Difficile
de penser quoi que ce soit du nouveau film de Chen Kaige. En sortant de Wu Ji, on a vraiment l’impression de
n’avoir pas vu grand-chose d’autre qu’un immense jeu vidéo qui mêlerait de
façon plus ou moins habile des acteurs en live à l’infographie. On ne dira
jamais assez tout le mal que peuvent faire les logiciels sur les wu xia pian. Dans Wu Ji, tout est désormais possible : une petite fille peut
marcher sur l’eau, l’esclave Kunlun peut s’envoler 100 mètres au dessus du sol dans un travelling ascendant sans
que cela n’étonne plus personne. Et n’épate plus personne non plus. Car cette
surenchère d’effets spéciaux qui avait pour but d’en mettre plein la vue
devient monotone depuis Hero. Mais
ce mouvement avait été anticipé par Stormriders
d’Andrew Lau, comme par l’atroce Legend
of Zu de Tsui Hark, on assiste à une concurrence aberrante. Toujours plus
de trucages numériques : on se rappelle les milliers de flèches dans le
Zhang Yimou. Dans Wu Ji, l’esclave Kunlun
et ses 132 compagnons doivent s’enfuir dans un canyon où les soldats du général
ont lâché des buffles.
Les
buffles sont tous en numérique, ils courent tous de la même façon, ils ont tous
la même taille. Plus rien ne respire la vie là dedans. Et l’esclave court,
court, court, toujours plus. Et tout à coup, on se rappelle la poursuite entre
Yuen Qiu et Stephen Chow dans Crazy kung
fu et on rit devant le ridicule de cette scène où l’esclave porte son
maître sur son dos. Filmé en gros plan avec un paysage numérisé derrière lui,
on se demande où sont passés les paysages chinois. Le plus navrant dans Wu Ji est que Chen Kaige a voulu en
mettre plein la vue. Il est devenu le Monsieur Plus du cinéma chinois. Comme si
l’addition de tous les éléments n’allait pas provoquer une indigestion et la
nausée chez le spectateur. Décors, costumes, maquillage : toujours plus.
Nicholas Tse change de fringue à chacune de ses apparitions. J’espère qu’il a
pu garder sa garde robe.
Toujours
plus d’intrigue : le scénario du film est encore plus compliqué que celui
d’Evil cult, où tout était
incompréhensible. Wu Ji frise la
démence. Au bout de quelques minutes, on abandonne toute volonté de mettre un
sens aux légendes prétendument ancestrales qu’ont inventé les scénaristes du
film. Toujours plus de sentiments : jalousie, vengeance, amours déçues,
frustration, tromperie, loyauté, trahison, amitié, respect, haine. Cela fait
beaucoup de sentiments à exprimer. Pourtant les acteurs jouent exclusivement
avec les mimiques faciales, tout engoncés qu’ils sont dans leurs beaux costumes
qu’il ne faut surtout pas froisser. Le froncement de sourcils est de rigueur,
les yeux écarquillés aussi, les doubleurs hurlent les dialogues.
Wu Ji a une distribution internationale : un acteur
coréen dans le rôle de l’esclave, un acteur japonais dans celui du général,
deux acteurs hongkongais dans ceux de la princesse et du méchant. Aucun ne
parle mandarin, or le film est en mandarin. Leur inexpressivité n’est pas due
seulement à l’incohérence du scénario, pas uniquement au fait qu’ils ont tourné
tout sur fond bleu pour rajouter les faux décors, mais aussi au fait qu’ils ne
savaient pas ce qu’ils disaient. Parce qu’on s’y ennuie mortellement. Parce que
les décors en infographie c’est moche. Parce qu’on n’y croit pas. Parce que
tout cela sent l’opération marketing à plein nez. Wu Ji est à éviter.
Wu
Ji, la légende des cavaliers du vent (The Promise, 无极, Chine – Hong Kong –
Corée, 2005) Un film de Chen Kaige avec Jang Dong-kun, Hiroyuki Sanada, Cecilia
Cheung, Nicholas Tse, Liu Ye, Chen Hong, Qian Cheng.
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