mercredi 12 décembre 2007

The Longest nite


Le cinéma, c'est du temps, disait Jean Renoir. The Longest nite illustre parfaitement cette affirmation. Unité de temps (une nuit entière), unité d'action (l'affrontement entre un flic et un tueur à gages), unité de lieu (Macao), The Longest nite ne s'encombre pas de fioriture pour décrire la guerre que se mènent deux triades adverses pour la prise de pouvoir. Une voix off donne quelques explications sur les enjeux du film : Monsieur K. et Monsieur Lung cherchent à s'éliminer mutuellement pour devenir le boss. Mais c'est Monsieur Hung qui a tout manigancé en les montant l'un contre l'autre pour se débarrasser d'eux.

Au milieu de cette bataille de clans, arrivent Tony Leung et Lau Ching-wan. Leung est un flic corrompu par Monsieur Hung, vieux maître en costume traditionnel qui entend rester le seul à la tête des triades. Flic ultra nerveux qui passe son temps à éponger sa sueur, flic violent qui n'hésite pas à dissimuler des preuves et à torturer des témoins ou des suspects lors des interrogatoires. Il frappe sans distinction homme et femme. Patrick Yau filme ces scènes sans concession pour le spectateur. Leung, pour avoir un renseignement, frappe violement le poignet d'un homme avec une bouteille de ketchup. Maggie Siu se ramasse quelques coups de poing dans la tête pour qu'elle accepte de faire de fausses confessions et accuse Lau Ching-wan.

Venons-en à ce dernier. Lau Ching-wan était à l'époque, en 1997, au fait de sa gloire enchainant les rôles brillants : Beyond hypothermia de Patrick Leung, Black mask de Daniel Lee, Lifeline de Johnnie To ou encore Full alert de Ringo Lam. C'est lui le pivot de The Longest nite, celui sur qui se cristalise l'action. Lau interprète un personnage buté, une tête brûlée. Il sort de prison. Crâne rasé, tatouage sur la nuque, vêtu d'une chemise ouverte qui laisse apparaître un pendentif, son personnage est aux antipodes de celui de Tony Leung. Calme, froid, circonspect et taciturne, il est certain d'arriver à ses fins (éliminer un des deux chefs de clan pour le compte de l'autre). Quand la police l'interpelle et l'arrête, il trouve le moyen de s'échapper (notamment dans une scène très forte en brisant le pare-brise d'une voiture avec son front) et de continuer sa mission.

Cette opposition de personnages typique des films de la Milkyway fonctionne ici à plein régime. Mais Patrick Yau ne se contente pas de mettre en situation un polar où les situations sont finalement assez classiques. Il ne résiste parfois pas à certains tics, tel un rendu des rues à la NYPD (rapides mouvements de caméra, zoom) ou en mettant des extraits de la bande son de Midnight express par Giorgio Moroder. Mais la nuit est filmée de manière splendide soulignant les contrastes qui rendent hommage à Orson Welles : magnifiques travellings en contre plongée, une scène où la poussière flotte, un final inspiré de celui de la Dame de Shanghai. The Longest nite est certes un film en couleurs, mais certaines séquences paraissent tournées en noir et blanc dans la plus grande tradition des films noirs américains des années 1940.

The Longest nite est un film indispensable aux amateurs de polars hongkongais. En bonus se trouve un livret sur le film. Pour dire la vérité, on aurait préféré un film en complément de programme, l'étrange Too many ways to be N°1 réalisé à la même époque par Wa Ka-fai avec également Lau Ching-wan, et se déroulant aussi à Macao.

The Longest nite (暗花, Hong Kong, 1997) Un film de Patrick Yau produit par Johnnie To et Wai Ka-fai avec Tony Leung, Lau Ching-wan, Maggie Shiu, Lo Hoi-pang, Lung Fong, Ching Siu-lung, Mark Cheng, Fong Kong, Wong Tin-lam, Yuen Bun, Lee Suk Kei, Lam Suet, Santos, Wu Kwok-chiu, Ha Chak-shun, Eric Huen Chi-kit, Chiu Chi-shing, Wong Kin-hung, Simon So Kwok-ho, Chau Tak-wah, Mou Kin-tak, Ngai Shun-choi, Lam Har, Law Cheng-ting.

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