Sur la lancée du très bon Mad detective, Wai Ka-fai continue son exploration des mondes parallèles avec Written by avec, encore une fois l’aide de Lau Ching-wan décidément le meilleur acteur de Hong Kong en ce moment. Les liens thématiques sont très forts entre les deux ce qui permettra peut-être, pour ceux qui en doutaient toujours, d’affirmer sans trop se tromper, que Wai Ka-fai était bien l’auteur de Mad detective.
Le 11 novembre 1998, Tony Tong (Lau Ching-wan) meurt dans un terrible accident de voiture. Sa femme Mandy (Kelly Lin) et leurs enfants Oscar et Melody s’en sortent. La fille restera aveugle de l’accident ce qui ne l’empêchera pas de chercher à consoler la veuve qui ne parvient pas à faire le deuil de son mari. Wai Ka-fai a la bonne idée de ne pas filmer l’accident. L’écran devient subitement noir, on ne verra que le résultat, la voiture cabossée et renversée avec les quatre corps agonisant. Auparavant, dans les cinq premières minutes du film, on verra un très beau générique avec les noms des équipes écrits en braille. On n’identifiera les images qu’en fin de film. Puis on voit une jeune femme aveugle monter sur le mur d’une terrasse et être tenté de sauter tandis que des feuilles blanches s’envolent.
Faire mourir la star de son film au bout de cinq minutes est encore une fois l’une des idées les plus folles que Wai Ka-fai et Au Kin-yee, co-scénariste ont eu. On va vite identifier la jeune femme. C’est Melody (Mia Yam) désormais adulte. Toute la famille va se recueillir sur la tombe de Tony Tong et Mandy éclate en sanglots. Rentrés à leur domicile, Melody propose, pour en finir avec le deuil qui a déjà duré dix ans, d’écrire un roman. Très vite, les idées fusent et surtout celle d’inverser la réalité et d’imaginer que le père a survécu à l’accident initial, que la mère et les enfants sont morts, mais surtout que Tony est devenu aveugle.
Dès lors Written by montre l’autre vie de Tony Tong. Il a une bonne philippine qui prend soin de lui. Il ne semble plus exercer aucune activité professionnelle. Il va au cimetière, le lieu où il le plus de temps, fleurir la tombe de sa famille décédée. Il y reste jusqu’à la nuit ce qui ennuie profondément la bonne qui affirme avoir peur des fantômes. Car l’idée maîtresse de Melody en se lançant dans l’écriture de son roman est de faire d’elle, de son frère et de sa mère des fantômes qui pourront entrer en contact avec le père. Et puis, le père va se mettre à écrire également un roman où Oscar le fils se sera réincarné en petit chien et où Melody sera devenue une employée de Meng Por qui emmène les défunts vers leur nouvelle vie.
C’est donc une histoire dans une histoire dans une histoire. C’est simple en apparence mais Wai Ka-fai va compliquer toute l’histoire et très vite de nouveaux éléments scénaristiques vont s’imbriquer les uns dans les autres. Le monde réel et celui des morts vont se croiser et désaccorder la vie des protagonistes. L’apparition de Meng Por (Jo Koo) en gardienne du monde des défunts va encore plus embrouiller les données initiales et donner une explication aux deux premières scènes du film. Il va alors falloir suivre les fils de chaque ramification. C’est tout un travail de subtilité auquel s’attèle Wai Ka-fai avec beaucoup de brio.
La première partie du film est une comédie. On suit Tony Tong dans ses déambulations. Tout son potentiel comique est déployé et cette première partie est drôle. Je retiendrai la scène où les fantômes de la mère et du fils viennent rendre visite à Tony. Tous les habitants de l’immeuble ont les yeux écarquillés et tentent de comprendre pourquoi le fantôme. C’est alors que l’enfant se transforme en chien et que tous paniquent. Puis le film se transforme en drame suite à un événement qui va transformer les données initiales. Les interactions entre les deux mondes vont provoquer des dégâts dans la vie des morts comme dans celle des vivants.
Wai Ka-fai a tourné un film brillant et élégant. Mais c’est aussi un film épuisant dans sa manière qu’il a de toujours surprendre dans sa scénarisation. Rarement, Wai ka-fai n’aura soigné un de ses films. Les mouvements d’appareil dans Written by semblent toujours justifiés. La description du monde des morts est d’une rare poésie. Et ce qu’il dit sur les fantômes, la vie et la mort n’est jamais prétentieux ni pontifiant. Et évidemment, le film est largement porté par Lau Ching-wan qui n’en fait jamais trop dans son rôle d’aveugle. C’est l’un des meilleurs films de Hong Kong sortis ces derniers mois.
Written by (再生號, Hong Kong, 2009) Un film de Wai Ka-fai avec Lau Ching-wan, Kelly Lin, Mia Yan, Zeng Qi Qi, Ching Ying-kit, Yeung Shuk-man, Bonnie Wong, Jo Koo.
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