jeudi 31 mai 2007

Sorties à Hong Kong (mai 2007)

Single blog (單身部落)
Un film de Lee Biu-cheung avec Rain Li, Jo Kuk, Derek Tsang, Anya, Chan Fai-hung, Raymond Wong Ho-yin, Maria Chan, Terence Tsui, Lam Chiu-wing, Carl Ng, Andrew Lin. 88 minutes. Classé Catégorie IIB. Sortie : 31 mai 2007.




mercredi 30 mai 2007

Throw down


Throw down est l'histoire de Sze-to (Louis Koo), Mona (Cherrie In) et Tony (Aaron Kwok). Le premier enjeu du film est de les faire se rencontrer. Sze-to travaille dans un bar où il est guitariste dans un groupe. Ancien champion de judo, il a sombré peu à peu dans l'alcoolisme. Il tient à peine sur ses jambes quand il monte sur scène. Vite, il s'écroulera ivre mort. Entre temps, Tony rentre dans le bar. Lui aussi est un judoka. Il vient défier Sze-to, mais s'aperçoit qu'il a à faire à une loque. Pendant ce temps, Mona se fait virer de son appartement par sa propriétaire parce qu'elle ne paie pas le loyer depuis six mois. Elle retrouve à la rue en pleine nuit.
Le lendemain matin, tout ce petit monde se retrouve au bar. Ils ne connaissent pas encore. Sze-to dort à même le sol, il ne s'est pas remis de sa cuite. Mona arrive dans l'espoir de se faire engager comme chanteuse. Sze-to est incapable d'écouter quoi que se soit, mais elle se met à chanter toute seule. Tony arrive alors en jouant du saxophone. Il avait pris soin la veille de casser la figure du saxophoniste du groupe de Sze-to. Nos trois héros se retrouvent donc au bout d'un quart d'heure ensemble, Johnnie To les réunit calmement, comme une évidence, leurs mésaventures peuvent commencer.
Mésaventures certes, car Sze-to, Mona et Tony sont des anti-héros comme on en voit parfois au cinéma, mais rarement dans le cinéma de Hong Kong. Ils semblent a priori liés par la seule fonction d'un scénario, mais au fur et à mesure que Throw down avance, on comprend que leur rencontre était logique. Johnnie To, en choisissant trois acteurs sexy du cinéma hongkongais, parie gros en prenant le risque du contre-emploi. Pari d'autant plus gros qu'à aucun moment Throw down n'esquisse la moindre romance entre les deux garçons et la fille. Ce qui les unira sera donc leurs ambitions personnelles qui seront sans cesse contrecarrées par les coups du sort et leur malchance.
Nos trois antihéros agissent dans la vie comme s'ils étaient en train de jouer. Seulement voilà, les règles du jeu sont rarement en leur faveur. Chaque acte est un quitte ou double. Sze-to adore les jeux d'argent. Pour assouvir son vice, il est obligé de voler de l'argent à un chef de triade pas commode, qui n'est pas d'accord avec ça. Mona est persuadée qu'elle va réussir à faire carrière dans la chanson. Elle se pointe à un casting, mais on lui répond sèchement qu'elle est bien trop vieille pour ça. Tony cherche à tout prix à se battre contre un autre judoka, mais personne ne le prend au sérieux. Chaque échec est l'occasion de tenter le tout pour le tout, avec un échec et une humiliation plus grande à chaque fois. Chacun est dans son propre monde, à l'image du personnage de Jing, un autiste, persuadé qu'il est le personnage de Sugata Sanshiro.
Ce qui est étonnant dans Throw down est que l'on y pratique, comme Sugata Sanshiro, le judo. Johnnie To dédie d'ailleurs son film à Akira Kurosawa. Pourquoi donc un film de judo au pays du kung-fu ? Peut-être tout simplement pour montrer à quel point Sze-to et Tony sont en décalage par rapport à leur environnement. Aussi, pourquoi pas, pour déterminer une direction d'acteurs plus posée, plus calme pour Louis Koo et Aaron Kwok, dont certains disent souvent qu'il n'est qu'un gentil mannequin. Dans Throw down, son détachement fait merveille. Louis Koo, quant à lui ne surjoue pas l'alcoolique, mais se prend quelques gamelles sur un mode burlesque qui réjouissent. Sa voix est monocorde, il mange ses mots. Etonnant.
Johnnie To ne se contente pas de filmer platement son scénario comme dans Yesterday once more, où il était d'abord au service des stars Andy Lau et Sammy Cheng. Dans Throw down, il joue beaucoup avec les couleurs. Le film est clairement divisé en trois parties de trente minutes, chacune a sa teinte particulière. La première est bleue (néons, lumière, rideaux du bar, chemise de Tony). Puis il passe au rouge (mouchoir de Sze-to, son sang, lumière, décor du bar). Le film se termine en blanc (le judogi de Tony et Sze-to, les chambres d'hôpital, la chemise de Sze-to). Chaque couleur apporte son symbolisme : dépression, violence, pureté. Johnnie To réussit à ne pas plomber son récit avec cette symbolique.
Throw down est un film étrange. Ni un vrai film d'action (pourtant tout le monde veut faire du judo), ni une vraie comédie (ou alors une comédie noire où l'y rie jaune), ni un vrai mélodrame (ce qui arrive aux personnages est certes dur mais toujours vite oublié), ni une romance (il n'y a de tension érotique qu'entre Aaron Kwok et Louis Koo), Johnnie To fait un film de Johnnie To. Un genre à lui tout seul.
Throw down (柔道龍虎榜, Hong Kong, 2004) Un film de Johnie To avec Louis Koo, Aaron Kwok, Cherie In, Tony Leung Ka-fai, Jordan Chan, Jack Kao, Cheung Siu-fai

AV


Comment faire l’amour sans trop se fatiguer ? En tournant un porno, répondent en chœur, les quatre jeune hongkongais dans AV, la comédie sentimentale et sexuelle de Pang Ho-cheung.

Quand quatre potes se rencontrent entre eux dans un café, que peuvent-ils bien se raconter ? Des histoires de cul, bien sûr ! Le mieux est d'être graveleux, d'épater les autres, de révéler l'aventure d'une nuit avec une fille dans les moindres détails. C'est ce que fait Derek au tout début de AV. Il n'hésite surtout pas à mimer. Les autres, à côté de lui, bouches bées, n'en croient pas leurs oreilles. Qui sait si Derek a vraiment vécu ça ? Est-ce que l'idée même de raconter une aventure sexuelle n'est pas déjà la vivre ? C'est cela que veut exprimer le cinéaste. Car immédiatement arrivent des filles dans le café, et là les garçons ne parlent plus de cul, mais du beau temps. On ne mélange pas les sexes autrement qu'en fiction dans le cinéma de Pang Ho-cheung.

