples. On le découvre au bord de la mer, sur un rocher en train de recevoir sur la figure une grosse vague. Car le Wong Fei-hung de Once upon a time a hero in China est un homme faible. D’autres diraient qu’il est nul, incompétent, incapable, mais il est un héros, et le film va devoir faire qu’il ne le soit pas seulement dans le titre mais aussi aux yeux de tous les autres personnages. Le maître n’en est donc pas un, on voit bien que ses compétences lors du défilé des dragons ne sont pas bonnes, qu’il fait tout rater et que ses élèves sont en vérité ceux qui ont le savoir.

Ce sera à eux qu’incombera la fastidieuse tache de faire de Wong Fei-hung un héros qui pourra, dans un film non parodique, être incarné par Jet Li. Wing (Eric Tsang) est l’expert en kung-fu. Il faut bien voir le petit et grassouillet acteur se démener tel Sammo Hung. So (Ng Man-tat) avec ses grandes dents en avant est le médecin, celui qui sait vraiment soigner. On le voit à l’œuvre, une fois sur Tante Yee (Teresa Mo) et une autre sur Wing, dans des situations humiliantes pour les patients avec des tubes placées çà ou là. Enfin, Leung (Simon Yam), bien que vierge – comme il le proclame – est son expert en choses de l’amour. Tous les trois vont apprendre à Wong Fei-hung autre chose que la cuisine, car le médecin se passionne pour l’art culinaire. D’ailleurs, il clame « à table », dans un effet comique dès que ses comparses commencent à se disputer entre eux.

La rivalité entre les personnages démarre dès que Tante Yee entre en scène. Totalement à l’opposée du personnage de Rosamund Kwan, celui de Teresa Mo est immature, inconséquente et nymphomane. Elle se met à sauter sur chacun des disciples à tour de rôle avant de trouver Wong Fei-hung, car après tout, elle succombera au charme du médecin comme il devra lui résister pendant tout le film. Ces conventions sont là aussi réduites à néant pour produire le comique : la nymphomanie de Tante Yee est ce qui compte le plus. Son personnage n’est pas montré de manière positive, bien au contraire, et les quatre hommes ne la mettent pas en valeur. Dans la série de Tsui Hark, elle était porteuse de modernité face à l’esprit conservateur de Wong, ici, les gadgets occidentaux qu’elle amène la ridiculise encore plus, comme ce spray anti cafards dont elle vaporise les disciples.

Certes, Tante Yee permettra à Wong Fei-hung de s’accomplir et de devenir le héros que le titre promet et que la légende clame. Mais, ce sera le méchant du film, Ken (Tony Leung Ka-fai) qui va révéler le médecin. Il se livre à quelques forfaits, notamment au trafic d’opium avec ces « diables » d’étrangers (ici personnifiés par l’éternel blanc méchant, l’acteur Paul Fonoroff). Il ne faut pas compter sur Tony Leung Ka-fai pour ne pas en faire des tonnes : il cabotinera à chacune de ces scènes. Comme il se doit, Wong Fei-hung en sortira vainqueur et finalement quand il retournera au bord de la mer, il utilisera son célèbre coup de pied contre la vague qui obéira à ses ordres et ne le mouillera pas. Voilà un vrai héros chinois.

Once upon a time a hero in China (黃飛鴻笑傳, Hong Kong, 1992) Un film de Lee Lik-chi avec Alan Tam, Teresa Mo, Eric Tsang, Ng Man-tat, Simon Yam, Tony Leung Ka-fai, Sek Kin, Paul Fonoroff, Vincent Kok, Charine Chan.

lundi 21 mai 2012

Le Grand magicien



Il y a une quarantaine d’années, la Shaw Brothers et encore aujourd’hui la plupart des comédies musicales en hindi (alias les films Bollywood) espéraient montrer que l’argent dépensé dans le décor et les costumes était un gage de qualité. C’était même souvent un argument publicitaire efficace comme aujourd’hui pour un film hollywoodien les effets spéciaux et la 3D. Ainsi, dans Le Grand magicien, le clinquant du costume du Général Bully Lei (Lau Ching-wan), tout en dorure et médailles tout comme les tenues de ses épouses et concubines sont là pour indiquer que le nouveau film de Derek Yee est une grosse production qui va en mettre plein les yeux et en donner au spectateur pour son argent.

