dimanche 30 octobre 2011
The Suspect
jeudi 27 octobre 2011
Sorties à Hong Kong (octobre 2011)
Hong Kong ghost stories (猛鬼愛情故事, Hong Kong, 2011)
Un film de Wong Jing et Patrick Kong avec Chrissie Chau, Law Chung-him, Timmy Hung, Charmaine Fong, Jeana Ho, Stephy Tang, Jennifer Tse, Pau Hei-ching, Leung Kar-yan, Crystal Tin, Carol Yeung, Jacqueline Chong, Harriet Yeung. 97 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie à Hong Kong : 27 octobre 2011.
mercredi 26 octobre 2011
Full alert
Regarder à quelques heures de distance Full contact puis Full alert est un exercice très amusant. J’avais déjà vu ce film de Ringo Lam tourné en plein rétrocession de la colonie britannique à la Chine, mais je n’en gardais pas beaucoup de souvenirs. Autant Full contact est totalement irréaliste, dans un monde qui n’existe qu’au cinéma, autant Full alert se confronte à un certain réalisme et pour le coup à l’Histoire de Hong Kong. Ce qui reste entre les deux films, c’est un personnage qui ira jusqu’au bout de la mission qu’il s’est donné. Cette fois, c’est un policier, Pao (Lau Ching-wan) qui tente d’empêcher un cambriolage.
L’homme qui veut faire un braquage, on le connait dès le début. Mak Kwan (Francis Ng) se fait arrêter assez vite et Pao l’interroge. Un homme a été retrouvé noyé dans sa baignoire, c’est un architecte. Un plan de coffre fort est retrouvé chez Mak Kwan. Le lien est vite fait mais le suspect ne dit rien. Ils tirent les vers du nez de la copine de Mak Kwan mais Chung Lai-hung (Amanda Lee), malgré les menaces de complicité ne dira rien. Il faudra la relâcher tandis que Kwan est amené en prison d’où il parviendra à s’échapper grâce à quelques complices.
Kwan s’est entouré de malfrats taïwanais menés par Ping (Jack Kao) dont les méthodes sont très expéditives. A vrai dire, son intention est de garder le magot du coffre fort pour lui tout seul. Il n’hésite pas à éliminer son comparse qui pourrait être reconnu par les flics et un autre qui proteste parce qu’il a tué le premier. Ping est le bras du braquage et Kwan en est le cerveau. Le premier est nerveux et violent, le deuxième est calme et loyal. Son unique ambition est de quitter le pays avec suffisamment d’argent en poche pour mener une vie tranquille. Soit l’ambition de beaucoup de hongkongais à l’approche de la rétrocession.
Face à eux, l’équipe de Pao fait ce qu’elle peut. Elle a toujours un coup de retard sur les malfrats. Ils parviennent à éviter que Ping ne délivre Kwan dans son transfert. Cette séquence de course poursuite dans le trafic de Hong Kong est l’un des moments les plus réussis. Il est plus réaliste car filmé de jour, sur une autoroute encombrée, chose qui arrive rarement dans le cinéma de Hong Kong où la plupart des courses poursuite en voiture sont tournées sur le même tronçon d’autoroute libérée du trafic pour l’occasion. On la reconnait dans tous les films. Ce surcroit de réalisme apporte un caractère d’authenticité à Full alert, tout comme le son direct qui commençait à l’époque à se développer.
Pao devient de plus en plus nerveux. L’enquête avance mais très lentement. Chacun semble lui mettre des bâtons dans les roues. Il accuse Biu (Chin Kar-lok) de ne penser plus qu’à parier aux courses de chevaux qu’à suivre les suspects. Il tire en pleine rue dans une poursuite avec Kwan et blesse un motocycliste. Il engueule les employés de l’hippodrome qui ont du mal à coopérer. Il perd son sang froid mais continue jusqu’au bout, comme lorsqu’il cherche son flingue jeté dans une poubelle par Kwan. Il fouille, jette les détritus par terre, s’y enfonce presque, glisse et ressort dégueulasse mais à nouveau entier. Les performances des deux acteurs sont exceptionnelles.
Pao file sa déprime à tous les personnages et à tout le film. Les femmes, elles-mêmes, ne peuvent plus aider leurs maris à remonter la pente. L’épouse de Pao (Monica Chan) est terrorisée par Kwan et la femme de Kwan est surveillée par Pao. Elles subissent plus qu’elles n’agissent et, pourtant, elles ont essayé d’influencer les destins, qui, inexorablement, vont s’accomplir malgré elles.
