mardi 25 octobre 2011

Full contact


Ce qui frappe dès le début de Full contact, c’est sa vulgarité. Mais le dit l’expression critique facile « c’est voulu ». Oui, Ringo Lam a choisi de montrer des personnages bêtes et méchants habillés dans des couleurs qui ne s’accordent, il a choisi de les filmer en grand angle et en gros plan, il a choisi de les rendre totalement amoraux et inconséquents. Et d’une certaine manière, Full contact rappelle les premiers films de Wai Ka-fai conçus quelques années plus tard pour la Milkyway (Too many ways to be N°1 est le prototype parfait).

D’ailleurs, Ringo Lam présente d’abord les affreux du film, la bande de cambrioleurs de Judge (Simon Yam), un homo tellement raffiné qu’il en est kitsch. Son mignon lui fait les ongles, le peigne, l’habille avec des tenues extravagantes. Chemises à jabot vertes ou violettes, des vestes improbables. Sa petite mèche sur le front, son regard narquois et ses pauses féminines en font pourtant un redoutable salaud qui n’hésite jamais à flinguer n’importe qui à la moindre occasion. Il est accompagné d’un couple, Ngang (Bonnie Fu) et Psycho (Frankie Chan). Lui est le costaud bagarreur, elle est l’hystérique nymphomane de service qui montre sa culotte à tout vent. Une fine équipe.

Sam Sei (Anthony Wong, constamment dans le sur-jeu jouissif) n’arrive pas à payer ses dettes. Il fait appel à son vieil ami Gou Fei (Chow Yun-fat), un videur de boites de nuit à qui on ne la raconte pas. Lui aussi a le poing facile. Il sort avec une gentille fille Mona (Ann Bridgewater), le seul personnage calme de tout le film, le seul auquel on peut éventuellement s’identifier s’il elle n’était pas aussi manipulable. Bref, le scénario se lance et tient dans les phrases suivantes : Judge va faire un gros coup en Thaïlande avec sa bande, Gou Fei et Sam Sei. Mais Judge décide de tuer Gou Fei qui passe pour mort. Gou Fei va chercher à se venger.

La vengeance est un film qui se mange à grands coups de flingues pour Ringo Lam. Et il n’ira pas avec le dos de la cuillère. Le braquage en Thaïlande en faisant déjà beaucoup, Judge flingue sur une maison où Gou Fei s’était réfugié. Toute la famille y passe, puis quelques grenades font flamber le tout, Gou Fei parvient à sauver une la fille et le chiot. Guérir, panser ses blessures, recouvrir des forces, apprendre à nouveau à tirer malgré sa blessure à la main droite. Quelques doigts ont été arrachés et on pense forcément au sabreur manchot, Ringo Lam place son film dans la lignée de ces films où le héros solitaire va prendre sa revanche. Et la revanche, la vengeance sera sanglante, on s’en doute. Jusqu’à la toute fin, ça va crever dans la bidoche, ça va exploser les viscères, ça va juter de l’hémoglobine.

Ce que parvient à produire Full contact est pourtant remarquable. En décomplexant son film de toute morale telle qu’on l’entend communément (seuls Gou Fei et Mona en gardent encore quelques relents), Ringo Lam crée un monde qui n’a plus rien à voir avec la réalité. La noirceur du monde décrit est radicalement opposée aux couleurs criardes des vêtements, le rire crétin et aigu de Ngang contraste avec la voix doucereuse et hypocrite de Judge (qui passe son temps à admirer les yeux de Gou Fei), l’angoisse de Sam Sei détonne face au calme de Gou Fei, quelle que soit la situation. Ce monde sans douceur, tout en brutalité, n’est qu’un monde de cinéma dans toute sa cohérence, qui plus est illustré par la musique en riffs de guitare composée par Teddy Robin. On en sort épuisé et ravi de savoir que ce genre de film existe.

Full contact (俠盜高飛, Hong Kong, 1992) Un film de Ringo Lam avec Chow Yun-fat, Simon Yam, Anthony Wong, Ann Bridgewater, Bonnie Fu, Frankie Chan, Nam Yin, Victor Hon, Chris Lee, Chun Hung.

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