Le lieu central du film qui se déroule au début du 20ème siècle (on y voit les débuts des projections de cinéma aux épouses du général qui sont effrayées par ce qu’elles voient) est une immense salle de spectacle. Li Feng-jen (Lam Suet) et sa sœur Li Chao (Wang Zi-wen) en sont les malheureux gérants. Les spectateurs se font rares, la concurrence est rude et ils se sont trouvés contraints d’emprunter de l’argent à Chen Kuo (Alex Fong Chung-sun), leur rival direct ravi d’avoir enfin le monopole  dans la ville. C’est sans compter sur l’arrivée de Zhang Xian (Tony Leung Chiu-wai), magicien prodige qui va louer le théâtre, le faire rénover (jolie scène où les ouvriers construisent les échafaudages en bambou en s’envolant tels des artistes martiaux) et enfin l’ouvrir pour offrir le plus grand spectacle de magie jamais donné.

Evidemment dans les séquences de magie données par Zhang Xian, il s’agit d’en mettre plein la vue. Devant une salle pleine, tous les effets sont bons : une bonne douzaine de danseurs, jongleurs et équilibristes, un orchestre, des costumes scintillants, des lanceurs de feu et finalement le maître en magie qui opère, ravissant son public. Le charme de Tony Leung Chiu-wai n’est pas pour rien dans le plaisir que l’on prend devant les scènes de prestidigitation. A cinquante ans, l’acteur, en un sourire, parvient à braquer tous les regards sur lui. Plus tard, le magicien séduira toutes les épouses du général en leur donnant un spectacle privé, mais une seule intéresse Zhang Xian : c’est Liu Yin (Zhou Xun), la septième femme qui se refuse absolument à son époux tant que son père, le résistant Liu Wan-yao (Paul Chun) n’est pas libéré. Elle refuse jusqu’à sourire.

Plutôt que de faire un film entièrement sur le thème de l’illusion, du simulacre, Derek Yee place alors Le Grand magicien sur la double voie de la romance mâtinée de film d’action. On apprendra que Liu Yin fût jadis l’amoureuse de Zhang Xian. A vrai dire, on s’en serait douté et que le général est désormais son rival. D’un côté, le général a sept épouses et c’est évidemment celle qui lui résiste le plus qu’il veut le plus. Il doit faire face aux caprices des femmes et notamment de sa « favorite », la 3ème épouse qui dirige entièrement la maisonnée. Finalement, le général n’est pas maître chez lui. Il cède à tous leurs caprices. On le verra, tel Kane, faire en sorte qu’une d’elle joue dans un film alors qu’elle est nulle. Face à lui, le magicien n’a d’yeux que pour Liu Yin (on fera fi de la grande différence d’âge entre l’actrice et ses partenaires, mais il faudra un jour que cette harmonisation de génération ait lieu), allant jusqu’à oublier le but de sa mission.

Le but initial de la mission est un complot contre Bully Lei. A vrai dire plusieurs complots. D’abord celui de Zhang Xian qui s’est allié à des révolutionnaires, dont l’un Li Yi (Wang Ziyi) particulièrement intransigeant manque de faire capoter l’enlèvement (belle scène avec le spectacle donné aux enfants et les tunnels creusés pour piéger le général). Le bras droit du général, Butler Liu (Wu Gang) cherche à s’allier avec Miterarai (Sawada Kenya), un Japonais forcément retors. Mais dans cette partie consacrée à la guerre, je retiendrai ce grand morceau d’humour qu’est le conseil de guerre où Tsui Hark, portant un crochet de pirate, et Vincent Kok, avec un bandeau sur l’œil, face à quatre autres seigneurs de la guerre, s’en donnent à cœur joie dans le cabotinage. Le Grand magicien est trop long (128 minutes), démarre et finit très mollement, se vautre dans un luxe qui contraste tellement avec la modestie d’Une nuit à Mongkok, le dernier bon film de Derek Yee à ce jour, mais parvient épisodiquement à réjouir.

Le Grand magicien (The Great magician, 大魔術師, Hong Kong – Chine – Japon,  2012) Un film de Derek Yee avec Zhou Xun, Lau Ching-wan, Tony Leung Chiu-wai, Wu Gang, Yan Ni, Tian Miao, Zhang Yashu, Wang Qi, Wang Xuan, Xu Haipeng, Alex Fong Chung-sun, Sawada Kenya, Wang Yachao, Lam Suet, Wang Ziwen, Paul Chun, Wang Ziyi, Daniel Wu, Tsui Hark, Vincent Kok, Morris Rong, Jamie Luk, Kong Tao-hoi, Keung Siu-leung, Lau Ho-leung.

