jeudi 31 juillet 2008

Sorties à Hong Kong (juillet 2008)

La Momie 3 la tombe de l’empereur dragon (盜墓迷城 3)
Un film de Rob Cohen avec Jet Li, Michelle Yeoh, Luke Ford, Brendan Fraser, Isabella Leong, Anthony Wong. Classé Catégorie IIB. Sortie : 31 juillet 2008.





lundi 28 juillet 2008

Balles de feu


Boules de feu alias Balls of fury est l’un des avatars récents qui exploitent l’imagerie du cinéma d’arts martiaux avec au centre de l’enjeu le ping-pong. C’est une comédie, ce qui change des films sérieux que l’on a pu voir et qui vont arriver bientôt. Le titre fait référence au cinéma de Bruce Lee et le scénario à Opération Dragon puisqu’un combat de ping-pong est organisé entre divers concurrents.

Randy Daytona (Dan Fogler) a participé aux Jeux Olympiques de Séoul en 1988. Sportif adolescent, il s’est fait humilié par un joueur est-allemand en finale de ping-pong. Il ne jouera plus professionnel mais on le retrouve aujourd’hui à Reno à faire de l’exhibition. L’homme a pris quelques kilos et il s’est bien ringardisé. Il sort toujours les mêmes vannes et aime encore Def Leppard. Un agent du FBI va engager Randy pour mettre la main sur le sinistre Feng (Christopher Walken). Entre temps, il faudra donner à Randy quelques cours de rattrapage en ping-pong et c’est James Hong et Maggie Q qui vont s’en charger. Puis viendra l’affrontement entre les différents joueurs de ping-pong avec la mort pour le perdant.

Balls of fury est ce que l’on appelle une comédie loufoque qui assume parfaitement sa bêtise et louche largement vers les réussites de la comédie américaine actuelle, surtout celle du clan Judd Apatow et de la bande à Ben Stiller. On y fait avec le plus grand sérieux les pires conneries.

Les leçons entre Maggie Q et Randy sont par exemple ridicules puisqu’elle l’initie avec une cuiller en bois. Bien sûr Maggie Q porte son joli petit short et ils tombent amoureux. Plus tard quand il rencontrera ses concurrents, tous auront une spécificité liée à leur nationalité. Le Japonais par exemple portera ses slips que mettent les sumotori et tiendra sa raquette comme un sabre de samouraï. Ou encore Dragon que doit affronter Randy pour entrer dans l’école de James Hong. Dragon n’a pas vraiment l’allure d’un dragon, bien au contraire. Tout cela contribue à pasticher le genre mais sans l’encombrer de clins d’œil qui nuisent parfois aux comédies. Ici, pas de cri de Bruce Lee ni de parodie des récents succès. On invente des personnages et un scénario, même s’il est souvent de mauvais goût.

Vient ensuite la star du film, Christopher Walken. Il arrive dans son palais en grand apparat ou plus exactement vêtu comme Elton John, comme le dit un personnage. Walken en fait des tonnes, pour notre plus grand plaisir et les scénaristes jouent à fond la carte de l’humour gay. Le premier soir, la garde du corps de Walken, la sculpturale Aisha Tyler qui fait penser à Grace Jones propose des « esclaves du sexe » à Randy. Au bout d’un moment, il est forcé d’accepter. Rentre alors dans sa chambre une dizaine de gars au grand étonnement de notre héros. Tout est à l’avenant.

Balls of fury est sorti en catimini par Metropolitan en juillet. C’est ce qu’on appelle une sortie technique avant la sortie DVD. Il n’est pas certain que le film puisse trouver un quelconque public. Moi, ça m’a bien fait marrer.

Balls of fury (Etats-Unis, 2007) Un film de Robert Ben Garant avec Dan Fogler, Christopher Walken, Maggie Q, James Hong, George Lopez, Robert Patrick, Aisha Tyler, Thomas Lennon, Cary-Hiroyuki Tagawa, Jason Scott Lee.

dimanche 27 juillet 2008

Génériques 3

Puisque je viens de parler de quelques films produits par la CCC (Cinema City & films Company), je me devais de mettre dans cette rubrique générique le logo de cette compagnie. Les 3 C se mettent en place en couleurs puis apparaît le nom de la compagnie en anglais et en chinois. La société a été créée par Karl Maka, Dean Shek et Raymond Wong en 1980 et s’est vite tournée vers la comédie. Grâce à la CCC, Tsui Hark et Ringo Lam ont pu faire leurs premiers films. Eric Tsang a aussi fait partie de la compagnie qui a eu une dizaine d’années d’activités. Plus tard, Eric Tsang fondera sa propre société la UFO (United Filmaker Organisation) qui lancera, entre autres, Pang Ho-cheung. Gloire à lui !


samedi 26 juillet 2008

All the wrong clues + All the wrong spies

Deux fleurons de la comédie policière en costumes made in CCC. Le premier réalisé par Tsui Hark (un de ses trois films encore inédits en France) et le deuxième par Teddy Robin. Ce dernier en est aussi l’acteur principal. L’homme est totalement inconnu chez nous mais a fait les beaux jours du cinéma dans les années 1970 et 1980. Il a été le leader d’un des groupes les plus populaires de Hong Kong. Teddy Robin est un acteur au physique particulier. Il est de petite taille, légèrement bossu et a une voix nasillarde reconnaissable entre mille. Il fait partie de cette race d’acteurs au physique ingrat et qui fonctionne en duo, ici avec George Lam.

