jeudi 19 juin 2008

Sparrow


Le nouveau film de Johnnie To nous lance un défi : raconter l’histoire la plus ténue qui soit et tenir sur la durée standard d’un long métrage. Le cinéaste, c’est vrai, n’a plus rien à prouver et on pourrait facilement dire qu’il est un formaliste, formule facile qu’il faudrait prouver. Si être formaliste aujourd’hui consiste à fignoler ses plans, à les rendre plus beaux les uns que les autres, à esthétiser à outrance et constamment, alors Johnnie To est formaliste. Sauf que Sparrow peut être vu comme une simple récréation d’un cinéaste qui a envie de filmer des lieux qu’il a aime. Pour cela, il a créé une histoire amusante et insignifiante.

Cette histoire est donc simple. Quatre pickpockets cyclistes rencontrent une jeune femme chinoise mariée à un riche et vieux hongkongais. Ils vont s’aider pour voler l’argent de l’homme d’affaires. Mais tel est pris qui croyait prendre. C’est à peu près tout. Ce scénario permettra de se promener dans Hong Kong, car il faut bien semer ses poursuivants.

Johnnie To filme les vieilles maisons de Hong Kong comme il filmait celle de Macao dans Exilés. Il s’agit pour lui de témoigner que ces vieilles bâtisses existent encore et qu’elles sont cinégéniques. Les quatre pickpockets se promènent de quartier en quartier, mais pas dans les lieux trop peuplés. Ils ne vont pas à Mongkok, ils vont plutôt sur les buttes (pas facile de les grimper en vélo), dans les quartiers cossus de la métropole. Bref, c’est à une promenade touristique que convie le spectateur de Sparrow. Johnnie To va promener sa caméra et faire quelques jolis plans que l’on pourra facilement qualifier d’imagerie. Des escaliers, le toit d’un immeuble ancien, des intérieurs art déco. C’est très beau et rarement vu dans son cinéma qui par souci de rapidité à toujours filmer les immeubles modernes, notamment ceux de la Milkyway transformés la plupart du temps en commissariat.

Cette volonté de filmer ces lieux produit directement le scénario. Plus question de mettre en scène la grosse artillerie, des combats au pistolet. Ici le calme règne. Plus question non plus de filmer en voiture qui demande trop de travail pour placer la caméra. Simon Yam et sa troupe marchent et vont parfois du vélo. Même si le vélo a du mal à supporter le poids de quatre grands gaillards comme eux. Pas question non plus de créer des personnages de policiers. Le film reste entre gens d’immoralité. Ce sont des dandys. Le beau moment du film restera celui du vol du passeport de Kelly Lin qui lui ouvrira sa liberté. Ou non. Nos pickpockets se promènent sous la pluie, armés de parapluie et de lames de rasoir. Johnnie To réinvente mine de rien le gunfight. C’est très beau et assez amusant.

Tout cela apporte son lot de nostalgie. Malgré l’humour pince sans rire entre les quatre garçons, on sent que Johnnie To est à la fin d’une étape. D’ailleurs, n’a-t-il pas annoncé qu’il quittait la Milkyway. Après son retour à Lau Chin-wan en compagnie de Wai Ka-fai pour le superbe Mad detective, Sparrow semble l’aboutissement du cinéma délicieusement superficiel qu’il a pu faire et qui a donné Yesterday once more, The Mission ou Exilé. Je me demande bien ce que sera le prochain film de Johnnie To.

Sparrow (文雀, Hong Kong, 2008) Un film de Johnnie To avec Simon Yam, Kelly Lin, Lam Ka-tung, Law Wing-cheong, Kenneth Cheung, Lam Suet, Lo Hoi-pang.

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