mardi 14 février 2012

Sons of good earth


Après son opéra chinois (The Story of Sue San) et avant son wu xia pian (L’Hirondelle d’or), King Hu s’est attaqué avec son deuxième film, Sons of good earth, à l’un des moments les plus importants de l’Histoire de la Chine : 1937 et l’invasion du pays par les troupes japonaises. L’idée intéressante du film est de suivre le parcours de deux quidams plutôt anonymes qui vont se retrouver impliqués, malgré eux, dans cette guerre. Yu Rui (Peter Chen) et Lao San (Lee Kwan) sont peintres en bâtiment et ce jour-là, ils travaillent sur une façade de la maison close de Madame Chang (Go Bo-shu). Alertés par les cris d’une jeune femme que la mère maquerelle a attaché parce qu’elle a tenté de s’enfuir.

Le vieux policier comprend bien la situation et décide d’aider les deux jeunes amis à mettre fin à cette prostitution. Lors d’une descente de police, Hua (Betty Loh) parvient à s’échapper et les deux peintres vont l’héberger dans leur « immeuble », une habitation où toute la communauté menée par le vieux sage Tian (Tien Feng) va l’accueillir sous les regards amusés. Car c’est la première que Chen et Kwan ramènent une fille chez eux. Et cette incongruité donne des moments de comédie : les garçons ne savent pas comment on reçoit une dame. Ils sont un peu gênés par la situation mais ravis d’offrir l’hospitalité. Elle va devoir dormir : ils tendent un drap pour préserver son intimité ; elle a faim : ils lui préparent des nouilles. King Hu met en scène cette rencontre avec beaucoup d’humour et d’empathie.

Hua s’intègre totalement à la vie de l’immeuble. Elle fait le linge des garçons, un peu de ménage, leur prépare à manger, en tout bien, tout honneur. Ce qui devait arriver arriva : Chen et Hua tombent amoureux et décident de se marier. Toute la communauté s’affaire pour préparer ces noces dans la joie et la bonne humeur. Mais la maquerelle arrive avec quelques hommes forts à bras pour récupérer Hua. Contre toute attente, le scénario ne joue pas sur l’injustice des forces publiques (contrairement à The Story of Sue San où les deux amants étaient mis au ban de la société). Hua et Yu Rui pourront se marier, mais les événements de l’Histoire vont contrecarrer leurs amours naissantes.

Les Japonais envahissent la ville, hissent des drapeaux de leur nation dans les rues, ils narguent la population de leur arrogance. L’injustice règne cette fois mais la résistance s’organise. Tout d’abord lors d’un concert donné pour le général japonais (Fung Ngai) où une jeune femme chante une chanson patriotique à laquelle il ne comprend pas (il parle peu le mandarin) mais qui agace tous ses sbires et les collaborateurs chinois. Yu Rui et Lao San sont arrêtés, puis torturés dans les geôles et ne seront libérés que si Hua devient la maîtresse du général. Devant leurs corps meurtris, elle cède au chantage. Les deux amis sont libérés et quittent la ville pour s’installer à la campagne avec de nombreux membres de la communauté. Parallèlement, Madame Chang sort enfin de prison et ouvre à nouveau son bordel. Dans ce double parcours, King Hu montre clairement que les Japonais se placent du côté de la corruption et de l’injustice, même s’il parvient à ne pas trop caricaturer le général en monstre violent.

La résistance s’organise autour du commandant Ding (King Hu) qui va entrainer les villageois. Cette séance d’apprentissage du métier des armes se fait dans la même bonne humeur que les préparatifs du mariage. Tout le monde y met du sien, chaque mouvement (tirer au fusil, lancer des cailloux dans des cibles, grimper à la corde) servira plus tard dans la grande bataille que prépare minutieusement Ding. L’apparition de King Hu dans le rôle de ce militaire n’est pas anecdotique. Il élabore un plan de bataille comme une mise en scène de théâtre : répétition (il faudra être meilleur que les soldats japonais surentrainés), essayage des costumes (les villageois et Ding rentre dans la ville déguisés en commerçant) et interprétation (la bataille elle-même qui occupe le dernier tiers du film). Le ton est lyrique et finalement tragique quand certains personnages meurent sous les balles ennemis. King Hu développe un grand sens du travelling pour entourer ses personnages et tout se termine avec Yu Rui qui arrache le drapeau japonais du palais du peuple, ce qui rappelle évidemment le geste de Bruce Lee dans La Fureur de vaincre dont le sujet est assez proche.

Sons of good earth (大地兒女, Hong Kong, 1965) Un film de King Hu avec Peter Chen, Betty Loh, Lee Kwan, King Hu, Tien Feng, Chen Yan-yan, Ha Yee-chau, Cheung Kwong-chiu, Go Bo-shu, Hao Li-jen, Lui Ming, Han Ying-chieh, Yue Wai, Lee Ying, Wong Chung, Wu Ma, Fan Mei-sheng.

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