Le mélo est un genre qui réussit à Derek Yee. Comme dans C’est la vie, mon chéri, dix ans auparavant, Lost in time s’attache à des personnages issus de la classe moyenne, en l’occurrence des chauffeurs de minibus, qui à Hong Kong font office de taxi collectif. Tout commence une nuit quand Siu-wai (Cecilia Cheung) attend son mec, Man (Louis Koo) à la gare de dépôt des minibus. Dai-fai (Lau Ching-wan), un collègue de Man lui propose de l’emmener, mais elle veut attendre son copain. Hélas, Man meurt dans un accident. Un camion rentre de plein fouet dans le bus. Il ne meurt pas sur le coup, Dai-fai essaye de le sortir de là. Les derniers mots de Man expriment sa volonté de téléphoner à Siu-wai, en vain.
Siu-wai se retrouve seule avec le fils de Man, Lok Lok (Harashima Daichi), un adorable bambin de sept ans que Man avait eu avec son ancienne petite copine et dont il a la garde. Man avait promis à Siu-wai de l’épouser dans quelques jours, d’ailleurs tout était prêt notamment la robe de mariée qu’elle va chercher au magasin. Siu-wai est sonnée, elle marche comme hébétée, sans but. Sa famille vient lui rendre visite. La sœur Susan (Elena Kong) qui lui reproche son absence de réactivité, le père (Paul Chun) qui ne dit pas un mot et la mère (Pau Hei-ching) qui viendra tous les jours lui préparer à manger quand Siu-wai n’est pas chez elle.
Le minibus est abimé mais Siu-wai cherche à le faire réparer. Elle va voir Elvis (Edmond So), le patron de son copain et lui demande de l’aide pour la réparation. Siu-wai veut conduire le bus pour gagner sa vie. Elle a une licence mais la conduite à Hong Kong est difficile. Dai-fai va lui donner des conseils. Le film prend un aspect documenté pour montrer la difficulté du métier. Les interdictions de stationner, les clients difficiles qui tentent d’arnaquer avec des faux billets, les rues étroites, la concurrence des autres compagnies, les flics qui mettent des prunes et tant d’autres choses que la jeune femme doit maitriser. Elle doit aussi subir le mépris des collègues qui ne la prennent pas au sérieux.
Siu-wai est un personnage de mère courage. Elle est têtue mais souvent inconsciente du danger. Elle s’aventure dans un quartier dont les bus sont contrôlés par les triades. Elle estime qu’elle a le droit de prendre des clients à cet endroit. Mais le big boss ne l’entend pas de cette oreille et envoie quelques gars défoncer le camion. Elle part négocier avec le boss dont la petite fille se trouve être la camarade de classe de Lok Lok et l’affaire s’arrange à l’amiable. Elle est inconséquente dans sa manière d’élever Lok Lok. Pour gagner plus d’argent, elle le laisse seul chez elle la nuit. Elle le nourrit de junk food parce que ça coûte moins cher. Elle sacrifie tout pour s’en sortir.
Dai-fai veut la raisonner. Il lui propose de l’aider. Il lui donne de l’argent pour la bouffe, pour que Lok Lok ne mange pas que de la merde. Il devient de plus en plus présent dans leur vie. Lok Lok commence à l’appeler Tonton et à le considérer comme son nouveau père. Et au bout d’un moment, on se rend compte que si l’on sait tout de Siu-wai, son passé avec Man (raconté en flash-back), ses rapports familiaux difficiles, ses problèmes de boulot, on ignore tout de Dai-fai. C’est un homme serviable et adorable mais qui cache un lourd secret.
L’une des meilleures idées de Lost in time est de ne pas en faire une banale romance entre les deux personnages. Ce sont les détails de leurs vies privées qui en font des personnages tangibles et non pas seulement des caricatures romantiques. Derek Yee améliore son travail de direction d’acteur. Lau Ching-wan est tout en retrait puisque la composition du personnage exige le secret. Cecilia Cheung explose dans son rôle de femme qui présume de ses forces. Elle a la bonne idée de ne pas signifier avec son visage tous les tourments qui l’habitent. C’est assez inhabituel dans le mélo où les gros plans sur les yeux en pleur sont légion. Derek Yee laisse les visages des acteurs fermés et pourtant on soufre avec eux.
Lost in time (忘不了, Hong Kong, 2003) Un film de Derek Yee avec Lau Ching-wan, Cecilia Cheung, Louis Koo, Harashima Daichi, Paul Chun, Pau Hei-ching, Elena Kong, Johnny Lu, Edmond So, Michael Chan, Lee San-san, Jamie Luk, Kingson Shek.
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