mardi 26 juillet 2011

The Murderer


Coup sur coup, il est sorti en France (comme en Corée d’ailleurs) J’ai rencontré le diable et The Murderer et il est très facile de les comparer. Durée similaire, effets sanguinaires garantis, poursuite acharnée entre deux hommes. Et de toute façon, comment ne pas comparer deux films coréens de cette nouvelle génération puisqu’il n’en sort que très peu. Seulement voilà, les deux films ne se ressemblent pas franchement. The Murderer commence dans une petite bourgade en Chine où les habitants sont d’expression coréenne. Gu-nam (Ha Jeong-woo) s’exprime en voix off. On ne va plus le lâcher pendant une heure.

Il dépense tout son argent au mahjong. Et il se fait chaque jour plumer. Il est chauffeur de taxi ce qui consiste dans ce lieu à aider les gens à porter leurs courses. Sa femme est partie travailler en Corée et leur petite fille est gardée par la mère de Gu-nam. Bref, il ne vit pas, il survit. Le style de Na Hong-jin n’a pas changé depuis The Chaser, caméra souple portée à l’épaule, montage vif voire saccadé. C’est ce qu’il raconte qui est à l’opposé de son précédent film. Il plonge le spectateur au cœur de son récit, suit son personnage de manière intense qui sera de tous les plans. On se croirait dans un film des frères Dardenne.

L’obsession de notre héros loser est de gagner de l’argent pour aller en Corée chercher sa femme. Myeon (Kim Yoon-seok) lui propose un marché. Il sera acheminé clandestinement à Séoul où il devra abattre un homme. Là-bas, on lui donnera des renseignements sur où se trouve sa femme. Il accepte. On le balade d’indices pourris en pistes épuisées, sa femme n’est nulle part où il se rend. Le soir, il surveille sa future victime, dans le froid glacial de l’hiver. Il pense beaucoup à ce qui a pu arriver à sa femme. Il imagine que le meurtre va se dérouler facilement un coup de couteau dans le ventre, il tranche un doigt en guise de preuve et à lui le bonheur. Rien ne va se passer comme prévu.

Cette première heure est haletante et bien mise en scène. Les deux éléments familiaux et criminels sont liés pour donner un suspense éprouvant. On apprend que homme à tuer est cocu, son épouse couche avec Kim (Jo Seong-ha), un mafieux local, qui a commandité le meurtre. Mais son homme de main a aussi prévu de le tuer. Dans la plus grande confusion, Gu-nam regarde l’homme se faire tuer et fonce dans le tas. La police arrive. Tout cela se termine par une course poursuite nocturne dans les rues désertes de Séoul. Gu-nam est devenu un homme aux abois, il va devoir se cacher. The Murderer est alors un film jouissif d’une manière très perverse. On se prend de sympathie pour Gu-nam pris dans l’étau entre la mafia qui l’a piégée et la police qui le traque.

Il aurait été formidable que le film continue de cette manière, que Na Hong-jin mette en scène son final avec la même intensité. Il n’en sera rien. Il reste encore 90 minutes. Gu-nam va passer de cachette en cachette mais le film le suit moins. Les personnages de Kim et Myeon prennent le relai du point de vue narratif. Le problème est double dans cette longue et deuxième partie. D’abord, les motivations (l’adultère) des méchants sont minces et forcent le scénario. Ensuite, The Murderer retombe dans le gore le plus commun. Et que je te plante mon couteau acéré dans le bide, et que je t’écrase la tête avec mon marteau, et que je t’aplatis la jambe avec ma bagnole. La portée sociale des déclassés du miracle économique s’évapore au profit d’un polar commun. Puisqu’il s’agit de cela en fin de compte, de ces gens prêts à toucher un peu d’argent pour s’en sortir. J’espère sincèrement que pour son prochain film, Na Hong-jin ne cédera pas à cette tentation.

The Murderer (Yellow sea, 황해, Corée, 2010) Un film de Na Hong-jin avec Ha Jeong-woo, Kim Yoon-seok, Jo Seong-ha, Lee Cheol-min, Kwak Byeong-gyoo, Lim Ye-won.

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