Full alert (高度戒備, Hong Kong, 1997) Un film de Ringo Lam avec Lau Ching-wan, Francis Ng, Jack Kao, Amanda Lee, Monica Chan, Raymond Tso, Chin kar-lok, Emily Kwan, Lee Siu-kei, Peter Yung,
mardi 25 octobre 2011
Full contact
Ce qui frappe dès le début de Full contact, c’est sa vulgarité. Mais le dit l’expression critique facile « c’est voulu ». Oui, Ringo Lam a choisi de montrer des personnages bêtes et méchants habillés dans des couleurs qui ne s’accordent, il a choisi de les filmer en grand angle et en gros plan, il a choisi de les rendre totalement amoraux et inconséquents. Et d’une certaine manière, Full contact rappelle les premiers films de Wai Ka-fai conçus quelques années plus tard pour la Milkyway (Too many ways to be N°1 est le prototype parfait).
D’ailleurs, Ringo Lam présente d’abord les affreux du film, la bande de cambrioleurs de Judge (Simon Yam), un homo tellement raffiné qu’il en est kitsch. Son mignon lui fait les ongles, le peigne, l’habille avec des tenues extravagantes. Chemises à jabot vertes ou violettes, des vestes improbables. Sa petite mèche sur le front, son regard narquois et ses pauses féminines en font pourtant un redoutable salaud qui n’hésite jamais à flinguer n’importe qui à la moindre occasion. Il est accompagné d’un couple, Ngang (Bonnie Fu) et Psycho (Frankie Chan). Lui est le costaud bagarreur, elle est l’hystérique nymphomane de service qui montre sa culotte à tout vent. Une fine équipe.
Sam Sei (Anthony Wong, constamment dans le sur-jeu jouissif) n’arrive pas à payer ses dettes. Il fait appel à son vieil ami Gou Fei (Chow Yun-fat), un videur de boites de nuit à qui on ne la raconte pas. Lui aussi a le poing facile. Il sort avec une gentille fille Mona (Ann Bridgewater), le seul personnage calme de tout le film, le seul auquel on peut éventuellement s’identifier s’il elle n’était pas aussi manipulable. Bref, le scénario se lance et tient dans les phrases suivantes : Judge va faire un gros coup en Thaïlande avec sa bande, Gou Fei et Sam Sei. Mais Judge décide de tuer Gou Fei qui passe pour mort. Gou Fei va chercher à se venger.
La vengeance est un film qui se mange à grands coups de flingues pour Ringo Lam. Et il n’ira pas avec le dos de la cuillère. Le braquage en Thaïlande en faisant déjà beaucoup, Judge flingue sur une maison où Gou Fei s’était réfugié. Toute la famille y passe, puis quelques grenades font flamber le tout, Gou Fei parvient à sauver une la fille et le chiot. Guérir, panser ses blessures, recouvrir des forces, apprendre à nouveau à tirer malgré sa blessure à la main droite. Quelques doigts ont été arrachés et on pense forcément au sabreur manchot, Ringo Lam place son film dans la lignée de ces films où le héros solitaire va prendre sa revanche. Et la revanche, la vengeance sera sanglante, on s’en doute. Jusqu’à la toute fin, ça va crever dans la bidoche, ça va exploser les viscères, ça va juter de l’hémoglobine.
Ce que parvient à produire Full contact est pourtant remarquable. En décomplexant son film de toute morale telle qu’on l’entend communément (seuls Gou Fei et Mona en gardent encore quelques relents), Ringo Lam crée un monde qui n’a plus rien à voir avec la réalité. La noirceur du monde décrit est radicalement opposée aux couleurs criardes des vêtements, le rire crétin et aigu de Ngang contraste avec la voix doucereuse et hypocrite de Judge (qui passe son temps à admirer les yeux de Gou Fei), l’angoisse de Sam Sei détonne face au calme de Gou Fei, quelle que soit la situation. Ce monde sans douceur, tout en brutalité, n’est qu’un monde de cinéma dans toute sa cohérence, qui plus est illustré par la musique en riffs de guitare composée par Teddy Robin. On en sort épuisé et ravi de savoir que ce genre de film existe.
Full contact (俠盜高飛, Hong Kong, 1992) Un film de Ringo Lam avec Chow Yun-fat, Simon Yam, Anthony Wong, Ann Bridgewater, Bonnie Fu, Frankie Chan, Nam Yin, Victor Hon, Chris Lee, Chun Hung.
vendredi 21 octobre 2011
Arrest the restless
Hong Kong, 1966, le sergent chez Lam (Charles Heung) a été muté par son vieil meilleur ennemi, le sergent Ngan Tung (Paul Chun, qui reprend ici son rôle dans Lee Rock de policier corrompu et en collusion avec les puissants). Lam a été puni après une opération qui n’a pas très bien tourné et il est chargé de gérer la brigade de répression des délinquants juvéniles. Lam est un bon agent mais incorruptible. Chez lui, sa femme lui mène la vie dure. Parce qu’il ne se laisse pas corrompre, il n’amène chez lui que sa maigre paie, ce qui fait somme toute assez peu. Le couple vit dans un modeste appartement et ne participe guère à la vie mondaine, contrairement à Ngan Tung.