Prenons l'exemple de Kar-lok. Il est en dernière année dans une école de cinéma. Son fantasme est de coucher avec une étudiante de l'université catholique de Hong Kong. Pour arriver à ses fins, il l'engage dans son film de fin d'étude et tourne une scène chaude dans un ascenseur. Or, si Kar-lok n'a d'autre intention que de la séduire, la jeune étudiante est persuadée qu'une carrière d'actrice va s'ouvrir devant elle. Cette scène hot, Kar-lok l'a bel et bien filmée. Et les quatre potes vont le saouler pour pouvoir fouiller dans sa chambre et regarder la vidéo (cachée dans le dvd de Stalker de Tarkovski.) Kar-lok a sublimé son fantasme, et pour cela il sera renvoyé de l'école de cinéma. Mais les autres, puisque cette histoire ne les regarde pas, n'arrivent pas à rentrer dans le film. Ça ne les concerne pas. Ils ont l'idée superbe de tourner leur propre film porno, leur AV, tout obsédés qu'ils sont par leur propre sexualité.

Problème : comment trouver de l'argent pour engager l'actrice de porno japonaise qui les fait fantasmer ? Car ces quatre garçons, et surtout Jason, sont fans de Amamiya Manami (qui joue dans AV son propre rôle.) Son cachet est de 200.000 HK$. Il faudra bien trouver cette somme. On les voit donc tenter de réfléchir tout en glandant, car la paresse est leur activité favorite. Là, Pang Ho-cheung insère à son récit des images d'archive d'une manifestation étudiante datant de 1971. Son intention est claire et n'a pas varié depuis son premier film : la liberté est la dernière conquête à acquérir, et cette liberté passe d'abord par l'épanouissement sexuel. Hong Kong est toujours aussi coincé. Et Derek, Jason et ses amis pour aller vers leur quête obsessionnelle ont besoin de 200.000 HK$. Ils vont les emprunter en proposant à un fonctionnaire les projets les plus incongrus. Le fonctionnaire reste pantois devant leurs projets. Il est interprété par Eric Kot qui propose sa plus belle tête d'ahuri lorsque Jason demande de l'argent pour un cylindre permettant de ne pas tricher au jeu du ciseau-pierre-papier.

Qu'on se rassure, ils vont réussir à convaincre Eric Kot de donner de l'argent. Ils vont fonder une fausse société de films pornographiques, la Professional Pictures. Ils vont engager Mademoiselle Amamiya. Ils vont embaucher Kar-lok, l'ancien étudiant, comme réalisateur, qui s'avèrera bien capricieux. L'équipe technique sera composée d'étudiants, également mécènes, qui pourront se rincer l'œil pendant le tournage. Et les acteurs principaux, ce seront tout simplement Derek, Jason, Leung et Fatty, nos quatre traîne-savates. Seulement voilà, entre la théorie et la pratique, il y a un fossé. Et les frustrations de chacun des protagonistes vont resurgir comme par enchantement. Fatty, l'obèse, est angoissé par l'idée d'être puceau. C'est lui qui doit ouvrir le bal. Leung est très timide. Derek et son bonnet constamment vissé sur la tête a des petits problèmes d'érection. Et Jason tombe amoureux de l'actrice. Rien que ça. Ajoutons à cela les velléités auteuristes de Kar-lok, le fan de Tarkovski, réalisateur du film. Et le fait que les gens qui ont donné leur accord pour tourner un film étudiant se rendent compte que c'est un porno qui est en train de se faire. Bref, rien ne fonctionne comme prévu.

Certes, ils auront couché avec la belle actrice japonaise. Mais pas pour de vrai, pour un porno. Une fois l'aventure terminée, ils devront se retrouver. Ils devront vivre à nouveau leur vie d'étudiants. C'est vrai, les obstacles les auront fait mûrir. Mais derrière la comédie sexuelle qu'est AV, se cache une profonde mélancolie qui fait toute la grandeur du cinéma de Pang Ho-cheung.

Jean Dorel
AV (Hong Kong, 2005, 90 minutes) Un film de Pang Ho-cheung avec Derek Tsang, Laurence Chou, Wong You-nam, Amamiya Manami

mardi 29 mai 2007

The Legend of speed


The Legend of speed n'est pas un remake hongkongais de Fast and furious, ce splendide film de bagnoles customisées où l'immense Vin Diesel faisait des courses sous la caméra du génial Rob Cohen. Impossible parce que Fast and furious a été produit deux ans après The Legend of speed. En dehors des courses de voitures, peu de choses sont comparables. Fast and furious était de toute façon un démarquage de Point Break, histoire classique du flic qui s'infiltre chez des petites frappes. The Legend of speed a sans doute son origine dans le manga. Andrew Lau adaptera le manga Initial D en 2005. D'ailleurs dans The Legend of speed, on trouve deux personnages, acolytes de Ekin Cheng, qui s'appellent Ini et Siale D. On verra dans le film, la bande d'Ekin se disputer avec de jeunes japonais bariolés une place pour ce jeu très populaire de danse. Une autre chose, The Legend of speed a pour titre original Full throtle 2. Le 1 était un film de Derek Yee avec Andy Lau, mais il n'en est pas la suite et ce titre ne correspond qu'à un plan marketing élaboré par la Win's Movie Production.

Avouons-le tout de suite, The Legend of speed n'est pas un grand film. Le scénario repose essentiellement sur ses personnages dont la psychologie est largement détaillée. Les courses de motos ou de voitures ne sont pas nombreuses, mais elles sont bien filmées pour qui est amateur de la chose. Andrew Lau, le réalisateur, déclare dans l'entretien en bonus, qu'il est un spécialiste du filmage de courses automobiles. On veut bien le croire. Mais il n'y a que quatre courses. La première et la troisième sont en motos. Le deuxième et la dernière sont en voitures. Ça file à toute vitesse, on est balancé entre les deux adversaires dans des champs contrechamps rapides qui ne permettent pas deviner a priori qui sera victorieux. Ce qui semble le meilleur est que les acteurs eux-mêmes ont conduit leurs engins. Rien de neuf dans ces séquences, mais elles sont assez prenantes. Comme de bien entendu, la musique durant ces scènes sont au mieux du techno rock au pire du rap rock.

