La photo qui illustre ce texte est une capture d’écran du Cri de la hyène, suite de La Hyène intrépide. Depuis sa première réalisation, Jackie Chan a largement progressé, il a peu à peu abandonné le cinéma de kung-fu pour se lancer dans la comédie d’action. En 1983, Lo Wei – en tant que producteur – sort Le Cri de la hyène en mettant Jackie Chan en tête d’affiche. Seulement voilà, la star s’était fâché avec Lo Wei, il avait quitté le tournage. Cela n’a pas empêché ce vieux tâcheron de continuer son film en faisant jouer Jackie Chan par un autre acteur grimé (il porte une moustache ou une barbe, un chapeau ou une perruque). Que Jackie ne ressemble plus en 1983 à ce qu’il était en 1977 n’est même pas un problème pour le producteur.
Faire jouer un seul personnage par deux acteurs, pourquoi pas. Le sosie réussit à peu près à se battre. Il imite la gestuelle si particulière de Jackie Chan, sa manière de se déplacer, la façon dont il bouge dans un angle à 90° son visage plus vite que ses cheveux (son personnage a des cheveux longs), l’arcage exagéré de ses jambes. On le sait tous, Jackie Chan c’est d’abord un physique reconnaissable entre tous. Mais comme l’avait Ng See-yuen dans Le Jeu de la mort 2 avec Bruce Lee, Lo Wei utilise des morceaux d’anciens films de Jackie Chan pour palier son absence. On le voit pécher les grenouilles et une anguille dans L'Intrépide. Pire que cela, le combat final entre le super méchant (Yen Shi-kwan) et Jackie est celui de La Hyène intrépide avec comme modification au montage la suppression des dialogues entre les deux hommes et l’ajout du personnage de Tung le paresseux (Austin Wai) qui, comble du foutage de gueule, est celui qui met fin aux jours du méchant.
Car l’autre moyen pour faire du Cri de la hyène un long métrage à durée classique est d’y introduire un deuxième personnage. Ce sera Tung que l’on découvre chez lui, couché dans son lit, tirant sur des leviers pour faire venir les objets à lui (bouffe, pot de chambre, etc) sans avoir à bouger le petit doigt. C’est un paresseux et la scène assez drôle rappelle Noiret dans Alexandre le bienheureux. Il se lie avec Grenouille (Hon Gwok-choi), un trompe la faim, qui a des dettes et qui trouve refuge dans la maison de Tung. Ils vont former un duo comique qui repose sur leur opposition physique (l’un grand et beau gosse, l’autre nerveux et vilain). Le souci dans ce film est que Lo Wei galère pour trouver un scénario pour que Jackie et Tung se rencontrent enfin. Le récit est rempli d’incohérences encore plus mis en avant par le festival de faux raccords. On se croirait dans un navet de Godfrey Ho.
A vrai dire, raconter l’histoire du Cri de la hyène n’est pas nécessaire. Décrire les personnages vaut tout récit. Ainsi les deux supers méchants qui cherchent à éliminer les pères de Jackie et Tung sont affublés de grandes capes rouge et bleu et leur rire sardonique prévient tout le monde qu’ils sont d’affreux jojos. Ils sont accompagnés de quatre gardes vêtus d’uniforme doré qui accentuent le côté ridicule du film. Je ne précise pas qu’on n’y croit pas du tout. Jackie Chan avait choisi de ne pas inclure de personnage féminin dans La Hyène intrépide. Lo Wei introduit une protagoniste (Pearl Lin) qui ne sert à rien sinon montrer une femme. Et je finirais avec la scène entre Dean Shek et Jackie où ce dernier se fait moquer de son physique par le premier. J’ignore si les dialogues ont été faits après le départ de l’acteur, telle une vengeance pour le ridiculiser, mais ça en a tout l’air.
Le Cri de la hyène (The Fearless hyena II, 龍騰虎躍, Hong Kong, 1983) Un film de Chan Chuen avec Jackie Chan, Austin Wai, Yen Shi-kwan, Kwan Yung-moon, James Tien, Chan Wai-lau, Hon Gwok-choi, Dean Shek, Ma Cheung, Peng Kong, Wong Chi-sang, Pearl Lin.
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