La décennie 2000, c’est d’abord la perte de deux des plus grandes stars du divertissement de Hong Kong. En 2003, Leslie Cheung puis Anita Mui décèdent en laissant un vide qui n’est pas encore comblé. Tous les deux étaient les chanteurs les plus populaires de la cantopop et des comédiens parmi les plus appréciés, même si leurs carrières respectives patinaient un peu. Autre disparition des écrans de cinéma, celle de Maggie Cheung qui, depuis In the mood for love, s’est totalement absentée des films, à l’exception peu notable de Clean d’Olivier Assayas. Le star system de l’industrie du cinéma est toujours aussi impitoyable pour les acteurs et les actrices de Hong Kong. Où est passée Rosamund Kwan ? Que devient Jacky Cheung ? Et tant d’autres qui n’ont pas pu passer le cap de la rétrocession et de sa fuite de talents. Seules les plus grandes stars du cinéma ont pu rester actifs. Parmi les actrices, Sammi Cheng, Karina Lam et Sandra Ng tirent encore leur épingle du jeu, en bataillant, souvent en faire valoir de leurs partenaires masculins. Chez les acteurs, Jackie Chan remplit son contrat d’un film par an toujours avec succès même si ses comédies américaines sont ineptes et que ses films de Hong Kong paraissent bien pâles. Andy Lau est toujours présent sur tous les fronts, en chanson, dans les films, dans la pub. Tony Leung Chiu-wai passe encore d’un genre à l’autre, de la romance de Wong Kar-wai à la comédie non-sensique en passant par le polar urbain. Le plus retour est du à Tony Leung Ka-fai qui devient une sorte de parrain du cinéma tout comme Eric Tsang. Le cinéma cantonais dans les années 2000 s’est maintenu à un bon niveau. Il est sorti entre 40 et 50 films nationaux dans la décennie, soit un quart du total des films distribués. Mais le cinéma hollywoodien devient de plus en plus présent en occupant une place de plus en plus importante et trustant les plus hautes marches du box office. Alors comment résumer en quelques noms la décennie passée ? En voici, 11.
Les Rois de Hong Kong : Johnnie To et Wai Ka-fai
Les deux cinéastes sont indissociables. Ensemble, ils ont inventé et fait fonctionner la Milkyway Images. Le studio expérimental a fourni un bon nombre de films aujourd’hui adulé jusqu’en France où certains films ont été sélectionnés au Festival de Cannes (la classe). Mais Johnnie To est l’arbre qui cache la forêt Milkyway. Wai Ka-fai et le réalisateur de The Mission ont tourné à quatre mains dix films en trois ans, tous des énormes succès au box office de Hong Kong, tous avec des immenses stars locales, tous ignorés ici (sauf Fulltime killer et Running on karma). La vraie question reste à savoir qui est le véritable auteur de ces dix comédies romantiques, sociales ou non-sensiques (rayer la mention inutile). On serait supposé répondre : Wai Ka-fai. Ce serait oublier que Johnnie To a aussi tourné des comédies, notamment avec Chow Yun-fat dans les années 1990. Ces dix films ont surtout permis à Johnnie To de produire les films dont il avait envie et que l’on connait (les Election, Exilé, The Mission). Quand leur numéro de duettistes s’est interrompu (pour reprendre avec brio avec Mad detective), Wai Ka-fai s’est tranquillement résolu à tourner les comédies du Nouvel An Lunaire les plus bourrées de stars depuis des lustres et les plus barrées qu’on imagine.
En hausse :
Louis Koo.
L’acteur beau gosse, moqué à Hong Kong pour son bronzage et son cabotinage, est devenu en dix ans, depuis Bullets over Summer, l’acteur le plus rentable de Hong Kong. Il tourne avec tout le monde de Johnnie To à Wong Jing, de Dante Lam à Sylvia Chang. C’est un acteur fidèle dans ses choix de cinéastes : 7 films avec Johnnie To et Wai Ka-fai, 7 films avec Chan Hing-kai, 4 films avec Wilson Yip. Et quelques partenaires privilégiées : les actrices Sammi Cheng et Cecilia Cheung. Surtout, Louis Koo a progressivement cessé de ne jouer que l’amant romantique pour se diriger vers un registre plus varié. Il tente tout : policier, film d’action, film en costumes. Il est aujourd’hui devenu l’acteur le plus populaire à Hong Kong.