La CCC cherchait à concurrencer la Golden Harvest sur son propre terrain, celui de la comédie non-sensique. Chacune des deux compagnies avait son propre vivier d’acteurs, là la bande à Jackie Chan et Sammo Hung, ici celle de Karl Maka et Eric Tsang, et au milieu les frères Hui. Quand Michael Hui décide de jouer en solo (pour la Golden), Samuel file à la CCC pour faire les Aces go places (Mad mission) avec le succès que l’on sait. George Lam porte des lunettes et une moustache comme Michael Hui, Eric Tsang se prend pour Sammo Hung et Samuel Hui nous fait du Jackie Chan. Mais chaque fois, la Golden Harvest gagne sur la CCC grâce à la construction habile des scénarios.

All the wrong clues (tous les mauvais indices) se passe dans les années 1930, mais Tsui Hark en admirateur de cette période n’inscrit pourtant pas le film dans l’Histoire, contrairement à Shanghai Blues par exemple. L’inspecteur Robin lutte contre la mafia personnifiée par Karl Maka qui joue un parrain ricanant et grimaçant. Son crâne chauve est utilisé comme une métaphore du mal. Dans son repaire, les murs sont couverts de photos de sa tête prise de dos. C’est le mal sans visage, invisible, un masque qui illustre les triades qui agissent cachées. Comme souvent Karl Maka ridiculise son personnage jusqu’à l’excès.

Les autres acteurs ne sont pas en reste. La scène avec Eric Tsang est typique de l’hystérisation de la mise en scène de Tsui Hark. Dans le bureau du détective Yoyo (George Lam), Tsang propose un personnage de fou furieux qui hurle et se met à casser tout le décor. All the wrong clues sera ainsi souvent sur la corde raide entre la violence absurde et la comédie burlesque.

Le personnage de George Lam sera celui du clown lunaire qui est pris dans une histoire qui ne le concerne pas. En l’occurrence, il tombe dans les griffes des femmes et notamment dans celles de l’épouse du parrain mafieux. Ce qui est plus intéressant que l’histoire est de constater que Tsui Hark semble expérimenter ici certains plans tordus. Il filme de manière oblique, il décadre, il monte ses plans très cut. Bref il fait du Tsui Hark mais sur un scénario dont il semble éperdument se moquer. On remarque certains gags et certaines images qui seront reprises dans Zu les guerriers de la montagne magique. All the wrong clues est un brouillon, un essai.

All the wrong spies est de facture bien différente. Teddy Robin prend le relais de Tsui Hark et filme de manière très classe, très élaborée, très esthétique. Robin soigne les décors et les costumes quand Tsui Hark se contentait de filmer sur des murs nus ses acteurs avec des chapeaux mous. C’est une vraie surprise que de découvrir All the wrong spies. L’image est très soignée mais le scénario reste tout aussi farfelu.

Cette fois, nous sommes en 1938 et Yoyo (toujours George Lam) doit trouver les plans d’une bombe atomique confectionnés par des nazis. Il aura affaire avec le chef de la police (Paul Chun) qui lui met des bâtons dans les roues. Il va trouver appui sur l’inspecteur Robin qui manie toujours aussi bien les armes. Puis arrive la beauté fatale incarnée par Brigitte Lin qui va semer le trouble dans le cœur des deux hommes. Et surtout créer quelques quiproquos sentimentaux dont le cinéma de Hong Kong a la recette. Brigitte Lin avait déjà derrière une trentaine de films depuis dix ans, mais son talent explose avec ce film et aussi avec Zu les guerriers de la montagne magique sorti un mois plus tôt à Hong Kong. Seulement voilà, à l’époque personne n’est allé voir Zu et All the wrong spies a été un très gros succès public.

La référence première de Teddy Robin est Casablanca de Michael Curtiz qu’il pille et parodie allégrement. Il y a pire comme référence. On y retrouve la scène des hymnes nationaux (ici les Japonais remplacent les Allemands), celle du piano « play it again Sam » où le pianiste met un vieux disque 78 tours qui est rayé et bien entendu le final à l’aéroport.
Tsui Hark apparaît dans un second rôle marquant, celui de l’ambassadeur du Japon. Il en fait des tonnes comme tous les autres acteurs. Le film est très drôle, bien plus que All the wrong clues. Ces films marquent sans aucun doute l’apothéose de la CCC, mais la compagnie aura ensuite du mal à se renouveler et atteindre les sommets que la Golden Harvest tournera en 1983 : Le Marin des Mers de Chine et les Lucky stars.

All the wrong clues (…for the right solution) (鬼马智多星, Hong Kong, 1981) Un film de Tsui Hark avec Teddy Robin, George Lam, Karl Maka, Kelly Yui, Eric Tsang.
All the wrong spies (我爱夜来香,Hong Kong, 1983) Un film de Teddy Robin avec George Lam, Teddy Robin, Paul Chun, Brigitte Lin, Tsui Hark.

mardi 22 juillet 2008

Aces go places !