Qui sont ces jeunes délinquants ? Teddy (Leslie Cheung, il avait tout de même 36 ans) est le chef de bande charismatique et qui fait régner l’ordre dans la boite de nuit à la mode. Petits trafics de drogue, un peu de proxénétisme et de menus larcins. Teddy passe son temps à draguer les filles et a une attention toute particulière pour Siu Man (Vivian Chow, elle avait 25 ans). Teddy fait son coq devant tous ses amis pour séduire Siu Man, il montre qu’il est le plus fort, celui qui en impose le plus, celui qui fait tourner la boite. De plus, il est ami avec le chanteur du groupe de rock qui jour tous les soirs. Bref, il fait illusion et Siu Man, après un Coca et une baston, lui tombe dans les bras.
Teddy réussit à inviter Siu Man chez lui mais là, c’est une autre chanson. Il vit avec sa mère (Deannie Yip, qui a seulement dans la vraie vie neuf ans de plus que Leslie Cheung ; mais ça fonctionne bien malgré tout). C’est une femme totalement immature qui n’a jamais le sou. Elle passe son temps à jouer et à mettre au prêteur sur gages tout ce qu’elle voit trainer. Teddy voulait mettre de la musique, sa mère a vendu le poste de radio. Il doit s’occuper d’elle et l’argent qu’il a gagné de ses larcins va directement dans le porte-monnaie de cette mère indigne. C’est un personnage pitoyable mais il fournit les rares moments comiques du film.
Le tournant dramatique d’Arrest the restless commence avec l’arrivée de Sam Chow (Eddie Ng) qui est l’antithèse de Teddy. Sam Chow est un fils de riche, en l’occurrence son père est l’un des dignitaires de Hong Kong. Sam Chow se considère comme impuni et, avec sa bande, il sait que, quoi qu’il fasse, il ne sera jamais arrêté. De toute façon, pour les chefs de la police, le seul coupable sera encore et toujours Teddy. Sam Chow viole une jeune femme, mais Lam doit le libérer sous la pression du pouvoir. Puis, il tue une amie de Siu Man et défigure cette dernière. Là encore, la police accuse Teddy, pourtant innocent. Le sergent Lam va tout faire pour la vérité surgisse.
Tout comme Lee Rock sorti tout juste un an auparavant, Arrest the restless analyse la corruption qui régnait à cette époque dans la police de Hong Kong. C’est un film sur la lutte des classes qui démontre que l’injustice est du côté des nantis. Leslie Cheung, éternel adolescent avec son visage poupin, est excellent dans son rôle. En quelques regards, il parvient à montrer tout le désespoir d’une jeunesse sacrifiée. Le film n’est pas dépourvu de clichés. La bande à Sam Chow est très caricaturale, ils sont tous cruels, décérébrés et inconscients de leurs actes. Ils sont trop chargés, tout comme les édiles. Mais la mise en scène est très enlevée, la reconstitution des années 1960 crédible sans qu’elle soit trop appuyée.
Arrest the restless (藍江傳之反飛組風雲, Hong Kong, 1992) Un film de Lawrence Ah Mon avec Leslie Cheung, Charles Heung, Vivian Chow, Deannie Yip, Paul Chun, Eddie Ng, Guy Lai, Fruit Chan, Ricky Ho, Lam King-kong, Law Yiu-hung, Alex To.
jeudi 20 octobre 2011
Sorties à Hong Kong (octobre 2011)
lundi 17 octobre 2011
Lee Rock + Lee Rock II
En quatre heures et deux parties (chaque segment est sorti à un moi de distance en septembre et octobre 1991), Lee Rock retrace la vie de son personnage éponyme depuis 1949 (année où Mao Tsé-toung accède au pouvoir) et le milieu des années 1970. Lee Rock (Andy Lau) est un jeune flic en début de flic. On découvre sa formation (dix ans plus tard Infernal affairs montrera le même genre de scènes, les futurs flics qui s’entrainent en short blanc torse nu, comme si rien n’avait changé). Lee Rock sait à peine lire et écrire mais il est engagé. C’est un gars plutôt gentil. Il est amoureux de Rose, une jeune fille (Chingmy Yau), qui doit cacher sa liaison à ses parents.
Cet amour est fondamental pour la suite du récit. Rose va disparaitre du jour au lendemain. Un incendie détruit la plupart des maisons de misère du quartier dans lequel sa famille habite. Le film met le doigt sur la pauvreté du Hong Kong de cette fin des années 1940, sur les mauvaises conditions de vie et sur la répression par les forces coloniales de ceux qui voudraient aider cette population (la manifestation des communistes). Rose aurait brulé dans l’incendie, mais son corps n’a jamais été retrouvé (contrairement à ceux de ses parents), mais pour Lee Rock, c’est suffisant pour ne plus avoir autant d’espoir dans l’avenir.