Lau Ching-wan.
Dans Black Mask de Daniel Lee, il est dit de lui qu’il est vraiment très laid. Lau Ching-wan n’a rien du jeune premier, c’est vrai. Il a mis du temps à se trouver et c’est Johnnie To qui lui a permis de trouver des rôles à la mesure de son immense talent. Il a peu tourné dans les années 2000, environ deux films par an. Mais il cherche de plus en plus à se donner des rôles de personnages d’amoureux tourmentés, d’époux désespérés même dans les comédies de Wai Ka-fai où il cabotine à mort. C’est son rôle dans My name is fame qui le remet au premier plan en jouant un acteur de cinéma sur le déclin qui se reprend. Un portrait juré craché du cinéma de Hong Kong. Il y gagnera, enfin, une statuette du meilleur interprète.
Pang Ho-cheung.
Sept films depuis 2001. Tous bons. Comment fait-il ? Pang Ho-cheung est la plus grosse surprise de la décennie. Cet écrivain a formé autour de ses films un engouement rare qui va durer. Il est parvenu à s’entourer d’une troupe d’acteurs (Chapman To, Eason Chan, Isabella Leong, Simon Yam) que l’on n’avait jamais vu jouer ainsi. Le cinéma de Pang montre des personnages au bord de la rupture, en quête de quelque chose qu’ils ne trouveront jamais : le bonheur sexuel. Pang Ho-cheung est le meilleur documentariste de la vie de Hong Kong des années 2000. Et en plus ses films sont plastiquement superbes.
Stables :
Stephen Chow.
En 1992, les cinq plus gros succès au box-office à Hong Kong étaient cinq films de Stephen Chow qui cette année-là en avait tourné 7. L’humour non-sensique marchait mais ses films, pour être drôles, n’étaient pas forcément très bons. Dans les dix ans écoulés, son art s’est perfectionné au plus haut point mais ses films se sont considérablement raréfiés. Trois films (Shaolin soccer, Crazy kung-fu, CJ7) : les trois plus gros succès de la décennie. Il ne joue plus dans les films tournés par les autres et là fût son génie : devenir le Wong Kar-wai du cinéma comique et drôle de Hong Kong. Mais sa rareté a un risque, celui de se faire oublier, celui d’être en retard d’un train comme semble le montrer les navets qu’il produit depuis deux ans : Shaolin girl, Dragonball evolution et Jump. Il vient de refuser de jouer dans l’adaptation cinéma du Frelon vert.
Anthony Wong.
Anthony Wong a beaucoup joué dans les années 1990. Il a même trop joué dans n’importe quoi. Sa maladie de la thyroïde l’a défiguré et a modifié son jeu en le proposant comme un monstre. Une fois guéri, il a tourné dans moins de films, en les sélectionnant mieux. Son titre de gloire dans les années 2000 est d’avoir accompagné Andrew Lau et Alan Mak dans la trilogie Infernal affairs où il fut récompensé d’un Hong Kong Film Award du meilleur acteur. Ça n’était pas la première fois et ça ne sera pas la dernière. Quand il n’est pas dans les premiers rôles, il sait se contenter des rôles secondaires. Quiconque a pu voir The Triad zone de Dante Lam, sait que sans lui, cette histoire de triades aurait été moins drôle. Il est la voix masculine des adultes dans les dessins animés de McDull, il a tourné dans un affreux film hollywoodien qui a cartonné, il accepte encore de jouer sous la direction de Wong Jing mais compense en allant s’amuser chez Johnnie To.
Charlene Choi.
