jeudi 11 novembre 2010

La Dernière chevalerie


Après quelques films relativement impersonnels, dont quelques comédies burlesques à succès, John Woo semble s’épanouir pour la première fois avec La Dernière chevalerie. On ressent enfin qu’il a les coudées franches dans sa mise en scène et que son style personnel s’affranchit des contraintes du studio pour livrer son premier film qui traite vraiment des l’un de ses thèmes favoris : l’amitié amoureuse entre deux hommes.

Ces deux hommes, Tsing Yi (Damian Lau) et Chang San (Wei Pai), sont tous deux épris des mêmes sentiments de liberté. Ils n’ont pas l’ambition de devenir les maîtres du monde. C’est ce qui les différencie de Gao Pang (Lau Kong) et de Pak Chung Tong (Lee Hoi-sang) qui se querellent pour avoir le plus haut degré de pouvoir. Ils se disputent les terres et le palais qui feront d’eux le chef local et tous les coups sont permis. Le père de Gao, moribond, vient de s’accaparer les terres de Pak qui cherche à se venger. C’est donc une lutte de pouvoir entre les deux propriétaires, qui vont allégrement endosser les costumes de méchants, que va se décider le destin de Tsing Yi et Chang San.

Toute la mise en scène de John Woo va s’articuler autour des trahisons que les différents personnages vont faire. En commençant par la femme de Gao, ancienne prostituée mais qu’il présente comme une femme du monde. Gao a acheté sa liberté pour 1000 taels et elle a accepté de Pak, pour le double de cette somme, d’assassiner son époux. Les coups bas se font jusqu’au milieu du foyer familial. Gao ira jusqu’à trahir son père pour s’emparer de l’épée familiale symbole de pouvoir, comme si un instrument suffisait à incarner l’autorité. John Woo entend démontrer que la valeur inverse est la meilleure.

L’amour que se portent Tsing Yi et Chang San ne repose sur rien d’autre que des sentiments bienveillants et aucunement sur des valeurs matérialistes. La trahison que ferait d’ailleurs Tsing Yi est à ce titre une fausse piste narrative immédiatement reconnaissable et contredite par la mise en scène de John Woo. Les regards que se donnent les deux hommes lors de leurs serment d’amitié, devant une cascade, est sous le signe de la nature et non de la culture. Ce serment vaut pour soi, il est d’ordre naturel et n’est pas établi en vertu d’un quelconque rapport politique, social ou guerrier. Il est instinctif, quasi animal et totalement amoureux. Leur regard, yeux dans les yeux, est un hommage aux films de Chang Cheh.

La Dernière chevalerie se veut comme un hommage à la Shaw Brothers. Tout y concourt : les décors souvent en carton pâte les rappellent irrémédiablement. On craint que souvent les personnages ne se prennent les pieds dans les fleurs étincelantes du jardin. Pourtant, de nombreuses différences sont visibles, notamment dans le design sonore des combats. Les bruits des sabres sont mis à l’épreuve d’une réverbération du son. Mais, dans la séquence finale qui dure près de quarante minutes, que La Dernière chevalerie étonne. Autour du rouge, couleur du sang comme du bonheur, Tsing Yi et Chang San vont successivement affronter Pak et Gao dans un combat à mort où l’esthétisme et les défis aux lois de la gravitation priment.

La Dernière chevalerie (Last hurrah for chivalry, 豪俠, 1979) Un film de John Woo avec Damian Lau, Wei Pai, Lau Kong, Lee Hoi-sang, Hsu Hsia, Fung Hak-on, Chin Yuet-sang, Ngai Chau-wa, Cheng Lui, Huang Ha, Wang Kuang-Yu.

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