vendredi 13 juin 2008

Loving you


C’est le premier grand rôle que Johnnie To offre à Lau Ching-wan. Le premier d’une longue série qui a continué jusqu’à Mad detective. C’est aussi pour To une manière inédite d’aborder le polar hongkongais. Il va y mettre une bonne dose de réalisme et filmer de nombreuses scènes caméra à l’épaule. Ça fait souvent penser à la série NYPB Blue.

Loving you souffre de quelques défauts importants et à commencer par son scénario. Liu (Lau Ching-wan) est un flic autoritaire et peu amène. Son travail passe avant tout et surtout avant sa femme. En fait, sa femme passe après tout. Le soir de l’anniversaire de leur rencontre, il préfère penser à autre chose. Liu trompe aussi sa femme, mais elle lui rend bien. Elle essaie de lui dire quelque chose. Il ne rentre pas chez eux. Il préfère aller baiser une jeune femme. Elle lui dira quelques jours plus tard qu’elle est enceinte… de son patron.

Le travail ne se passe pas aussi bien que voulu. Un méchant particulièrement retord (un trafiquant de drogue) découvre que les gens avec qui il traite affaires sont deux flics infiltrés. Il en abat un (une femme flic) et provoque une overdose sur l’autre. Le méchant s’enfuit après une course poursuite sur les toits (déjà, bien avant Running out of time) et Liu balance la drogue aux quatre vents. Le méchant va se venger. Liu sera attaqué violement lors d’un piège qu’on lui a tendu. Une balle se loge dans sa tête. Il ne sera plus lui-même.

Il s’agira alors de vivre avec son nouvel handicap : il boite et a perdu le goût. Métaphoriquement, il n’a plus le goût de vivre d’autant que sa femme, qui va s’occuper de lui lors de la convalescence, porte l’enfant d’un autre. Il peut tenter de refaire son couple, elle va peut-être ne pas retourner chez sa mère. Mais une chose est sûre, rien ne sera facile, surtout quand on veut l’assassiner.

La mise en scène de Johnnie To est encore très hasardeuse. Les scènes d’action sont filmées au plus près, les rendant assez invisibles pour un film hongkongais, mais cela relève de la méthode américaine. Il s’agit de plans très rapides, cut et donnant de la confusion sur l’issue du combat. Pourquoi pas.

Mais là où Loving you se fait un peu plus intéressant, c’est dans sa métaphore de la peur de la rétrocession, la naissance d’un bébé étant vue comme un saut vers l’inconnu, comme la méconnaissance de l’avenir. La femme de Liu prévoyait de partir au Canada avec son nouvel amant comme beaucoup de Hongkongais l’auraient voulu. La peur aussi des changements au sein de la police avec l’exclusion de ses prérogatives (un jeune flic est muté ailleurs malgré sa loyauté envers Liu). Enfin, dernier détail, la chute de la maison Shaw Brothers qui distribue le film. La dernière séquence est tournée dans les locaux de la TVB, la chaîne télé des frères Shaw. Tout est décombre et désolation et la production n’hésite pas à faire brûler ce décor pour les besoins de l’action.

Loving you marque la fin d’une ère. Il n’est pas encore le film de la maturité pour Johnnie To, mais il est le terrain d’expérimentations que l’on retrouvera dans ses films majeurs.

Loving you (无味神探, Hong Kong, 1995) Un film de Johnnie To avec Lau Ching-wan, Carmen Lee, Tok Chung-wa, Ruby Wong, Yuen Bun, Wong Wa-wo, Lam Suet, Alan Mak.

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