La série des Mad mission, c’est tout une époque, aujourd’hui largement oubliée mais qui consistait à réunir quelques acteurs typiques et à les faire jouer pendant 90 minutes autour d’une idée, avec éventuellement un scénario. Dans Aces go places !, c’est Eric Tsang qui s’y colle pour la Cinema City & films Company.
L’époque demande également Samuel Hui qui s’est échappé de la tutelle encombrante de son frère Michael et qui l’avait, jusque là, cantonné dans les rôles de joli garçon. Il s’agit pour lui de montrer qu’il peut faire tenir sur ses épaules un projet tout entier. Et à lui tout seul. Enfin seul ou presque puisque les acteurs maison de la CCC seront là pour lui prêter main forte et parfois lui voler la vedette. Après tout, le cinéma de Hong Kong est impitoyable.
Aces go places ! commence sur les chapeaux de roue avec une séquence où Sam Hui traverse l’écran de part en part, vole d’immeuble en immeuble, construit sur le toit d’un building de la ville un avion portable qu’il sort de son sac à dos. Il chasse le bandit et en l’occurrence des trafiquants de diamants, d’odieux receleurs qui par hasard se trouvent être des occidentaux. Le film se poursuit à Rome (pourquoi pas) où un parrain d’opérette imite très bien Don Corleone. Décidément, depuis Bruce Lee les Italiens n’aiment pas les Hongkongais. Sam Hui sera donc le héros virevoltant de la série. Un héros sexy à qui la production demandera de se mettre torse nu sans raison scénaristique. Il est chez lui et hop, il tombe la chemise. Il porte toujours des vêtements noirs ce qui dénote un esprit un peu pirate et rebelle.
Entrent alors en scène deux personnages. Une femme et un homme. Elle, c’est Sylvia Chang qui est inspectrice et qui enquête sur ce vol de diamants. Elle ignore que Sam Hui alias King Kong est un espion de premier ordre. L’inspectrice est un garçon manqué qui ne perd jamais une occasion de montrer sa supériorité et de sortir son révolver de son étui. Ou d’utiliser ses charmes pour faire sortir les coupables de leur tanière. Dans sa première scène, on la voit avec un flingue caché sous sa jupe. L’inspectrice n’est pas féminine, mais tout le film va faire en sorte qu’elle le devienne et qu’elle tombe amoureuse des garçons.
L’autre homme est le personnage de Karl Maka, l’acteur chauve le plus célèbre de Hong Kong et qui donc va tenter de voler la vedette à Sam Hui. Ce qui n’est pas très difficile. Karl Maka qui a ici comme nom de personnage Albert Au, qui se trouve être le nom d’un acteur relativement connu à cette époque. Mais j’ignore pourquoi il a choisi ce pseudonyme. Cela devait avoir une raison à l’époque. Bref, Karl Maka avec sa barbe et son crâne lisse est un habitué des rôles de fourbes, de méchants vicieux et cruels. C’est sans doute pour cette raison que Sylvia Chang le prend pour un malfrat et cherche à l’interroger à la dur. Elle est la seule à ignorer qu’il est un ponte de la police ce qui donne droit à un quiproquo amusant.
Aces go places ! ne vaut que ce que vaut son scénario, c'est-à-dire qu’il va un peu au hasard des situations. La mise en scène d’Eric Tsang met en vedette son trio d’acteurs sans oublier les seconds rôles, comme celui de Tsui Hark complètement hystérique. Les scènes d’action, faute de réels moyens, démontrent un important art de la suggestion, comme lorsque Sam Hui doit faire le funambule entre deux immeubles. Sam Hui chante dans le film une chanson qui compare son personnage à James Bond, mais Aces go places ! fait beaucoup plus penser à un épisode de Chapeau melon et bottes de cuir de la période 1977 avec Purdey et Gambit.
Aces go places ! (最佳拍档,Hong Kong, 1982) Un film d’Eric Tsang avec Samuel Hui, Karl Maka, Sylvia Chang, Dean Shek, Tsui Hark.

dimanche 20 juillet 2008

Himalayah Singh


Himalyah Singh est une comédie du nouvel an lunaire. Sorti en janvier 2005 à Hong Kong, le film a rempli son objectif : divertir. Et uniquement divertir. Wai Ka-fai, depuis qu'il ne travaille plus avec Johnnie To, ne fait plus que des comédies du nouvel an lunaire.

Tout commence sur les pentes neigeuses de l'Himalayah (d'où le titre) où le jeune yogi Singh (d'où le titre) doit aller se confronter à la civilisation et trouver une femme. Ses parents aux cheveux hirsutes l'encouragent fortement dans cette entreprise. Singh se met en boule et dévale les pentes pour atterrir dans un petite ville indienne où se prépare un concours de yoga. Et voilà Singh qui se retrouve au milieu d'une aventure complètement sans queue ni tête. On n'y comprend rien, quand bien même on est habitué aux comédies cantonaises.

Singh, c'est Ronald Cheng, un nouveau venu dans le monde impitoyable de la comédie depuis que Stephen Chow met un espace de trois ans entre ses films. Le jeu de Cheng est constitué essentiellement de grimaces, d'une voix de canard et d'un grand sourire de benêt. Il traverse le film ainsi, ce qui donne des idées aux autres acteurs : ils vont en faire encore plus.

Lau Ching-wan est un monsieur qui vient de perdre toute sa fortune. Il est venu dans cette ville indienne pour passer quelques vacances. Il est accompagné de ses deux neveux (les Shine qui jouent encore moins bien que les Boy'z, mais il faut bien les engager car les plus jeunes spectatrices en sont folles... la chanson du film, c'est eux qui la chantent). L'oncle est très peureux et Lau Ching-wan grimace beaucoup, beaucoup. Beaucoup trop. On est bien loin de ses compositions dans les premiers Wai Ka-fai (Running out of time ou Too many ways to be N°1). Coiffé d'un chapeau melon ridicule ou d'un casque colonial, vêtu d'un costume étriqué, Lau se dépense pour faire rire.

Francis Ng n'est pas en reste. Il rencontre les neveux en question et tous les trois, ces ânes, boivent une potion magique qui leur fait perdre la mémoire. Du coup, Ng croit que les Shine sont ses enfants. Et à un autre moment, ils croient être des yakuzas. Francis Ng en faisait déjà des tonnes dans Fantasia, la précédente comédie du nouvel an lunaire de Wai Ka-fai. Ici, il cligne de l'œil à chaque fois qu'il est contrarié. Qu'est-ce qu'on rigole !

