L’histoire dit que Tsui Hark, producteur via la Film Workshop de King of chess, aurait trouvé que le récit de Yim Ho trop complaisant dans sa manière de dépeindre la Révolution Culturelle. L’histoire dit que Tsui Hark aurait tourné une deuxième histoire contemporaine et utilisé le reste en tant que flash-back. Cela explique en tout cas pourquoi le film a mis si longtemps à sortir à Hong Kong. Il explique surtout sa relative médiocrité mais qui d’une certaine manière trouve sa justification dans le chaos qu’il décrit. Mais qu’en est-il vraiment de la « censure » de Tsui Hark et de ses réelles modifications, je ne le sais pas.
Ce chaos, c’est celui des débuts de la Révolution Culturelle en 1967. King of chess commence sur des images d’archives de grands défilés populaires où les leaders chinois (Mao Tsé-tung, Zhou En-lai) haranguent la foule en brandissant le petit livre rouge. Ces archives sont accompagnées d’une chanson rock aux paroles emphatiques. Cela donne dès le départ un certain décalage critique et exprime que le film ne va pas défendre la Révolution Culturelle. Un petit groupe va se détacher de la masse. Direction la campagne pour la rééducation par le travail. Au sein de ce groupe Wong Yat-sun (Tony Leung Ka-fai), Chung (Yim Ho), Ngai (Chin Shih-chieh), ce dernier étant accompagné de son neveu hongkongais venu en vacances (quelle drôle d’idée !).
Chacun a de quoi être rééduqué. Chung est un intellectuel, d’ailleurs il porte des lunettes. Wong n’a qu’une passion : jouer aux échecs. Dans le train, il joue seul. Il se prend également à rêver de mets fins d’autant que le nourriture se fait rare et que les portions sont congrues. Lui aussi porte des lunettes, un signe qu’il doit être rééduqué. Ngai est catholique, il porte un crucifix autour du cou. La responsable de la brigade prendra grand soin de l’humilier chaque jour. Elle le traite de contre-révolutionnaire parce qu’il porte des lunettes (lui aussi) et l’oblige à jouer dans l’équipe de baskets parce qu’il est grand même s’il ne sait pas jouer. Et pendant ce temps-là, le neveu observe tout. Je me demande encore pourquoi il est venu passer ses vacances pendant la RévoCul.
Ce neveu sera joué adulte par John Sham. C’est un publicitaire qui veut sauver une émission de télé où des enfants viennent faire des tours. Et là, il pense avoir trouvé un petit génie doué de deviner l’avenir. C’est de John Sham que proviennent les flash-backes. Un parallèle se produit entre les deux époques. Tsui Hark compare le chaos idéologique à celui de l’argent dans la partie contemporaine. Car tout le monde est persuadé que le gamin pourra le rendre riche. Le vrai souci, c’est que cette partie est faite de manière si caricaturale, sans finesse qu’elle tombe complètement à plat. Il a cru bon d’ajouter une histoire d’amour tout à fait superflue. La partie Révolution Culturelle parait du coup plus réaliste, d’autant que Yim Ho s’emploie à décrire le désarroi de ces hommes, leur humiliation quotidienne, l’angoisse de se faire critiquer et pire encore la faim. On ne saura jamais ce que le film aurait pu être, mais une chose est certaine, seule la partie d’époque fonctionne, et encore, sur un mode assez faible.
King of chess (棋王, Hong Kong, 1992) Un film de Yim Ho avec Tony Leung Ka-fai, John Sham, Yim Ho, Yang Lin, Wong Sing-fong, Chin Shih-chieh, John Chan.
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