mardi 14 octobre 2008

Red cliff (partie 1)

-->
L’ambition du nouveau film de John Woo dépasse largement le cadre habituel des films qui développent l’unification des anciens empires chinois comme scénario. L’histoire de la confection du film a été chaotique, difficile : le départ de Chow Yun-fat pour des raisons qui restent équivoques a beaucoup fait parler du film avant sa sortie. John Woo n’était plus que l’ombre de lui-même après une série d’échecs artistiques assez pénibles pour le spectateur. Refaire sa vie de cinéaste en Chine avec un gros projet et une super production : voilà ce qu’est d’abord Red cliff.

Grosse histoire très connue en Chine, celle des trois royaumes, celle de l’unification de l’Empire, histoire que l’on pourrait vite juger comme une affaire nationale dans le contexte actuel. Contexte politique, bien sûr. Zhang Yimou l’a déjà abordé dans ses films en costumes. L’Empereur est un homme faible, son Premier Ministre Cao Cao va en profiter pour acquérir le pouvoir et faire la guerre aux trois souverains. Stratégies, manipulations, infaillibilité sont les arguments du Premier Ministre. Il invente des raisons pour prendre le pouvoir et ne laisse personne le contredire.

Les souverains vont avoir du mal avec Cao Cao, leur puissance est bien faible. Cao Cao met en branle une armée gigantesque, puis une flotte encore plus importante. Il va s’assurer une victoire sans équivoque. Ce sera sans compter sur les propres stratégies guerrières des trois rois et leur conviction d’avoir raison contre le Premier Ministre. John Woo met en scène la conception des plans d’attaque des rois et leur application, son point de vue embrasse celui des faibles. Il les montre comme des hommes bons, qui ne veulent pas appliquer une justice expéditive, qui évitent la cruauté. Deux scènes s’opposent : Cao Cao fait trancher la tête d’un conseiller de l’Empereur qui s’était opposé à la guerre, Zhou Yu (Tony Leung Chiu-wai) règle une histoire de bœuf volé à un paysan à l’amiable. Il n’y a pas de doute sur la vision politique que John Woo vise.

Red cliff est une épopée de plus de deux heures (140 minutes dont 3 minutes de générique inaugural et 8 de générique final) qui réussit à investir le temps et à donner à chaque séquence une amplitude inégalée et très rare aujourd’hui. Les scènes de bataille ne sont pas filmées comme de simples batailles, mais développent un sens dramatique redoutable. L’efficacité est là et permet d’y croire. La première bataille dure un bon quart d’heure et offre plusieurs enjeux. Elle fait aussi largement référence à certains films de la Shaw Brothers, tel ce barbu qui rappelle l’acteur Fan Mui-sang ou encore, lors de l’assaut, les boucliers qui vont refléter le soleil et éblouissent les chevaux, stratégie vue souvent dans les Shaw Brothers où les reflets de lumière sur les lames ou le métal ont une grande importance esthétique.

John Woo a surtout la bonne idée de ne pas abuser des effets spéciaux mais au contraire de faire de l’humain le centre de sa mise en scène. Il y a quelques effets numériques, très laids par ailleurs comme toujours, pour certaines scènes de foule. Notamment lorsque les armées de Cao Cao sont montrées. Tel plan vu du ciel montre l’immensité de ses soldats, ou sa flotte qui semble ininterrompue. Mais d’une certaine manière, ces effets numériques caractérisent le caractère inhumain du Premier Ministre. Red cliff regorge de figurants (le budget du film a dû être colossal) qui jouent les soldats, cela donne un authenticité intéressante aux batailles. John Woo filme des gens qui marchent, des chevaux qui tombent, du sang qui coule, des visages grimaçants sous la douleur.