Il est assez ardu de raconter l'histoire de Himalyah Singh. Est-ce que cela en vaudrait même la peine ? Il y est question de mariage. Une jeune femme aimerait bien se marier. Bizarrement, elle dit à Singh qu'en Inde, les femmes aiment les mauvais garçons. Le pauvre Singh qui est la gentillesse incarnée deviendra méchant et ira jusqu'à jouer dans un casino (wah !). On voit un paon traverser le ciel. Le paon parle. Il a la voix de Cecilia Cheung (elle vient de rempiler, en 2006, avec Wai Ka-fai et Lau Ching-wan dans leur nouvelle comédie du nouvel an lunaire, The Shopaholics). Et effectivement, c'est Cecilia Cheung avec sa belle voix éraillée. Elle est très bien habillée. Elle est dix minutes à tout casser dans le film. Elle ne grimace pas. Du coup, elle resplendit. Message à Stephen Chow : rengage Cecilia, s'il te plait, elle le mérite !

On s'embrasse beaucoup dans Himalyah Singh. Lau Ching-wan embrasse des Indiens barbus qui l'hypnotisent. Il veut rêver sa vie et vivre ses rêves. L'Inde, l'autre pays de la philosophie. Ronald Cheng prend de la coke et de la morve lui sort du nez. A un moment, il bouffe son pied. Car, c'est vrai, chacun prend son pied comme il peut. Wai Ka-fai aime les effets spéciaux. Un cobra à deux têtes parle. Il manigance des plans foireux censés relancer l'action et entraîner le pauvre Ronald Cheng et les autres acteurs vers de nouvelles idées burlesques. Mais les effets spéciaux n'aiment pas tellement Wai Ka-fai. Ils sont encore plus moches que ceux de Sixty million dollar man, un Stephen Chow tourné il y a dix ans.

La fin de Himalyah Singh est apocalyptique. Littéralement. On n'y croit pas. Tous les acteurs sont en peau de bête et sont redevenus cro-magnons. L'aube de l'humanité coïnciderait donc avec le crépuscule de la comédie mal fichue. On est triste de ne pas beaucoup rire. On est très content que toute l'équipe du film ait pu se payer un petit voyage en Inde. C'était sans aucun doute le but ultime de Himalyah Singh : passer des vacances entre potes loin des buildings de Hong Kong. Merci de ne pas les déranger.

Himalayah Singh (喜馬拉亞星, Hong Kong, 2005) Un film de Wai Ka-fai avec Lau Ching-wan, Ronald Cheng, Cecilia Cheung, Francis Ng, Wong You-nam, Cherrie In.

samedi 19 juillet 2008

Le Chateau de l'araignée


Akira Kurosawa, admirateur de littérature européenne, a élaboré Le Château de l'araignée d'après le Macbeth de Shakespeare. Grandeur et décadence d'un seigneur de guerre dans le Japon du XVème siècle. Après Dostoïevski pour L'Idiot et avant Maksim Gorki pour Les Bas-fonds, Akira Kurosawa a choisi en 1957 d'adapter Shakespeare pour la trame de son nouveau film. Le Château de l'araignée a été présenté en 1957 à la 18ème Mostra de Venise devant une presse française incapable de comprendre le film. La critique française avait souvent qualifié Kurosawa de typiquement japonais, avait jugé ses interprètes trop grimaçants. Résultat aucun film de Kurosawa n'était sorti en France après Les Sept samouraïs, tandis qu'il réalisait un film par an. Et pas des moindres. D'ailleurs Le Château de l'araignée n'est sorti en France qu'en 1966. Il fût éreinté par ses habituels détracteurs, les Cahiers du Cinéma, qui à l'époque préférait défendre Mizoguchi. Jusqu'à ce qu'ils comprennent enfin la mise en scène du cinéaste. Cela pour dire que cette réédition en DVD des films de Kurosawa, aujourd'hui évidente, décrit à quel point le cinéma japonais a pu être par le passé totalement incompris en France, alors qu'il était déjà un modèle pour bon nombre de cinéastes américains.

L'idée de Kurosawa pour Le Château de l'araignée est de prendre l'histoire du Macbeth de Shakespeare stricto sensu mais d'utiliser le théâtre Nô pour la raconter : décors, maquillages, musique, danse. Ce mélange fonctionne sans que l'on soit ni un spécialiste du Nô, ni un exégète de Shakespeare. Parce que Kurosawa utilise pour raconter le destin du général Washizu des moyens de pure mise en scène qui établissent des rapports entre les personnages, qui structurent leurs places dans la société et affirment leurs parcours scénaristiques.

Le Château de l'araignée a une structure en flash-back. Une chanson commence le film où il est entendu que " jadis un château noble et majestueux s'érigeait ici ". La brume couvre le paysage (le film a été tourné au pied du Mont Fuji, région la plus brumeuse du Japon) et seules les fondations dudit château subsistent. Cependant, au fur et à mesure que la chanson décrit in extenso le scénario du film, la caméra s'approche d'un tombeau, celui de Washizu. Ainsi, mine de rien Kurosawa, vient de nous expliquer en deux minutes que son personnage principal va affronter un destin tragique et funeste et que son épouse sera la cause de sa perte. Reste alors à Kurosawa de nous décrire le cheminement de ce destin, de montrer les rouages de la perte de Washizu.

Washizu et Miki, un autre général, sont en guerre pour rétablir l'ordre dans ce Japon moyenâgeux. Guerre entre clans comme on peut en voir dans des dizaines de films japonais. Des messagers font des rapports sur les forts tombés ou sur ceux qui résistent. Washizu et Miki sont rappelés au château du seigneur pour des raisons de stratégie. Ils se perdent, sous la pluie (une des constantes de Kurosawa), dans une forêt et rencontrent un esprit malin, une vieille femme, une onibaba qui tourne son rouet et qui leur prédit leur destin. Washizu deviendra seigneur à la place du seigneur, mais son règne sera de courte durée. Miki commandera le fort N°1 et n'atteindra pas la gloire mais son fils deviendra l'héritier de Washizu. La sorcière disparaît et là où elle se trouvait, les deux hommes découvrent un charnier.

