Francis boit du whisky. Il demande au serveur de lui remplir son verre, et encore, et encore, jusqu’à plus soif. Francis essaie de rentrer chez lui, comme il peut, ivre d’alcool, incapable de contrôler son corps massif et imposant. Dans son appartement, il s’écroule et tombe tête première dans son propre vomi. C’est son fils qui va devoir nettoyer tout ça et l’adolescent (dont on ne saura jamais le prénom) peste contre son père et contre son alcoolisme. Il l’aide, le sermonne et va se recoucher.
L’adolescent va à l’école, pour gagner un peu d’argent, il fait les devoirs de ses camarades. Le père travaille dans un bar, il range les tables à la fermeture et finit les verres des clients. Ils vivent dans un minuscule appartement, dorment sur le même matelas. La mère n’est pas là. Elle est partie. Elle a quitté son mari et abandonné son fils. Le père l’appelle souvent au téléphone pour la supplier de revenir. Rien n’y fait. Pour arrondir les fins de mois, Francis fait des tours de magie, puis le fakir devant les clients impressionnés.
Francis et son fils sont Tamouls. Emigrés à Singapour, ils sont exploités par les Chinois (qui eux parlent cantonais). Le patron du bar, pour son plaisir sadique, fera de Francis son puching bull, il va le torturer contre quelques billets. Francis est un homme bon, il aide une immigrée clandestine à se cacher. Plus tard, elle se prostituera. Le film montre toute la détresse des différentes classes sociales. Les pauvres, qui n’ont rien, qui sont utilisés pour leur corps par les riches, qui abusent de leur pouvoir. Eric Khoo le montre très simplement, par une succession de plans en montage alterné où le père va de plus en plus loin dans son personnage de fakir tout en continuant de prendre soin de son fils.
My magic est un portrait touchant d’un père aimant et de son fils perdu. Les films précédents du cinéaste de Singapour montraient déjà la difficulté de la société de son pays. La mixité sociale y est très dure, l’exploitation des hommes une règle. L’imaginaire, ici la magie que pratique Francis et qu’il enseigne à son fils, est le seul moyen d’échapper à la réalité. D’ailleurs, la musique très présente dans le film joue également un rôle libérateur. Il y a pourtant un fatalisme dans le film qui amène un profond désespoir. On apprend ce qui est arrivé à la mère, puis le père succombe aux tortures de son patron. Mais Eric Khoo parvient à faire passer tout cela sans misérabilisme ni racolage. Le signe d’un grand.
My magic (Singapour, 2008) Un film d’Eric Khoo avec Francis Bosco, Jathisweran.
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