jeudi 5 juin 2008

La Fin d'une douce nuit


Yoshishige Yoshida, Acte III. Je reprends ma phase de découverte du cinéaste japonais en regardant ses films par ordre chronologique. Pour l’instant ça va.
Ce qu’il y a de frappant dans son troisième film, ironiquement titré La Fin d’une douce nuit, c’est sa rapidité. Le premier quart d’heure va à une vitesse folle et je dois avouer que je me suis un peu surpris à lire la jaquette du DVD pour comprendre. Je ne devrais pas faire ça, mais j’ai parfois un peu de mal avec les acteurs japonais. J’ai surtout du mal à les reconnaître. Et ensuite à distinguer les personnages, d’où parfois ma confusion pour comprendre un scénario même linéaire.
Ça commence par le personnage principal qui se fait lourder par sa copine parce qu’elle va se marier avec un autre. Ils sont allongés dehors sous le ciel bleu d’hiver. D’ailleurs, la fille parle du ciel bleu d’hiver. Ils partent, c’est elle qui conduit la voiture, elle le lâche en ville sans plus de ménagement. Voici l’ambition de Jirô : essayer de trouver une femme pour se marier. Voici son destin : se faire larguer. Dès la première séquence, Yoshida nous dit ce qui va constamment arriver à son personnage principal masculin.
Un accident de tunnel plus tard, tunnel dans lequel une voiture a pris feu et qui éclaire le visage de Jirô, nous nous trouvons dans un restaurant minable où il repère la jeune Harumi qui sert les repas aux clients. Jirô lui parle et la drague lourdement. Mais Harumi n’est pas douce, loin de là et sa réplique est cinglante. Ce qui constituera une nouvelle humiliation pour Jirô. Cela ne fait que commencer. Retour en ville. Jirô va piquoler dans un bar tenu par Sawako qui se trouve être la fille de son patron. Il travaille comme simple employé dans un magasin.
Un homme est saoul. Jirô l’aide à sortir du bar et le ramène chez lui. Madame Sawako lui en très reconnaissante. L’homme s’appelle Monsieur Oka et c’est un riche patron. Il travaille dans la raffinerie de pétrole (on est en plein boum économique avec de nouvelles fortunes. Monsieur Oka vit avec sa bru qui vit mal son veuvage. Jirô voit pour lui l’occasion de trouver une porte de secours pour faire un bon mariage.
Dans le bar de Sawako, il a cependant entendu que la patronne recherche une jeune femme pour en remplacer une autre. Jirô prend sa moto et kidnappe presque la jeune fille. Elle viendra s’incruster chez lui, lui qui n’habite qu’une pauvre pièce sale et mal arrangée. Sa patronne va vite lui présenter l’honorable Monsieur Hondô, qui trouve Harumi très à son goût et qui va en faire sa protégée.
Tout cela se déroule en très peu de temps, le reste du film va se contenter, si j’ose dire, de faire graviter tous ces personnages dans une quête effroyable pour gagner de l’argent, pour faire l’amour et surtout pour profiter des autres. Ironie du titre, il n’y a pas vraiment de douceur dans une quelconque nuit que chaque protagoniste passera. Sawako fera de Jirô son amant mais elle traitera comme une putain en lui lançant avec mépris quelques billets. Elle est persuadée que Harumi et lui ont une liaison et va encore plus pousser la fille dans les griffes de Hondô. Puis, elle se moquera des tentatives de Jirô pour devenir le nouveau mari de Madame Oka. Elle se moquera surtout de sa vénalité.
Face à la classe dominante, nos deux pauvres (Jirô et Harumi) ne font pas le poids et fatalement vont se brûler les ailes. Non pas perdre leur innocence car ils n’en avaient déjà plus. Yoshida nous montre un monde des affaires. Il compare l’amour avec le libéralisme. Ça n’est pas glorieux. La jeunesse, c’est la vitesse. Jirô roule en moto, il va très vite, il ne réfléchit pas, il fonce, ses mots vont plus vite que sa pensée. Il n’arrive à penser que sur sa moto : belle scène sur un circuit. Les vieux riches eux sont toujours calmes, ils jouent au golf, ils sont assis et mûrissent longuement leurs sales coups. Ils ont cependant toujours une longueur d’avance. Quand Jirô croit avoir été plus malin qu’eux, Yoshida nous le montre sur une grande roue de foire foraine. Non seulement elle va très lentement, mais en plus elle tourne en rond.
La Fin d’une douce nuit est d’une grande noirceur et se termine dans un étrange sentiment de plénitude et d’amertume conjuguées.
La Fin d’une douce nuit (甘い夜の果て, Japon, 1961) Un film de Yoshishige Yoshida avec Masahiko Tsugawa, Michiko Saga, Teruyo Yamagami, Sumiko Hidaka, Osamu Takizawa, Jun Hamamura, Takamaru Sasaki, Hiroko Sugita, Reiko Hitomi, Kei Sato.

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