Arrivés au château du seigneur, comme l'avait prédit la sorcière, ils se voient attribuer les postes qui leur permettront d'accomplir leur destin. Mais Asaji l'épouse de Washizu va tenter, avec force manigance, de contrer la prophétie. Elle réclame le pouvoir pour elle et son général de mari, avec comme première étape de lui donner un héritier. Dès lors, la folie va s'emparer de ce couple tiraillé entre son ambition et la prophétie de l'esprit malin.

Akira Kurosawa tire des décors nus et aux angles très stricts des scènes très fortes pour décrire l'évolution de ce couple. Asaji complote contre le seigneur et son mari l'écoute avant de suivre ses conseils. Assise au milieu de la pièce, elle est constamment impavide face aux gesticulations de Washizu qui ne cesse de se lever, de tourner autour d'elle, d'éructer, de froncer les sourcils. Asaji devient le moteur du récit du Château de l'araignée, celle qui lance la narration, la refait démarrer après chaque coup du sort qui, petit à petit, annonce la chute irrémédiable de Washizu. Le couple défendra sa cause et rien d'autre. Ils trahiront, fomenteront des complots, qui seront voués à l'échec, comme le disait la chanson du début du film. La fatalité les rattrape.

Le final Le Château de l'araignée plonge le spectateur dans la folie pure de Washizu avec cette forêt qui avance. Kurosawa a réussi à nous faire entrer dans le cerveau d'un dément qui interprète chaque objet dans son champ de vision de manière fallacieuse. La forêt marche, se déplace, va l'engloutir, on le voit bien. Cela est aussi le fruit de notre imagination. Kurosawa arrive à ce que l'on éprouve de la compassion pour un personnage aussi sauvage, aussi violent, aussi antipathique. Notre égarement vient des oppositions auxquelles Kurosawa s'adonne : la géométrie des châteaux face au labyrinthe de la forêt, les paysages de brouillard face au pièces boisées des châteaux, la solitude de Washizu face aux centaines de soldats qui le transpercent de flèches. L'animalité face à l'humanité.

Une description de l'ambivalence de l'homme, en quelque sorte. Ambivalence à laquelle Toshiro Mifune apporte toute sa folie, sa rage, sa grandeur. Il faut le voir engoncé dans sa carapace de général qui le fait ressembler, lui comme les autres soldats, à des insectes, des cloportes plus précisément. Mifune est génial, comme souvent chez Kurosawa. Une autre raison d'apprécier ce film.

Le Château de l’araignée (蜘蛛巣城, Japon, 1957) Un film d’Akira Kurosawa avec Toshiro Mifune, Minoru Chiaki, Isuzu Yamada, Takashi Shimura, Isao Kimura.

vendredi 18 juillet 2008

Aaron

L'information du jour est l'annonce du concert de ce cher Aaron Kwok dans un casino de Macao. Il nous la joue Céline Dion. L'affiche de l'évènement est tout simplement choupinet. Merci Aaron d'exister.

Daniel Wu est fatigué, moi aussi

J'ai été très absent de mon blog ces temps-ci. Je me suis essentiellement consacré au Festival du court métrage de Grenoble pour lequel j’ai bossé comme un malade et forcément, je n’ai rien vu depuis deux semaines. Je vais essayer de m’y mettre ce week-end avec les deux Swordsman et à nouveau les Yoshida, et aussi les Oshima, pour traverser le mois d’août tranquillement. En attendant, voici l’ami Daniel Wu, parce qu’il le vaut bien.

vendredi 11 juillet 2008

Génériques 2

J’ai toujours adoré le logo de Media Asia, afin l’ancien avec cette musique tonitruante, une formation des lettres de la société de production (et aussi de distribution) avec du rouge qui vire sur le rose. Une période, pratiquement tous les films que je regardais venait de Media Asia, qui distribuait mes films préférés. Depuis, le logo s’est considérablement assagi et une musique douce enveloppe des tons pastel. Dans le générique des films produits par Wong Jing, une société judicieusement appelée Wong Jing’s Workshop Limited, on voit le gros Wong en train de se créer devant grâce à une infographie très limitée. Magnifique mais l’homme aux cent films méritait cela. Vraiment, les génériques des films de Hong Kong sont super mégalo et c’est trop bon.





jeudi 10 juillet 2008

Sorties à Hong Kong (juillet 2008)

Red cliff (赤壁)

Un film de John Woo avec Tony Leung Chiu-wai, Takeshi Kaneshiro, Wei Zhao, Chang Chen, Shido Nakamura, Lin Chiling, Zhang Fengyi, Yong You, Tong Dawei, Hu Jun, Wang Qingxiang, Tong Jiang. 140 minutes. Classé Categorie IIB. Sortie le 10 juillet 2008.





mercredi 9 juillet 2008

Kung-fu panda


Comme dans le Royaume interdit, Hollywood essaie d’adapter pour son public la mythologie du wu xia pian en conservant les ingrédients d’origine mais avec la recette locale. En l’occurrence pour Kung-fu panda, le cinéma d’animation. Ce sont les vedettes locales qui font les voix des personnages, avec néanmoins Jackie Chan dans le rôle du singe. Enfin en VO, parce qu’en VF, c’est des acteurs bien moins connus et il n’y aura que des VF, ou quasi.

Donc, Po le panda rêve de kung-fu (belle séquence inaugurale proche de l’animé inspiré du manga) mais ses rêves sont bien loin de la réalité. Po travaille avec son père, un oiseau qui tient un restaurant. Tout film de kung-fu traditionnel commence dans un restaurant. Ici, aussi. Sauf que d’habitude, le héros, ou futur héros se fait humilier ou provoquer et cherche à sa venger. Il va donc se trouver un sifu pour l’initier aux arts martiaux.