The Legend of speed repose entièrement sur ses personnages. Le héros du film s'appelle Sky (Ekin Cheng.) Comment sait-on qu'il est le héros ? Parce qu'il est celui que tout le monde attend pour lancer l'action, en l'occurrence la première course de motos où il aura pour adversaire le blond Sang-jie. Ce dernier est le frère de Fung qui est en prison pour être passé du côté obscur de la bagnole, c'est-à-dire devenir chauffeur pour les triades. Sky arrive dans sa caisse. Lunettes noires (et pourtant c'est la nuit), pantalon et veste en cuir qu'il porte sur son torse nu et musclé. Les filles en sont folles. Et les gars jaloux. Sky a une copine, Kelly. Elle aime s'habiller d'un short très court et d'un haut tout aussi court. Ils sont très amoureux. Ça se voit, ils s'embrassent avec beaucoup de passion. Comme il se doit, Sky battra Sang-jie et comme ce dernier ne peut pas payer le pari de un million de HK$, Sky lui brise la jambe avec une batte de baseball.

Certes Sky est un dur, mais peut-être a-t-il ses raisons. Son père, Dong, a disparu vingt ans plus tôt. Sa mère le considère comme mort. Parlons de la mère de Sky. C'est une femme hyper active. On ne sait pas bien quel est son boulot, mais une chose est sûre, elle a dans son calepin tous les numéros de téléphone utiles. Quand Sky affronte Fung, tout juste sorti de prison en voiture, un malencontreux accident cause la mort de Kelly. Et la mère de Sky n'hésitera pas à appeler le ministre pour qu'il puisse sortir le fiston de prison. Du coup, il senfuira en Thaïlande où il ira à la recherche de son père. Père qu'il retrouve dans un petit village où il est devenu coiffeur. Le père c'est Blacky Ko, un vieux pote de Andrew Lau dans la vie, et ce père redonnera confiance à Sky pour retrouver son honneur.

Kelly meurt au milieu du film. Elle est un personnage purement fonctionnel destiné à montrer le potentiel de sex appeal de Ekin Cheng. Dans la bande de Sky, il y a Ryôko qui lui tourne autour. C'est une jeune fille qui est dans un centre de redressement. Elle est follement amoureuse de Sky, mais lui ne la regarde pas. Il la considère comme une gamine. Mais elle ira jusqu'au bout de ses rêves et finira par faire fondre la glace qui s'est installée à la place du cœur de Sky. Ryôko est interprétée par Cecilia Cheung, actrice dont on ne dira jamais assez de bien. Ce rôle est un de ses premiers, quand elle avait dix neuf ans, année où elle avait le premier rôle dans The King of comedy de Stephen Chow.

Venons-en maintenant à Panda. Il est le grand frère de Ryôko. Il la protège un peu contre cet univers impitoyable qu'est la course de vitesse. Panda est le mécanicien de Sky. Il écoute le vrombissement des moteurs comme si c'était du Mozart. Il a une coupe ras la frange et bégaye. A vrai dire, il est vaguement attardé. Ou tout du moins, ses adversaires le traitent comme tel. Mais en vérité, Panda est un bon gars généreux et raisonnable. Il avait bien dit à Sky de ne pas mettre autant de puissance dans sa voiture. Résultat : accident mortel pour Kelly. Toujours du côté des gentils, se trouvent Ini et Siale D dont on a un peu du mal à déterminer la fonction. Et il y a aussi Tse-yin. Son personnage de bon gros à lunettes correspond à celui du traître qui, une fois Sky enfui en Thaïlande, ira rejoindre le camp des ennemis.
Les ennemis (ou les adversaires) de Sky sont méchants. Ils ont beau prôner le respect entre conducteurs, ils ne s'embarrassent pas de coups fourrés pour gagner les courses. A leur tête, se trouve Fung (Simon Yam) qui sort de prison. Quand ses potes viennent le chercher en bagnole (évidemment des grosses cylindrées), il hume le doux parfum des pots d'échappement. Le bonheur. Fung est un méchant. C'est d'ailleurs le seul à fumer des clopes. Il a un frère, Sang-jie qui a perdu la première course du film. Dans une séquence, la bande de Fung essaie de mettre une rouste à Sky. Sang-jie pour se venger de lui avoir pété la jambe, veut le piquer avec une seringue qui contient du sang contaminé au sida. Mais Sky s'en empare et pique Sang-jie. Son destin lui sera fatal et pathétique.

Et petit à petit, The Legend of speed continue de glisser vers une pente assez navrante où la surenchère de mauvais coups finit par ne plus être qu'un catalogue de scènes prévisibles. C'est un film très mineur d'Andrew Lau qui a, dans les années 2000, tourné des choses bien plus abouties, telle la comédie romantique et musicale Dance of a dream ou le désormais classique Infernal affairs. Initial D, directement adapté du manga homonyme et que le cinéaste se fait dérouler au Japon est bien meilleur.

Jean Dorel
The Legend of speed (烈火戰車2之極速傳說, Hong Kong, 1999) Un film d’Andrew Lau avec Ekin Cheng, Cecilia Cheung, Simon Yam, Blackie Ko

samedi 26 mai 2007

Dragon Tiger Gate


Franchement, c’est quoi ce film ? Me suis-je dit juste après le mot FIN. Comment le type qui a fait SPL a-t-il pu commettre ce bizarroïde Dragon Tiger Gate ? Peut-être qu’en tant que fan absolu de ce SPL, qui remettait à l’heure les pendules du film d’arts martiaux, j’attendais trop du nouveau film de Wilson Yip et de Donnie Yen. Sans doute.

Pourtant, ça commence vraiment de manière magistrale avec une séquence d'action du plus grand cru qui semblait prolonger le combat entre Sammo Hung et Donnie Yen dans le film précédent. Tout est là, sur l'écran : un décor gigantesque, celui d'un restaurent (comme dans tout film d'arts martiaux qui se respecte). Un grand escalier avec en bas les simples clients dont Tiger Wong (Nicholas Tse) et ses amis, et à l'étage le Parrain Kun (Chen Kwan-tai) et ses hommes de basses œuvres, dont Dragon Wong (Donnie Yen). On sent que la bagarre va arriver et, parce qu'on sait que c'est Yen qui règle les chorégraphies des combats, que cette bagarre va être grandiose. De plus, on a accepté dès le début, avec ce générique tiré de la BD originale de Tony Wong, qu'on sera dans un univers purement visuel où l'absence de réalisme n'aura pas d'importance.

