lundi 7 décembre 2009

Quelques courts métrages d'Osamu Tezuka

Autoportrait

Ce qui frappe le plus dans les courts métrages animés d’Osamu Tezuka, c’est la variété des styles d’animation qu’il employait notamment dans Tableaux d’une exposition (1966) et dans La Légende de la forêt (1987), son dernier court métrage – sans doute le plus connu. Plutôt que de regarder Astroboy, version USA, il est préférable de se plonger dans le DVD édité par Les films du paradoxe qui regroupe huit courts métrages d’Osamu Tezuka.


Tableaux d'une exposition


Tezuka choisit pour illustrer Tableaux d'une exposition la musique de Moussorgski. Des prises de vue réelles nous invitent à pénétrer dans un musée. Musée imaginaire de Tezuka où les tableaux représentent autant de caractères qu'il en existe dans le monde. Comme le cinéaste ne semble pas d'un naturel optimiste, les personnages ont il choisit les tableaux ne seront pas d'une grande sympathie. C'est le moins que l'on puisse dire. Dix personnages sont choisis. Les mouvements de la musique de Moussorgski participent de la narration. Aucun mot ne sera prononcé dans Tableaux d'une exposition, pour accentuer encore plus la portée des portraits. Là où Tezuka est fort, c'est que chaque tableau jouit d'une animation différente. De la simplicité enfantine du chirurgien, à la poésie du beatnik, le dessin oppressant et carré du patron d'usine. L'humour est souvent présent, comme pour le portrait de la vedette de la télé, ou celui du prêtre zen. Tableaux d'une exposition se termine par une allégorie sur le paradis. Mais dans ce court-métrage de 30 minutes, Tezuka dénonce avec ironie et sans cynisme, ce qui est rare, la mesquinerie, la mégalomanie, les gens imbus d'eux-mêmes, les prétentieux et tous ceux qui empêchent les gens de vivre tranquillement.


La Légende de la forêt


La Légende de la forêt commence par des dessins non animés mais extrêmement détaillés. La musique employée est celle de la 4ème symphonie de Tchaikowski qui accentue la gravité du propos. Un travelling présente une belle forêt de conifères. Dans cette forêt, un bûcheron taille des arbres obligeant ses habitants à fuir. D’abord les animaux, écureuils en tête effrayés par la taille des arbres. Le détail des dessins apportent du réalisme à la destruction de la nature. La famille écureuil risque d’être décimée s’ils ne fuient pas. Mais pour aller à quel endroit ? On suit le parcours d’un jeune écureuil volant dont l’espièglerie permet de s’échapper du piège des humains mais les autres animaux voient d’un mauvais œil sa bravoure. Tezuka modifie son dessin pour le rendre plus naïf. Ensuite, ce sont les esprits de la forêt qui sont menacés. Ceux qui peuplent les contes et légendes. Elfes, nains, loup et chaperon rouge ont peur de l’action des hommes. Ils ont peur d’être oubliés et vont tenter de négocier avec eux, de leur faire reprendre leur esprit d’enfance. La forêt est forcément chez Tezuka liée à l’enfance et à celle qu’elle a de meilleur. Mais les habitants légendaires de la forêt tombent sur un homme au visage qui rappelle Hitler. Il va briser leurs rêves et les détruire. Tezuka n’est pas un homme optimiste à la fin de sa vie.


Le Film cassé


Dans Autoportrait (1988) qui dure 13 secondes, Tezuka déploie tout son ironie. Comme dans une machine à sous, des morceaux de visage apparaissent pour finalement former celui du cinéaste. De sa bouche sort des pièces de monnaie. Le message est clair : Tezuka a un savoir-faire, il peut tout dessiner et si les producteurs lui avaient vraiment fait confiance, ils auraient pu engranger beaucoup d'argent. Mais l'histoire n'a pas été ce qu'elle aurait pu être. Le Film cassé (1985) est à ce titre passionnant. Tezuka propose un dessin animé de 5 minutes atour d’un cow boy de western et de son cheval. L’image est très naïve similaire à celle des premiers Walt Disney. Mais Tezuka joue sur la forme même du film avec ses problèmes de bobines qui dérapent (l’image est décalée, le cowboy pourra échapper au bandit), ses taches de vieillesse (un parapluie permettra de les dissiper), ses poussières accumulées sur la bobine (qui va faire tomber le cheval). Tezuka travaille la matière même du film autant que le récit.


Histoires du coin de la rue


Dans Histoires du coin de la rue (1962), une petite fille à une fenêtre fait tomber son nounours sur la gouttière. Une famille de souris grises s'agite dans leur abri. Un souriceau, blanc lui, fait quelques bêtises. Le dessin est simple, l'animation basique. Une petite musique accompagne le tout. Dans la rue, les affiches commencent à s'animer au rythme de cette musique jusqu'à ce qu'un humain (dont on ne verra que les bottes) colle l'affiche d'un général bardé de décorations. Petit à petit, le général contamine l'harmonie de cette rue et déclenche la guerre. Le film était jusqu'à présent coloré et lumineux, il devient sombre et lacéré de rouge et de noir. Histoires du coin de la rue est clairement antimilitariste. La révolte contre le conformisme du monde se trouve également dans La Sirène (1964) où un jeune homme rêve qu’un poisson est un sirène mais le rêve n’a plus de place dans notre monde nous dit le cinéaste. On force les gens à penser tous la même chose. C’est en cela que est intéressante. Ses films parlent à l’imaginaire en chacun de nous.

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