dimanche 20 mai 2012

Harakiri



A la sortie de Harakiri, mort d’un samouraï de Takashi Miike, j’écrivais que je n’avais pas revu le chef d’œuvre de Masaki Kobayashi. C’est désormais chose faite et si j’emploie le terme de chef d’œuvre pour parler de ce film qui a désormais cinquante ans, c’est vraiment que la beauté des images, la fluidité de la mise en scène et la musique proche de l’expérimental n’ont pas pris une ride. Le premier constat de Harakiri est que le scénario est strictement le même. Tsugumo, un vieil et pauvre samouraï (Tatsuya Nakadai) frappe à la porte du clan Ii pour se faire harakiri. En l’absence de chef de clan, c’est Saito, l’intendant qui le reçoit et qui lui demande si la mort rituelle que Tsugumo veut s’infliger est réelle ou uniquement pour mendier la charité.

Saito lui fait alors le récit du jeune Motome Chijiwa (Akira Ishihama) venu lui aussi faire harakiri dans leur château. Cette première narration en flashback décrit par le menu, de manière documentaire, le rite du suicide. Chijiwa doit d’abord pratiquer un bain purificateur puis s’habiller avec une combinaison blanche. Dans la cour, un carré blanc l’accueillera. Devant lui, son sabre court est installé afin de pratiquer l’incision en croix dans l’abdomen, geste qui devra lui être fatal avant que l’assistant, ici l’intransigeant Omodaka (Tetsurô Tanba), partisan d’une application stricte de la mort rituelle, ne viennent lui porter le coup de grâce en lui tranchant la tête avec son sabre long. Cette séquence à la fois poignante et angoissante montre toute la cruauté de la tradition du harakiri. Le jeune Chijiwa se tait la plupart du temps, il a tenté de repousser sa mort même s’il se rend compte que les membres du clan Ii ne renonceront pas à cette mort.

Ce qu’il y a de terrible est bien sûr que le jeune samouraï sans travail (et plus tard son beau-père Tsugumo expliquera dans un long flash-back les raisons de sa venue au château du clan Ii) doit se fendre le ventre avec un sabre en bois. Une succession de gros plans des visages des bourreaux aux sourires narquois et de celui de Chijiwa nous montre tout le désespoir de cette société japonaise de 1630 qui vivait peut-être en paix, mais dans le malheur puisque la rigidité du système des castes établissait la dictature. Cette période, rarement mise en scène car troublée, n’est pas celle des classiques du chambara (Rashomon par exemple) qui se situe au milieu du 19ème siècle). L’agonie du samouraï se fait dans l’indifférence la plus totale tandis que le sang (en noir et blanc) se met à couler sur la tunique du malheureux. Les regards des membres du clan Ii se ferment, la tête de Chijiwa se remplit de sueur avec la difficulté de se suicider. En aucune façon, Masaki Kobayashi fait de son Harakiri un éloge du suicide rituel, c’est au contraire une condamnation sans faille. C’est sa mise en scène et son montage impitoyable pour Saito et Omodaka qui les condamnent.

Ce qu’explique le cinéaste est que la théorie du harakiri est, à l’époque de l’action du film, en contradiction de la pratique. Ils montrent des personnages intransigeants pour les autres et qui ne comprennent pas la société dans laquelle ils vivent. Tsugumo se plaint régulièrement de cette paix que le shogun a imposée et qui met au chômage des dizaines de samouraïs. Il déplore que rien ne soit fait pour rendre leur vie meilleure. Toujours dans cette idée, Harakiri s’ouvre et se ferme sur le journal de bord du clan Ii. La voix off qui en fait la lecture ne semble pas remarquer que cette visite de Tsugumo soit un événement. Le seigneur Ii mentira sur la fin officielle, ne mentionnera pas dans ce journal de bord le récit à charge du samouraï vengeur et les morts qu’il causera seront officiellement causée par la maladie. Là aussi, Kobayashi pointe que l’histoire glorieuse des seigneurs, des dominants n’est jamais celle des pauvres, des vassaux. Harakiri est alors un film politique sous ses aspects de film d’action classique.

