mardi 13 décembre 2011

La Véritable histoire d'Ah Q


Pauvre Ah Q, sa vie est constamment juchée d’embuches, ses ennemis se comptent par dizaine et, en plus, il est vilain. En tout cas, c’est ainsi que le narrateur de La Véritable histoire d’Ah Q le décrit. Dans un village de province de la Chine de 1911, l’Empereur règne encore mais la Révolution arrive. Ah Q ne porte pas de nattes et commence à se dégarnir, ce qui lui vaut des moqueries. Il n’a pas non plus de nom, c’est pour cela que la voix off ne le désignera qu’avec une initiale. Il s’est vu interdire de porter son nom de famille Zhao parce que le « seigneur » local s’appelle ainsi et qu’il refuse que son nom soit associé à ce va-nu-pieds. Il fait cependant pour eux quelques menus travaux pour lesquels il est payé une misère. Cela se solde souvent par des réprimandes de Maitre Zhao, l’appel du garde-champêtre qui inflige une amende à Ah Q. L’argent manque et le restaurateur commence à ne plus vouloir lui faire crédit. Il se fait traiter de paresseux par les autres clients. Ah Q ne demande pourtant qu’à travailler mais sa naïveté profite aux autres qui abusent de sa gentillesse.

A 30 ans, Ah Q est célibataire, il n’a jamais réussi à trouver une époque, ce qui est fort mal vu à cette époque. Un soir que les Zhao exigent que Ah Q viennent piler du riz, Wuma, la servante de la famille, est plus compatissante avec lui. Dans sa candeur, Ah Q pense qu’il peut séduire la jeune femme qui réagit très mal aux avances directes mais bonhommes d’Ah Q. Elle s’en plaint à ses maîtres qui chassent notre héros de leur demeure, sans le payer bien entendu. Bientôt, c’est tout le village qui refusera de lui parler. Les femmes s’écartent à son passage, il est devenu le satyre du village. Il est devenu surtout un solitaire désormais sans le sou, sans nourriture et le peu d’amis qu’il avait ne lui adresse plus la parole. Une seule solution, quitter le village et partir à la ville.

Les tribulations d’Ah Q en ville ne seront pas montrées. C’est à son retour qu’il raconte quelques unes de ses expériences. Il a fait fortune et en a vu des choses. Il a vendu des vêtements que les clients s’arrachaient, il a vu un révolutionnaire se faire décapiter, il a travaillé pour le seigneur Bai, un potentat local montré comme un homme sans scrupule, avide de richesse et antipathique. Ah Q se donne le beau rôle dans ces récits. Les villageois ont peur des révolutionnaires qui semblent gagner en force. Le film, produit dans une période où la Chine communiste renouait ses liens avec un cinéma moins propagandiste, se veut une critique acerbe de l’usurpation des idéaux révolutionnaires de 1911 (quand la première république de Chine a été proclamée) par les anciens dominants.

La Véritable histoire d’Ah Q montre comment le peuple s’est vu spolié les changements politiques. Il montre la connivence des riches au travers des familles Bai et Zhao pour se montrer plus révolutionnaires que les révolutionnaires. Il montre la corruption de la police et des juges (le procès expédié d’Ah Q qui ne sait ni lire ni écrire) qui protègent les riches au dépends du peuple. Le personnage le plus gratiné et critiqué est sans doute Qian, honni par Ah Q pour son arrogance, un Chinois qui a étudié au Japon (l’ennemi historique de la Chine) et qui manipule tout le monde. Le film est édifiant sur cette part de mauvais destin qui s’abat sur ce pauvre Ah Q qui aurait aimé soutenir la révolution. Le film s’achève en précisant que ses idéaux seront repris par le peuple qui, quelques années plus tard, chasseront ces possédants pour établir la vraie révolution.

La Véritable histoire d’Ah Q (Q正傳, Chine, 1981) Un film de Cen Fan avec Yim Shun-hoi, Lee Wai, Wang Suya, Baau Fook-Ming, Liang Ming.

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