Eté 1982. Taeko, 27 ans, col blanc dans une entreprise quelconque prend dix jours de vacances pour la première fois de sa vie. Elle a décidé de partir à la campagne et de participer à la cueillette des fleurs de carthame chez des paysans. Ces fleurs vont servir à faire un colorant rouge qui était traditionnellement utilisé au Japon. Les paysans chez qui elle va loger cette dizaine de jours pratiquent l’agriculture à l’ancienne avec leur fils Toshio, 25 ans. Taeko est encore célibataire, ce qui, à l’époque où se déroule le film, n’était pas très commun.
Alors que Taeko se prépare à prendre le train pour quitter la ville, elle se remémore son enfant quand elle avait dix ans et qu’elle était en primaire. Taeko était une petite fille modèle. Elle vit avec sa mère, femme au foyer et son père, un peu taciturne et pater familias qui préfère lire son journal pendant les repas plutôt que participer à la vie familiale et aux discussions. Taeko a deux sœurs plus grandes qu’elle. On peut facilement en conclure que Taeko fait partie de ces enfants non désirés, arrivés dans la famille un peu par hasard.
De quoi se rappelle Taeko. D’une chipie qui va colporter qu’un garçon aurait écrit sur un mur qu’il est amoureux d’elle. Le jeune garçon joue au base-ball mais pour une autre classe. Ils vont devenir amis en secret. Autre souvenir, celui de l’infirmière qui parlent aux filles des règles. Certaines gamines sont déjà réglées mais pas Taeko. Elle a honte un jour où elle est enrhumée et qu’elle est dispensée cours de gym parce qu’elle craint que les autres filles pensent qu’elle a ses règles, comme si c’était une maladie contagieuse. Puis, vient un souvenir plus douloureux où sa mère se rend compte qu’elle est nulle en math et qu’elle pense que Taeko pourrait ne pas être normal.
Quelques épisodes montrent des souvenirs assez douloureux. Taeko joue une paysanne dans une pièce de l’école. Elle n’a qu’une phrase à dire mais la dit très bien, avec force et conviction. Un étudiant de l’université demande à la mère si elle peut venir faire un rôle pour leur pièce, ce qui représenterait un bel enjeu et qui sait un avenir à la petite. Mais le père, sans plus de discussion, s’y oppose. Une autre petite fille aura ce rôle et s’en vantera à l’école mais la mère de Taeko conseille à sa fille de ne pas dire qu’on lui avait proposé en premier pour ne pas l’humilier. Tous les souvenirs de Taeko composent ce qu’elle est devenue aujourd’hui : pleine de compassion, prévenante, ouverte sur les autres mais célibataire.
Durant ses vacances à la campagne, le ramassage des fleurs est une tache épuisante. Toshio, féru d’agriculture bio, l’aide à sortir du quotidien. Dans sa petite voiture, ils partent faire des promenades, parfois avec la fille du voisin qui ne rêve que de grande ville. Toshio voulait quitter la campagne et la ferme. Il voulait s’installer à Tokyo mais a du se résoudre à reprendre le métier de son père. C’est un crève-cœur pour lui mais son enthousiasme et son rire enfantin soulignent plus encore ses espoirs déçus. Finalement, Toshio et taeko sont sans doute faits l’un pour l’autre.
Souvenirs goutte à goutte est un beau conte doux-amer sans nostalgie aucune, sans cruauté et sans mièvrerie. La période de l’été 1982 est traitée de manière classique avec ce dessin précis qui fait la réputation du studio Ghibli. Les souvenirs, en 1966, ont un aspect différent. Les couleurs sont moins vives et surtout, le tour de l’image est flou, comme légèrement oblitéré de la mémoire. Comme si le souvenir précis se diluait dans l’ensemble, ce qui offre un supplément de poésie au film, qui en recèle beaucoup au milieu de tout ce réalisme.
Souvenirs goutte à goutte (おもひでぽろぽろ, Japon, 1991) Un film de Isao Takahata avec les voix de Miki Imai, Toshirô Yanagiba, Youko Honna, Mayumi Iizuka, Masahiro Ito, Chie Kitagawa,Yoshimasa Kondô, Yuuki Masuda, Yuki Minowa, Kazuo Takahashi, Michie Terada, Yorie Yamashita.
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