Dragon Tiger Gate prend prétexte à sa fiction un mcguffin assez simpliste : Kun se voit remettre par Shibumi, un chef monstrueux, la plaque en or de Lousha. Un des amis de Tiger récupère dans la première baston la plaque, sorte de sceptre qui permet à son possesseur d'asseoir son pouvoir. Tiger et ses potes ont changé de restau, mais Dragon et une bonne ribambelle d'hommes de Kun vont rechercher leur bien. Et re-bataille. Magnifique baston avec des dizaines de combattants contre Tiger, puis contre Dragon et enfin contre Turbo (Shawn Yue) qui mangeait peinard dans la pièce d'à côté et qui se prétend champion de nunchaku. La caméra se promène de partout, et surtout au dessus de l'action. C'est vraiment beau. On se bat, on détruit les décors et chacun rentre chez soi. Les vingt premières minutes sont brillantes, fun et laissent augurer du meilleur. Au fur et à mesure du film, on déchante.

Tiger Wong invite Turbo chez son sifu, Maître Wong (Yuen Wah) qui dirige le Dragon Tiger Gate, une sorte d'école d'art martial où la sévère discipline règne et qui doit rappeler à Yuen Wah celle où il fut entraîné il y a quelque quarante ans avec Jackie Chan, Yuen Biao et Sammo Hung, la rigoureuse école de Yu Jim-yuen, la China Drama Academy. Si dans quelques séquences, le duo entre Maître Wong et Turbo fonctionne sur le mode des rapports entre le maître intransigeant mais juste et de l'élève arrogant mais qui cherche à apprendre (les seules scènes drôles du film), le reste de Dragon Tiger Gate tombe dans une guimauve des plus mièvres. Et là, ça énerve vraiment. Car comme on pouvait le supposer Dragon Wong est le grand frère de Tiger Wong. Des événements familiaux les ont séparés dans leur enfance. Tiger veut ramener Dragon dans le chemin de Bouddha et l'éloigner de la voie du Jiang Hu.
Si à cela on ajoute deux filles (Dong Jie et Li Xiao-ran, deux actrices chinoises – co-production oblige), une pour chaque frère, cela donne une romance où Kenji Kawai, qu'on a connu plus inspiré, a écrit une musique où les violons sont censés émouvoir les spectateurs. On regrette de ne plus trouver ce qui avait fonctionné dans les films précédents de Wilson Yip. Ici, tout est donné au premier degré sans qu'aucune ironie ne puisse être trouvée. Pourtant, les looks de Dragon, Tiger et Turbo auraient pu donner des bonnes idées. Il faut dire qu'ils sont à la limite du ridicule : mèches de cheveux sur les yeux, débardeurs bleu à zébrure pour Dragon, saumon à étoile pour Tiger, vert à scorpion pour Turbo. Citons les coiffeurs du film : Lau Wai-hing, Tsang Yat-ping et Tse Sui-keung sur une création de M. Ray Chang. Si on était méchant, on dirait qu'ils sont aussi grotesques que les trois filles de Heroic trio de Ching Siu-tung et Johnnie To.

Est-ce que en fin de compte Dragon Tiger Gate marque la fin du système Wilson Yip ? Il s'est sans doute laissé embarquer dans cette galère par Donnie Yen (producteur, acteur principal, chorégraphe) qui laisse des miettes à ses collègues dans sa volonté d'enfin pouvoir devenir une star aussi importante que Jackie Chan, Stephen Chow ou Jet Li. Tout à la gloire de Yen, Dragon Tiger Gate réussit pourtant à éblouir par brève intermittence dans de fugaces scènes. On admirera la scène du piège dans lequel tombe Kun, le split-screen devant la pagode Qi, les gouttes d'eau devant le visage de Donnie Yen, un champ d'herbes la nuit, la remise sur pied de Dragon. Et entre quelques flash-backs sur l'enfance des deux frères Wong mielleux (car tout vient de l'enfance c'est bien connu), on attend le combat final (comme il se doit) contre l'horrible Shibumi. Quant au fan de Wilson Yip que je suis, j'attends malgré tout son prochain film. En priant Bouddha qu'il soit totalement réussi. Fat Choi...

Jean Dorel
Dragon Tiger Gate (龍虎門, Hong Kong, 2006) Un film de Wilson Yip avec Donnie Yen, Nicholas Tse, Shawn Yue, Yuen Wah, Dong Jie, Chen Kuan-tai, Yu Kang, Li Xiaoran.

The Master


Tsui Hark n'a pas réussi tous ses films. Le maître traîne quelques casseroles en tant que producteur et comme réalisateur on lui doit le navrant The Master alias Wong Fei-hung 92C'était la période de sa plus grande gloire. Tsui Hark et la Film Workshop dominaient le box-office de Hong Kong et produisaient les meilleurs films, de John Woo à Ching Siu-tung en passant par les propres films de Tsui Hark qui, en 1989, après trois ans d'absence, était retourné à la mise en scène avec Le Syndicat du crime 3. La même année Jet Li, devenu depuis quelques années une des stars des arts martiaux les plus prometteuses, veut amplifier sa carrière. Sa rencontre avec Tsui Hark était logique. Ensemble, ils mettent en œuvre ce qui constitue leur première collaboration : The Master. Jet Li rêve d'un destin à la Bruce Lee ou à la Jackie Chan. Bien que Tsui Hark soit très rétif, les deux hommes partent tourner leur film à Los Angeles.

Dès les premières scènes, on comprend que Tsui Hark va saloper son travail. Le film est contemporain et on le sent : admirons les vêtements ou les coiffures des acteurs. Tout marque l'empreinte de 1989 et, si on le remarque, c'est parce le scénario est inexistant et la réalisation poussive. Quant à la direction d'acteurs, on dirait que Tsui Hark s'est constamment assoupi et a laissé jouer les interprètes américains en roue libre. The Master commence par une dispute entre deux demoiselles qui s'entraînent à la gymnastique. La musique vaguement pompée à un " classique " de Georgio Moroder est composée avec un bon vieux bontempi de derrière les fagots. Elles jouent mal, très mal, on croit qu'on s'est trompé de film. On reste bouche bée devant un tel désastre : on a encore rien vu.

