jeudi 29 avril 2010

Air doll



C’est un homme à l’air triste qui rentre chez lui le soir. Sa veste en velours cotellé marron sur lui, il pénètre dans un appartement de célibataire. Il parle à sa femme qui l’attend pour le repas, il lui raconte sa vie. La caméra de Hirokazu Kore-eda tourne sa caméra autour de la table et fait découvrir que l’épouse en question est une poupée gonflable. On remarque la plasticité de la poupée et les césures sur les membres consécutifs au collage du cahoutchouc. L’entame de Air doll montre la vie du monsieur avec sa femme de manière documentaire. On y voit qu’après lui avoir fait l’amour, il nettoie au savon et à l’eau le réceptacle de sa semence. On apprend plein de choses.


L’aspect de cette poupée n’est vraiment pas humain, mais très vite, la chose va s’animer, prendre vie et aller se promener en ville. C’est l’actrice coréenne Bae Doona qui donner corps à cette créature qui plonge le film dans un champ fantastique plaisant parce que le déplacement de la vie quotidienne déprimante au fantastique se produit sans transition ce qui va amener un trouble certain face à la nudité du personnage et de l’actrice qui évacue toute sensualité quand notre homme au veston couche avec elle. Régulièrement, l’actrice est seins nus dans son personnage de poupée qui ne sert qu’à vider l’homme. Ces scènes dénuées de tout érotisme vont fortement contraster avec les scènes d’amour par le personnage de femme.


Elle va prendre vie, et surtout, prendre goût à la vie tandis que son cœur s’anime. Sur le mode de la comédie, la poupée découvre la rue et ses codes. Elle ne vivait que dans l’appartement exigu de son propriétaire et comprend que le monde est vaste et qu’elle l’aime. En quelques plans, elle parle japonais, elle le lit, elle admire un nourrisson, elle se promène. Elle arbore son plus beau sourire et décide de se faire engager dans un vidéoclub d’art et d’essai. Elle naît à la vie et ne connaît rien du cinéma. Son patron lui parle de Kinji Fukasaku mais elle ignore son existence. La femme poupée va s’ouvrir à la vie par le cinéma, car comme le disait Truffaut, dont une affiche japonaise des 400 coups trône sur le mur du vidéoclub, au cinéma la vie est plus réelle. Hirokazu Kore-eda rend hommage au cinéma plus comme Michel Gondry dans Be kind rewind que comme Quentin Tarantino dans ses récentes œuvres post-modernes.


Dans ce vidéo-club tenu par un vieux cinéphile, la femme poupée s’humanise de plus en plus. Elle apprend les films de cinéphilie et elle commence à tomber amoureuse de son jeune collègue de travail. Pour l’instant, sa vie se résume à se faire violer le soir par le propriétaire de la poupée gonflable et le jour et admirer timidement le jeune homme. Seulement voilà, elle ne sait pas comment lui avouer qu’elle n’est pas encore tout à fait humaine. Le film s’amuse avec les ombres, car elle est encore transparente et les lampadaires après la sortie nocturne risque de révéler sa vraie nature. Le film va rentrer de plein pied dans le champ de la sexualité déviante, quelle que soit sa forme et faire son coming out n’est pas évident pour les personnages, puisque il s’agit bel et bien de cette notion appliquée à la poupée gonflable.


Hirokazu Kore-eda revient au fantastique mais quitte le cadre du groupe que l’on trouvait dans ses autres films. Air doll file vers la comédie non-sensique dans sa première partie jusqu’à ce que la poupée devienne femme. Le récit est doux, drôle et tendre. Puis, le film change de cap et évoque la douleur du corps. La femme se coupe le bras et commence à dégonfler. Son jeune collègue va la réparer et leur relation sentimentale va commencer. D’abord sexuelle, la relation devient fétichiste. Elle va volontairement se dégonfler pour qu’il puisse souffler en elle. Air doll se met dans ses moments à ressembler à un film de Kim Ki-duk et perd tout son humour. Le final est sombre et désespéré à l’image de l’homme au complet marron de velours. Dans Air doll, tout le monde est solitaire, aucune relation n’est construite sur du réel, l’amour n’est que fiction.


Air doll (空気人形, Japon, 2009) Un film de Hirokazu Kore-eda avec Bae Doona, Arata, Itsuji Itao, Jô Odagiri, Sumiko Fuji, Tasuku Emoto, Mari Hoshino, Ryo Iwamatsu, Tomomi Maruyama, Miu Naraki, Masaya Takahashi, Susumu Terajima, Kimiko Yo.



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