Dans Kung-fu panda, c’est différent. On annonce l’évasion de Tia Lung, le méchant tigre. Son ancien maître, Shifu, s’en est fait un ennemi. Il faut donc chercher le Maître Dragon qui permettra de l’affronter. Par un étonnant concours de circonstance, c’est Po qui sera choisi. Commence alors l’apprentissage de ce gros paresseux de Po le gentil panda.

Parmi les élèves de Shifu, on trouve cinq animaux : une tigresse, une mante, un serpent, une grue et un singe, qui représentent les cinq manières légendaires des arts martiaux. En tout cas, tel que les films de la Shaw Brothers les ont mis en scène. C’est assez drôle car les animaux passent le temps à se chamailler.

Po apprend le kung-fu grâce à la nourriture. Le scénario montre avec habileté la transmission du savoir. Le maître de Po éprouve d’abord une grande lassitude face au panda, mais ce dernier se montre bien plus habile que prévu. Une sorte de Sammo Hung faite animal.

Les réalisateurs exploitent toutes les possibilités de l’image pour tourner autour des personnages. Cela prend tout son sens dans les combats entre Tia Lung et Po. La « caméra » virevolte autour des animaux, c’est grisant et plutôt bien fait. Il y a des longs moments de creux entre les morceaux de bravoure ce qui nuit à la fluidité de la narration. Un film souvent agréable.

Kung-fu panda (Etats-Unis, 2008) Un film de John Stevenson et Mark Osborne.

mardi 8 juillet 2008

Swordsman


Le vieux King Hu tentait en 1990 de revenir dans le film d’art martial. Tsui Hark, admirateur de son œuvre, a voulu produire ce film, Swordsman, avec Sam Hui dans le rôle principal et quelques autres acteurs du cinéma kung-fu (Wu Ma, Lam Ching-ying – le chasseur Tao de fantômes dans Mr. Vampire) et des nouvelles actrices sexy de la Film Workshop. Bien entendu, il n’y a rien du cinéma de King Hu dans Swordsman. En tout cas, rien de reconnaissable par rapport aux rares film du cinéaste qui sont arriver jusqu’à nous : Come drink with me, A touch of zen et Raining in the mountain.

Je pensais que personne ne pouvait faire hystérique et démentiel dans la mise en scène d’un wu xia pian que Ching Siu-tung dans les Histoires de fantômes chinois. Je me suis trompé. Ici, c’est pire ou encore mieux. Selon les goûts. Enfin, les rares moments de calme sont d’autant plus appréciés, parce que dans ce film on frise constamment le défi à toutes les lois connues sur la pesanteur.

Il y a de beaux combats dans Swordsman, mais ils sont tous illisibles. On y sent la manière de Ching Siu-tung quand il fait tourner ses personnages, quand il les film s’envolant devant un ciel blanc qui touche au surnatuel. Une scène sur un bateau n’empêche pas les réalisateurs de tout faire exploser, de faire virvolter les acteurs (ou leurs corps) dans tous les sens, horizontal et vertical se confondent. On tombe à l’eau, un bras vient récupérer cette personne. Tomber n’a pas d’importance. Mais, la caméra suit tout cela. Il y a un nombre très important de plans, dont une grande partie ne doit pas dépasser la seconde. Swordsman est un film qui épuise son spectateur.

Il y a pourtant une histoire dans ce film. Et une vision politique. L’histoire est celle d’un parchemin, le Canon du tournesol, qui est volé dans le coffre fort de la Cité Interdite. L’eunuque impérial (dont la voix est transformée) ne veut pas perdre la face et va donc tout mettre en oeuvre pour récupérer ce parchemin. Il va surtout y avoir un bain de sang qui se ne pas cesser. D’un côté les méchants, cruels et tyranniques, l’eunuque (Lau Sun) et son bras droit Jacky Cheung qui infiltrer ses ennemis et qui veut trahir son maître, tous deux aidés par Chor (Yuen Wah, que j’ai choisi de mettre en photo). Les méchants ricanent, ont des regards fuyants, ont des armes secrètes et sont fourbes et impitoyables.

De l’autre côté, les gentils. A commencer par Sam Hui qui essaie de paraître encore jeune, ce qui n’est pas une mince affaire. Il a en gros quinze ans de trop que son personnage. Avec lui, il a Cecilia Yip, le gamin, personnage archétypal du garçon-fille : une femme qui se fait passer pour un homme. Et les gens qui viennent en aide au duo, la secte des Miaos (des pacifistes) et Wu Ma qui entonnent une chanson avec Lam Ching-ying.

On rit, on se bat, on meurt parfois. Il y a quelques très beaux plans inspirés du chambara, mais tout cela est quand même assez indigeste.

Swordsman (笑傲江湖, Hong Kong, 1990) Un film de King Hu supervisé et tourné par Tsui Hark, Ching Siu-tung, Raymond Lee, Andrew Kam et Ann Hui avec Sam Hui, Cecilia Yip, Jacky Cheung, Cheung Man, Fennie Yuen, Lau Siu-ming, Wu Ma, Lam Ching-ying, Yuen Wah, Lau Shun.

lundi 7 juillet 2008

Génériques 1

J’ai toujours aimé dans les génériques des films de Hong Kong, les petits jingles des sociétés de production. On y voit les logos des compagnies se fabriquer sous nos yeux avec une petite musique enjouée, toujours, quoi qu’il arrive composée avec un ordi-mini Bontempi. Il y a parfois des petits chefs d’œuvre dignes des logos américains, comme le jingle de la Golden Harvest qui reste le must pour moi. Il y a encore une émotion de voir ces quatre rectangles arriver sur l’écran et former au son des percussions un carré déformé. Un bonheur inégalé. Voici donc quelques images de ces logos : la Golden Princess, la Film Workshop (en 1990), la Mandarin, la Film Workshop (en 1996).





vendredi 4 juillet 2008

Golden chicken 2


Une suite à un succès. Ça ne marche pas toujours et dans le cas de Golden chicken 2, le résultat est assez médiocre comparé à l’original. Ce qui est bien dommage. Sandra Ng est toujours là dans son rôle de Kum, la prostituée naïve et généreuse, mais la recette ne prend pas.