Jusqu’à présent, il était honnête mais il va rentrer dans le système. Lors des rondes, il avait remarqué que ses collègues taxaient les commerçants du quartier pour qu’ils puissent conserver leur petit étal. Lee Rock refuse de prendre le moindre pot de vin, mieux il oblige Lardo (Ng Man-tat) le marchand de beignets à accepter son argent. Les deux hommes vont bientôt devenir proches et amis. Lardo défend Lee Rock un jour où il agressé par des membres des triades. Son autre allié sera l’Oncle (Kwan Hoi-san), le chef de police du district dans lequel il bosse. L’Oncle lui fera comprendre que tout n’est pas blanc ni noir mais que pour tenir un quartier aussi bigarré, il faut parfois savoir contourner la stricte loi.
Qui dit alliés, dit ennemis. Celui contre lequel il va devoir se battre pendant vingt ans est le chef de la police de Hong Kong. Non pas qu’au fur et à mesure que Lee Rock accepte les règles de corruption intrinsèques à tout flic, son chef cherche à supprimer les pots de vin, mais au contraire parce que Ngan Tung (Paul Chun) veut régner en maître absolu sur la colonie et tirer le plus d’argent possible. La lutte de pouvoir durera tout le film. Les coups bas, les tentatives d’intimidation, les dossiers compromettants, tout va y passer. Chacun aura son moment de gloire, chacun aura sa période de placard. Mais ce qui est intéressant dans les deux Lee Rock est le calme de la mise en scène dans cette bataille de pouvoir. Une mise en scène de velours pour des hommes de fer.
Et les femmes dans tout ça ? J’ai déjà parlé de Rose, disparue au milieu du premier film. Elle revient pour lancer le deuxième film. Elle est désormais maman d’un garçon de sept ans qui est le fils de Lee Rock. Des années plus tard, Yin, le fils, sera interprété par Aaron Kwok et deviendra l’un des officiers chargés de la lutte contre la corruption de la police. Il s’est engagé dans cette branche de la police par haine pour son père qui a abandonné sa mère. Lee Rock s’est marié, après un jeu du chat et de la souris comique, avec Grace (Cheung Man), la fille d’un chef des triades. Elle était très arrogante lors de leur première rencontre, elle deviendra une mère de famille exemplaire et une épouse aimante. Ce récit linéaire est admirablement tenu, comme l’était celui du Parrain de Hong Kong de Poon Man-kit sorti tout juste six mois auparavant et qui montre la corruption du côté des triades.
Lee Rock (五億探長雷洛傳(雷老虎), Hong Kong, 1991) Un film de Lawrence Ah Mon avec Andy Lau, Cheung Man, Chingmy Yau, Ng Man-tat, Paul Chun, Kwan Hoi-san, Michael Chan, Tam Sin-hung, James Tien, Jimmy Lung, Victor Hon, Lee Siu-kei, Eddy Ko, Wong Yat-fei, Jamie Luk.
Lee Rock II (五億探長雷洛傳II之父子情仇, Hong Kong, 1991) Un film de Lawrence Ah Mon avec Andy Lau, Cheung Man, Chingmy Yau, Aaron Kwok, Ng Man-tat, Paul Chun, Kwan Hoi-san, Michael Chan, James Tien, Victor Hon, Cheung Tat-ming, Hung Yan-yan.
vendredi 14 octobre 2011
The Hole
Il pleut, des trombes d’eau, il n’arrêtera pas de pleuvoir, le son de l’eau qui coule, entre ploc ploc des fuites au plafond et le ruissellement ininterrompu dans la cour de l’immeuble déserté en cette semaine de changement d’année. On va rentrer dans l’an 2000 avec son bug informatique mais surtout un virus qui se répand dans toute la ville. Tous les habitants ont fui leurs logements parce que le gouvernement va couper l’eau potable. Tous sauf deux, lui (Lee Kang-sheng) et elle (Yang Kuei-mei). Il habite au dessus de chez elle et ne se sont jamais rencontrés.
Il boit beaucoup, rentre chez lui saoul et vomit dans le trou creusé par le plombier pour réparer une fuite qui se répandait dans la salle de bains de la voisine du dessous. Il tient le dernier magasin ouvert dans la galerie, de temps en temps un vieux monsieur (Miao Tian, qui jouait le père dans La Rivière) vient acheter un produit. Le vendeur est à côté, en train de donner à manger au chat errant qui a élu domicile ici et qui semble être la seule raison pour laquelle le jeune homme reste dans l’immeuble.