Harakiri (Japon, 1962) Un film de Masaki Kobayashi avec Tatsuya Nakadai, Akira Ishihama, Shima Iwashita, Tetsurô Tanba, Masao Mishima, Ichirô Nakatani, Kei Satô, Yoshio Inaba, Hisashi Igawa, Tôru Takeuchi, Yoshirô Aoki, Tatsuo Matsumura, Akiji Kobayashi, Kôichi Hayashi, Ryûtarô Gomi.

samedi 19 mai 2012

Sorties à Hong Kong (mai 2012)


Floating City (浮城大亨, Hong Kong, 2012) 
Un film de Yim Ho avec Aaron Kwok, Pau Hei-ching, Charlie Young, Josie Ho, Liu Xin-you, Calvin Cheng. 104 minutes. Classé Catégorie IIA. Sortie à Hong Kong : 19 mai 2012.


mardi 15 mai 2012

Revenge: a love story



Avec une petite poignée de films en dix ans à son actif, l’œuvre de Wong Ching-po n’est pas encore identifiable si ce n’est celle d’une réminiscence de la glorieuse et contrastée époque de la Catégorie III. Fu Bo, son premier film est pour le moins éprouvant, décrivant un univers particulièrement malsain. Ses films suivants sont moins intéressants. Le titre Revenge: a love story décrit précisément le programme du film, une histoire d’amour et une vengeance. Dans cet ordre. La vengeance est un thème traditionnel du cinéma de Hong Kong, établi d’habitude dans le film de kung-fu, ici repris dans le polar à l’image de nombreux films coréens récents.

Petit vendeur de beignets dans un quartier pauvre, Chan Kit (Juno Mak, également scénariste du film) attend chaque soir le passage de la jeune et belle Cheung Wing (Sora Aoi, actrice japonaise embauchée dans le film pour les scènes nues qu’elle devra faire). Il n’ose pas lui parler mais la regarder fixement. Elle est chaque jour accompagnée de la grand-mère (Sun Wai-lin), une femme pas commode qui houspille Chan Kit, le traite de tous les noms et lui interdit même de poser ses yeux sur Cheung Wing. La jeune femme est retardée. Elle va au lycée mais passe son temps sur le toit à jouer avec sa balle magique qui change de couleurs. Le garçon n’apparait pas non plus comme très vif.

Tous les malheurs du monde vont leur tomber dessus de manière si démonstrative qu’on se dit au bout d’un moment que, franchement, ce film date d’une autre époque, que l’absence de finesse rappelle les souvenirs de ces années 1980 où le récit n’hésitait jamais à aller dans la surenchère. La grand-mère meurt, Cheung Wing est placée dans un orphelinat aux conditions spartiates et au personnel intraitable. Elle en sort et retrouve Chan Kit. Ils se font hébergés par une voisine qui exerce la douce profession de prostituée. Et là pas de chance, un client arrive, pense que c’est une nouvelle pute et viole la jeune femme qui ne réagit guère. Il s’avère que cet homme est un flic et fait en sorte d’accuser Chan Kit de rébellion contre les forces de l’ordre qui part en prison. Cheung Wing tombe enceinte de ce viol. L’heure de la vengeance a sonné pour Chan Kit.

Revenge : a love story avait commencé avec des scènes de meurtre de femmes enceintes peu ragoûtantes, non pas qu’elles soient gore, mais plutôt que l’on n’est pas habitué à voir des scènes de crime comprenant des bébés. Là, on retrouve cet attrait actuel pour la provocation visuelle qui fait aujourd’hui l’écueil des films surestimés de Kim Jee-won (l’insupportable et puéril J’ai rencontré le diable en est l’exemple le plus frappant). Fu Bo, premier film de Wong Ching-po présentait déjà un bébé décédé, attaché et replacé dans le ventre de sa mère morte. Voici pour l’ambiance littéralement glauque (lumière des néons, atmosphère étouffante) appuyée par un récit coupé en huit chapitres portant des titres solennels et franchement ridicules. Le film ne brille pas par son absence de grandiloquence et de sérieux. Certes les ralentis avec ces personnages qui courent dans les herbes hautes filmés en plan large ne manquent pas de beauté et de style, mais ils ne servent pas à grand-chose.

Mais c’est ce retour aux éléments basiques du polar cantonais qui donne à Revenge : a love story son intérêt. Comme le superbe Dream home de Pang Ho-cheung, film d’horreur social, le film de Wong Ching-po est produit par Josie Ho et Conroy Chan. Dans les deux films, on trouve un refus de céder aux sirènes de la baisse de niveau scénaristique consécutive à l’ouverture au marché chinois. Traiter de la corruption de la police (un des thèmes du film policier des années 1980) comme le fait ce film ou évoquer la course à la mort pour un logement comme dans Dream home, c’est donner des nouvelles d’un monde que l’on critique. Et les nouvelles ne sont pas très bonnes. Le film ne fait pas dans la dentelle, s’avère parfois facile dans son traitement, tombe dans la caricature dans ses mouvements de narration, mais ce qui fait son intérêt est justement qu’il ne ressemble pas au polars actuels bien plus gentils.

