Cela
faisait un bon moment qu’il n’avait pas été possible de voir un nouveau film de
Shinji Aoyama, comme si le réalisateur encensé après Eureka et ses 3 heures 37 minutes de film et totalement ignoré avec
La Forêt sans nom était totalement
oublié aujourd’hui. La sortie estivale de son dernier film Tokyo park montre un cinéaste à la fois modeste (peu d’acteurs, peu
de scénario, peu de décors) et ambitieux (une volonté d’aller dans le cinéma de
genre et d’aborder plusieurs sujets tabou). Au centre du récit de son film,
Koji Shida (Haruma Miura), jeune étudiant de 22 ans, photographe à ses heures
et qui aime se promener dans le parc à côté de chez lui.
Dans
ce parc justement, il prend en photo une dame qui promène sa petite fille en
poussette. Image charmante qu’un homme interdit à Koji de photographier. Paradoxalement,
cet homme, dentiste de son état (Yo Takahashi) va le payer pour surveiller cette maman (Haruka Igawa),
qui s’avère être sa femme. Il la soupçonne d’adultère. Cependant son appareil
photo argentique est trop lourd, il a besoin d’un numérique plus compact et
léger pour espionner cette femme qui commence à intriguer le jeune Koji, par
ailleurs célibataire bien que très entouré. L’épouse semble également avoir
remarqué ce jeune homme qui la suit dans de nombreux parcs tokyoïtes, ce qui
donne l’occasion de visiter la ville au spectateur (on voir pas si souvent que
ça des parcs dans le cinéma japonais) et à Shinji Aoyama de s’épargner de créer
des décors extérieurs.
Cet appareil numérique, il l’emprunte à
Hiro (Shota Sometani) son colacataire. Hiro, habillé avec une drôle de tenue,
constamment la même, est un peu inerte. C’est logique, il est mort et son
enveloppe charnelle traine encore dans l’appartement où aucune de ses affaires
ne semblent avoir bougé. Le soir, Koji est serveur dans un bar tenu par Takashi
(Kenichi Haraki), un vieil homo devenu l’un de ses plus proches. Parmi les
clientes, Miyu (Nana Eikura), sa meilleure amie et l’ex de Hiro. La filiation
du film de fantôme se poursuit puisque Miyu est un fan du cinéma d’horreur avec
vampires, zombie et morts-vivants. On découvre dans Tokyo park un extrait d’un film titré « Vampires
zombies » aux effets horrifiques involontairement comiques. Miyu a beau
citer deux trois noms (dont Romero évidemment et Eisenstein), elle ne semble
pas faire la différence entre un navet et un bon film. Ce qui l’intéresse est
d’avoir peur. Elle regrette du coup beaucoup de ne pas pouvoir voir son ex
défunt.
L’autre cliente assidue du bar est la
demi-sœur de Koji. La mère de Misaki (Manami Konishi) a épousé le père de Koji.
Elle a une grande affection pour son demi-frère, une affection trouble que tous
les personnages interrogent. Là est le nœud narratif du film que le réalisateur
décline en longs plans séquence où les personnages s’expliquent longuement sur
fond de musique jazz. Tokyo park a
de quoi séduire mais il faut pour cela subir un rythme un peu bancal, parfois
très mou en écho au caractère velléitaire de Koji (les discussions avec sa
sœur), parfois plus vif (les confrontations lors de superbes scènes de repas –
le beignet de porc suivi de pâtisserie arrosés au vin rouge – avec Miyu, le
personnage le plus énigmatique). C’est gênant parce que le film tente le coup
de force scénaristique et le coup de poing émotionnel dans sa dernière
demi-heure, sans y parvenir. C’est finalement le trio Koji – Miyu – Hiro qu’on a
le plus envie de suivre et qu’on attend chaque fois que le film part vers un
autre personnage.
Tokyo
park (Tokyo koen, 東京公園, Japon, 2011) Un film de Shinji
Aoyama avec Haruma Miura, Nana Eikura, Manami Konishi, Haruka Igawa, Shota
Sometani, Yo Takahashi, Takashi Ukaji.
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