La Nouvelle fureur de vaincre

Après la mort de Bruce Lee, la tentation de donner une suite à La Fureur de vaincre était grande. C’est Lo Wei pour la Golden Harvest qui s’en charge en donnant à Jackie Chan son premier rôle principal. C’est le personnage de Li-er (Nora Miao) qui passe le relais à Jackie Chan. Elle quitte Shanghai pour partir à Taiwan. Elle s’enfuit de l’occupation des occidentaux pour désormais subir celle du Japon qui avait, au moment où se déroule La Nouvelle fureur de vaincre, annexé l’île.

Li-er arrive à Taiwan. L’île est sous haute surveillance et les soldats veulent éliminer les éléments anti-japonais. Li-er est contre l’occupation mais parvient à rentrer dans la colonie. A son arrivée à la douane, ses bagages sont fouillés. Ah Long (Jackie Chan) et son grand-père en profitent pour lui voler un somptueux coffret, persuadés qu’il a de la valeur. Ah Long est un voleur, mais comme il dit à tout le monde, il ne vole que les étrangers. Il est très déçu quand il comprend qu’il ne contient pas d’argent mais un nunchaku, celui de Chen Zhen, le personnage de Bruce Lee dans La Fureur de vaincre. Ah Long est agressé par deux Japonais, il tente de se défendre avec le nunchaku mais se fait battre.

C’est Li-er qui le retrouvera dans un fossé avec ses amis. Elle le fait amener à l’école d’arts martiaux où elle réside, le fait soigner et, une fois Ah Long remis sur pied, l’encourage à apprendre du kung-fu. Mais celui-ci n’en a pas envie. Il retourne à son insouciante vie de voleur alors que les Japonais oppriment les Chinois. Pour encore plus humilier les Chinois, un chef d’arts martiaux japonais veut que les écoles locales acceptent sa suprématie. Certains vont collaborer avec le chef japonais, mais d’autres vont résister, notamment celle de Li-er, l’école Jing Wu (l’esprit des arts martiaux). Ah Long se rend compte que l’arrogance et la brutalité des Japonais doit cesser. Il décide lui aussi de résister et part s’engager dans l’école Jing Wu au bout d’une scène épique où il enduit son torse de son sang avec l’inscription Jing Wu.

Je serai gré à Lo Wei d’avoir engagé Jackie Chan plutôt qu’un clone de Bruce Lee pour cette suite officielle. L’ambition est ici de montrer un nouveau héros chinois et de la confronter avec Bruce Lee. Seulement voilà, le personnage de Ah Long est montré comme un lâche pendant les trois quarts du film jusqu’à l’annonce que les écoles d’arts martiaux doivent abandonner leurs prérogatives. Là, Ah Long se met enfin à avoir une conscience politique et à devenir le leader de la rébellion contre la dictature du chef local. Cette transformation n’est pas très convaincante au vu de ses refus successifs de rejoindre Li-er et de son dédain des arts martiaux. Ensuite, il deviendra le meilleur de l’école Jing Wu.

Il faut dire que Jackie Chan était encore un acteur très inexpérimenté et que ses méthodes de combat n’avaient pas encore la grâce et la force de ses films suivants. De plus, il est affublé d’une moustache naissante, une sorte de duvet au dessus des lèvres qui lui donnent un aspect juvénile. Chen Zhen était un étudiant quand il arrivait dans La Fureur de vaincre, mais son potentiel politique était là. On voit d’ailleurs deux plans fixes de Bruce Lee dans le film quand Li-er compare les vertus de Ah Long et de Chen Zhen. Ah Long reproduit le geste de Bruce Lee qui brise d’un coup de pied la pancarte ennemie. Mais rien n’y fait, ça ne prend pas, d’autant que la mise en scène de Lo Wei n’est pas d’une grande précision notamment dans les combats qui sont souvent filmés en plan d’ensemble. En revanche, la fin est extrêmement pessimiste, ce qui étonne.

La Nouvelle fureur de vaincre (新精武門, Hong Kong, 1976) Un film de Lo Wei avec Jackie Chan, Nora Miao, Han Ying-chieh, Chan Sing, Lau Ming, Lo Wei.