Revenge: a love story (復仇者之死, Hong Kong, 2010) Un film de Wong Ching-po avec Juno Mak, Sora Aoi, Lau Wing, Chin Siu-ho, Tony Ho, Wong Shu-tong, Derek Lam, Candy Cheung, Sun Wai-lin.

vendredi 11 mai 2012

I love Hong Kong 2012 + All's well end's well 2012


Sandra Ng, Crystal Tin et Donnie Yen dans All's well end's well 2012

Teresa Mo et Eric Tsang dans I love Hong Kong 2012

Une guerre terrible se déroule sur les écrans depuis trois ans entre Eric Tsang et Raymond Wong Pak-ming. Les deux vétérans de la comédie cantonaise sortent chacun un film pour le Nouvel An Lunaire. D’un côté, la franchise All’s well end’s well créée en 1992 par Clifton Ko et que Raymond Wong a relancé en 2009 avec Louis Koo et Sandra Ng comme interprètes principaux. De l’autre côté, la Shaw Brothers qui joue sur le sentiment d’union populaire avec des titres évocateurs : 72 tenants of prosperity et I love Hong Kong, le premier film rappelant un classique ultra connu. La compagnie pour son retour a fait appel à Eric Tsang, personne central, acteur célèbre pour figurer le hongkongais moyen.

Au casting de All’s well end’s well 2012, Sandra Ng, qui revient après avoir été partenaire d’Eric Tsang dans I love Hong Kong. Autour d’elle, on trouve Donnie Yen (qui rempile) dans le rôle d’un guitariste sur le retour avec une coiffure pas possible. Sandra Ng est elle-même une ancienne vedette de cantopop et fournit d’ailleurs dans une scène de flash-back en duo avec Crystal Tin la seule scène vraiment hilarante. Autre souci capillaire pour Louis Koo, ouvrier en bâtiment (il bosse avec Lam Suet), homme modeste qui rencontre un jour Kelly Chan, photographe de mode qui souhaite le prendre en photo, il passera pratiquement tout le film torse nu, à montrer ses muscles et sa bonne mine en tant qu’atout charme. La beauté n’est pas ce qui caractérise Chapman To qui drague une jeune femme aveugle, Lynn Hung, car comme on le sait, la beauté intérieure est bien plus importante. Chapman To, dans un grand élan romantique, va créer tout un monde autour d’elle, fait de sensations. Enfin, Raymond Wong Pak-ming doit se réconcilier avec sa fille et aider sa nièce a hérité d’une forte somme d’argent. Sa vie amoureuse est inexistante et sa femme crée un site internet qui permet à tous les personnages de se rencontrer.

Dans I love Hong Kong 2012, Eric Tsang accueille Teresa Mo qui fût la belle sœur dans le premier All’s well end’s well. Les deux acteurs se connaissent très bien, ils ont été des partenaires parfaits dans Men suddenly in black. C’est d’abord une histoire de famille. Autour du père incarné par Stanley Fung, présentateur météo vétéran, on retrouve ses enfants turbulents. L’aînée est Teresa Mo, mariée à Eric Tsang qui tente de rallumer la flemme de son couple. Une scène de séduction figure dans les meilleurs moments du film, Eric Tsang se déguise en différents super héros (Batman, Captain America, Spider-man) face à Teresa Mo en combinaison à la Beyoncé. La seconde est Denise Ho, cheveux courts en garçon manqué et fiancée à Bosco Wong (la vedette en devenir de la Shaw Brothers), vendeur en magasin qui lui est très efféminé (cela rappelle le comique du personnage de Louis Koo dans All’s well end’s well 2011). Tout le monde est très réticent de cette union. Le troisième fils est 6 Wing amoureux d’une jeune femme (Zhang Xin-yu). Mais William So, le patron de Stanley Fung, ne l’entend pas de cette oreille et se réserve cette femme timide.