Des moments plus doux, plus poétiques parsèment le film, car Red cliff n’est pas que sang et fureur. Ces moments ne sont pas que des pauses dans le récit de Red cliff. John Woo ne filme pratiquement que les trois rois et leurs généraux pour justement prendre le temps de nous les rendre sympathiques. Un enfant qui joue de la flûte aux soldats, une jument qui doit mettre bas avec difficulté, un morceau de sitar chinoise (le qin) que Tony Leung Chiu-wai joue, une femme à aimer avant qu’elle ne soit enlevée par l’ennemi. Tous ces moments participent d’une volonté de mettre en œuvre les tenants et aboutissants de cette Chine du début du troisième siècle.

John Woo propose aussi quelques bizarreries esthétiques liées au monde animal. Outre cette jument à mettre bas, les chevaux tiennent une large place dans le récit. Une princesse, à qui on refuse l’occasion de combattre avec les hommes, parle à l’oreille d’un cheval et s’en rend maîtresse contre son cavalier. Zhu-ge (Takeshi Kaneshiro) est équipé d’un éventail en plumes. Il y a aussi cette histoire de justice autour d’un bœuf. Plus tard, un tigre viendra révéler la force d’un général. Puis encore une tortue qui inspirera une stratégie gagnante aux trois rois. Et bien entendu, quelques pigeons qui vont clore cette première partie de Red cliff. Comment John Woo n’aurait-il pu ne pas mettre en scène ses volatiles fétiches ?

La deuxième partie de Red cliff doit sortir en Chine et à Hong Kong en janvier prochain. Les trois rois et les généraux vont de voir affronter la gigantesque flotte de Cao Cao. En France, Red cliff devrait sortir dans une simple version de 2h30 au printemps 2009. Toutes les parties « calmes » seront probablement supprimées. C’est bien dommage. Comme le dit le carton final, to be continued.

Red cliff Partie 1 (赤壁, Chine, 2008) Un film de John Woo avec Tony Leung Chiu-wai, Takeshi Kaneshiro, Zhang Fengyi, Chang Chen, Vicki Zhao Wei, Hu Jun, Shidou Nakamura, Lin Chi-ling.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

J'ai vu la première partie de Red Cliff en chinois ( je suis chinois d’origine ). J’ai décidé de ne pas voir la deuxième partie. Maintenant que dire... Ne regrettez rien des scènes en moins. Je m'explique, espérons que la version Française nous épargne les énormes plagias qu'on retrouve dans les scènes du film. Je site 300 : la scène des boucliers au moment ou Leonidas meure. La scène dans les deux tours lorsqu'on vois Gandalf le Blanc pour la première fois dans la forêt. Je passe le plagia de 300 sur l’affiche du film. Le rythme du film est lourd et les acteurs sont sans âmes et ne sont pas dans le ton. Il manque cette étincelle dans les regards, toujours cet aimable sourire zen. Il manque la passion du professionnel, du guerrier, du Maître. Le grand méchant qui est Cao Cao ne transpire pas en profondeur. Ne cherchez pas le regard de l’aigle, vous ne verrez que le vide. Les scènes d'actions et les intrigues sont comment dire... des suites de clichés maladroitement mis bout à bout. Les CGI, disons un peu trop propre à mon goût mais j'ai vu pire. Pour conclure, je trouve que John Woo n’as pas su donner l’ampleur à cette histoire. C’est au mieux un film à voir si vous n’avez pas encore vu 300 et le Seigneur des Anneaux. Sinon vous allez recevoir cette tarte à la crème en pleine face. Je suis déçu de cette superproduction qui n’est rien d’autre qu’une grosse farce. Désolé John mais tu dérive et tu t’entoure que d’incapables qui n’à su que copier à défaut d’avoir des idées. Le pire c’est que personne ne t’as dis ça en face.

Jean Dorel a dit…

à peu près toutes les affiches des films épiques se ressemblent en ce moment. Et celle de Red cliff ne ressemble pas plus à 300 que celle de The Warlords par exemple.
Sinon, ça fait un bon bout de temps, tout de même, que John Woo a sa carrière derrière lui. Le style de Red cliff n'est pas très éloigné de celui de Last hurrah for chivalry. Le film n'est ni un polar ni un remake de 300, par ailleurs un film peu regardable.