Il n’est pas aisé de juger Un père à Pékin quand on sait que ce film est officiellement approuvé par les autorités de Pékin. A quel niveau la censure a pu s’exercer, si elle s’est exercée ? D’une certaine manière, est-ce que Pékin en produisant ces films sociaux, mais fédérateurs, ne veut-elle pas court-circuiter les velléités des cinéastes indépendants. Il faudrait être sacrément naïf pour croire qu’un discours contestataire puisse s’exprimer dans le cinéma chinois aujourd’hui.
Pour toutes ces raisons, le portrait de la famille recomposée que propose Un père à Pékin semble tout droit sorti d’une vision univoque : la solidarité est bénéfique à tout le monde. L’alcoolisme nuit à l’équilibre. L’éducation est bénéfique. La violence, c’est mal, entre autres idées qui sont sous jacentes au scénario d’Un père à Pékin. Tout cela compose un film édifiant, mais qui se pare des vertus d’une description minutieuse et sans concession des classes laborieuses chinoises.
Soit Lao Dou, gardien de parking à Pékin qui vit chichement dans un petit appartement. Petit, rondouillard et un peu timide, il vit avec son fils, Xiaoyu, grand benêt qui fait une tête de plus que lui. Encore lycéen, Xiaoyu est un cancre sur lequel s’attarde Madame Zhao, sa professeur. Elle-même a perdu son fils, victime de l’industrialisation à outrance. Xiaoyu devient un fils de substitution. Xiaoyu aide régulièrement la nouvelle compagne de son père, la jeune et jolie Song, à livrer des fleurs. Car Lao Dou et Song ont ouvert une boutique de fleurs. Intervient alors dans l’action Luisan, époux légitime de Song qui vient de sortir de prison. L’intention de Luisan est claire : reprendre son rôle de mari. Alcoolique et violent, il va contrecarrer le projet de mariage de Lao Dou et Song. Luisan refuse tout simplement de divorcer et va menacer physiquement Lao Dou avant de franchement lui casser la gueule. C’est le fils qui va prendre en charge l’élimination physique de Luisan. Mais le père s’accusera du crime.
D’autres malheurs et avanies vont tomber sur la tête des personnages du film. Un vrai mélodrame comme au bon vieux temps. Il est un moment où l’on se dit qu’on avait pas vu une telle avalanche de coups du sort depuis certains films de Ken Loach (Ladybird) ou de Guédiguian (A la place du cœur). Le cinéma chinois est à la remorque d’un réalisme européen qui critique l’action des autorités. Seulement voilà, Un père à Pékin, lui se contente de juger ses personnages pour les actes qu’ils commettent, en les détachant du contexte. Pourquoi l’ancien mari était-il en prison ? Seulement parce qu’il est violent ? Pourquoi est-il violent ? Le fils de Madame Zhao semble mort à la tache, mais on se collecte pour les victimes. Chinois, encore une effort pour être communistes ! Comme dans L’Enfant, des frères Dardenne, le film se termine par la case prison. Est-ce désormais le lieu unique pour retrouver une virginité morale ?
Ces considérations étant, Un père à Pékin se regarde tout à fait. La mise en scène de An Zhanjun est sobre. Les interprètes sont convaincants. La lumière de Jiang Xiujia est un peu sombre, illustrant le propos du scénario de Zhan Ting. Mais il flotte dans cet ensemble comme un sentiment de déjà-vu qui nuit à l’adhésion à laquelle le film aspire. On ne peut que le regretter.
Un père à Pékin (The Parking attendent in July, 看车人的七月, Chine, 2004) Un film de An Zhanjun avec Fan Wei, Zhao Jun, Chen Xiaoyi, Chen Xing, Feng Guoqing, Liu Wei, Lu Zhong, Zhang Weixun.
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