Elle passe son temps à écouter les infos à la télé (pas très rassurantes les infos qui semblent annoncer une fin du monde très proche), elle fait pipi avec une bassine sur la tête pour ne pas recevoir les gouttes de fuite, elle déplace des centaines de rouleaux de papier hygiénique du débarras dans le couloir et, surtout, elle essaie de convaincre le voisin de faire enfin réparer ce trou qui les conduit à la promiscuité. D’un appartement à l’autre, c’est un échange continu. Le réveil de l’homme sonne, ça dérange la femme, elle tue des cafards au spray, l’odeur rentre chez lui.
Les deux appartements de The Hole n’en formeront bientôt qu’un seul. Et les deux derniers survivants (puisque Tsai Ming-liang les voit ainsi) vont sans doute former un couple. Le cinéaste reste assez elliptique sur ce sujet mais les chansons qui ponctuent le film semblent plus claires. Régulièrement, comme mouvement du récit, des chansons de Grace Chang prennent en charge les sentiments des personnages. Jolies chorégraphies dans les couloirs où des couleurs vives viennent illuminer un quotidien blême. Le procédé sera repris par Tsai Ming-liang dans La Saveur de la pastèque, amplifié même.
Les chansons sont pimpantes, Yang Kuei-mei chante en play-back, danse en robe de soirée avec trois jeunes femmes ou cinq danseurs en tuxedo. Lee Kang-sheng, en smoking blanc, tente, tant bien que mal, d’esquisser une danse, un tango. Il a toujours du mal à bouger son corps qui semble endolori à jamais. C’est tout à fait charmant alors que les chorégraphies sont fauchées, le play-back à la limite du foirage et que ça sent l’approximation. Mais quand c’est la fin du monde, on ne fait pas attention à cela. Qu’importe le flacon, pourvu qu’on ait l’ivresse.
The Hole (洞, Taïwan – France, 1998) Un film de Tsai Ming-liang avec Lee Kang-sheng, Yang Kuei-mei, Miao Tian.
jeudi 13 octobre 2011
Sorties à Hong Kong (octobre 2011)
mardi 11 octobre 2011
Wu xia
D’abord filmer le calme d’une journée de l’été 1917. Une vie tranquille dans un petit village isolé. Liu Jinxi (Donnie Yen) travaille dans une papeterie ; il est marié et a deux jeunes enfants. On découvre cette vie simple et de labeur, les techniques pour fabriquer le papier, la vie paysanne, sur un mode quasi documentaire. Yu (Tang Wei), la timide épouse prépare les repas, s’occupe des enfants. Tout le monde semble épanoui. Ça ne va pas durer bien longtemps, nous somme dans un film qui s’appelle Wu xia (sabre et épée) dont la star est Donnie Yen, le roi du film d’action. Ensuite filmer le chaos.
Les fauteurs de troubles sont deux hommes qui viennent braquer un commerce du village. Ils commandent du vin, plusieurs verres du vin local. Ils font la fine bouche et demandent l’argent de la caisse. Jinxi est justement dans le magasin, tapi derrière le comptoir, il attend que quelque chose se passe. Les deux malfrats vont taper sur le commerçant et son serveur, ils les menacent pour avoir l’argent qui ne doit pas couler à flots. Jinxi intervient, un peu mollement, il s’agrippe à l’un des marauds et ne le lâche plus. Sa méthode marche tant et si bien qu’il parvient à les battre. L’un d’eux se cogne la tête contre un meuble, auparavant il aura, dans sa maladresse, coupé l’oreille de son comparse, ce dernier recevra un sale coup de poing sur cette oreille et se noiera dans la rivière.
L’enquête sera menée par le détective Xu Baiju (Takeshi Kaneshiro), homme lettré, vêtu de blanc, portant chapeau et lunettes cerclées. En cela, il s’oppose d’abord physiquement à Jinxi qui est tout en habits noirs et n’a qu’une éducation primaire. Les deux hommes contrastent également dans leur comportement, Baiju est constamment fébrile dans ses investigations. C’est d’ailleurs l’un des moments les plus divertissants du film. Le limier recompose tout le combat entre Jinxi et les deux malfrats, il refait par rapport au récit et à ce que l’on a vu auparavant, ce qui a réellement pu se dérouler. On revoir donc entièrement l’action, avec Baiju qui entre dans le champ, qui corrige la mise en scène initiale. Tout cela est à la fois très sophistiqué (et évoque l’idée hitchcokienne du point de vue) et jouissif.
En recréant ce qui a pu se passer, en analysant la scène du crime et donc en devenant metteur en scène, Baiju estime que Jinxi n’est pas le simple bon père de famille qu’il affirme être. Il est persuadé qu’il est Tang Long, le fils du chef des 72 Démons, c'est-à-dire un groupe d’hommes qui s’est mis hors la loi et dirigé par l’impitoyable Grand Maitre (Jimmy Wang Yu). Wu Xia est donc l’histoire d’un homme qui voulait refaire sa vie et qui rencontre un homme qui veut lui faire payer son passé criminel. Ça rappelle bien entendu A history of violence mais avec un supplément de karma, de destin et de fatalité. Ce qui pousse Baiju à révéler en Jinxi le monstre qu’il était n’est pas tant sa soif de justice aveugle qu’à exorciser ses propres démons, son propre passé et la mort qu’il doit combattre tous les jours.