Le scénario nous transporte en 2046, soit à la veille de la fin de la période transitoire de Hong Kong. Le territoire doit, à cette date, devenir totalement chinois. Kum est vieille, elle a 80 ans et sa vie derrière elle. Elle a les cheveux blancs, d’ailleurs tout est blanc dans ce futur hongkongais. Elle rencontre un jeune homme (Chapman To) et va à nouveau raconter sa vie. Le jeune homme veut oublier son passé en avalant des petites pilules blanches. Il ne faut pas oublier son passé, lui dit en substance notre pute au grand cœur. Malgré les malheurs, malgré les déceptions.

On se retrouve donc en 2003 quand la grippe aviaire, le SRAS, menaçait Hong Kong. Kum travaille désormais aussi dans un restaurant qu’elle dirige. Elle y rencontre Leon Lai qui s’avèrera être le patient zéro. Dans son boulot de prostituée, elle rencontrera Anthony Wong pour une courte séquence. Puis, Ronald Cheng qui va s’incruster chez elle. Mais comme Ronald Cheng n’est pas drôle, on s’ennuie ferme.

Jacky Cheung entre alors en scène. Il est son cousin du continent. Un homme qui veut faire des affaires et qui va escroquer la pauvre Kum. Elle va lui en faire voir de toutes les couleurs avec ses histoires douteuses. Mais le film répond à une question qui se posait dans Golden chicken : qui était le père de l’enfant de Kum. Car, on apprenait que l’homme avec duquel elle était censé avoir enfanté était stérile. Maigre réponse en comparaison du vide scénaristique.

Car là est tout le problème de Golden chicken 2. Sandra Ng en fait toujours des tonnes, et c’est tant mieux, mais elle est en roue libre. Le pire c’est qu’ils nous refourguent les mêmes blagues. Sandra nous refait son kung-fu de Jackie Chan. Elle méritait mieux que cette suite sans âme, sans relief et sans intérêt. Seules blagues amusantes : en 2046, Andy Lau aura été élu Chief Executive pour la huitième fois consécutive et Wong Kar-wai aura enfin terminé son film 2046. C’est peu.

Golden chicken 2 (金鸡 2, Hong Kong, 2003) Un film de Samson Chiu avec Sandra Ng, Jacky Cheung, Chapman To, Tiffany Lee, Wong Yap-wa, Angelica Lee, Anthony Wong, Ronald Cheng, Leon Lai, Andy Lau.

jeudi 3 juillet 2008

Golden chicken


Golden chicken, c’est d’abord une affiche reconnaissable entre toutes et qui déclare la vulgarité du film de Samson Chiu. On y voit une poupée gonflable aux cheveux orange sur un fond doré. La poupée a une bouche très largement ouverte, les yeux écarquillés. On reconnaît le visage si particulier de Sandra Ng, qui sera cette poupée, cette prostituée en or que le film nous annonce.

Ce film marque l’heure de gloire de l’actrice. Elle n’était jamais allé aussi loin dans l’art de la dérision et exprime toute l’envergure comique que peut donner Sandra Ng. Golden Chicken a été produit par son mari Peter Chan Ho-sun. Pour mettre en valeur au maximum sa femme et actrice, tout le gratin artistique de l’industrie technique a été réuni pour faire de Golden chicken un joyau du cinéma cantonais : Peter Kam à la musique, Dora Ng aux costumes, Cheung Ka-fai au montage. L’idée première du film est de déployer le génie de Sandra Ng dans une saga sur les 25 dernières années avec comme point de vue celui d’une prostituée.

Le récit est formé de saynètes qu’a vécu Kum et qu’elle raconte à un homme qu’elle ne connaît (Eric Tsang, un de ses vieux amis). Ils sont tous les deux coincés dans le local exigu d’une banque. Un orage a coupé l’électricité et les empêche de sortir. L’homme, qui voulait lui voler son argent, est déprimé. Elle va lui raconter sa vie qui selon elle est drôle. Eric Tsang a un peu de mal à croire que Sandra puisse être une pute. Son visage ingrat, loin des canons de beauté, ne peut pas facilement lui donner des clients.

Ainsi commence le récit de la vie de Kum qui commençait à quinze ans à se faire peloter par les hommes. Mais dans le noir, car son acné et ses grosses lunettes ne la mettaient pas en valeur. Très vite, elle se fait engager dans un club aux dorures kitschissimes. Là, elle ne pet que jouer les attractions face aux autres filles toutes de beauté classique. Qu’à cela ne tienne, elle fera rire les clients en imitant Jackie Chan et son kung-fu. Cela fera sa réputation. La vie continue, elle rencontre un homme qui la met enceinte. Elle décidera d’abandonner son bébé et les aléas de la vie ne seront pas toujours favorables à notre héroïne. Loin s’en faut.

Golden chicken raconte l’histoire de Hong Kong à travers ses événements les plus marquants : le crack boursier, l’angoisse devant le répression de Tien An Men (depuis Samson Chiu a retourné sa veste avec Mister Cinema), la peur de la rétrocession et son cortège de départs vers l’Australie, le SRAS et d’autres choses encore. On voit aussi parfois sur la télé les stars de l’époque : Jackie Chan, Chow Yun-fat, Maggie Cheung, Tony Leung Chiu-wai.