Arrive alors un grand blond méchant qui veut absolument le magasin d'un médecin chinois (interprété par Yuen Wah, un habitué des films de Sammo Hung et Jackie Chan et qu'on découvrit bien plus tard dans Crazy kung fu). Le méchant blond (ah ! sa coiffure) et sa bande détruisent le magasin qui s'appelle tout simplement Po Chi Lam. Une des gymnastes vient au secours du si fu. Ce vieux maître est l'Oncle Tak. Dans le même temps, Jet débarque clandestinement aux Etats-Unis et cherche à retrouver Tak. Jet se fait piquer son sac par trois latinos, qui finalement deviendront les disciples du jeune homme qui n'en demandait pas tant. S'ensuit un défi du méchant blond, Johnny, pour s'accaparer Po Chi Lam. The Master mêle action (arts martiaux traditionnels contre occidentaux), romance (Jet Li est célibataire et tombera amoureux de la fille) et humour (les trois latinos aux basques de Jet Li). Mais tout reste assez primaire.

Quand Tsui Hark est contrarié ou qu'il travaille pour une commande, il est d'une paresse incroyable. On a déjà dit que les acteurs jouaient mal et Jet Li n'est pas non plus un bon comédien. Ici, les scènes d'action ne sauvent pas le récit qui n'est qu'une variation de La Fureur du Dragon de Bruce Lee (celui qui se passe en Italie avec Chuck Norris). On aperçoit même parfois l'ombre de la caméra dans certains plans. Devant cette catastrophe artistique, que Tsui Hark a évidemment voulu, il a été décidé de ne pas sortir The Master. Tsui Hark et Jet Li ont cependant à nouveau travaillé ensemble pour Il était une fois en Chine (sorti en août 1991) puis sa suite (sortie en avril 1992) avec le succès phénoménal que l'on sait. The Master est sorti en mai 1992 en tentant de surfer sur la vague après en avoir changé le titre. Le film a fait un beau bide et demeure un des plus beaux échecs des deux hommes.

Jean Dorel
The Master (黃飛鴻'92之龍行天下, Hong Kong, 1989) Un film de Tsui Hark avec Jet Li, Yuen Wah

vendredi 25 mai 2007

Beyond our Ken


Après deux comédies enthousiasmantes, Pang Ho-cheung change, avec Beyond our Ken, de registre. Il s’intéresse à la vie amoureuse de Ken. Plus précisément aux sentiments de Shirley sa petite amie actuelle qui rencontre un jour l’ex de Ken.

On début, on a très peur. On se demande si ça ne sera pas du sous-Wong Kar-wai période Nos années sauvages. Un jeune homme, une jeune fille, tous deux dans une chambre. La caméra est au plus près des visages, portée à l'épaule, comme une entrée directe en la matière dans l'intimité du couple. Regards langoureux du jeune homme vers la jeune femme. Elle, elle ose à peine le regarder. Il lui retire ses lunettes. Timidement, elle se laisse faire. Il veut lui retirer son gilet. Elle hésite, se lève et va éteindre la lumière. Elle veut qu'il ferme la porte. Il va la fermer. La caméra recule, sort de la pièce. Ils ne se seront pas dit un seul mot.
Cette première séquence est trompeuse. Cette jeune fille n'est pas la petite amie du jeune homme. Si la caméra sort de leur intimité, c'est pour aller vers la vraie copine de Ken. Elle s'appelle Shirley, elle est barmaid. Elle fait un peu la gueule, c'est son anniversaire et elle doit travailler ce soir. Mais, Ken a tout prévu. Etle gâteau qu'elle croit amener pour un client lui est en fait destiné. Ken est là avec tous ses amis. Ils s'embrassent. Enfin, elle sourit. Et plus tard, la caméra s'attardera dans la chambre où ils se retrouvent. Ils se déshabilleront. Cela nous sommes autorisés à le voir.

La jeune fille du début n'est pas un fantasme de Ken. C'est Chan, son ex. Elle enseigne le chinois. Elle décide d'aller rencontrer Shirley. Elle se présente et elle commence à raconter sa vie et notamment comment elle s'est fait larguer, il y a tout juste un mois dans le restaurant où travaille Shirley. On la comprend, Chan est très déprimée. Sur l'air d'une chanson de l'Italienne Gianna Nannini, elle erre en ville, titube, ne sait plus quoi faire. Elle est effondrée. L'autre mauvaise nouvelle, c'est que ses collègues de travail découvrent sur un site internet une photo d'elle nue avec Ken, qui lui a les yeux floutés. Elle est renvoyée. Elle fera tout pour mettre en garde Shirley, pour la prévenir que Ken risque de la prendre en photo nue et qu'ensuite elle se retrouve, comme elle, à la vue de tous.

Les deux filles vont s'unir pour accéder à l'ordinateur de Ken et effacer toutes les photos. Problème : Ken habite avec sa grand-mère et la clef que Chan avait ne fonctionne plus, la serrure a été changée. Il faudra trouver des ruses pour pénétrer dans l'appartement. Autre problème : Ken a tout du bon gars. Il est pompier, athlétique, souriant, serviable, gentil, et beau gosse (c'est quand même Daniel Wu qui interprète Ken.) Comment un garçon a priori si bien sous tous rapports peut-il être un tel mufle ? Qui plus est, Chan annonce à Shirley que Ken a l'hépatite. Avaient-ils utilisé un préservatif ? Shirley court faire un test de dépistage, qui par chance s'avère négatif. Désormais Shirley est convaincue d'aider Chan, sa nouvelle meilleure amie.

Les deux filles vont apprendre à se connaître. Elles discutent beaucoup, se racontent des souvenirs. Comment chacune a connu Ken. Sur les ex petits mais de chacune. Elles font du spa ou dissertent de l'absence de sexe sur la poupée Ken (vous savez le mari de barbie.) Elles sont en totale symbiose. Prêtes à voler la clef de l'appartement. Elles fomentent un plan. Ce qui donne droit à une scène burlesque très drôle entre un policier et Chan, puis dans un supermarché où un jeu de cache-cache s'impose.

