samedi 12 avril 2008

Bon à rien


Me voilà donc à regarder le premier film de Yoshishige Yoshida (je préfère ce prénom qui était utilisé à l’époque plutôt que Kijû) dont les 12 premiers films viennent de sortir en dvd. Je les regarderai dans l’ordre chronologique jusqu’à arriver au fameux Eros + massacre qui dure quand même 3h30. Rendez-vous dans quelques semaines.
Bon à rien est un film sur l’ennui, l’ennui de la jeunesse sans travail, l’ennui des travailleurs (des cols-blancs), l’ennui du fils du patron. Tout le monde s’ennuie au Japon nous dit en substance Yoshida en 1960. On veut bien le croire. En revanche, le film est tout sauf ennuyeux, ça c’est rassurant.
Tout tourne autour d’une bande de jeunes oisifs menée par Toshio. C’est lui le fils du patron. Avec Toshio, il y a trois autres jeunes et c’est à Jun que l’on va s’intéresser particulièrement. Jun ne vit pas, il se laisse vivre, il ne fait rien de spécial, il attend que Toshio leur permette de boire au bar. Ensemble, ils envisagent de voler l’argent que Makino, la secrétaire du patron, va porter chaque vendredi à la banque.
Makino est célibataire. Elle vit avec son frère et sa belle sœur, qui se disputent tout le temps. Le frère se plaint que sa femme achète tout le temps des choses. On est en plein boum économique : frigo, aspirateur, la vie à crédit va bon train. Makino mène une petite vie sans intérêt. Jun va la réveiller.
Très vite, Jun et Makino vont se chercher, le film va les faire s’attirer alors qu’ils s’opposent sur tous les points et essentiellement sur la manière d’envisager. Makino est pragmatique, dans une vision strictement petit-bourgeoise de la vie. Jun est nihiliste, délibérément en marge de la société dont il n’accepte pas les valeurs et le mode de vie. Leur relation va être électrique et contradictoire. Paradoxalement, ils sont faits l’un pour l’autre mais Makino tient absolument à intégrer Jun à sa vision lénifiante de la vie, comme lui trouver un travail, forcément aliénant. Tout cela ne va pas aller sans heurts et Yoshida est du côté de Jun. Bon à rien est critique envers la société de consommation.
Yoshida a une façon bien particulière de filmer les corps. Beaucoup de plans de profil de ses interprètes. Ils sont souvent filmés de dos et la plupart du temps à trois dans un plan comme si un corps étranger venait perturber les couples en train de se former. Le format scope magnifie les corps des acteurs qui sont souvent couchés sur leur lit, ou sur la plage dans la partie estivale. On pense très souvent à A bout de souffle de Godard, notamment pour la scène finale, mais en beaucoup plus maîtrisé. C’est très beau, très sensuel, très troublant.
Bon à rien (ろくでなし, Japon, 1960) Un film de Yoshishige Yoshida avec Hizuru Takachiho, Masahiko Tsugawa, Yusuke Kawazu, Kakuko Chino, Masao Mishima, Isao Sasaki, Junichiro Yamashita, Shôji Yasui.

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