A trop vouloir que la vérité soit annoncée, Baiju va transformer ce village paisible en enfer sur terre. Le père de Jinxi veut aussi que le destin s’accomplisse. Jimmy Wang Yu pour son grand retour s’offre un combat face à Donnie Yen, en hommage au mythe du sabreur manchot. Wu xia comporte peu de scène d’arts martiaux. Au centre du film, Donnie Yen, mains nues, affrontera Kara Hui armée de deux poignards. Les trois combats (le premier étant celui dans le magasin en début de film) sont mis en scène avec précision par Donnie Yen sur une musique rock dominée par des riffs de guitare électrique. Ils offrent un bon contrepoint à la psychologie appuyée de Peter Chan qui donne l’un des meilleurs films de Hong Kong de l’année et peut-être son meilleur film tout simplement.
Wu Xia (武術, Hong Kong – Chine, 2011) Un film de Peter Chan Ho-sun avec Donnie Yen, Takeshi Kaneshiro, Tang Wei, Zheng Wei, Li Jiamin, Jimmy Wang Yu, Ethan Ruan, Kara Hui, Chun Hyn, Jiang Wu, Li Xiao-ran, Wan To-shing.
dimanche 9 octobre 2011
Les Rebelles du Dieu Néon
Dès le premier film de Tsai Ming-liang, on retrouvait cette eau si envahissante, ce rythme si lent, ces plans séquences pris avec une caméra fixe de l’autre bout de la pièce, cette absence de dialogues ; bref, tout ce que l’on connait du style du cinéaste taïwanais. Les Rebelles du Dieu Néon est essentiellement filmé de nuit, avec cette luminosité qui donne une étrangeté à la ville. La solitude du jeune Xiao Kang (Lee Kang-sheng) est au centre du film. Il est lycéen, mais n’en a rien à foutre de ses études. Il vit chez ses parents (Miao Tian et Lu Yi-ching, trio familial que l’on retrouvera dans les films suivants) mais ne s’entend pas avec eux.
Xiao Bang passe ses journées à jouer et rentre la nuit tombée chez lui. Il dépense l’argent récupéré de son inscription à la boite à bac. Il se promène en scooter et son véhicule sera mis en fourrière pendant une de ses journées d’oisiveté. Il va devoir marcher, il va croiser son père chauffeur de taxi, son père lui propose d’aller au cinéma, il ne répond même pas. Rien de passionnant dans cette vie. Tous ces micro-événements composent un personnage velléitaire, passif et ennuyeux. Jusqu’au jour où Che (Jerry Chan) pète le rétroviseur du taxi du père alors qu’il passe en moto à côté d’eux. Xiao Bang a trouvé une raison de vivre : rencontrer Che et devenir son ami.
Ce qui se passe vraiment dans la tête de Xiao Bang, on ne le saura jamais vraiment. Est-il tombé amoureux de lui ou veut-il juste un modèle d’homme ? Xiao Bang va se faire stalker, il va parvenir à retrouver Che. On avait déjà rencontré ce jeune homme dès le début du film, avec son pote (ou son frère) Ping (Ren Chang-bin) qui désossait une cabine téléphonique pour en récupérer la monnaie. Ils draguent la même fille Kuei (Wong Yue-man) qui bosse dans une patinoire. Ils passent leur temps ensemble, ils flânent, les garçons essaient de coucher avec elle, chacun à leur tour. Ils volent, de nuit, des plaques de jeux vidéos pour les revendre mais se font prendre, ils se font tabasser par le propriétaire qui s’est fait voler.
C’est finalement la frustration qui guidera Xiao Bang. Quand il voit Che draguer Kuei, il va les suivre et déchiqueter la moto de Che, casser la garde boue, tagguer AIDS à la bombe. Sous une pluie battante, il rentre chez ses parents qui le virent. Il loue une chambre d’hôtel en face de l’appartement de Che. Il pourrait observer l’objet de son attraction et il pense qu’il pourra le consoler de cette agression sur sa moto, comme si de rien n’était. Toute cette violence des sentiments, cette frustration sexuelle, cette solitude du quotidien est pourtant filmée avec une grande douceur. Parfois, une musique basique (clavier et basse sourde) accompagne les errements des personnages (la musique sera très rare dans ses films suivants). Tsai Ming-liang rend cette tristesse infiniment belle et c’est bien cela le plus troublant.