Les minauderies de la moins talentueuses des deux chanteuses / actrices des Twins a de quoi en énerver beaucoup. Il suffit de la voir dans Good times bed times de Chan Hing-kai en train de harceler sexuellement Lau Ching-wan pour trouver qu’elle en fait toujours trop. Mais c’est justement ça qui plait. Charlene Choi ne tente pas de se la jouer bonne actrice mais continuer de cabotiner jusqu’à finalement rendre son jeu naturel. De manière invraisemblable, les deux Twins effects puis Twins mission ont cartonné. Elle n’a pas encore pu prouver de vrais talents d’actrice mais elle s’accroche. Contrairement à Gillian Chung, sa partenaire de Twins, et à d’autre actrices de sa génération apparue au début des années 2000, elle a été totalement épargnée par le scandale Edison Chen. Elle récupère donc la plupart de leurs rôles.
En baisse :
Tsui Hark.
Le prodige du cinéma de Hong Kong, celui qui a donné la plus belle décennie (1985-1995) est devenu l’un des cinéastes les plus désespérants. Après deux JCVDeries, il est revenu tourner un Time and tide débridé. La critique a adoré. L’homme a du se dire qu’il devrait tourner des suites à ses plus grands succès. Aïe, aïe, aïe. Legend of Zu puis Black Mask II ! Puis, miracle, il revient à la raison avec Seven swords, partiellement réussi. En six films et demi (avec son épisode pour Triangle), il a essayé tous les genres sans vraiment convaincre. Il a abandonné plusieurs projets (dont Initial D et une suite à The Eye). Il a produit quelques navets en Chine (un film sur la boxe titré Xanda d’une grande nullité). Il semble perdu par le nouvel environnement. Il ne sait plus à qui plaire. Aux spectateurs chinois ? A ceux de Hong Kong ? En tout cas, on attend toujours son prochain avec impatience.
Chow Yun-fat.
Sa carrière américaine a été l’une des plus catastrophiques possibles. On ne lui a donné que des mauvais rôles dans de mauvais films tournés par des tâcherons. Il est resté sans emploi plusieurs années avant de finalement retourner à Hong Kong pour tourner dans le moins mauvais film de Zhang Yimou, La Cité interdite. Puis, il a fait un détour par la case auteur grâce à Ann Hui avant de tourner dans deux productions sino-américaines aseptisées et dans Dragonball evolution, méga-navet. Il s’est fâché (d’après les meilleures rumeurs) avec John Woo sur le plateau de Red Cliff, ce qui, il faut bien l’avouer, est un manque de jugeote incroyable. Il sera Confucius, dans un film éponyme produit par le propagande chinoise dans sa continuelle recherche de trouver des moyens de produire des films nationalistes. La carrière de Chow Yun-fat est bien derrière lui.
Cecilia Cheung.
Le plus gros gâchis de la décennie. Cecilia Cheung est l’une des meilleures actrices apparues dans les années 2000. Son charme et son talent d’actrice lui ont permis de tourner dans de très bons films. Puis arriva Edison Chen et le scandale sexuel contamina tout le cinéma de Hong Kong. Cecilia Cheung fut la plus grosse victime de ce scandale. Mariée à Nicholas Tse, elle est depuis maintenant deux ans privée de cinéma. On a tout dit de ce scandale, notamment que les triades y étaient mêlées pour interrompre les carrières d’actrices afin de régler des comptes avec les studios pour qui elles tournent. Cet événement a surtout montré combien la société reste pudibonde et, paradoxalement, voyeuriste. Bien entendu, la carrière cinématographique d’Edison Chen a, elle aussi, été brisée. Espérons seulement que le clan Tse laissera un jour Cecilia Cheung revenir au cinéma.
1 commentaire:
Très bon article sur un cinéma dont beaucoup garde une profonde nostalgie!
La seule chose que je pourrais ajouter c'est qu'au final, le cinéma de Hong-Kong qui commençait à se développer au niveau international (et se faire distribuer dans les salles de cinéma) c'est littéralement fait bouffer par le cinéma Sud Coréen, qui, paradoxalement, en reprenait les recettes...
Malgré tout, ce cinéma se renouvelle et évolue, comme toute choses. et je dois dire que c'est a chaque fois avec le même frisson que je découvre un nouveau film de ce Territoire!
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