Un patron a réuni tous ses employés sur le toit d’un immeuble. Il leur annonce qu’ils vont être licenciés parce que l’entreprise est en crise. Takashi Kiguchi s’approche alors de son patron en traversant la foule de ses collègues médusés. Il sort un pistolet de sa poche et tente de se suicider. Son collègue Kanai l’empêche d’accomplir son geste de désespoir. Kiguchi demandait à la direction de ne pas licencier s’il se suicidait.
Yuki Nonaka travaille dans une société d’assurances. Elle voit en Kiguchi l’homme qui pourra illustrer la prochaine campagne de publicité de la compagnie. L’homme voulait se suicider par altruisme. La slogan sera « Il est grand temps que vous soyez tous heureux ». Dans toute la ville, Mademoiselle Nonaka placarde d’affiches Kiguchi, le canon d’un révolver sur la tempe, le visage grave. Tout le monde ne parle bientôt plus que de cela et Kiguchi est invité partout : télévision, colloque etc. L’affaire s’avère rentable et la compagnie d’assurances voit le nombre de ses clients augmenter.
Harada est l’amant occasionnel de Yuki Nonaka. Il exerce la crapuleuse profession de paparazzi. Il truque ses reportages en soûlant ses futures victimes et en faisant poser à leur côté un mannequin. Harada veut la peau de Kiguchi et va tout mettre en œuvre pour lui pourrir durablement la vie, malgré les protestations de Yuki. Il prétend agir au nom de l’honnêteté, ne voyant dans le suicide raté qu’une manipulation. En fait, il est jaloux que sa maîtresse passe plus de temps avec son client qu’avec lui.
Kanai est de la partie dans la campagne publicitaire. Le sauveur de Kiguchi se révèle être un homme vil, un parasite. Il trouve là l’occasion inespérée de gagner sa vie. Son geste était sincère mais sa vénalité prend le dessus. Tout se passe bien jusqu’à ce que Kiguchi se prenne réellement au sérieux et se voit comme un sauveur de la société toute entière. Il veut se faire le porte-parole des gens qui n’ont pas accès aux médias, mais c’est sans compter sur ceux qui veulent que rien ne change.
Le Sang séché est un film politique filmé comme dans l’urgence à la caméra à l’épaule. Le propos de Yoshida est clairement à gauche, clairement du côté des ouvriers et des travailleurs et clairement contre ceux qui n’ont d’autre ambition que de faire du fric pour faire du fric. De ce point de vue, le film est d’une incroyable actualité. Le piège dans lequel Kiguchi s’est progressivement enfermé est montré par le cinéaste avec une rage devenue très rare d’autant qu’elle s’accompagne d’une atmosphère mortifère. En substance, Le Sang séché dit que le capitalisme c’est la mort de l’humain.
Mais ce discours puissant ne serait rien s’il venait seul et s’il se suffisait lui-même. Yoshida avec des moyens très simples fait beaucoup d’effets. Ce qui frappe le plus est le son. Le film commence par celui de gouttes qui tombent d’un robinet. L’ambiance sonore est très vite partie prenante de l’image : klaxons omniprésents des voitures qui marquent une urbanité folle, sons des pelles mécaniques dans la scène de la décharge où le paparazzi prend des photos. Il se réserve aussi des moments plus festifs comme les séquences dans la discothèque avec des chansons de variété au montage saccadé.
Au milieu du film, il y a aussi une scène très forte entre Harada et Yuki. Une scène de sexe filmé dans un pénombre quasi crépusculaire où le sort de Kiguchi se joue bien malgré et qui scinde le film en deux parties. L’ascension sociale n’aura que peu duré et la chute de notre anti-héros ne fait que recommencer. Le propos de Yoshishige Yoshida est à la fois d’une extrême noirceur et d’un fatalisme bien peu romantique. Il ne sauve personne.
Le Sang séché (血は乾いてる, Japon, 1960) Un film de Yoshishige Yoshida avec Keiji Sada, Kaneko Iwasaki, Shinichirô Mikami, Mari Yoshimura, Masao Oda.
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