Les Rebelles du Dieu Néon (Rebels of the Neon God, 青少年哪吒, Taïwan, 1992) Un film de Tsai Ming-liang avec Lee Kang-sheng, Jerry Chan, Wong Yue-man, Ren Chang-bin, Miao Tian, Lu Yi-ching, Lu Hsiao-lin.
vendredi 7 octobre 2011
Miss Kicki
De temps en temps, une co-production internationale entre un pays européen et Taïwan donne un film. Ça devient de plus en plus rare, mais pour le jeune cinéaste Håkon Liu, cela semble une évidence. Mère suédoise, père taïwanais, il a vécu une bonne partie de sa vie à Taipei, mais je me garderai bien de dire que Miss Kicki est autobiographique. Le film suit à la trace une mère suédoise (Pernilla August), un peu paumée, solitaire et son fils Viktor (Ludwig Palmell), timide et qui a été élevé par sa grand-mère. Le soir de son anniversaire, fêté sinistrement, elle lui propose de l’accompagner à Taipei.
Ils ne se connaissent pas vraiment et ne savent pas quoi se dire. La mère Kicki est venue à Taiwan pour tenter de rencontrer Chang (Eric Tsang) avec qui elle a une « liaison » par skype. Ils ne se sont jamais vus compte tenu de la distance et cette idée de venir le voir, un peu folle, impulsive et irrationnelle, Micki n’en a jamais parlé à Chang. Elle ne l’a même pas avoué à son fils. La mère va aller dans les bureaux pour le voir ; elle ne se montrera pas. Pendant ce temps, Viktor se promène dans la ville, armé d’un plan, mais se perd dans un quartier pauvre. Didi (Huang He River), un jeune gars, a priori délinquant (il change de scooter tous les jours) et orphelin.
Les deux jeunes hommes vont sympathiser. Le lendemain, Didi attend Viktor devant l’hôtel minable loué par la mère. Ils ne vont pas visiter les lieux touristiques mais plutôt les squats, les maisons en travaux. En fait, le jeune homme se cache de ses « amis » qui veulent récupérer l’argent qu’ils lui ont prêté. Les rapports entre les deux garçons commencent à se transformer. Didi a quelques gestes de tendresse envers son ami sans que ce dernier ne comprenne réellement la portée de ces simples caresses. Kicki déprime de ne pas pouvoir voir Chang et elle boit avec le patron de l’hôtel (Tsai Chen-nan), qui la dragouille gentiment, l’alcool aidant.
C’est la pudeur qui prime dans Miss Kicki. Chaque thématique est abordée avec beaucoup de calme. Le réveil amoureux par l’homosexualité, la solitude d’une mère prête à tout pour recommencer sa vie, mais aussi les pouvoir de la famille dans la société chinoise, les petits malfrats qui menacent Didi, et encore la pauvreté de ce dernier face à l’écœurante richesse de Chang. Le regard porté est souvent empreint d’étonnement face aux comportements des personnages, un regard tendre mais triste.
Miss Kicki (Suède – Taïwan, 2009) Un film de Håkon Liu avec Pernilla August, Ludwig Palmell, Huang He River, Britta Andersson, Eric Tsang, Tsai Chen-nan, Ken Lin, Kuo Hsin-yao.
mercredi 5 octobre 2011
Cheburashka et ses amis
Alors, c’est quoi ce film ? Le réalisateur est Japonais mais l’histoire reprend celle d’une histoire populaire en Russie où, en 1969, on avait déjà adapté les aventures de Cheburashka, un adorable petit nounours aux grandes oreilles et à la petite taille. Un marchand d’oranges le trouve dans un carton et décide d’amener cet étrange animal au zoo. Cheburashka s’exprime et n’a pas forcément envie d’aller au zoo. Pour l’instant, il loge dans une cabine téléphonique. Autre personnage, autre animal. Guéna est un crocodile qui bosse au zoo. Après le taf, il enfile son pardessus, pointe et rentre chez lui. Il s’ennuie et cherche des amis. Il pose des affichettes dans la rue. Une fillette vient chez lui, un chiot et notre héros. Guéna et Cheburashka vont devenir très amis. C’est le début de leurs aventures.
Enfin, quand je parle d’aventures, je veux dire qu’ils ont quelques mini histoires. Le film s’adresse essentiellement aux tout petits. Les personnages, humains comme animaux, sont mignons. Le crocodile est gentil, il ne lui viendrait jamais à l’esprit de croquer quiconque. Au contraire, avec ses nouveaux amis Guéna va construire une maison pour Cheburashka, tout le monde s’y met, la solidarité et l’entraide est de mise. Dans la deuxième histoire, les deux amis (désormais en colocation) vont aider Macha, une jeune femme à devenir artiste de cirque puis dans la troisième histoire, ils vont faire en sorte qu’un grand-père retrouve sa petite fille qu’il n’a pas vue depuis des années. Le vieux monsieur est magicien et ses tours enchantent les enfants du village.