Les deux films jouent sur le même registre : divers couples pas forcément bien assortis qui se rencontrent, s’aiment mais ne se le disent pas ouvertement, se disputent gentiment pour se réconcilier sur fond de guimauve. La formule est celle des comédies du Nouvel An Lunaire, il faut les accepter quand on regarde ces films. Cette année, c’est I love Hong Kong 2012 qui emporte la manche. Le souci de All's well ends well 2012 est que le finale est insupportablement sirupeux, sombrant dans une mièvrerie indigeste. Le film souffre d’une longueur (2 heures) incompréhensible. Cette année les gags ne sont pas meilleurs que l’an dernier, bien au contraire. Les situations restent anecdotiques. Les personnages hauts en couleurs sont dans I love Hong Kong 2012 notamment Evergreen Mak, dans le rôle du frère de Stanley Fung, a priori largué mais finalement plein de bon sens. Et puis William So, tout en paillettes entourés de ses gardes du corps habillés ultra kitsch et bien ridicules. C’est sans doute pour cela que I love Hong Kong 2012 est moins mauvais : parce que Eric Tsang n’a jamais eu peur du ridicule. Rendez-vous l’an prochain.

All's well ends well 2012 (八星報喜, Hong Kong – Chine, 2012) Un film de Chan Hing-kai et Janet Chun avec Donnie Yen, Sandra Ng, Raymond Wong Pak-ming, Yang Mi, Kelly Chan, Louis Koo, Chapman To, Joey Yung, Yan Ni, Lynn Hung, Karena Ng, Jeremy Liu, Lam Suet, Ronald Cheng, Vincent Kok, Crystal Tin, Matt Chow, 6 Wing, Maria Cordero,

I Love Hong Kong 2012 (2012我愛HK喜上加囍, Hong Kong, 2012) Un film de Wilson Chin et Chung Shu-kai avec Eric Tsang, William So, Bosco Wong, Zhang Xin-yu, 6 Wing, Natalie Meng, Maggie Siu, Teresa Mo, Denise Ho, Lam Yan-tung, Samantha Ko, Osman Hung, Christine Kuo, Wu Yao-ming, Stanley Fung, Siu Yam-yam, Mak Cheung-ching, Yuen Siu-cheung, Hui Siu-hung, Jin Gang, Tats Lau, Mimi Chu, Michelle Lo, Eddie Pang, Otto Wong, Eric Tse.

jeudi 10 mai 2012

Sorties à Hong Kong (mai 2012)

Fairy tale killer (追凶, Hong Kong, 2012) 
Un film de Danny Pang avec Lau Ching-wan, Wang Bao-qiang, Elanne Kong, Man Yee-man, Fu Ka-lei, Ken Lo, Lam Suet, Felix Lok, Elena Kong, Lam Si-man, Ho Chung-hung, Chiu Cheun-sing. 94 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 10 mai 2012.


mercredi 9 mai 2012

11 fleurs



Rien ne serait arrivé sans cette chemise neuve. En 1975, quelques mois avant l’arrêt de la Révolution Culturelle, le petit Wang Hon (Liu Wenqing), onze ans, est convoqué par la directrice de son école. Il ne va pas se faire réprimander, bien au contraire. Après quelques tests devant le prof de gym, Hon est désigné pour monter chaque matin sur l’estrade pour encourager ses camarades pendant la gymnastique. Le gamin porte la même chemise bleue depuis des mois et on lui conseille de faire l’exercice avec une nouvelle chemise. C’est qu’il faut être beau et propre pour faire honneur au Parti et à ses représentants.

Cette demande de chemise ne fait pas particulièrement plaisir à la maman de Wang Hon (Yan Ni) car l’argent manque. Avec son époux (Wang Jingchun) et leur petite fille de six ans (Zhao Shiqi), ils vivent modestement. Le père, sans que le film ne le dise vraiment, a sans doute été déporté à la campagne, dans cette petite ville où tout le monde se connait, où chacun se surveille, où personne ne se parle avec franchise. Le père est artiste lyrique et part chaque lundi selon le même rite travailler. Il emmène son fils sur son vélo jusqu’à l’école tandis que les même ouvriers font les mêmes taches et disent les mêmes phrases avec les slogans révolutionnaires scandés dans les rues. En quelques plans, a priori anodins, 11 fleurs dresse le portrait d’une vie monotone et morne. Une vie dirigée entièrement autour du parti et non autour des gens.

Cette chemise, le gamin va se la faire voler. Wang Hon passe beaucoup de temps avec ses trois copains. L’un porte des lunettes, l’autre c’est un gros au sale caractère et le troisième est le plus petit, le suiveur du groupe. Les quatre enfants, parfaitement dirigés et très naturels, sont l’atout léger du film. Un jour qu’ils vont pécher au bord de la rivière, Wang Hon s’évanouit. Une fois revenu à lui, sa chemise si blanche a disparu, elle a été emportée par l’eau. Il accuse ses amis de l’avoir jetée à l’eau et ces derniers partent fâchés. Assis en slip sur une pierre en attendant que les vêtements sèchent, un homme poursuivi par la police lui vole la chemise pour se panser sa blessure.

