mardi 8 février 2011

Le Soldat Dieu


Petite séance de rattrapage avec le dernier film de Koji Wakamatsu. Je n’avais pas du tout aimé United Red Army. Par chance, Le Soldat Dieu dure moitié moins que son précédent film. C’est encore une fois un film d’époque, situé pendant la guerre entre 1940 et 1945. Le jeune soldat Kyuzo Kurokawa (Shima Ônishi) envoyé combattre en Chine revient dans son village où son épouse Shigeko (Shinobu Terajima) le retrouve blessé. Il n’a plus de bras, ni de jambe et une partie de son visage est brûlée. Kyuzo est un homme tronc dont elle va devoir s’occuper.

Manger, boire, dormir, pisser sont les seules activités que peu faire le soldat. Il ne peut plus parler, sa gorge a été tranchée. Avec sa bouche, il se met un soir à tirer la jupe de sa femme. Il veut faire l’amour. Pour ça, il est toujours actif. Cela rappelle à Shigeko sa vie d’antan, ce sont des mauvais souvenirs où Kyuzo battait chaque jour sa femme parce qu’elle est stérile. Où il lui faisait tous les jours l’amour, ce que l’on peut comparer à du viol. La séquence inaugurale nous montre le soldat en train de violer une jeune chinoise et de la laisser pour morte.

Petit à petit, on comprend que Kyuzo est un salaud, un monstre d’égoïsme qui correspond tout à fait à l’époque. Il considère les femmes comme des objets et sa femme comme sa servante. Seulement voilà, dans un Japon galvanisé par la guerre où la propagande affirme chaque jour à la radio que la victoire est proche, que l’Empire est la nation de Dieu ou encore que le sacrifice est une chose évidente, Kyuzo est considéré comme un héros. Il fait la fierté du chef du village d’autant qu’un journal a célébré sa bravoure et qu’il a reçu trois médailles pour avoir massacré quelques Chinois et pour sa mutilation.

Shigedo, devant les villageois qui lui conseillent de bien servir son bout de chair d’époux, affecte la compassion. De temps en temps, elle le met dans une carriole et le trimballe dans le village jusqu’à la rizière où elle travaille. De temps en temps, on lui donne à manger pour récompenser son abnégation. En privé, devant la photo de l’empereur et de l’impératrice qui semble les observer, elle accepte de se faire baiser puis elle commence à l’humilier et lui déclare sa haine.

Koji Wakamatsu est l’un des rares cinéastes à vouloir raconter une histoire du Japon non légendaire. L’amnésie qui sévit encore au sujet de l’héroïsme, du nationalisme et des traditions est pour le vieux cinéaste à dénoncer. Son style est direct mais gâché par une image vidéo pauvre et un budget qu’on imagine très modeste qui rend le film parfois théâtral. Mais le pamphlet est là, bien virulent, prêt à convaincre les convaincus et, pour ceux qui prendront la peine de le voir, ceux qui reste à convaincre.

Le Soldat Dieu (Catterpilar, キャタピラー, Japon, 2010) Un film de Kôji Wakamatsu avec Shinobu Terajima, Shima Ônishi, Keigo Kasuya, Emi Masuda, Sabu Kawahara, Maki Ishikawa, Gô Jibiki, Arata, Katsuyuki Shinohara, Daisuke Iijima, Ichirô Ogura, Sanshirô Kobayashi, Mariko Terada, Ken Furusawa.

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