Takeshi Kitano a de la suite dans les idées. Personne ne va voir ses films en salles au Japon pas plus qu’en France, mais il continue de faire des films sans se soucier le moins du monde de ce que l’on pourrait en penser. Il les finance sans doute avec ses émissions de télé en tant que Patrick Sébastien local. On nous dit qu’il est une grande vedette là-bas. On le croit sur parole. En tout cas, au cinéma, il poursuit son œuvre introspective sur l’art en général, et sur l’échec surtout de l’artiste.
L’art cette fois n’est plus le cinéma comme dans Takeshi’s et Glory to the filmmaker ! mais la peinture qui un autre lieu artistique dans lequel Kitano a pas mal œuvré. Quand je dis pas mal, c’est que je me rappelle les toiles que l’on pouvait voir dans Hana-bi par exemple. Achille et la tortue est la triste histoire d’un enfant, puis d’un adolescent et enfin d’un quinquagénaire qui n’arrivera jamais à vivre de son art. Tous lui conseilleront d’arrêter la peinture pour de bonnes ou de mauvaises raisons.
Quelques décennies plus tôt, un riche homme et deux de ses amis accompagnés de deux geishas fardées. Ils vont boire un verre au domicile et commence à parler de son jeune fils Machisu qui passe son temps à peindre. Il ne dit pas grand-chose et d’une extrême politesse. Un des amis du père lui offre son béret. Mais son père meurt laissant sa femme sans le sou. Il avait fait faillite dans une entreprise de vers à soie. La femme part avec Machisu chez l’oncle bourru qui refuse de s’occuper du gamin. Machisu a du mal à s’intégrer à l’école comme à la campagne et se lie avec l’idiot du village qui dessine les paysages.
Machisu continue de dessiner avec n’importe quel matériel et produit des œuvres empreintes de naïveté et de couleurs. La mère se suicide, l’idiot du village se fait écraser par un car et Machisu est viré de la maison de son oncle. On le retrouve en adolescent toujours avec son béret. Il a un petit boulot de livreur de journaux mais ne fait pas la distribution. Il s’arrête en route pour dessiner ce qui provoque la colère des clients et de son patron. Il commence à tomber amoureux d’une de ses jeunes collègues mais sa timidité l’empêche d’aller bien loin dans sa relation. Régulièrement, il va voir un marchand d’art qui lui déclare sans ambages qu’il n’a pas de talent et qu’il devrait étudier.
Machisu va étudier l’art et l’académie. Il va, encore une fois, tenter de créer son propre style à partir des livres d’art qu’il lit. Puis finalement, il va s’inscrire dans une école et avec ses camarades va s’amuser à faire un peu n’importe quoi avec de la peinture. Mais un accident artistique va tuer un étudiant. Puis le découragement va emporter dans le suicide un autre. Finalement, Machisu va se marier et avoir un enfant, il va continuer de travailler et continuer de peindre. Pour l’anecdote, on voit dans la première scène où Machisu jeune adule apparaît une peinture du cinéma évoqué dans le sketch de Kitano dans Chacun son cinéma.
Mais rien ne change. La fille grandit et a honte de son père. Machisu est maintenant joué par Beat Kitano et le marchand d’art ne veut toujours pas acheter la moindre toile. Tout manque d’originalité selon lui. Machisu va tout essayer pour se démarquer et inventer son art. Fracasser la toile avec un marteau piqueur, boxer sa femme avec des gants trempés dans la peinture, rependre de la peinture avec un vélo et faire des toiles politiques sur l’Afrique. Plus il persévère, plus il semble s’enfoncer dans la folie de ne pas se reconnaitre comme un artiste raté.
Achille et la tortue est au mieux un film d’une grande mélancolie au pire un constat déprimant sur l’échec artistique. Kitano commence son film en montrant que les couleurs des toiles dans l’univers grisâtre peuvent être une voie vers la liberté. Mais les couleurs envahissent progressivement tout dans la vie de Muchiso et l’emprisonne dans une vaine utopie. Il ne prend plus en compte l’avis de quiconque et va tuer sa vie sociale par ses actes désespérés pour réussir à se faire remarquer. Cette folie morbide – tout le film est traversé de morts – est similaire à celle de l’idiot du village. Certes, on se marre devant les essais artistiques de Beat Kitano, mais on rit jaune puis on serre les dents et enfin on est horrifiés par tant de cruauté. Cette horreur est constamment maitrisée, et comment. Le film est un bréviaire de la folie et encore une fois, Takeshi Kitano nous affirme qu’il ne faut pas suivre l’avis des critiques.
Achille et la tortue (Achilles and the tortoise, アキレスと亀, Japon, 2008) Un film de Takeshi Kitano avec Reikô Yoshioka, Ren Ôsugi, Aya Enjôji, Mariko Tsutsui, Akira Nakao, Yûrei Yanagi, Kumiko Aso, Takeshi Kitano, Kanako Higuchi, Eri Tokunaga, Nao Omori
D'autres photos du film sur mon autre blog : Comparativista!
1 commentaire:
exact son personnage de BEAT takeshi à la télé à vraiment la côte la bas...
pour voir le genre d'emission, taper takeshi's castle.....nanardesque...
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