Le film qui, jusqu’alors n’était qu’une chronique d’une enfance sous les derniers souffles de Mao pleine de souvenirs qu’on imagine autobiographique, devient un film à suspense. Le gamin est tombé sur un meurtrier en fuite. La police le recherche et il se cache dans les bois. Le jeune criminel n’est pas un inconnu, c’est le fils aîné du vieux Xie (Cao Shiping), un homme voisin de la famille Wang. Le père est un intellectuel qui affirme pour la première fois dans une scène touchante qu’il déteste la vie qu’il mène depuis sa déportation dans ce village pour cause de Révolution Culturelle. Un personnage un peu mystérieux et taiseux, celui de la jeune Juehong (Mo Shini) prend alors de plus en plus de place. Elle est la fille du vieux Xie et on apprendra par la suite ce qui lui est arrivé.

Comme on pouvait s’y attendre, 11 fleurs est le film du passage rituel du personnage de Wang Hon de l’enfance à l’adolescence, de l’innocence à la conscience. Pour le gamin, tout est d’abord un jeu : écouter les conversations des adultes sous la table, essayer d’apporter en pleine nuit à manger au meurtrier, puis, cela devient une responsabilité quand il comprend que les enjeux le dépassent totalement. Le film surligne parfois un peu trop les moments émouvants (l'apprentissage par son père de la peinture, histoire de montrer que l'art sauve), appuie la charge politique, mais la sincérité dans le récit est si prenante que ces légers sont oubliés.

11 fleurs (我十一, Chine - France, 2011) Un film de Wang Xiaoshuai avec Yan Ni, Wang Jingchun, Liu Wenqing, Zhongguo Liuxing, Zhang Keyuan, Lou Yihao, Qiao Renliang, Mo Shini, Yu Yue, Zhao Shiqi, Cao Shiping, Cao Gang.

samedi 5 mai 2012

Bio zombie



Des scientifiques ont eu la bonne idée de fabriquer un produit qui permet de transformer celui qui l’ingurgite en homme surpuissant. Malheureusement, ça ne marche pas et l’homme censé servir de modèle est devenu un monstre qui tue tous ceux venus observer l’expérience. A l’exception de l’un d’entre eux qui s’échappe avec une bouteille de soda qui contient le produit. Cet homme tombe sur deux losers magnifiques, les héros de Bio zombie et met le soda dans leur voiture, sans qu’ils n’en sachent rien. Ils décident d’embarquer cet homme, mal en point, dans leur voiture. Direction, le centre commercial.

Le décor est donc planté : une belle galerie commerciale de Hong Kong, la nuit arrive et avec elle l’infection apportée par l’homme. Le but du jeu est donc de décimer le maximum de personnages en un minimum de temps. Unité de temps, de lieu et d’action, le film de Wilson Yip concentre son action et son récit. Le cinéaste ne déclare pas immédiatement la forme de son zombie, de son monstre plus précisément. Dans une mise en scène à suspense, il n’en montre que des bouts : une jambe, une main en sang, de dos. En revanche, il en montre tous les effets : une rage de tuer, un ange de la mort. C’est dans cet art de la suggestion que la partie horreur se déploie. Le virus se propage rapidement par simple morsure. C’est ainsi que l’on devient zombie à Hong Kong. Les maquillages, volontairement grossiers, se contentent de quelques pustules blanches et bleues sur le visage,

Les deux amis, Woody l’Invincible (Jordan Chan) et Crazy Bee (Sam Lee) ne sont pas des lumières. Bio zombie rit d’abord de ces deux personnages pas très malins mais qui croient l’être. Vendeurs de VCD dans une galerie marchande, ils passent plus de temps à draguer les filles qu’à leur poste de travail. Woody se croit particulièrement irrésistible avec sa petite veste en cuir et son maillot moulant à la mode. Il drague Rolls (Angela Tong) dans les toilettes. Crazy Bee est guère plus finaud. La mèche rebelle et pleine de gel, il suit son pote l’air hagard. Le patron des deux gars, l’irascible Kui (Wayne Lai) n’est pas mieux. Macho, il passe son temps à engueuler sa copine, à lui donner des ordres et à l’humilier en public. Elle (Tam Suk-mui) ne réplique pas. Et il ne faut pas oublier Lai (Emotion Cheung) surnommé « sushi-man » parce qu’il est vendeur dans un restau japonais, amoureux de Rolls sans qu’elle n’accepte de sortir avec lui.

