Un
village de 80 habitants perché à 3200 mètres d’altitude dans la province chinoise du Yunnan. En
son sein, trois sœurs de 10, 6 et 4 ans. Yingying l’aînée aux cheveux longs,
Zhenzhen, la seconde et Fenfen, la plus petites, toutes les deux aux cheveux si
courts que j’ai d’abord cru que c’était des garçons. Elles vivent dans une
ferme aux murs vétustes, au sol de terre, sans fenêtres. L’électricité
fonctionne quand elle peut (un repas familial en fin de film est menacé d’une
panne), l’eau coule doucement par un unique robinet dans la cour.
La
minutie de l’observation de ces trois enfants est à l’image de la durée du
film, 2h33. On les verra se lever le matin, préparer à manger puis manger
(souvent des pommes de terre), allumer le feu, jouer, se chamailler, s’habiller
(de haillons, avec des chaussures trouées et des bottes percées qui abiment les
pieds), aller à l’école, ramasser du bois (pour le feu) et s’occuper des
animaux. Des moutons, trois cochons, des oies, des poules, un chien, un chat. La
vie quotidienne est monotone et Wang Bing enregistre cette monotonie.
L’absence
des parents étonne tout autant que le fait qu’elles soient trois. La politique
de l’enfant unique semble ne pas être passée par là. Les autres familles aussi
ont plusieurs enfants. Mais ces autres enfants ont des parents. Le père des
trois sœurs, Monsieur Sun est parti à la ville chercher du travail. Il revient
tous les six mois avec quelques cadeaux. Notamment des chaussures neuves. La
mère a quitté le foyer depuis longtemps, comprend-on dans une discussion que le
grand-père a. Ce dernier est le seul adulte.
Le
film observe leur vie sur plusieurs mois. Dans cette montagne sans arbres, le
froid et l’humidité sont les adversaires. La solitude également. Quand le père
décide d’emmener ses deux plus jeunes filles avec lui à la ville, on reste
estomaquée que Yingying reste toute seule à s’occuper de la ménagerie. Faire
cuire les patates pour les cochons, le chou pour les volailles et parfois, elle
s’offre une sucrerie. Jamais on ne verra cette enfant de dix ans sourire
pendant tout le film. Elle joue à peine avec ses cousins ou les autres enfants.
La
violence des Trois sœurs du Yunnan
n’est pas uniquement dans l’immense pauvreté étalée sous nos yeux. Tous les
habitants sont condamnés à la pauvreté mais ils mangent bien (les scènes de
repas sont les seuls moments de bonheur). La violence vient plutôt de
l’inamovibilité de la situation. On a souvent l’impression que tout cela a été
tourné dans les années 1960, au pire moment de la Révolution Culturelle. Les
signes de notre époque sont rares, un car, un téléphone portable et une télé
qui sert à abrutir la population avec ses séries idiotes et ses films violents.
Les
Trois sœurs du Yunnan (三姊妹, France – Hong Kong, 2013) Un
film de Wang Bing.
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