Il serait cruel de raconter comment cela se termine. Car Pang Ho-cheung ne fera pas avec Beyond your Ken un film de vengeance à la Park Chan-wook. Loin de là. Il met en scène cette aventure de frustration sexuelle à la Brian De Palma où chaque image, chaque dialogue peut avoir un double sens et cacher des secrets. Qui cache quoi ? Et à qui ? Beyond our Ken s'avère un jeu de piste cruel et passionnant mis en scène avec une belle précision. On a maintenant la preuve que Pang Ho-cheung est doué pour tout. Beyond our ken, en anglais, a beau vouloir dire hors de notre vue, Pang restera un de nos amis.
Jean Dorel


Beyond our Ken (滿城盡帶黃金甲, Hong Kong, 2004, 93 minutes) Un film de Pang Ho-cheung avec Daniel Wu, Gillian Chung

La Fabrique de plaisir


Je ne crois pas que Singapour sot très connu pour sa grande ouverture en matière de sexualité. Encore que les films de Singapour arrivés jusqu’à nous (15 ou Be with me) ne sont pas faciles. Mais ils ont été interdits. Ekachai Uekrongtham metteur en scène thaïlandais d’un joli Beautiful boxer (l’histoire vraie d’un boxeur transexuel) est allé pourtant tourné à Singapour La Fabrique de plaisir (Pleasure factory en anglais).
Le film se passe dans un quartier chaud de Singapour : le quartier des putes. On va suivre pendant 85 minutes quelques jeunes hommes à la recherche d’une perte de virginité. On suit aussi les prostituées. On rencontre un guitariste qui vend ses chansons. La Fabrique de plaisir ne dépasserait pas l’anecdotique si Uekrongtham ne prenait un malin plaisir à filmer ses acteurs et actrices entièrement nus. Ils filment surtout leur gêne et l’on sait que quand il y a de la gêne, il n’y a pas de plaisir. Une courte scène onirique montre les deux garçons en train de faire l’amour, ce qui ne va manquer de provoquer les foudres des censeurs locaux.
La Fabrique de plaisir (Singapour Thaïlande, 2007) Un film de Ekachai Uekrongtham. Présenté à Un certain regard

Ploy




Le concours que se livrent Wong Kar-wai et Pen-ek Ratanaruang pour livrer le film le plus snob est assez affligeant. Les sélections dans les festivals internationaux de leurs films montrent encore une fois que les « décideurs » pensent que le cinéma asiatique est forcément contemplatif. Ploy le nouveau film de Pen-ek, présenté à la Quinzaine est dans ce cas sans doute contemplatif. Si effectivement la minceur du scénario et la longueur des plans désignent ce genre-là (puisque apparemment il s’agit d’un genre à part entière), alors Ploy est de toute évidence un grand film.

Ploy est le prénom d’une jeune femme que Wit rencontre au bar de l’aéroport. Ploy attend sa maman. Wit, restaurateur aux Etats-Unis, lutte contre les effets du décalage horaire. Wit propose à Ploy de venir se reposer dans sa chambre d’hôtel. La femme de Wit le prend mal (on la comprend) et cherche à la jeter dehors. Dans la chambre voisine, le barman de l’hôtel et une femme de chambre font l’amour. La femme de Wit assassine Ploy, elle s’enfuit et manque de se faire violer. A moins que tout cela ne soit qu’un rêve.

Pen-ek essaie de nous troubler avec des scènes de violence qui vont à l’encontre des scènes strictes de discussion. Rien n’est vraiment passionnant, pas même la lenteur des mouvements de caméra qui sont à peu près les mêmes que dans Last life in the universe et Vagues invisibles qui étaient déjà assez peu intéressants. A la fin du générique de fin de Ploy, il est écrit « Made in Thailand », comme une fierté renouvelée alors qu’on avait l’impression de lire « made for festival ». J’espère qu’un jour il retournera à la réalisation d’un film du même tonneau que Monrak transistor qui reste pour moi son meilleur film à ce jour.

Ploy (Thaïlande, 2007) Un film de Pen-ek Ratanaruang. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs

mardi 22 mai 2007

Dai Nipponjin


C’est quoi un film comique ? Et un film comique japonais, c’est quoi ? Je comprends et ris aux comédies cantonaises, mais pour l’instant j’ai encore du mal avec celle du Japon. Dai Nipponjin est le premier film de Hitosi Matumoto, paraît-il humoriste vedette à la télévision japonaise. Comme Takeshi Kitano finalement. Et effectivement je n’ai jamais compris les films comiques (Getting any ?, Takeshis’) de Kitano.

Dai Nipponjin suit un personnage (interprété par le réalisateur) Dai Sato. Filmé comme un documentaire, le caméraman lui pose des questions sur sa vie. Dai Sato est très flegmatique, un grand dadais aux cheveux longs séparé de sa femme et de sa fille. Il est mal aimé de la population : des tags haineux peuplent les murs devant sa maison.

Dai Sato a un métier : il travaille pour l’armée qui, grâce à l’électricité, le transforme en géant qui lutte contre d’autres géants qui sont nuisibles au Japon. C’est rigolo la première demie heure, bien que filmé sans inspiration, sans rythme autre que celui du scénario et des dialogues. Je suis assez étonné qu’Olivier Père, le programmateur de la Quinzaine des Réalisateurs, aie déclaré dans Libération avoir vu le film quatre fois. Il doit s’y connaître plus que moi. J’ai besoin de séances de rattrapage.

Dai Nipponjin (大日本人, Japon, 2007, 114 minutes) Un film de Hitoshi Matsumoto avec Hitoshi Matsumoto, Riki Takeuchi, Ua, Ryūnosuke Kamiki, Haruka Unabara, Tomoji Hasegawa, Itsuji Itao, Hiroyuki Miyasako, Takayuki Haranishi, Daisuke Miyagawa, Takuya Hashimoto, Taichi Yazaki, Shion Machida, Atsuko Nakamura, Daisuke Nagakura, Motohiro Toriki, Keidai Yano, Junshirō Hayama.

Blind mountain


Quatre ans après Blind shaft, sombre film sur la mine, Blind mountain s'attaque aux mariages forcés. Li Yang installe son récit dans le nord de la Chine au début des années 1990. Un pharmacien convainc Bai Xuemei (Lu Huang), un jeune diplômée de l'accompagner pour acheter des herbes médicinales. Elle a toute confiance en ce pharmacien qui porte une belle cravate et qui est muni d'un saillant attachés-case.  Xuemei croyint être en stage, alors qu’elle a été vendue par son « patron » à un rude paysan pour 7000 yuans.

