dimanche 10 mai 2009

Wu Ji, la légende des cavaliers du vent


Difficile de penser quoi que ce soit du nouveau film de Chen Kaige. En sortant de Wu Ji, on a vraiment l’impression de n’avoir pas vu grand-chose d’autre qu’un immense jeu vidéo qui mêlerait de façon plus ou moins habile des acteurs en live à l’infographie. On ne dira jamais assez tout le mal que peuvent faire les logiciels sur les wu xia pian. Dans Wu Ji, tout est désormais possible : une petite fille peut marcher sur l’eau, l’esclave Kunlun peut s’envoler 100 mètres au dessus du sol dans un travelling ascendant sans que cela n’étonne plus personne. Et n’épate plus personne non plus. Car cette surenchère d’effets spéciaux qui avait pour but d’en mettre plein la vue devient monotone depuis Hero. Mais ce mouvement avait été anticipé par Stormriders d’Andrew Lau, comme par l’atroce Legend of Zu de Tsui Hark, on assiste à une concurrence aberrante. Toujours plus de trucages numériques : on se rappelle les milliers de flèches dans le Zhang Yimou. Dans Wu Ji, l’esclave Kunlun et ses 132 compagnons doivent s’enfuir dans un canyon où les soldats du général ont lâché des buffles.

Les buffles sont tous en numérique, ils courent tous de la même façon, ils ont tous la même taille. Plus rien ne respire la vie là dedans. Et l’esclave court, court, court, toujours plus. Et tout à coup, on se rappelle la poursuite entre Yuen Qiu et Stephen Chow dans Crazy kung fu et on rit devant le ridicule de cette scène où l’esclave porte son maître sur son dos. Filmé en gros plan avec un paysage numérisé derrière lui, on se demande où sont passés les paysages chinois. Le plus navrant dans Wu Ji est que Chen Kaige a voulu en mettre plein la vue. Il est devenu le Monsieur Plus du cinéma chinois. Comme si l’addition de tous les éléments n’allait pas provoquer une indigestion et la nausée chez le spectateur. Décors, costumes, maquillage : toujours plus. Nicholas Tse change de fringue à chacune de ses apparitions. J’espère qu’il a pu garder sa garde robe.

Toujours plus d’intrigue : le scénario du film est encore plus compliqué que celui d’Evil cult, où tout était incompréhensible. Wu Ji frise la démence. Au bout de quelques minutes, on abandonne toute volonté de mettre un sens aux légendes prétendument ancestrales qu’ont inventé les scénaristes du film. Toujours plus de sentiments : jalousie, vengeance, amours déçues, frustration, tromperie, loyauté, trahison, amitié, respect, haine. Cela fait beaucoup de sentiments à exprimer. Pourtant les acteurs jouent exclusivement avec les mimiques faciales, tout engoncés qu’ils sont dans leurs beaux costumes qu’il ne faut surtout pas froisser. Le froncement de sourcils est de rigueur, les yeux écarquillés aussi, les doubleurs hurlent les dialogues.

Wu Ji a une distribution internationale : un acteur coréen dans le rôle de l’esclave, un acteur japonais dans celui du général, deux acteurs hongkongais dans ceux de la princesse et du méchant. Aucun ne parle mandarin, or le film est en mandarin. Leur inexpressivité n’est pas due seulement à l’incohérence du scénario, pas uniquement au fait qu’ils ont tourné tout sur fond bleu pour rajouter les faux décors, mais aussi au fait qu’ils ne savaient pas ce qu’ils disaient. Parce qu’on s’y ennuie mortellement. Parce que les décors en infographie c’est moche. Parce qu’on n’y croit pas. Parce que tout cela sent l’opération marketing à plein nez. Wu Ji est à éviter.

Wu Ji, la légende des cavaliers du vent (The Promise, 无极, Chine – Hong Kong – Corée, 2005) Un film de Chen Kaige avec Jang Dong-kun, Hiroyuki Sanada, Cecilia Cheung, Nicholas Tse, Liu Ye, Chen Hong, Qian Cheng.

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