Dans une époque pas si lointaine, chaque nouveau film de Kitano était attendu avec une ferveur non feinte. C’était certes au 20ème siècle, dans la foulée de la sortie de Hana-bi quand ses premiers films sortaient en salles. Et puis depuis l’échec de Takeshi’s auprès du public et l’indifférence de la presse française qui ne comprenait pas le film (décevant certes) qui espérait probablement un Kitano classique, une redite de Sonatine par exemple. Alors, j’ai mis un an avant de pouvoir Glory to the filmmaker !. Rien que ça.
C’est justement le thème de son avant-dernier film autobiographique sur la sécheresse de son inspiration. Depuis, il a tourné Achilles and the tortoise qui n’est pas prévu pour les écrans français. Est-ce déjà la fin de carrière du cinéaste qui n’existe plus pour les spectateurs et la presse (essayez de trouver un commentaire sur le film dans les comptes rendus du festival de Venise 2008). Pourtant un auteur brillant qui remet en question son art au bout de vingt ans de réalisation. Quand Godard le fait – de manière sinistre – tout le monde trouve cela poétique, quand c’est Kitano, personne ne s’y intéresse.
Dans Glory to the filmmaker !, Kitano sonde les tréfonds de son cerveau et cherche à comprendre pourquoi il a perdu son inspiration. Il va passer un scanner et dans les parties de son cerveau on voit les caractéristiques de Ozu, Mizoguchi et Kurosawa apparaître. Ça n’est pas vraiment lui, mais son double en mannequin du style crash-test. Les trois piliers du cinéma japonais sont là, toujours dans la tête de Kitano, mais aussi des critiques dès qu’il s’agit de parler de cinéma japonais. Rien ni personne ne semble pouvoir les remplacer. Kitano vise les critiques français qui l’ont porté après Hana-bi et qui devant l’incompréhension l’ont abandonné.
Kitano montre en images ce que l’on attend de lui, un énième film de gangsters avec les habituels gunfights, les mêmes dialogues entre yakuzas, les giclées de sang similaires aux chefs d’œuvre qu’il a fait au milieu des années 1990. Certains voudraient qu’il refasse encore la même chose, le même film au nom d’une politique des auteurs démagogique et fallacieuse. Et si Kitano faisait une parodie de Ozu. L’histoire, en noir et blanc, d’un vieux à la retraite qui va boire dans un bar du saké servi par une femme en costumes traditionnels et qui sourit tout le temps. Non, ça ne marche pas et Kitano le sait.
Il essaie encore quelques films de genre, le mélodrame (mais pourquoi se serait toujours la femme qui attend l’homme ?), le film d’horreur (mais pourquoi une jeune femme habillée en écolière et une autre en maillot de bains s’incrustent dans le plan ? ou encore pourquoi ne pas aussi montrer les scènes ratées où l’acteur se prend les portes ?), ou un chambara (tout serait coordonné avec des effets spéciaux à la Kitamura, beurk). Et pourquoi pas non plus un film des années 1950 qui parlerait de son enfance et des amis et de sa pauvreté et de ses parents, où lui-même jouerait le rôle du père qui bat et viole sa femme. Là, le film commence à toucher du doigt l’ambition de Kitano, parler de lui.
Les enfants reproduisent les matchs de catch de cette époque et Kitano nous propulse aujourd’hui dans la deuxième partie du film. Nous sommes dans un restaurant où une mère et sa fille veulent mettre un cafard dans le bol de nouilles. Mais d’autres clients ont déjà eu cette idée. Les acteurs sont des catcheurs et vont se battre dans une séquence très drôle. Et c’est parti pour une deuxième partie des plus délirantes. On suit les deux femmes qui ont des comportements enfantins. La mère a un sac à dos en forme de girafe, la fille a un canard en peluche dans son énorme sac à main qu’elle fait parler en ventriloque.
Elle rencontre Kitano qui se transforme en mannequin crash test chaque fois qu’il est troublé ou peureux ou honteux, c'est-à-dire assez souvent. Et d’autres personnages farfelus arrivent qu’il vaut mieux découvrir en vrai en regardant le film. Mais ce délire est toujours aussi contrôlé par le cinéaste. La musique de Joe Hisaishi s’adapte aux situations. La mise en scène de Kitano est toujours aussi précise dans ses hors champs, dans les champs – contrechamps qui rendent les situations drolatiques – on y rit beaucoup. Il fait exactement ce qu’il veut de sa mise en scène et c’est cela le plus important.
Glory to the filmmaker ! (監督·ばんざい!,, Japon, 2007) Un film de Takeshi Kitano avec Beat Takeshi, Susumu Terajima, Yuki Uchida, Anne Suzuki, Ren Osugi, Kayoko Kishimoto.
D'autres photos du film sur mon autre blog : Comparativista!
2 commentaires:
"Il fait exactement ce qu’il veut de sa mise en scène et c’est cela le plus important."
J'adore ça chez lui. Il emmerde tout le monde. Il filme ses potes et ce qui lui plait Et il se moque de tout. La mode est peut-être passée en France. Fallait qu'il reste dans les films de yakuzas...
Bisettes d'Osaka.
Seb.
Pas vu Achille, j'espère qu'il y a des subs sur le dvd jap...
avez vous lu son autobiographie " asakusa kid ? livre tres drole, on y percoit tres bien comment sa jeunesse a imprégné son cinema : les histoires de triade, le burlesque etc ...je ne sais pas si le livre est encore édité mais c'est vraiment a lire
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