1895,
un petit village du Japon. L’ancien soldat Toyoji (Tatsuya Fuji) traine son
ennui dans les rues de la petite communauté, son uniforme de l’armée porté
nonchalamment sur son torse nu. Jeune homme célibataire, mais viril puisqu’il
porte une moustache, il cherche à s’attirer les faveurs sexuelles de Seki
(Kazuko Yoshiyuki), mère de famille (elle a une fille adolescente et un
nourrisson) et mariée à Gisaburo (Takahiro Tamura), le tireur de pousse-pousse
du village. Elle proteste mollement à cause de leur différence d’âge mais elle
se laisse séduire par lui. Il pousse le nourrisson endormi à côté d’elle, une
après-midi d’été, et se met à téter son sein. C’est la première étape de leur liaison
secrète et adultère.
Le
jour où il la force à se laisser entièrement raser le pubis, elle deviendra sa
propriété, il la possédera toute entière. Seki ne pourra plus se montrer nue
devant son époux sans qu’il ne soupçonne l’adultère. La première partie de L’Empire de la passion est consacrée
aux jeux amoureux et sexuels des deux amants. Contrairement à L’Empire des sens, l’érotisme est
diffus, caché, les sexes sont cachés par les corps des partenaires (elle à
genoux devant lui baissant son pantalon pour montrer sa verge en érection quand
elle se refuse à lui ; lui à genoux devant elle allongée quand il la
rase). Leur passion est réelle, mais doit rester intime car personne dans le
village ne doit être au courant. Et surtout pas le mari. La solution est vite
trouvée : le tuer.
Ils
l’étranglent ensemble, avec une corde. Ils emmènent le corps de Gisaburo en
forêt et le jette au fond d’un puits, dans une des plus belles scènes du film
où la neige les recouvre presque. La caméra est au fond du puits, point de vue
aveugle puisque personne ne s’y trouve, si ce n’est bientôt un cadavre, mais
cela fait passer le film dans le champ du fantastique. Seki dira aux villageois
que son époux est parti à Tokyo. Au bout de trois ans, personne n’a de ses
nouvelles mais cela n’empêche pas les villageois de lancer des rumeurs (le
chœur des trois vieilles rombières qui disent tout haut ce que chacun pense
tout bas), de se poser des questions et de croire qu’elle a une liaison avec
Toyoji. Ce dernier refuse toujours de s’installer avec elle, il veut continuer
à maintenir un secret qui ronge la passion amoureuse que lui porte Seki.
Virage
vers le fantastique donc, ou plus précisément le film de fantômes japonais. Le mari vient hanter les rêves des villageois.
D’abord un voisin qui affirme lui avoir parlé en songe. Puis, la fille de
Gisaburo qui évoque un puits. Enfin Seki qui le voit apparaitre chez lui, le
visage blanc comme les morts. Il ne parlera jamais, il la fixera. Le
fantastique de Nagisa Oshima n’est pas conçu pour effrayer. Il est poétique et métaphorique
afin d’exprimer la folie des deux amants. Elle qui cherche à exorciser la
culpabilité qui la ronge, lui qui jette chaque jour des feuilles dans le puits
comme pour recouvrir un crime qu’il n’assume pas. Ces gestes les rendent
coupables à la fois aux yeux des villageois et de l’inspecteur venu enquêter
sur la trop longue disparition du mari. Ce que montre L’Empire de la passion est une société malade de ses préjugés bâtis
sur des fondements rétrogrades qui contamine et condamne ceux qui voudraient s’en
échapper.
L’Empire
de la passion (愛の亡霊, Japon – France, 1978) Un film de Nagisa Oshima avec Tatsuya Fuji,
Kazuko Yoshiyuki, Takahiro Tamura, Takuzo Kawatani, Akiko Koyama, Taiji
Tonoyama, Sumie Sasaki, Eizo Kitamura.
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