Comme dans de nombreux films de zombies, il faut survivre. La galerie de personnages n’est pas brillante : des petites frappes, des filles faciles, un macho imbuvable. Bref, des losers. L’adversité va modifier le comportement des personnages. Sushi-man va se révéler l’un des plus courageux en tentant de protéger Rolls qui a cru être une bonne idée de se cacher dans le restau. Dans une scène hilarante, il va servir aux zombies des sushis de chair humaine et inciter Rolls à en manger pour passer inaperçue. Wilson Yip joue sur le contraste entre l’humour potache et l’horreur, comme dans cette scène où un homme vient de se faire mourir et que la seule chose qui terrifie Crazy Bee est que sa chemise puisse être tâchée de sang. Bio zombie est un exemple réussi de comédie d’horreur.

Bio zombie (生化壽屍, Hong Kong, 1998) Un film de Wilson Yip avec Jordan Chan, Sam Lee, Emotion Cheung, Wayne Lai, Angela Tong, Lai Suk-yin, Matt Chow, Lok Daat-wa, Frankie Chan, Tam Suk-mui, Lai Ying-chau, Ching Siu-lung, Chin Wing-wai, Soi Cheang, Leung Chi-on, Tsang Tak-wah.

jeudi 3 mai 2012

01:00 A.M.


Pour son premier film, Wilson Yip explore, avec un film à sketches, l’univers des fantômes. Les trois parties sont moins effrayantes que comiques et comme le titre l’indique, 01:00 A.M., elles se déroulent au beau milieu de la nuit, à une heure du matin, le meilleur moment pour apercevoir des fantômes. Ancré dans une réalité typiquement hongkongaise, les récits sont indépendants les uns des autres et prétendument tirés de faits réels.

Dans Coma, Veronica Yip est une infirmière qui doit soigner un jeune chanteur de cantopop (Anthony Wong Yiu-ming, un homonyme à l’acteur, bien moins charismatique). Elle doit éviter que les journalistes ne prennent des photos de la star, que le public ne vienne harceler le malade et que sa collègue qui, comme une ado, veut aller dans la chambre de l’idole. Veronica Yip discute dans son sommeil avec la star. Il est dans une entre deux, sa copine décédée le retient dans son coma et l’infirmière devra le libérer. Elle fait office de psy pour fantômes et c’est là que réside l’humour. Dans Braided maiden, Anita Yuen part en voiture à la recherche du fantôme qui hante son université. Abandonnée par ses trois copines sur une route déserte, Anita Yuen doit aussi faire face à une panne de voiture. Tout le récit repose sur l’actrice qui joue seule alors qu’elle souvent meilleure en duo. Le sketch repose sur le fait qu’elle ne voit jamais le fantôme qui rode autour d’elle.

Puisqu’il est question de duos, celui de la dernière histoire, Photo finish met en scène Elvis Tsui et Jordan Chan. Deux flics sont punis par leur chef et envoyés surveiller les excès de vitesse sur une route où aucune voiture ne passe. Ils vont être confrontés à une vieille dame, typique des films cantonais, toute en modestie, en tenue classique, qui traverse la route. Le duo fonctionne parce que les acteurs sont complémentaires, qu’ils se répondent dans leur fonction : quand l’un est trouillard, l’autre tente de se moquer et de faire preuve de courage. Le film ne cherche jamais à jouer sur le suspense, à retarder l’arrivée du fantôme, mais plutôt à tabler sur les effets comiques que des situations triviales peuvent provoquer. En substance, 01 :00 A.M. explique que l’au-delà, c’est encore la vie de tous les jours, qu’on n’y échappe pas et qu’il vaut mieux en rire.

01:00 A.M. (夜半一點鐘, Hong Kong, 1995) Un film de Wilson Yip avec Veronica Yip, Anita Yuen, Elvis Tsui, Jordan Chan, Anthony Wong Yiu-ming, Farini Cheung, Jessica Hester, Shirley Hung, Ivy Leung, Lee Gam-luen, Hau Woon-ling.

Sorties à Hong Kong (mai 2012)

Snowfall in Taipei (台北飄雪, Taïwan – Hong Kong – Japon – Chine, 2009) 
Un film de Huo Jianqi avec Tony Yang, Tong Yao, Wilson Chen, Mok Chi-yee, Tsai Shu-chen, Ji Pei-hui. 102 minutes. Classé Catégorie I. Sortie à Hong Kong : 3 mai 2012.