Malgré leur différence d’âge, Law Kar-sing (George Lam) et Sonny (Jordan Chan) sont en couple depuis huit ans. Sing a 46 ans (le titre chinois du film signifie « être gay à 40 ans ») et son petit ami tout juste trente ans. Ils habitent ensemble et Sonny tient le salon de coiffure qu’ils ont acheté. Personne ne sait qu’ils sortent ensemble, personne ne sait même que Sing est homo. Il l’a toujours caché à sa famille, à ses amis et à son travail (il est conseiller conjugal). Jusqu’à présent, tout allait bien, mais A queer story commence quand ils se sont séparés. Sing est en smoking et s’apprête à se marier.
Face caméra, les deux amants s’expliquent, à la manière d’une confession. Sonny commence, entouré de ses peluches, avec ses manières légèrement féminines. Il raconte qu’il aime les hommes plus âgés et qu’il apprécie la moustache de Sing. Il l’appelle Moustachio. Il est fidèle mais se fait draguer au salon par Carl (Alfred Cheung) qui lui offre des cadeaux et lui promet de faire de lui une star de la cantopop. Sing n’en croit rien, les chanteurs de cette génération sont des ados (et George Lam en sait quelque chose, lui qui a été l’un des chanteurs les plus populaires de Hong Kong avant l’arrivée massive de ces jeunes vedettes). Carl laissera tomber Sonny quand il comprend qu’il ne pourra pas coucher avec lui.
Autant Sonny est ouvertement gay, autant Sing ne dit rien. Son amie d’enfance Chuen (Christine Ng) attend qu’il lui dise qu’il est homo. Il ne le fera jamais, mais un jour, après une dispute avec Sonny, il va la demander en mariage. Il se sent désormais seul et sa vieille amie s’appétait à émigrer au Canada (le film a été tourné quelques mois avant la rétrocession). De la même manière, Sing doit conseiller une épouse qui est trompé par son mari qui a trouvé un amant de Chine populaire. Il aimerait pouvoir prendre parti quand les insultes fusent à l’égard du mari homo, mais il n’y arrive pas, il se cache, il vit dans un déni de sa sexualité. Sur ce plan, le film prend parti et clame tout haut qu’il faut vivre comme on est. Les personnalités si opposées entre Sing et Sonny sont exemplaires pour montrer le fossé entre les générations.
De nombreux sujets sont brassé, peut-être trop, comme s’il fallait enfin faire un film sur les homos de Hong Kong sans tomber dans le dolorisme souvent présent. Le film se différencie de ce point de vue des amours contrariées vues dans de nombreux films ou du travestissement sans finesse de He’s a woman she’s a man, et je ne parle pas du comique scabreux si présent dans le cinéma de Hong Kong Le film évoque surtout le rejet des homos par leur famille (l’une des raisons données par Sing pour ne pas en parler). On le voit encore plus clairement avec le personnage de l’amie de Sing, mère de famille dont le fils la rejette. Plus encore avec l’histoire de KK (Francis Ng) dont le compagnon meurt du SIDA. Sa belle famille refuse qu’il assiste aux funérailles.
A queer story se présente donc comme un film juste et convaincant. Il parvient à émouvoir dans deux belles scènes. La première est celle des funérailles où KK, poussé par un Sonny en colère contre le refus de la famille et l’absence de réaction de Sing, verse une larme en silence. La deuxième est celle où le père de Sing entend enfin ce que son fils a à lui dire et qu’il esquisse un sourire dans le taxi qui le ramène. Ces moments émouvants arrivent après certains moments comiques qui sont surtout dus au personnage de Sonny, jeune chien fou au milieu des conventions et qui les brise les unes après les autres. C’est à l’image de ce film qui a ouvert la voie à une vision plus réaliste des homos et lesbiennes de Hong Kong. Il faut cependant signaler qu'aucun bisou ne sera échangé entre les deux hommes. Il faudra attendre Happy together pour ça.
A queer story (基佬40, Hong Kong, 1996) Un film de Shu Kei avec George Lam, Jordan Chan, Christine Ng, Meg Lam, Francis Ng, Fredric Mao, Siu Chung-kwan, Shu Qi, Kristy Yeung, Alfred Cheung.
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