Tout cela serait trop mignon, édifiant voire écœurant (même pour les plus petits peut-être) si l’un des personnages secondaires ne venait pas régulièrement voler la vedette au crocodile et à l’ourson. Ce personnage est incarné par une dame appelée Madame Chapeau-claque. Elle se trimballe avec son rat domestiqué qui fait peur à presque tout le monde (sauf à Cheburashka), ses vêtements sont engoncés, elle porte un chignon strict et parle séchement à tout le monde. Bref, une pimbeche, une femme à la mauvaise foi constante, une dame jalouse de tout ce qui arrive aux autres. Son arrivée puis ses mauvaises actions (donner des conseils farfelus aux gens contre de l’argent, embêter les amis dans la construction de la maison, essayer de faire un numéro au cirque sans compétence) apportent (pour les adultes aussi) pas mal de fous rires puisque ses tours pendables se retournent toujours contre elles. Pour cela aussi, le film vaut le détour.
Cheburashka et ses amis (Russie – Japon, 2010) Un film de Makoto Nakamura (animation).
mardi 4 octobre 2011
King of chess
L’histoire dit que Tsui Hark, producteur via la Film Workshop de King of chess, aurait trouvé que le récit de Yim Ho trop complaisant dans sa manière de dépeindre la Révolution Culturelle. L’histoire dit que Tsui Hark aurait tourné une deuxième histoire contemporaine et utilisé le reste en tant que flash-back. Cela explique en tout cas pourquoi le film a mis si longtemps à sortir à Hong Kong. Il explique surtout sa relative médiocrité mais qui d’une certaine manière trouve sa justification dans le chaos qu’il décrit. Mais qu’en est-il vraiment de la « censure » de Tsui Hark et de ses réelles modifications, je ne le sais pas.
Ce chaos, c’est celui des débuts de la Révolution Culturelle en 1967. King of chess commence sur des images d’archives de grands défilés populaires où les leaders chinois (Mao Tsé-tung, Zhou En-lai) haranguent la foule en brandissant le petit livre rouge. Ces archives sont accompagnées d’une chanson rock aux paroles emphatiques. Cela donne dès le départ un certain décalage critique et exprime que le film ne va pas défendre la Révolution Culturelle. Un petit groupe va se détacher de la masse. Direction la campagne pour la rééducation par le travail. Au sein de ce groupe Wong Yat-sun (Tony Leung Ka-fai), Chung (Yim Ho), Ngai (Chin Shih-chieh), ce dernier étant accompagné de son neveu hongkongais venu en vacances (quelle drôle d’idée !).
Chacun a de quoi être rééduqué. Chung est un intellectuel, d’ailleurs il porte des lunettes. Wong n’a qu’une passion : jouer aux échecs. Dans le train, il joue seul. Il se prend également à rêver de mets fins d’autant que le nourriture se fait rare et que les portions sont congrues. Lui aussi porte des lunettes, un signe qu’il doit être rééduqué. Ngai est catholique, il porte un crucifix autour du cou. La responsable de la brigade prendra grand soin de l’humilier chaque jour. Elle le traite de contre-révolutionnaire parce qu’il porte des lunettes (lui aussi) et l’oblige à jouer dans l’équipe de baskets parce qu’il est grand même s’il ne sait pas jouer. Et pendant ce temps-là, le neveu observe tout. Je me demande encore pourquoi il est venu passer ses vacances pendant la RévoCul.
Ce neveu sera joué adulte par John Sham. C’est un publicitaire qui veut sauver une émission de télé où des enfants viennent faire des tours. Et là, il pense avoir trouvé un petit génie doué de deviner l’avenir. C’est de John Sham que proviennent les flash-backes. Un parallèle se produit entre les deux époques. Tsui Hark compare le chaos idéologique à celui de l’argent dans la partie contemporaine. Car tout le monde est persuadé que le gamin pourra le rendre riche. Le vrai souci, c’est que cette partie est faite de manière si caricaturale, sans finesse qu’elle tombe complètement à plat. Il a cru bon d’ajouter une histoire d’amour tout à fait superflue. La partie Révolution Culturelle parait du coup plus réaliste, d’autant que Yim Ho s’emploie à décrire le désarroi de ces hommes, leur humiliation quotidienne, l’angoisse de se faire critiquer et pire encore la faim. On ne saura jamais ce que le film aurait pu être, mais une chose est certaine, seule la partie d’époque fonctionne, et encore, sur un mode assez faible.
King of chess (棋王, Hong Kong, 1992) Un film de Yim Ho avec Tony Leung Ka-fai, John Sham, Yim Ho, Yang Lin, Wong Sing-fong, Chin Shih-chieh, John Chan.