C’est la merde qui dirige tout. C’est la merde qui donne le signal de la liberté pour Kôhei, un col blanc japonais emprisonné à perpétuité dans une prison philippine pour avoir tenté de sortir un kilo de cocaïne. La loi est sévère dans l’archipel et Kôhei a beau clamer son innocence, le juge n’en a rien à fiche. Tout le monde dit que seul l’argent pourrait lui rendre sa liberté, mais c’est faux, c’est la merde qui régit tout.
Son avocat le lâche, l’entreprise veut récupérer le million de dollars qui devait servir à corrompre un officiel pour avoir un marché. Kôhei a caché l’argent pour assurer ses arrières. Sa femme essaie de le raisonner mais il n’entend rien. Il veut se défendre légalement, clamer sa bonne foi, que le tribunal reconnaisse son innocence et que le cauchemar finisse. Il n’en sera rien. Kôhei est en prison et comme le dit le directeur, il en a pour longtemps, ce qui semble satisfaire Yoshida un autre Japonais.
L’entrée dans les geôles de Manille se fait menottes aux poignets mais en costume cravate, tout de même. Un long couloir avec des cellules bondées de prisonniers philippins qui crient, bougent et tentent de toucher les petits nouveaux. Là arrive un autre Japonais qui propose à Kôhei un logement contre un loyer. Il a droit à un lit et à certains traitements de faveur. Il va loger avec un troisième Japonais complètement fou arrêté pour pédophilie. Mais un gros problème subsiste : les chiottes. Ils sont bien dégueulasses et pas lavés. Il n’y a pas de chasse d’eau.
Alors quand Yoshida lui propose de travailler pour lui, Kôhei hésite. Le vieux Yoshida est un yakuza en exil qui s’est caché en prison pour échapper aux gens qu’il a trahi. « Trahir ou être trahi », telle est la question. Kôhei hésite à accepter mais quand Yoshida lui dit qu’il pourra profiter de ses chiottes avec une chasse d’eau, il oublie son honnêteté fondamentale et va devenir son porte valise. Comment travailler en prison ? Très simple : il suffit de sortir en ville et faire des affaires. Et avec de l’argent tout est possible et Yoshida a de l’argent car il fait du commerce, avec la complicité du directeur, de cocaïne.
On passe en quelques minutes du sordide au sublime, si j’ose dire, de la merde à l’argent. Et le film porte bien son titre. Les Prisonniers du paradis va s’acharner à montrer la justesse de son titre et l’oxymore si paradoxale qui fait souvent la saveur des films de Miike. Rien n’est ici sauvage comme dans Big bang love juvenile A, mais on nage en pleine folie. Passée la surprise que l’on puisse sortir si facilement de prison, on découvrir la vie quotidienne de nos six Japonais dans la prison.
Au bout d’un moment, tout va se compliquer. Les ennemis de Yoshida vont rappliquer pour lui faire la peau. La source d’argent qui coulait à flot est soudainement menacée d’être rompue à cause de diverses trahisons. Là, il va falloir fuir. Miike ne se soucie pas vraiment de la manière de sortir de prison. Il commence un autre film, un road movie barré où nos personnages vont rencontrer des villageois. Le fou pédophile va devenir une sorte de dieu de l’ascétisme. On y rit beaucoup jusqu’à ce tout tourne au drame.
Les Prisonniers du paradis (The Guys from Paradise, 天国から来た男たち, Japon, 2000) Un film de Takashi Miike avec Monsour Del Rosario, Kenichi Endō, Kazuhiko Kanayama, Koji Kikkawa, Toshiyuki Kitami, Kenji Mizuhashi,