Mais c’est Sandra Ng qui fait le spectacle. Tout le film est porté par une énergie démesurée qui est plus que communicative. La première heure est du pur ressort comique où elle utilise a mieux son rire rauque et son sourire enfantin. Elle change de fringues à chaque scène, et chaque vêtement est plus kitsch que le précédent. On atteint un loufoque de situations parmi les plus intéressants car ni elle, ni Samson Chiu et Peter Can Ho-sun n’ont peur du ridicule. Et c’est cela qui fait la force de Golden chicken, c’est cette liberté d’aller tout plus fort que qu’on attend. Quand l’an dernier, Chiu a fait son Mister Cinema sur une idée analogue (le cinéma de Anthony Wong remplaçant la prostitution de Sandra Ng), il n’ira pas aussi loin. De plus, Sandra Ng est entourée d’excellents acteurs : Chapman To dans le rôle du proxénète au mauvais goût vestimentaire certain, Andy Lau dans le rôle d’Andy Lau, Tony Leung Ka-fai en professeur libidineux et Hu Jun dans un personnage énigmatique qui fera basculer dans le film dans un univers moins amusant.

Car si Kum la prostituée peut donner des conseils de sexualité aux spectateurs, elle s’avère elle-même totalement incapable d’atteindre un épanouissement sexuel ou même amoureux. Elle tombe ainsi amoureuse de ce personnage aux multiples cicatrices, qui n’a pas de nom, pas d’identité et la fait sombrer dans une étrange mélancolie non dénuée de joie. Mine de rien, le film bascule dans un sentiment d’immense tristesse. Un très beau film encore inédit en France. Le film se termine par une reprise déjantée de Mon beau sapin, en cantonais, par Sandra Ng, Eric Tsang et Chapman To. Un délice.

Golden chicken (金鸡, Hong Kong, 2002) Un film de Samson Chiu avec Sandra Ng, Eric Tsang, Hu Jun, Tony Leung Ka-fai, Chapman To, Alfred Cheung. Krystal Tin, Tiffany Lee, Irene Tsui, Wong Yap-wa, Eason Chan, Andy Lau.

mardi 1 juillet 2008

Run papa run


Un enterrement. Celui de Lee Tin-yun (Louis Koo) où tout le monde est là. Sa femme Mabel (René Liu), sa fille Hai-yi (Liu Yihan) et un grand nombre d’hommes en costumes sombres. Ce sont des membres des triades. Il y a aussi quatre « anciens » (Chan Wai-man, Kent Cheng, Susan Shaw, Wong Chung-kau) qui observent la cérémonie à l’église. Une voix off nous parle de Lee, mais cette voix, on la reconnaît, c’est celle de Louis Koo. Le procédé relève de Sunset Boulevard de Billy Wilder, le narrateur est le mort. Run papa run est l’histoire de Lee Tin-yun.

Le film de Sylvia Chang produit par Jackie Chan commence son récit par l’enfance de Lee. Une enfance misérable sans père. Sa mère (Nora Miao), toute en dignité et colère rentrée, l’élève seul et il va mal tourner. Elle soigne les membres de triades qui sont blessés. Elle reste fidèle mais on se doute que l’absence de son mari n’est pas sans rapport avec la mafia hongkongaise. Puis Lee devient adolescent. Louis Koo a une superbe coupe au bol, tout comme ses deux meilleurs amis Big Eyes (Max Mok) et Big Mouth (Lam Suet). Leurs coupes ressemblent à celles des acteurs cantonais, et Jackie Chan en tête, des années 1970.

Lee est blessé. Il est rentré dans les triades. Il va se faire soigner chez sa mère. Sur son torse, lorsqu’il enlève son T-shirt, on aperçoit de nombreux tatouages. Lee va en prison. Une jeune avocate Mabel Chan va le défendre. Elle est débutante et malhabile mais ils vont tomber amoureux l’un de l’autre. Enfin pour être plus précis, Mabel tombe amoureuse et Lee en profite pour faire l’amour. Mais, elle tombe enceinte ce qui provoque le rejet de son père, un homme très respectable incarné par le vétéran Ti Lung. C’est lui cependant qui trouvera le prénom de la fillette Hai-yi. Dès lors, c’est autour de la personne de cet enfant que Run papa run va se tourner. Les parents vont essayer de la préserver de leur réalité.

Le film va raconter aussi la grandeur et la chute d’un homme, dont le destin est tout tracé. Lee monte des affaires légales mais un ennemi se dresse, Big Head (Conroy Chan) qui essaye de lui prendre sa place. Il met sa fille dans une école catholique mais Lee se fait arrêter un jour et la gamine se retrouve toute seule. Ses amis l’entraînent dans une aventure extraconjugale avec une manucure, mais sa femme le quitte. Petit à petit, tout va aller mal pour Lee Tin-yun. Le film dure deux heures et le scénario est foisonnant. Parfois un peut trop comme quand Hai-yi, devenue adulte, tombe amoureuse du fils du chef de la police. Mais c’est une habitude à prendre dans le cinéma cantonais.

Run papa run est filmé de manière élégante. L’image est très léchée et les deux acteurs sont joliment mis en valeur. Louis Koo retrouve René Liu un an après le romantique Happy birthday. Louis Koo n’est pas le plus grand acteur de Hong Kong, certes. Mais Chang lui propose deux modes de jeu. Dans la première moitié du film, Koo est clairement animal et sexuel, la plupart du temps torse nu, en train de faire l’amour ou de se battre. Dans la deuxième moitié, il endosse le costume et devient calme et se met en scène comme un gentil papa. Le final tombe, en revanche, dans une mièvrerie assez peu satisfaisante et qui gâche un peu le film. Run papa run reste un film de grande qualité où Louis Koo est pour une fois bien employé.

Run papa run (一个好爸爸, Hong Kong, 2008) Un film de Sylvia Chang avec Louis Koo, René Liu, Liu Yihan, Lam Suet, Max Mok, Nora Miao, Conroy Chan, Ti Lung, Amy To, Chan Wai-man, Kent Cheng, Wong Chung-kau, Derek Tsang, Siu Yam-yam, Fruit Chan, Ken Lo.