Blind mountain met immédiatement le spectateur dans une position de malaise avec cette famille de paysans (le vieux père, la vieille mère et le fils encore célibataire) qui séquestre a jeune femme qui n’acceptera pas son sort. Elle reste prostrée dans la chambre, refuse de manger avec sa famille. Degui (Yang Youan), le mari la viole dès la première nuit. Pour lui, c'est une nuit de noces comme les autres dont il se vante auprès des enfants qui se rendent à l'école, le lendemain matin quand il fait le jardin. Il se croit dans son bon droit et, jusqu'à la fin du film, il est persuadé que Xuemei est sa femme pour la vie.

Bien évidemment, elle cherchera à s’échapper, échouera chaque fois. Tout le village court pour la rattraper. Le chef du village ne veut pas l'aider, l'accuse de voler sa dot (l'argent payé par la famille au pharmacien) et de ne pas avoir ses papiers. Elle espère de l'aide des mères ou au moins un peu de compréhension mais les femmes du village sont, pour la plupart, elles aussi épouses enlevées qui, désormais mamans, ne peuvent plus partir. Seul l'instituteur sera un peu à son écoute même s'il est le cousin de Degui. La dureté du calvaire de la jeune femme est éprouvant, les scènes de violence sont réalistes.

Blind mountain peut être vue comme une critique virulente de ces coutumes encore en court dans les régions reculées de la Chine. Leur caractère rétrograde, leur manque de culture, leur absence pour le respect des lois sont décrits avec minutie. Le film est une critique des ces paysans et celle de la Chine incapable de progrès. Il est aussi un thriller qui joue dans sa première partie sur l'opposition entre la prison que constitue la maison où Xuemei est enfermée avec le vaste espace du village de montagne. Blind mountain est un film qui fonctionne très bien s’il l’on accepte le fait qu’il s’agit d’un thriller pur et simple.

Blind mountain (盲山, Chine - Hong Kong, 2007) Un film de Li Yang avec Huang Lu, Yang Youan, Zhang Yuling, He Yunie, Jia Yianggao, Zhang Youping.

lundi 21 mai 2007

Souffle


C’est étonnant comme Kim Ki-duk est devenu aujourd’hui un cinéaste qui laisse tout le monde indifférent. Souffle, présenté en compétition à Cannes, a été pourtant longuement applaudi (Kim était dans la salle), mais plus grand monde n’est dupe que ses films n’intéressent plus que les sélectionneurs de Festival.
Moi-même, j’ai été un grand fan de son cinéma notamment de Locataires, d’Adresse inconnue ou dans une moindre mesure de Printemps été automne hiver et printemps. A aucun moment de la vision de Souffle on n’a la moindre émotion, le plus petit étonnement, un seul soupçon de surprise. A tel point, que même Libération pourtant peu enclin à soutenir les films de Kim Ki-duk, s’est laissé aller dans son compte rendu à trouver des points positifs. On attend que Jean-François Rauger nous en fasse l’éloge. Je suis en revanche certain que Positif va nous sortir un entretien avec Kim lors de la sortie du film.
Souffle agit comme un best of du cinéma de Kim, ou comme on dit en français un pot-pourri. Un prisonnier, condamné à mort, tente un suicide. Il s’en sort. Une femme trompée par son mari vient lui rendre visite. Elle lui chante des chansons de saison. Une variation de liaison se crée entre eux. Le prisonnier ne dira pas un mot, il faut préciser que son interprète est l’acteur taïwanais Chang Chen (le cuisinier de Happy together) ne connaît pas un mot de coréen.
Le directeur de la prison accepte ce manège. Kim Ki-duk l’incarne en personne. On reconnaît son image en reflet sur l’ordinateur. Il est en quelque sorte le metteur en scène de cette histoire d’amour. Une volonté de mise en abyme assez peu inspirée pour ne pas dire ridicule qui m’a plongé dans un sommet d’ennui.
Souffle doit sortir en salle à la rentrée 2007 quelques semaines après Time qui date déjà de décembre 2005 et qui a fait le plus gros bide de tous les films coréens chez lui : 1356 entrées.
Souffle (숨, Corée, 2007, 96 minutes) Un film de Kim Ki-duk avec Chang Chen, Zai, Kim Ki-duk, Ha Jung-woo

dimanche 20 mai 2007

La Cité interdite


Cela fait maintenant un certain temps que je n'attends plus rien de bon du cinéma de Zhang Yimou. Je n'ai pas vu son film Riding alone, mais de mon humble avis Hero puis Le Secret des poignards volants étaient des ratages artistiques assez évidents. Un nouveau film de Zhang Yimou, la belle affaire. Encore des costumes et des décors somptueux et luxueux, quel intérêt ?

Je suis donc allé voir La Cité interdite, longtemps titré La Malédiction des fleurs dorées, pour voir Chow Yun-fat. L'acteur hongkongais culte, si cela correspond encore à quelque chose, revient en Chine après quinze ans de navets. En inactivité depuis Le Gardien du manuscrit sacré, Chow semble définitivement de retour chez lui. Il a enchaîné avec un film de Ann Hui (The Postmodern life of my aunt) et tourne actuellement sous la direction de John Woo une adaptation des Trois Royaumes. La Cité interdite marque aussi le retour de Mademoiselle Gong Li sous la caméra de Zhang Yimou, après une carrière hollywoodienne douteuse (Mémoires d'une geisha, Miami vice et Hannibal Lecter, le commencement).

Un roi, une reine et trois princes dans la Chine de 928. La reine (Gong Li) souffre d'anémie. Le médecin royal lui fait boire toutes les deux heures une potion. Le roi (Chow Yun-fat), absent du palais, revient pour la fête des chrysanthèmes jaunes (les fleurs dorées du titre anglais). Le prince héritier Xiang (Le Yiu) a une amourette avec Chan (Man Li) une servante, par ailleurs fille du médecin royal. Issu d'un premier mariage, Xiang avait eu une liaison avec sa belle-mère, la reine. Le roi a deux autres fils avec la reine : Jia (Jay Chou) général à qui son père aimerait céder son trône et Cheng (Qin Junjie), qui se sent délaissé voire méprisé. Au fur et à mesure du film, on apprend quelques secrets : le roi ne doit son trône qu'à son mariage avec la fille de son prédécesseur. Xiang ignore qui est sa mère. Le roi empoisonne son épouse. Un complot pour détrôner le roi est ourdi.

