Le cinéma malaisien commence à arriver sous nos contrées. Un panorama a été visible en avril 2007 au Festival du film asiatique de Deauville, puis au Festival Hors Ecran à Lyon. D’autre part, on a pu voir deux cinéastes qui sont allé tourner leur dernier film en Malaisie. Patrick Tam avec After this our exile et Tsai Ming-liang avec I don’t want to sleep alone. Je crois que Muksin est le premier film malaisien à sortir en France. Même s’il est « vendu » comme un film pour enfant, il ne faut pas passer à côté.
Le titre Muksin est en rapport avec le nom d’un jeune adolescent de douze ans (en fait, il s’appelle Mukhsin). Mukhsin fait la connaissance de Orked, qui elle a dix ans. Ils sont tous les deux différents des autres enfants. Orked n’a pas envie de jouer aux poupées et au mariage avec les autres petites filles. Mukhsin est recueilli chez une amie de sa mère. C’est le temps des vacances, des premières amours et nos deux adolescents vivent ce moment avec tendresse et difficultés.
Orked est malaise. Ses deux parents sont libéraux. Sa mère parle anglais, ce qui est mal vu des voisins et surtout d’une voisine jalouse de sa liberté d’autant que son mari la trompe ouvertement avec une jeune femme. Le père de Orked est bonhomme, il fait souvent des blagues et prend la vie comme elle vient. Ils vivent avec la grand-mère, Kak Yam, une femme joviale qui fût chanteuse.
En Malaisie, la société est divisée en groupes ethniques. Orked est sa famille sont des Malais musulmans. Pour eux, la loi islamique s’applique avec tout ce que cela inclut (la plupart des Etats de la confédération malaisienne sont des sultanats islamiques). Ainsi, les voisins ne comprennent pas pourquoi la maman de Orked laisse son mari faire la cuisine. Quand Mukhsin demande à Orked pourquoi elle est dans une école chinoise, elle répond qu’elle veut apprendre le chinois parce qu’elle connaît déjà le malais. En vérité, c’est pour se défaire du poids des contraintes sociales.
La disparité entre les deux populations malaises et chinoises sont particulièrement montrées avec Hussein, le grand frère de Mukhsin, qui passe du temps dans le quartier chinois (comprendre : boire, fumer des cigarettes et voir des prostituées). Hussein est en marge de la société. Il est chômeur, haï de ses parents et n’arrive à trouver sa place nulle part.
Cependant Muksin est loin d’être un film triste. Tous les malheurs du monde ne s’abattent pas sur les personnages. Au contraire, il est souvent d’une drôlerie inespérée. Je citerai par exemple la scène du canapé où des créanciers viennent le récupérer parce le père de Orked n’a pas payer les traites. Le père réagit en disant que le temps que les magasins s’aperçoivent qu’il n’a pas d’argent, il pourra aller acheter un canapé tous les trois mois. Comme il y a douze magasins de canapés, la famille aura un canapé neuf tous les trois mois pendant trois ans. La scène de la punition est aussi très drôle, comme celle de la confection de glace au lait et au chocolat.
La cinéaste, qui en est à son quatrième film, amène toujours la scène de manière sérieuse, propose un développement incongru et la termine avec beaucoup d’humour. Muksin est fait de saynètes souvent filmées en plan séquence et qui évoque le style d’Abbas Kiarostami. A priori, le film est largement autobiographique et est un hommage à ses parents. Le final est peut-être un peu maladroit (la cinéaste en voix off explique que cette histoire est celle de sa jeunesse et de son premier amour raté), mais suivant son style, elle amène ses parents jouer une joyeuse chanson au piano avec toute l’équipe du film. Le film donne aussi souvent de l’émotion, particulièrement dans la scène où la famille écoute Ne me quitte pas chanté par Nina Simone. Muksin est un film sacrément enthousiasmant.
Muksin (Mukhsin, Malaisie, 2006) Un film de Yasmin Ahmad avec Sharifah Aryana, Mohd Syafie Naswip, Sharifah Aleya, Sharifah Amani, Ho Yu-hang, Amira Nasuha, Ng Choo-seong, Adibah Noor, Norkhiriah, Rozie Rashid
1 commentaire:
Elle a eu droit à une rétro cette année à Paris Cinéma je crois.
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