On pourrait traduire le titre du nouveau film de Lou Ye, encore contraint à l’exil et aux tournages clandestins pour avoir fâché tout rouge le Bureau du Cinéma Chinois avec Une jeunesse chinoise et Nuits d'ivresse printanière) par « de l’amour et des coups ». Love and bruises tourné en France avec des acteurs français et un peu à Pékin, avec le fameux chef op’ Yu Lik-wai, ne parle que de cela : de l’amour et des éventuelles conséquences désastreuses. Hua (Corinne Yam), étudiante chinoise de 28 ans à Paris vient de se faire larguer, elle erre dépitée dans les rues et tombe, littéralement, quand Mathieu (Tahar Rahim) la frappe dans la rue.
Ce coup, c’est celui des piquets que porte Mathieu : il est monteur dans les marchés et il est en train de démonter les tentes. Le jeune manœuvre demande si elle va bien, si elle besoin d’aide, d’un médecin. En fait, il a eu le coup de foudre et il ne va plus la lâcher. Ils échangent leurs numéros de téléphone, il la rappelle immédiatement, l’invite à boire un verre et l’emmène dans un chantier pour l’embrasser (elle refuse) puis pour la baiser (elle finit par céder). Elle a cédé, elle lui appartient. C’est comme ça que fonctionne Mathieu, de manière aussi simple, aussi primitive.
Mathieu est un homme jaloux, on dirait presque qu’il a fait son éducation amoureuse en regardant Confessions intimes tellement son caractère est celui d’un homme frustre, possessif, inconséquent et immature. Il va jusqu’à tester la fidélité de Hua en la mettant dans les bras de Giovanni (Jalil Lespert), petite frappe, macho à chemise ouverte et chaine qui brille avec qui Mathieu a fait cet arrangement stupide. Giovanni manque de l’étrangler, de la violer ; là encore des coups en guise d’amour. Hua ressort avec des marques sur le visage et part s’engueuler avec Mathieu qui la demande en mariage alors qu’ils ne se connaissent que depuis quelques jours.
Aucun des deux n’a appris à aimer. Mathieu dit à Hua qu’un pauvre type comme lui sans éducation ne peut pas aimer une intello comme elle, puis lui assène que personne ne l’aimera jamais comme il l’aime. Et c’est sans doute vrai. Hua passe de mec en mec, elle s’est construit une sale réputation de coucheuse chez ses collègues enseignants. Mathieu la croise avec l’un d’eux : crise de jalousie. Elle convie à une soirée avec eux : il donne des conseils grossiers (offre des fleurs à ta copine et ensuite baise-la comme un homme). Rien n’y fait, ils ne peuvent pas s’entendre. Hua retourne à Pékin dans l’espoir que ça aille mieux, qu’elle oublie ce connard personnifié, mais séparés ça ne va pas mieux.
Love and bruises est un film très énervant. Ça faisait bien longtemps que les personnages principaux d’un film ne m’avaient pas épuisé comme ça. D’autant plus que la caméra à l’épaule ne fait rien pour arranger cette impression de folie. Les personnages sont pris dans un tourbillon incessant. Ils apprennent à se connaitre en même temps que le spectateur apprend quelle a été leurs vies, quel est leur passé. Lou Ye ne cesse de les encercler jusqu’à l’épuisement total dans un exercice proche du sadisme, sans aucun romantisme, ni exotisme, ni même sensualité (les scènes de coït sont glaciales) ce qui change du tout venant actuel et donne sa saveur amère au film.
Love and bruises (花, France – Chine, 2011) Un film de Lou Ye avec Tahar Rahim, Corinne Yam, Vincent Rottiers, Jalil Lespert, Lika Minamoto, Shao Sifan, Zhang Songwen.
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