Zhang Yimou filme les destins de ses personnages dans un luxe impressionnant. Les décors et les costumes sont effectivement superbes. Les souverains vivent dans une opulence démente. Il y a des serviteurs partout toujours prêts à obéir au moindre ordre. Quand la reine boit sa potion, il n'y a pas moins de quatre servantes : une pour tendre la potion, une pour l'eau pour rincer la bouche, une pour tendre le bassinet et une dernière pour offrir une serviette pour s'essuyer. Tout est minutieusement réglé, aucune liberté n'est possible. Le palais est luxueux, mais c'est une prison dorée. On a déjà vu ça ailleurs. Mais là où Zhang Yimou réussit, c'est dans sa manière de montrer que derrière leurs belles dorures, les souverains cachent les pires abjections : inceste, trahison, meurtre, félonie, jalousie, envie. Avec une ironie superbe, le cinéaste accentue encore plus son dégoût pour ses personnages avec les sonneurs. Des serviteurs passent dans les couloirs pour donner l'heure et scandent des proverbes qui sont à mille lieues des actes des souverains.

La Cité interdite est un film sur l'hypocrisie des gens du pouvoir. On ne s'y attendait pas après quelques films tout entiers dévoués à la glorification du chef et au devoir du citoyen. Cette partie du film est réussie. Tant qu'il filme les individualités, le film fonctionne. On retrouve son talent pour l'intime qui charmait dans Epouse et concubines. Mais dans la deuxième heure du film, Zhang Yimou retombe dans ses travers habituels de grandiloquence. Il filme comme un manche la scène de bataille censée être le morceau de bravoure. Encore une fois, il croit génial de surcharger ses plans de milliers de soldats, de lances, de flèches avec des effets numériques tape à l'œil. Il filme soit en plan très large, pour bien montrer l'argent dépensé dans les ordinateurs, soit en plans très rapprochés qui rendent illisibles les combats. On n'y croit pas une minute à cette bataille. Ainsi après une théâtralité bienheureuse et totalement assumée sur les arcanes du pouvoir (la scène après la blessure de Xiang rappelle même Ivan le terrible d'Eisenstein), Zhang Yimou gâche tout avec ses effets prétendument spectaculaires. Puis, le cinéaste se reprend et termine La Cité interdite de la manière la plus sombre qui soit.

La Cité interdite (Curse of the golden flower, 滿城盡帶黃金甲, Chine - Hong Kong, 2006) Un film de Zhang Yimou avec Gong Li, Chow Yun-fat, Jay Chou, Liu Ye, Qin Junjie, Li Man, Ni Daong, Chen Jin.

samedi 19 mai 2007

Fly me to Polaris

Cecilia Cheung, juste après le génial King of comedy de Stephen Chow, a enchaîné avec Fly me to Polaris de Jingle Ma. Elle domine cette comédie romantique haut la main…
Six mois après l’immense succès de King of comedy de Stephen Chow, Fly me to Polaris de Jingle Ma sort sur les écrans de Hong Kong. Cecilia est désormais lancée dans une carrière de premier ordre. Elle incarne un idéal féminin qui ne consiste pas, comme Karen Mok sa partenaire dans le film de Stephen Chow, à être une beauté inaccessible, mais au contraire à être la fille toute simple qu’on se surprend à aimer, la voisine de palier qui vous dit bonjour.
Dans Fly me to Polaris, Cecilia Cheung est une infirmière adorable, toujours le sourire aux lèvres, et qui soigne ses patients avec beaucoup de tendresse. Elle est Automne et l'uniforme lui va bien. Dans l'hôpital où elle travaille, elle s'est liée d'affection avec Ognon (Richie Ren) qui est aveugle et muet. Elle est timide, mais elle aime beaucoup parler à Ognon. Il l'écoute amoureusement et n'arrive pas à lui faire comprendre. Problème, Dr Woo (William So) un des médecins de l'hôpital est lui aussi amoureux de Automne. Elle ne rend compte de rien, préfère se consacrer à son travail. Fly me to Polaris développe une habituelle histoire d'amour contrariée, mais tout se corse avec la mort au bout de quelques minutes de Ognon.
Un soir, après avoir passé un moment avec Automne, Ognon emprunte un chemin qu'il n'aurait pas dû et se fait renverser par une voiture. Il se retrouve aux portes du Paradis. Là, le St-Pierre local (Eric Kot) l'accueille et lui annonce qu'il est le 6 milliardième mort. A ce titre, il a droit à un vœu. Ognon souhaite immédiatement revenir sur Terre, mais il n'aura droit qu'à cinq jours et ne devra jamais révéler qui il est. Autre problème, les vivants ne le reconnaîtront pas. Et le voilà de retour sur Terre où il assiste à son propre enterrement. Automne est bien sûr effondrée par le décès de son patient préféré. Il est convaincu que Automne l'aimait en retour. Mais le Dr Woo en profite évidemment pour tenter une approche de séduction. Or Ognon peut maintenant voir et parler, et même s'il ne doit pas révéler son destin, il va tout mettre en œuvre pour se faire aimer de sa belle.
Fly me to Polaris est un film romantique par excellence avec ses défauts et ses qualités. On a tous envie que Cecilia Cheung soit heureuse et que Richie Ren réussisse à se faire reconnaître. Le film flirte parfois avec le burlesque lorsque Ognon se fait passer pour l'avocat du défunt ou qu'une autre infirmière croit qu'elle se fait draguer par le mort-vivant. Mais le film pèche aussi avec un romantisme mièvre qui évoque Ghost avec Patrick Swayze et Demi Moore. Il joue aussi beaucoup sur les actions ou objet fétiches : Ognon aime saler la limonade que lui sert le barman (Eric Tsang) qui est le premier à comprendre qu'il est un revenant. Ognon se dévoile grâce en jouant du saxophone, musique qui enchante les nuits de Automne. Ainsi Fly me to Polaris fonctionne par alternance selon l'humeur du spectateur. Cecilia Cheung illumine le film, elle a d'ailleurs reçu le Hong Kong Film Award du meilleur jeune espoir pour ce rôle.
Jean Dorel
Fly me to Polaris (星願, Hong Kong, 1999) Un film de Jingle Ma avec Cecilia Cheung, Richie Ren, Eric Kot, Eric Tsang.