Caméra
d'or au festival de Cannes 2013, une première pour un film de
Singapour, le très joli Ilo Ilo suit quelques mois de la vie
de la famille Lim, couple de la classe moyenne qui élève leur
garçon de dix ans. Teck Lim (Chen Tianwen), le père, est
représentant de commerce. Les affaires ne sont pas florissantes
d'autant qu'il vend de la camelote. Leng (Yeo Yann Yann), la mère,
est secrétaire dans une entreprise qui doit taper des lettres de
licenciement de ses collègues. Le film, où l'anglais, le cantonais,
le tagalog et le mandarin se mêlent, se déroule au beau milieu de
la crise boursière de 1998 quand l'expansion économique des dragons
asiatiques vacille.
La
famille Lim pour l'instant a d'autres soucis. La mère est enceinte
et décide d'embaucher une nounou pour garder Jiale (Koh Jia Ler),
leur fils. Ce dernier n'est pas un garçon très calme ni très
gentil. Il répond aux parents qui l'ont sans aucun doute trop gâté.
Il est très indiscipliné à l'école, ce qui à Singapour n'est pas
du meilleur effet. Il passe son temps à jouer au tamagotchi ce qui a
le don d’énerver son père. Jiale ne fait que ce qu'il veut quand
il le veut. La présentation du fils fait craindre une caricature
d'ado pré-pubère qui en fait voir des vertes et des pas mûres à
tout le monde. Pour tout dire, ses caprices peuvent rapidement
gonfler.
C'est
donc une des raisons pour laquelle les parents engage cette nounou.
Teresa (Angeli Bayani) est philippine. Elle veut qu'on l'appelle
Terry. Immédiatement, la mère lui confisque son passeport « pour
qu'elle ne s'enfuit pas ». Elle fait la même taille que Jiale,
c'est donc une femme frêle et timide que le garçon prend
immédiatement en grippe. Il fait tout pour faire craquer la nounou.
Ils doivent dormir dans la même chambre mais il sort du lit au
milieu de la nuit pour aller avec ses parents. Il fuit à la sortie
de l'école quand elle vient le chercher. Il refuse de manger les
plats qu'elle prépare. Le parfait petit crétin fait payer à sa
mère le manque de confiance qu'il place en lui.
Un
incident va changer le court des choses. Le gamin se casse un bras et
Terry est obligée de s'occuper intimement de Jiale. L'enfant va se
mettre littéralement à nu devant la nounou. Mais également
figurativement, et cela provoque un changement. De la même manière,
la situation se modifie pour Terry. On apprend au court d'un discret
dialogue qu'elle est une jeune maman et qu'elle a laissé son fils
aux Philippines pour gagner un peu d'argent qu'elle compte envoyer
régulièrement. D'une certaine manière, la situation est
symétrique : Jiale se sent abandonné par sa mère et Terry,
qui a quitté son fils s'occupe, par procuration, de Jiale. Petit à
petit, on change totalement d'avis sur l'enfant qui énervait d'abord
et pour lequel on éprouve ensuite de la tendresse.
Ilo
Ilo aborde avec une grande pudeur les rapports entre les enfants et
les parents, ces derniers étant convaincus que Jiale ne comprend
rien à leurs histoires d'adultes, comme le chômage, l'absence
d'argent, le poids de la famille. Anthony Chen, par fines touches (et
sans aucune musique, en filmant quelques regards entre les
personnages. Les gros yeux de cette mère, parfois un peu raciste,
jalouse de l'amitié entre son fils et la nounou. Le regard
constamment triste de Teresa. La colère sourde du père épuisé par
les galères continuelles au boulot comme dans la famille. L es yeux
moqueurs et parfois inquiets pour l'avenir de ce garçon qui en une
année aura grandi plus vite que les autres.
Ilo
Ilo (爸妈不在家,
Singapour, 2013) Un film d'Anthony Chen avec Yeo Yann Yann, Chen
Tianwen, Angeli Bayani, Jo Kukathas.
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